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Un pari fou.

Episode 1. Un pari fou.

Mon trajet quotidien à bicyclette, de quelques 30 kilomètres, est ponctué d’arrêts aux feux rouges. J’en profite pour reprendre mon souffle, surtout dans la montée de la rue des Pyrénées, mais aussi pour lever le nez de mon guidon et observer la ville. Les gens, leur chien, les frontons des immeubles, les arbres, et bien sûr les affiches des kiosques et des panneaux publicitaires.

Ce matin-là, c’est la une du magazine, « Entreprendre », sur le kiosque situé place Gambetta qui attire mon attention.  » DOMINIQUE ROMANO – IL INVESTIT SUR DES PROJETS FOUS . Vente-privée, start-up , Seine St-Denis, La Pérouse…

Entreprendre Dominique Romano Il investit sur des projets fous
Entreprendre Dominique Romano Il investit sur des projets fous

Le feu passe au vert et je repars, tout ébouriffé encore par ce titre. Les héros sont désormais des capitalistes entrepreneurs. De mon temps c’était Tintin. Autre époque, autres références.

Le même jour, en fin d’après-midi, une personne avec des lunettes noires entre discrètement dans la boutique. Il reste 10 minutes à scruter minutieusement les vitrines, et pose une question. Au son de sa voix je le reconnais : Edmond Magne, un ancien confrère qui était établi à Drancy au milieu des années 80. Edmond est un passionné. C’est le genre d’amateur qui a du mal à contenir sa passion et qui, parfois, s’est laissé entrainer par ses pulsions d’achat. Certains ont ainsi gardé de lui des souvenirs mitigés.

Edmond indique avoir accumulé 70 000 modèles. Il a fondé une association: AAMAATOL .  J’admire chez Edmond la volonté qu’il a, et ce depuis que je le connais, d’ouvrir un musée. C’est son objectif, depuis près de 40 ans. A chacune de nos rencontres, je lui demande des nouvelles de son projet, le sujet revient comme un serpent de mer.

Cet aprés-midi, je renouvelle ma question. Et là, Edmond retire ses lunettes noires, me regarde dans les yeux et me répond : « Cela va se faire ! »

« J’ai acquis un terrain de 600 m2 » me dit-il. Et il continue à m’exposer son projet .Monter un complexe, dans la région de Troyes : un musée et une petite salle de spectacle…A ce niveau du récit, je me dois de préciser qu’Edmond a changé de métier et qu’il il est désormais dans le show business. Il programme des chanteurs et des groupes de musiciens.

Comme je m’inquiète de la restauration il me répond du tac au tac : « C’est prévu !  Et ce sera de la gastronomie française !  »

Aux détails et arguments qui étayent la réponse, je comprends qu’Edmond est assurément un fin gourmet voire un peu cordon bleu. Quel projet !

Certes c’est ambitieux mais je suis médusé et admiratif d’un tel enthousiasme. Le soir en vélo, je revois l’affiche et je ne peux n’empêcher de faire le lien entre le titre du magazine et l’ambitieux projet d’Edmond. J »imagine sa rencontre avec M. Romano.

Je me dois cependant ici de mettre en garde Edmond. C’est un projet que j’ai envisagé un moment, il est assez utopique. Le collectionneur prend facilement sa collection pour un musée. Or la collection est une démarche personnelle, sa constitution répond aux goûts et aux choix de ce dernier. Une collection personnelle n’est pas faite pour recevoir la visite du public. Quant au musée, il se doit d’éveiller la curiosité du spectateur, il a un rôle pédagogique.

Une récente visite au musée du Louvre, au département des arts de l’Islam m’a inspiré ces quelques idées. A l’entrée du département le musée a installé quelques vitrines avec des oeuvres phares qui permettent au grand public de mieux appréhender la visite. Ces quelques pièces maitresses sont replacées dans le temps et dans l’espace avec une carte. C’est simple et efficace.

Comme moi, Edmond est amateur de jouets français. Il aura d’ailleurs cette phrase : « Mon truc, c’est la France ! » il voulait bien sûr parler des fabrications françaises.

Cher Edmond, voilà ce que tu pourrais faire à l’entrée de ton musée : un classement chronologique des 10 modèles réduits d’automobiles de fabrication française qui ont marqué l’histoire par leur  innovation technique, le matériau utilisé ou la fonction ludique . Je te fournis ma liste :

  1.   SR Unic taxi (plomb)

2.   CR double phaeton (tôle)

3.  CD Delahaye (plomb)

CD Delahaye limousine
CD Delahaye limousine

4.  jouet Citroën, Citroën C4 (plastiline/tôle)

"Les jouets Citroën" Citroën C4 berline
« Les jouets Citroën » Citroën C4 berline

5.  Solido coffret d’autos Major démontables (zamac)

Coffret Solido Major pour le marché anglais
Coffret Solido Major pour le marché anglais

6.   Norev Simca Aronde (plastique/tôle)

Norev Simca Aronde premier modèle première boîte "lapin"
Norev Simca Aronde premier modèle première boîte « lapin »

7.   Solido Lancia Flaminia (zamac)

Solido Lancia Flaminia (rare couleur)
Solido Lancia Flaminia (rare couleur)

8.   RD Marmande. Panhard Levassor 13,6 L course 1902 (bois)

RD Marmande Panhard Levassor 13,6L course 1902
RD Marmande Panhard Levassor 13,6L course 1902

9.   Champion Lola T70 (plastique/zamac)

Safir Champion maquette bois Lola T70
Safir Champion maquette bois Lola T70

10.    AMR Porsche RSR turbo Martini Le Mans 1974(white metal).

Lors des  quatre prochains épisodes, je donnerai  et développerai les explications sur mes choix. Que ceux qui s’alarment de ne pas voir leur marque favorite dans cette liste attendent donc un peu pour m’écrire.

Et les Dinky Toys?

Elles ne ne viennent qu’après …en 1970-1980. Ces années marquent l’arrivée du phénomène de la collection de miniatures.

Dinky Toys n’a jamais innové. Si ses modèles ont marqué une époque, une génération, ce n’est pas pour leur innovation technique ni pour les choix audacieux des matériaux entrant dans leur fabrication. C’est la qualité de fabrication et le réseau de distribution (magasins de jouets renommés) qui ont contribué à la légende.

D’ailleurs l’idée de départ de Meccano, celle de créer des éléments d’animation pour les trains Hornby, à l’échelle « O » , donc au 1/43, est sérieusement écornée quand on analyse un peu la gamme des berlines Dinky Toys. Les premières en plomb, matériau déjà obsolète en 1934 sont réduites à une échelle proche du 1/50.

Les deux premières miniatures que l’enfant peut identifier sans se tromper, la Simca 5 et la Peugeot 402 sont également reproduites à des échelles nettement inférieures au 1/43. Il suffit de les comparer avec les modèles JRD en plastiline   ou Rivarossi   en bakélite !

Il faudra attendre la 24 N , la Citroën Traction avant pour avoir une vraie Dinky Toys France au 1/43 !

Dès les années soixante-dix, le modèle aura quelque chose de mythique et passera aux yeux de nombreux collectionneurs pour une pièce rare, malgré le nombre d’exemplaires produits, comme le souligne Jean-Michel Roulet dans son ouvrage.

 

Au pied de la montagne.

Au pied de la montagne.

En 1966, les amateurs de sport automobile n’ont d’yeux que pour le duel qui oppose Ferrari et Ford pour la victoire au Mans.

Après deux tentatives, Ford parviendra-t-il à décrocher la couronne ?

Depuis plusieurs années, la référence en matière de course d’endurance, c’est Ferrari. Lors de la précédente édition des 24 heures, elle a décroché un neuvième succès. Un record.

Pourtant, en 1966, qui pouvait deviner que ce serait sa dernière victoire au classement général ?

Qui pouvait prévoir que la marque qui allait dominer l’endurance les 20 prochaines années, et supplanter Ferrari au nombre de victoires au classement général et au nombre de couronnes mondiales serait Porsche ? Personne ou presque.

Comme le raconte fort bien François Hurel dans son indispensable livre « Sport & prototypes Porsche au Mans 1966-1971 » aux éditions du Palmier, Stuttgart amorce en 1965 une nouvelle organisation. C’est la montée dans l’organigramme d’un certain Ferdinand Piëch, neveu de Ferry Porsche, ingénieur de son état, qui devient le responsable de la compétition.

C’est aussi à ce moment qu’apparaissent les noms des ingénieurs Hans Mezger (moteur), Helmuth Bott (châssis) et Peter Falk (développement). Des noms que l’on va recroiser les vingt années suivantes, et qu’on associe aux sucès de la marque.

Comme l’explique François Hurel, « Ferdinand Piëch ne nourrissait aucun complexe et était dévoré par l’ambition. C’était un gagneur ! ».

Voilà comment Porsche, qui se cantonnait à des victoires de classe, décida de passer à la vitesse supérieure en cette année 66. Avant, seuls les tracés comme la Targa Florio ou Sebring, favorables à des autos légères, maniables et robustes pouvaient convenir pour la victoire au général.

Un des premiers signes de ce changement est symbolique. Le passage à la couleur blanche à la place de la couleur argent adoptée en 1932, sous le régime nazi par Mercedes puis Auto Union. Après la seconde guerre mondiale, les autos de course allemandes, dont les Porsche d’usine, avaient  gardé cette identification. Pourtant, l’Automobile Club de France avait attribué une couleur à chaque pays dès la création des premières compétitions automobiles afin que le public identifie les concurrents. Le sentiment nationaliste était déjà fort présent à cette époque. La couleur blanche fut attribuée aux concurrents Allemands, le rouge aux Italiens le bleu aux Français et le vert aux Anglais…Ce changement de couleur apparaît comme la volonté de Porsche de montrer que l’on repart pour une nouvelle aventure.

En 1966 Porsche est au pied de la montagne. Le chemin est semé d’embûches. Les victoires s’accumulent, mais il faudra quand même attendre 1969 pour savourer la première couronne mondiale et 1970 pour la première victoire au Mans.

En attendant, l’équipe décrite plus haut vient de concevoir la Carrera 6. Elle est superbe et tranche avec sa devancière la 904. Les ingénieurs sont repartis de zéro. Enfin presque.

Comme l’explique François Hurel, c’est « presque » une vraie voiture de course ». Le bureau d’étude en avait la volonté et la capacité, mais Ferry Porsche fit remarquer à ses jeunes ingénieurs qu’un lot de près de 100 suspensions, freins et roues avait été fabriqué en vue d’une seconde série de Porsche 904, qui n’avait pas vu le jour en raison de l’émergence du projet Carrera 6. Il demanda donc qu’on utilise ces produits sur le prochain modèle, la Carrera 6 !

Les ingénieurs vont devoir se plier aux exigences du patron et revoir leur copie. Ainsi la Carrera 6 va être équipée des grandes roues de 15″ de la 904 au lieu des roues de 13″ qui lui auraient conféré un meilleur Cx aérodynamique. Ces révélations de François Hurel expliquent donc la forme et la hauteur des passages de roue. Ces ailes avant, tout en rondeur donnent à l’auto une physionomie agréable, plaisante à l’oeil.

La voiture va devenir pour les fabricants de jouets l’icône de cette période. Il est révélateur que la Porsche Carrera 6 soit l’auto la plus reproduite en miniature malgré un palmarès modeste (une seule victoire au classement général à la Targa Florio 1966). Les vedettes de l’époque décrites plus haut ne connaitront pas ce succès chez les industriels du jouet. C’est un comble, qui trouve son origine dans la volonté de ne pas jeter un stock de pièces.

Le modèle qui succède à la Carrera 6 en 1967, la 907, aura un palmarès plus glorieux et comptera deux victoires au général. Elle sera même en lutte pour le titre jusqu’à la dernière épreuve. Equipée de jantes de 13″ élargies, ses ailes avant, plates et son capot avant, effilé, plus aérodynamique lui confèrent une allure très différente, nettement moins esthétique, mais bien plus efficace au niveau du coefficient de pénétration dans l’air ! C’est une auto de course ! Le volant est passé à droite, comme pour tous les prototypes de l’époque.

On trouve une reproduction de la Carrera 6 chez Corgi Toys, et ce à deux échelles différentes,  comme Gama, Dalia,   et Mercury,  mais aussi chez Siku, Pilen, Nacoral, Joal,  Norev, Vinyl line, Marx, Buby, Blue Box, Dinky Toys, Solido Chiquicars, Clé, Jean, Brosol, Clifford Tootsietoys, Schuco, Zee toys, Joustra, KDN, Ideal…et même un fabricant russe inconnu !

Bref, il est plus rapide de donner l’identité des quelques fabricants de jouets qui n’ont pas inscrit à leur catalogue la Porsche Carrera 6 : Minialuxe, Champion, Politoys, Tekno, Diapet

Mebetoys l’avait programmée ,et la voiture figure au catalogue…face à la concurrence l’entreprise choisira de se replier sur la 910, comme Märklin et Matchbox d’ailleurs. Jouef qui venait de sortir la 904 l’avait également programmée pour ses circuits électriques, avant de se raviser. On note d’ailleurs un succès généralisé chez les fabricants de circuits électriques.

Pas de doute cette Porsche Carrera 6, indémodable, symbolisera la voiture de course pour le grand public.

Il en est pour preuve sa longévité dans les catalogues des fabricants : Siku, Pilen et Norev entre autres l’ont gardée comme une icône dans leur catalogue. Indémodable de par ses rondeurs et une forme de modernité qui a fasciné les enfants pendant presque 20 ans !

Ce fut mon cas. Elle m’a séduite à jamais avec ses formes douces et demeure aujourd’hui encore ma favorite dans les autos de course. Rendez-vous dans quelques semaines pour une surprise de taille. La découverte récente d’un prototype provenant d’un fabricant français.(lire la suite de l’histoire)

Une union sans passion.

Une union sans passion.

En feuilletant les catalogues Solido du milieu des années soixante, peut- être avez-vous été étonnés de voir apparaître des miniatures provenant d’autres fabricants : des Tekno danoises, des Mebetoys et des Dugu italiennes et même des Lone Star anglaises.

Transposons cela dans l’univers automobile de la même époque : c’est comme si le catalogue publicitaire de la Peugeot 204 de 1966 consacrait deux pages à la Fiat 124 !

Impensable. A cette époque, les constructeurs européens n’avaient pas encore inventé les plates-formes et les motorisations communes. Une Peugeot était une Peugeot et une Fiat une Fiat. En 2020 la situation a changé à la suite du rapprochement de ces deux marques.

Comme bien d’autres secteurs industriels, les fabricants de jouets européens ont profité de la  création de la CEE (communauté économique européenne) en 1957, entre l’Allemagne de l’Ouest, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Italie et la France. L’union douanière et la politique économique commune ont facilité les rapprochements entre eux.

Les accords entre fabricants de jouets ont porté sur deux axes : la production mais surtout la distribution.

Certains fabricants ont donc mis à profit leur réseau de distribution national pour diffuser des produits étrangers. Ainsi, au lieu d’affronter de front la concurrence, cela leur a permis de mieux la gérer et surtout d’en tirer un substantiel profit financier. Ces alliances ont été à géométrie variable.

Dans le triangle formé par Tekno, Solido et Mebetoys, seuls Solido et Tekno ont pratiqué des accords de distribution dans les deux sens. Mebetoys n’importera pas les Tekno en Italie. C’est son concurrent, Mercury, qui le fera. Par contre Tekno profitera des liens tissés entre Solido, son partenaire, et Dalia, dans un accord portant sur le montage en Espagne de quelques miniatures danoises. (voir le blog consacré aux Tekno Dalia)

M. Juge m’a souvent parlé de sa fierté d’avoir distribué les Mercury en France.

En effet, Safir importera les miniatures de la marque italienne pendant quelques années. Il m’a raconté comment, lors d’une virée en Italie à l’occasion du salon du jouet avec M Becqué son patron, ils avaient réussi à signer quatre contrats d’importations : Mercury, Rio, Dugu et Togi. Rien que cela.

Un tour de force pour une firme qui en était encore à ses débuts. On mesure la reconnaissance et la confiance des Italiens envers la firme française. Pour l’occasion elle éditera des affichettes en français. Safir sera même à l’origine d’une série promotionnelle pour le vin Primior.

Ne cherchez pas ce vin parmi les grands crus, mais en échange des points collectés sur les bouteilles, le consommateur avait droit à une petite Mercury décorée d’ une étiquette portant le nom du breuvage et ornée de damiers noir et blanc, symbole de la course automobile.

Les firmes italiennes ont très rapidement compris l’intérêt économique, et ont su profiter de l’ouverture des frontières. Elles y ont vu une opportunité d’expansion. Les fabricants de jouets espagnols suivront cette voie peu de temps après.

Les firmes citées plus haut étaient complémentaires, leur association avait de l’allure. Ce ne fut pas le cas partout. L’association entre Märklin et Mercury fut assez déconcertante.

Reprenons l’histoire. Märklin est une des plus anciennes et sans aucun doute la plus renommée des firmes de jouets. Dans le monde entier, des collectionneurs lui vouent un véritable culte. La firme est née en 1859. Au début de son activité elle s’est concentrée sur le mobilier de poupée, puis rapidement elle s’est s’orientée vers les machines à vapeur et naturellement vers le modèlisme ferroviaire.

Ce sont pourtant des mécanismes à ressort qui équipent les premières motrices. L’histoire est en marche, d’innovation en innovation la firme devient la référence dans ce domaine. Märklin est synonyme de grande qualité. Elle pratique des tarifs élevés, sa production semble réservée à une certaine élite.

Photo originale de Jacques Greilsamer "la grande époque des Marklin"
Photo originale de Jacques Greilsamer « la grande époque des Marklin »

Au milieu des années trente, suivant en cela de très près Meccano avec ses Dinky Toys, la firme allemande offrira à sa clientèle une gamme de miniatures automobiles destinée à animer ses réseaux de chemin de fer à l’échelle « O ».

Une unité d’échelle de reproduction entre les véhicules ainsi qu’une très belle qualité d’exécution font de cette série un must, qu’après-guerre déjà, les collectionneurs s’acharneront à vouloir réunir. C’est l’acquisition d’une Auto Union type D de chez Märklin qui nous a fait entrer, mon père et moi dans le cercle des collectionneurs « avertis ».

La guerre va bien sûr interrompre cette série. Märklin revient à la production de miniatures automobiles dès 1949, avec une nouvelle gamme dominée par la reproduction de miniatures de marque allemande. Seul le premier modèle, une Buick Roadmaster, destinée on s’en doute à l’occupant américain fera exception. Ce sera une constante pour les fabricants de jouets allemands, Gama, Schuco, Märklin et Siku notamment, d’incorporer après-guerre quelques reproductions de voitures américaines.

A la lecture des catalogues, on comprend que les miniatures automobiles n’étaient pas la priorité de Märklin. Le développement après guerre du modélisme ferroviaire à l’écartement HO, qui correspond à l’échelle 1/87, va absorber une grande partie de l’énergie de Marklin. De ce fait, la vocation première des miniatures au 1/43, n’a plus lieu d’être.

Märklin continue cependant sa production mais sans la véritable volonté de développer une gamme de miniatures autonome et sans  liens avec le modèlisme ferroviaire, comme Meccano avec ses Dinky Toys.

La fabrication est certes de qualité, mais rustique. Les châssis sont vissés. la finition est manuelle : les argentures sont réalisées au pinceau. Si la gravure est exceptionnelle du fait de l’expérience acquise avec la reproduction des matériels de chemin de fer à l’échelle HO, les modèles ne brillent pas par l’innovation technique.

Quand vont apparaître les miniatures avec vitrages, suspensions et parties ouvrantes au début des années soixante, la firme de Göppingen ne pourra riposter aux attaques de la concurrence et devra changer d’orientation.

En 1959 sort la dernière miniature automobile au 1/43, la Mercedes 190SL.

A partir de là et sans beaucoup de conviction Märklin va se concentrer sur les miniatures de poids lourds, domaine dans lequel elle peut encore affronter la concurrence. Au début des années soixante la course aux gadgets a encore épargné ce secteur bien particulier.

Ce sera le Mercedes semi-remorque citerne en 1960, puis un beau Krupp ridelles (on appréciera la gravure exceptionnelle de la face avant), et, en 1964 le superbe Kaelble benne, un must et une référence pour les graveurs. Le catalogue est un concentré de beaux modèles, de beaux modèles qui datent : au milieu des années soixante, on y trouve encore la monoplace Mercedes W196 carénée de 1954 !

La direction de Märklin a pris conscience de la situation. Elle ne peut rester ainsi, à la traîne des autres fabricants de miniatures. Elle prépare son retour. J’avance l’idée que Märklin est allé chercher Mercury afin d’étoffer son catalogue, en attendant, que le bureau d’étude riposte avec une nouvelle gamme, prévue pour 1966-1967.

Les miniatures y seront équipées de vitrages, suspensions et parties ouvrantes : ce n’est qu’une mise à niveau par rapport à la concurrence. Le programme sera encore une fois axé sur la reproduction d’autos germaniques.

L’accord avec Mercury ne portera que sur l’importation en Allemagne de miniatures italiennes. Il ne concerne pas la distribution de produits Märklin en Italie. Märklin, avait déjà implanté son réseau il y a fort longtemps.

Cet accord avec la firme de Turin, est contemporain de celui signé avec Safir en France. N’en déplaise à certains, en 1964, Mercury est déjà sur le déclin.

Amusez-vous à comparer les portes des deux Fiat 2300S de Solido et de Mercury : celles de la Solido sont fines, bien gravées et joignent parfaitement lors de la fermeture. Celles de la Mercury sont épaisses et ferment mal. La miniature est certes très détaillée. Trop?

L’ensemble manque de finesse. Suivre Solido et Corgi Toys dans la course à l’innovation aura essoufflé plus d’un fabricant de jouets en Europe.

On est aussi bien loin de la finesse de gravure de Märklin. Comment le bureau d’étude de Göppingen appréciait-il ces miniatures italiennes ? Fermait-il les yeux sachant qu’il préparait la riposte avec des miniatures de qualité ? Entre Märklin et Mercury, c’est un mariage de raison mais la passion n’est pas là. Les mariés sont mal assortis.

Il est étrange de voir sur la couverture du catalogue Märklin la Mercedes 230SL Safari de Mercury ! Certes c’est une auto allemande, mais nous sommes loin des standards de qualité de chez Märklin. L’illustrateur a d’ailleurs fait un travail formidable. Il a su capter tout le charme de la miniature et gommer les aspects rustiques comme cette grille de protection en plastique chromé, assez grossière.

Toute la gamme Mercury du milieu des années soixante est présente dans ce catalogue au format inhabituel. Comment a réagi la clientèle allemande ? Les autos de course de chez Mercury, très populaires à cette période ont dû apporter un plus.

M. Juge me parle encore des grandes quantités de  Ferrari 250 LM qu’il a réussi à vendre aux détaillants français.

Il précise à juste titre : « Tu comprends, à cette époque, les Ferrari elles gagnaient partout ! Le nom faisait vendre.  » C’est une réalité que la firme italienne a dominé les courses d’endurance, pendant une petite décennie, comme plus tard Porsche le fera. Les autos de course Mercury ont de l’allure.

Märklin conservera jusqu’au bout de son aventure 1/43, en 1972, cette importation Mercury.

Les modèles post 68 de chez Mercury marqueront une nette décadence, difficile à expliquer. On a l’impression qu’un nouveau bureau d’étude est à l’origine de ces miniatures médiocres. Märklin traînera cette gamme comme un boulet. Désormais, dans ses catalogues, Märklin prend bien soin de séparer les deux gammes. Mais par rapport aux Märklin, le point positif des Mercury réside dans un prix de vente attractif. C’est peut-être la raison qui explique l’intérêt pour Märklin de diffuser cette série « premier prix ».

L’histoire se répétera. C’est encore une fois le modelisme ferroviaire qui aura raison des miniatures automobiles. Märklin s’apprête en 1973 à lancer une nouvelle gamme : Märklin Mini-Club (écartement Z, échelle du 1/220).

Cela marquera la fin de l’aventure des miniatures 1/43. Märklin ressortira, bien longtemps après, dans les années 90, des rééditions de quelques modèles au 1/43. D’abord une série de monoplaces issues des moules d’avant-guerre, puis des autos du milieu des années soixante-dix, sans intérêt car les modèles originaux sont courants.

Prochain blog le dimanche 1er Novembre.

Au bonheur des dames

Au bonheur des dames.

« Nous sommes en guerre ». Voilà comment le 16 mars 2020, le Président de la République a présenté la situation du pays face à la crise sanitaire . Il l’a répété à six reprises. Dans son dessin à la une du journal « Le Monde » du mercredi 18 mars, Plantu n’a pas hésité à le représenter avec le costume du Général De Gaulle, ses deux étoiles, et son micro. Ce sont bien les symboles de la résistance de notre pays en 1940 contre l’envahisseur.

Oui, mais voilà, cette fois l’ennemi est invisible.

Coïncidence étrange, tandis que les habitants de Paris fuyaient vers la province à la suite des mesures de confinement, les rues de la Capitale s’ornaient des affiches d’une exposition organisée par la mairie de Paris, toujours aussi inspirée, au musée de la libération : « 1940 les parisiens dans l’exode ».

Nous avons retenu de nos cours d’histoire comment l’Angleterre fut pendant des siècles notre ennemi héréditaire : que de batailles, de traités de paix bafoués, d’alliances malheureuses. Waterloo marqua le coup d’arrêt des querelles entre nos deux nations. L’heure était venue de l’industrialisation, en Grande-Bretagne d’abord, puis partout dans la vieille Europe et désormais, ce n’est plus sur les champs de bataille que se joue la suprématie mais dans les usines.

La paix est nécessaire au développement économique. La France bénéficiait d’un essor économique, quand la Prusse, habilement, piégea Napoléon III dans le but de créer un nouveau  pays : l’Allemagne. La guerre était inévitable. De 1870 à 1944 c’est de la Prusse puis de l’Allemagne que sont venus les l’envahisseurs.

J’ai trouvé il y a quelques années cette figurine en plomb de fabrication française. On y voit une cage où est enfermé l’empereur Guillaume.

L’objet semble inspiré d’une image d’Epinal que je me souviens avoir vue dans un de mes premiers livres d’histoire.  Elle représentait une des cages de bois où le roi Louis XI faisait enfermer ses prisonniers de haut rang. C’est Victor Hugo qui, dans son roman « Notre dame de Paris », a popularisé ces « tombeaux », l’appellation « fillettes du roy » étant par contre fantaisiste car le terme désignait non les cages mais les fers entravant les prisonniers.

L’empereur Guillaume II a l’air à l’étroit dans sa cage. Il a l’air furieux. Comme au zoo, une pancarte figure devant les grilles avec cette inscription « sauvage ». Une colombe, symbole de la paix, s’est posée sur le dessus de la cage.

Cet objet est rare, je ne l’ai rencontré qu’une fois. Je l’ai acquise, et l’ai placée au milieu de ma collection Plank.

Notre ennemi était donc clairement identifié durant ce conflit.

Durant le confinement, je suis allé travailler quasiment tous les jours pour assurer les envois à la boutique.

Pendant ces deux mois l’affichage publicitaire rencontré sur mon parcours en vélo est resté le même, le temps s’est arrêté, et par bonheur, il ne s’est pas figé sur des photos de hamburgers dégoulinants : l’affiche publicitaire qui a accompagné tous mes trajets faisait la promotion du musée de la grande guerre à Meaux.

Voilà encore une étrange coïncidence. Sur cette affiche, que j’ai eu le temps de détailler deux mois durant au gré des abribus de mon trajet, un personnage a fini par nettement se détacher. Il faut dire que le graphiste a rehaussé la croix qu’il arbore sur la manche droite : c’est bien sûr de l’infirmière dont je veux parler.

C’est après le conflit de 1914 que les historiens se sont intéressés au rôle primordial des femmes durant la guerre.

Celles qui ont fait tourner les usines ont eu droit aux honneurs de la presse pendant que les hommes se battaient au front.

Par contre, celles qui soignaient les blessés ont été passées sous silence. Il ne fallait pas démoraliser la population en montrant blessés et infirmières. 

Les temps ont changé. Désormais, l’infirmière a le droit de figurer sur l’affiche du musée au même titre que le « poilu », le biplan Spad, le taxi de la Marne, le char Renault FT17 et les autres symboles de ce conflit.

Une fois de plus cela nous ramène à la situation actuelle. Avec la crise sanitaire, les gens semblent découvrir le mérite et le dévouement du personnel soignant. Comment a-t-on pu attendre une situation extreme pour s’en apercevoir ? Comment nos dirigeants ont-ils pu être à ce point aveugles ?

Alors que les applaudissements  de 20 heures se sont taris, le blog du jour est juste un témoignage de reconnaissance au personnel soignant.

J’ai réuni quelques-unes des ambulances miniatures les plus marquantes, les plus originales de mes vitrines.

Pour reproduire des miniatures d’ambulance, les fabricants ont eu plusieurs options.

La première, la plus aboutie, est de créer un moule spécifique. Cela demande des moyens. Les carrosseries très typées des ambulances empêchent bien souvent de pouvoir réutiliser le moule pour un autre usage. Il y a certes la possibilité de proposer une variante d’ambulance pompier. Cependant certains ont réussi ce tour de force, comme Tekno.

La firme danoise a choisi comme premier modèle, au 1/43, une reproduction d’ambulance Packard. Pour Bent Danielsen c’est la toute première Tekno en zamac. Elle reproduit une ambulance de la compagnie Zonen.

Les premiers exemplaires, sublimes, sont équipés de roues en tôle formées de deux parties.

Les premières carrosseries sont de couleur blanche, puis une version sera déclinée en rouge et noir, au moment de la réunification des compagnies Falck et Zonen.

Plus tard, Tekno réussira à réutiliser ce premier moule en déclinant une version postale. A l’occasion, elle se servira de l’emplacement conçu pour fixer le drapeau pour installer un petit mat de couleur rouge. C’est un exemple rare de réutilisation d’un moule d’ ambulance miniature en une autre version.

Certains ont fait l’inverse.

Savoye a décliné son moule du fourgon police en ambulance. Il a fallu revoir l’inscription latérale. Le policier juché sur le marchepied, typique des paniers à salade américains, est ici réincarné en brancardier intrépide.

On se demande s’il ne va pas falloir une autre ambulance pour venir le ramasser après un virage pris de manière trop rapide.

Une autre option, très commune, consiste pour le fabricant de jouets à utiliser le moule d’une camionnette tôlée ou vitrée de son catalogue, et à l’affubler d’un autocollant ambulance ou mieux d’une croix rouge. C’est souvent le cas chez les petits fabricants.

Charbens avec sa Morris ou ce fabricant danois, encore inconnu à ce jour, avec sa camionnette Dodge, ont pu décliner une ambulance à peu de frais.

RW Ziss et son Ford Transit ou Lima avec sa Fiat 500C ont eux aussi opté pour une transformation minimaliste avec l’adjonction d’un simple décalcomanie. On pourrait en citer encore beaucoup d’autres.

Avec quelques investissements supplémentaires, une sirène, un aérateur, un gyrophare, le fabricant pouvait donner l’illusion d’une vraie création.

Lego avec ses sirènes positionnées sur le pavillon a parfaitement réussi son coup, tout comme Buby et sa Buick Caballero.

Tekno avec son beau gyrophare a su habiller son Ford Taunus Transit fourgon. Le brancard confirme la fonction sanitaire du jouet.

Rico et Commando ont également réussi à transformer leurs classiques fourgons DKW en ambulances ibériques spécifiques. Le vitrage intérieur peint en blanc mat, la sirène et l’aérateur positionnés sur le pavillon du DKW métamorphosent ces simples fourgons.

Les espagnols ont toujours su utiliser les pochoirs avec une grande dextérité. C’est une tradition. Ce furent des maîtres dans cet exercice. La petite croix rouge sur la sirène est une pure merveille dont je ne me lasse pas.

Le Romeo de chez Politoys est dans la même veine, un cran en dessous. Politoys s’est contenté de positionner deux gyrophares et de peindre les baies vitrées.

La version mexicaine excite la curiosité. Le gyrophare est surdimensionné, les baies vitrées latérales transparentes et enfin, les jantes à rayons laissent à penser à une ambulance « sportive », conduite par le héros local de l’époque Pedro Rodriguez. C’est Mc Gregor qui se chargea au Mexique, de la réalisation de ce modèle avec l’outillage Politoys.

Les fabricants allemands ont joué la facilité. Märklin et Gama se sont contentés de mettre un gyrophare sur leur modèle minibus.

Certains fabricants ont pu, avec un peu d’ingéniosité, transformer à peu de frais un modèle existant et offrir un produit très différent par rapport à la production de base.

En France, Polichinelle a adapté une carrosserie spécifique à son châssis de Willys de série. Cette miniature semble avoir été inspirée par la réalisation d’un carrossier local. Le petit fabricant français a fait l’effort de ne pas positionner le siège passager. L’espace vacant est occupé par un brancard livré avec la miniature.

Enfin, certains fabricants de jouets ont créé un moule reproduisant une carrosserie ambulance qu’ils ne  déclineront  pas dans d’autres versions. Voici quelques exemples.

Ma préférée est celle de Pilot. Le fabricant danois a conçu un moule spécifique de toute beauté. Les lignes sont pures. Cette Ford est rare.

Restons en Scandinavie avec cette Minicar norvégienne. Elle représente une Chevrolet. La carrosserie est des plus typées. Un mélange de savoir-faire scandinave et américain. A mes yeux, c’est l’ ambulance la plus rare que je possède. J’en ai vu deux dans ma vie, je les ai acquises et j’en ai cédé une M. Dufour.

Atypique, c’est le qualificatif qu’on peut attribuer à cette ambulance du début du siècle dernier produite en Allemagne par Fisher pour le marché anglais. c’est une Oldsmobile. En voyant l’objet on comprend que les presses ne pouvaient resservir pour un autre modèle.

Le Tub Citroën, d’avant-guerre diffusé par Les jouets Citroën est une réussite. Il reproduit un modèle vu durant l’occupation allemande. Il est aux couleurs de la croix rouge.

Afin de collecter des fonds, l’organisation internationale n’a pas hésité à s’associer avec un fabricant de jouets, et ce de l’après-guerre jusqu’aux années soixante-dix.  Une partie de la somme récoltée par le commerçant lors de la vente du jouet lui était reversée. C-I-J, avec son break Citroën, Polichinelle, et plus tard Majorette ont réalisé des séries pour l’organisation.

Le plus étrange est la création par une firme française qui demeure pour moi encore inconnue de ce fourgon Renault pour la croix rouge française. L’échelle est le 1/43. Ce fabricant ne semble pas familier avec la création de jouets. Le modèle a du charme, mais il y a une certaine approximation. La boîte est en plastique, transparente. On notera la fiche numérotée aux couleurs de la croix rouge .

La direction de Binns Road a toujours souhaité avoir une ambulance à son catalogue, et ce quasiment depuis les premières Dinky Toys. C’est une magnifique Bentley qui inaugure la série en 1935 sous la référence 30F. Les premières versions ont les vitres latérales découpées. Afin de simplifier la fabrication, ces baies seront occultées après.

Une Daimler lui succédera. Elle symbolise à elle seule le modèle « ambulance » chez Dinky Toys tant sa durée de vie sera longue. C’est à cause de ce modèle que Liverpool opposera son veto au projet de production de la Peugeot 203 ambulance à Bobigny.

La Daimler connaitra une copie au Japon réalisée par Marusan.

Les copies d’ambulances anglaises ont jalonné la production mondiale. Réduites, agrandies, ou de même taille, elles pourraient constituer un thème de collection. Cela a commencé très tôt, comme en témoigne cette Charbens, monobloc, très fortement inspirée de la Dinky Toys.

J’aime également beaucoup la Pontiac de chez Guisval directement inspirée de celle de Binns Road. Copier une ambulance américaine en Espagne, il fallait oser.

Ce n’est qu’un aperçu rapide. Le sujet mériterait un ouvrage à l’instar de celui réalisé par le Docteur Force, dans les années 90, relatif aux véhicules d’incendie. Je conseille cet ouvrage, il est de très bonne qualité.

Enfin, vous ne pourrez plus exposer vos ambulances en vitrine sans faire une petite place à quelques figurines d’infirmières. Elles mettront en valeur vos miniatures.

PS: J’ai fait ce blog au mois d’Avril 2020. Le 29 Mai 2020, j’ai fait une lourde chute à vélo. Prothèse de la hanche ! J’ai pu, pendant les 12 jours d’hospitalisation, mesurer le sens des propos ce blog. Que serait on sans la bienveillance du personnel hospitalier ? Les infirmières apportent au patient ce plus qui  nous aide à remonter la pente. Leur gentillesse, leur dévouement nous font comprendre qu’il reste de belles choses ici bas. Merci mesdames les infirmières de la clinique Gaston Métivet  à Saint-Maur-des-Fossés.

 

Jean Blanche, une révolution optique

Jean Blanche, une révolution optique.

C’est le titre d’une exposition qui m’a inspiré le sujet du jour : Jean Blanche. Illustrateur de catalogues et de boîtes pour la firme Solido, Jean Blanche a enchanté plusieurs générations d’enfants puis de collectionneurs, grâce  à son style si particulier.

L’exposition en question avait lieu à Gand, en Belgique :  » Van Eyck, une révolution optique » .

Pour la première fois, la moitié des œuvres de ce peintre du 15 éme siècle (1390-1441) qui a bouleversé la peinture était réunie et exposée dans un même endroit.

La moitié, cela veut dire 10 tableaux attribués de manière définitive. On peut faire le rapprochement avec Léonard de Vinci, qui lui aussi nous a laissé bien peu d’oeuvres.

Jan Van Eyck : La Vierge à la fontaine
Jan Van Eyck : La Vierge à la fontaine

Johan de Smet, le conservateur du musée des beaux-Arts de Gand résume ainsi : » Van Eyck a été le premier à avoir cette manière révolutionnaire de regarder la réalité ».

Contrairement à la légende, colportée très tôt, notamment par Vasari dans son ouvrage publié en 1560 « Les Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes », Van Eyck n’a pas inventé la peinture à l’huile. Il a par contre perfectionné cette technique grâce à l’utilisation de siccatifs réduisant le temps de séchage et donnant la possibilité de créer des glacis et des rendus jusque là inconnus. Au même moment, en Italie les peintres n’utilisaient que la détrempe à l’oeuf, limitant leur palette chromatique.

Si Filippo Brunelleschi (1377_1446) et Masaccio, au même moment appliquaient des effets de perspective mathématique dans leurs tableaux, Van Eyck, s’appuya lui sur le traité d’optique du mathématicien arabe Alhazen traduit en latin, pour introduire des effets de lumière et pour créer une perspective atmosphérique.

La lumière joue un rôle essentiel dans ses tableaux. De subtils jeux de reflet et d’ombre donnent vie aux objets. C’est une des facettes de la révolution optique de ce génie de la peinture.

C’est la concordance de temps, entre cette exposition à Gand et l’acquisition de gouaches de Jean Blanche qui m’a ouvert les yeux sur le subtil travail de ce dernier.

Il faut peut-être commencer par tenter de décrire son approche artistique. Quel dommage que Bertrand Azéma n’ait pas pensé à le contacter pour qu’il nous éclaire sur sa conception de la représentation d’une miniature en dessin.

Le point de départ de ma réflexion est une phrase de ce dernier dans son livre sur la série 100, où il explique qu’il n’y a jamais eu de prototype chez Solido comme il y en avait eu chez Dinky Toys.

Il veut sans doute parler des maquettes en bois qui servaient à visualiser, au milieu de la gamme existante, un projet de miniature. La direction de Dinky Toys avait besoin de réunions collégiales fréquentes pour prendre ses décisions.

Jean de Vazeilles connaissait bien ses produits, savait parfaitement ce qu’il voulait et n’avait pas besoin de telles réunions.

Les seuls prototypes qui semblent avoir été créés sont des déclinaisons de modèles existants comme cette Simca 1100 en version police.

On peut donc en déduire qu’à l’heure d’illustrer le nouveau catalogue et ses nouveautés Jean Blanche n’avait à sa disposition que les plans servant à la conception du moule.

Pas aisé pour un artiste de traduire en images des dessins techniques. Jean Blanche a donc eu recours aux photos des vraies voitures que Solido avait choisi de reproduire.

La magie de Jean Blanche est d’avoir su synthétiser les formes de la vraie voiture pour donner vie à l’image de la miniature .

On observe sur ses gouaches une simplification des formes. C’est là un des traits de génie de cet artiste. Il ne faut pas oublier que la miniature que l’enfant aura en main sera une réduction au 1/43. Tout doit être simplifié. Nous ne sommes pas dans le domaine de la maquette où le moindre détail a son importance. Même si les Solido sont de magnifiques reproductions, n’oublions jamais que ce sont des jouets. Cette remarque me semble importante.

Dans le premier catalogue couleur, quand Jean Blanche a commencé sa collaboration avec Solido, les premiers modèles de la série 100 étaient déjà sortis. Pour les illustrer il a bien sûr utilisé les miniatures et non des photos des voitures.

La jaguar type D mais aussi la Maserati 250F sont clairement inspirées des miniatures déjà existantes. Il suffit de regarder les jantes qu’il a dessinées, ce sont celles des modèles de la série 100. Les dessins possèdent les petites imperfections de ces modèles : face avant de la Jaguar qui n’est pas très réaliste avec sa gueule de squale (voir le blog consacré à la Jaguar Type D), le pot d’échappement proéminent de la Maserati 250F ou les formes un peu trop rondouillardes de la Ferrari Testa Rosa, où il a même reproduit l’intérieur de couleur verte, comme la miniature.

Dans ce même catalogue couleur, certaines miniatures sont à venir. Il ne les a pas eues devant les yeux. Il a créé ses gouaches à l’aide de photos, laissant parler son imagination et son génie. Cela se voit très bien avec la Cooper 1,5L. Sur le catalogue de 1960, l’artiste a représenté l’auto « haute sur pattes » (observez l’ombre sous la voiture). Sur les photos réalisées durant la saison 1959 cette observation est juste. Il a choisi de laisser le baquet vide, un comble pour un fabricant qui à l’époque équipait tous ses modèles d’un pilote. Si vous comparez avec le dessin retouché plus tard, l’ombre a été modifiée, et le personnage a fait son apparition.

Prenons le dessin de la Ferrari 312 de formule 1 de 1967. Jean Blanche a réalisé un travail de simplification, donnant l’illusion qu’on est devant la future miniature. Les détails superflus de la vraie voiture ont été gommés.

La photo qui a servi à Jean Blanche me semble être celle prise à Monaco. Elle est assez facilement identifiable.

Idem pour la Ford MKIV du Mans 1967. La grande majorité de ses dessins sont inspirés de photos publiées dans la presse.

On pourrait s’amuser à feuilleter la presse de l’époque et il serait aisé de retrouver les clichés, avec leurs angles de prise de vue particuliers : la plupart des autos tournaient dans le sens des aiguilles d’une montre et les photos prises du côté gauche sont plus fréquentes. Dans le catalogue de 1968 le dernier entièrement dessiné qui constitue la référence à mes yeux, Jean Blanche a créé un parfait équilibre.

Dans ce même catalogue, il n’a que très rarement mis en situation ses modèles. C’est un parti pris intéressant à souligner. Il y a que deux exceptions, dont ce dessin qui m’a beaucoup fait rêver enfant : le Berliet Aurochs sortant de l’eau avec ses soldats armés jusqu’aux dents et le Berliet TBO pétrolier et son derrick au milieu d’un décor saharien. C’est très peu. Tous les autres modèles sont isolés.

Jean Blanche joue sur la lumière. L’exposition est forte, générant des reflets et d’importantes zones d’ ombre qui donnent vie aux jouets.

Cette Alfa Romeo GTZ est un excellent exemple. Il s’est servi de la photo de la vraie voiture car il a fait figurer deux petits détails qui sont absents sur la miniature : les rétroviseurs et les montants verticaux des  portières.

Le reste est traité comme si l’enfant avait dans les mains la miniature. La ligne générale est fluide. La miniature n’est pas placée en décor naturel mais la lumière et ses reflets sont omniprésents.

Solido gouache originale signé Jean Blanche Alfa Romeo GTZ tubolare police des autoroutes(détails)
Solido gouache originale signé Jean Blanche Alfa Romeo GTZ tubolare police des autoroutes(détails)

Je n’avais jamais fait attention auparavant aux reflets sur les carrosseries dans les dessins de Jean Blanche avant d’avoir ces quelques gouaches originales.

Pas moins de cinq nuances allant du rouge au rose clair habillent les flancs de la GTZ. C’est impréssionnant.

L’autre caractéristique qui m’a frappé c’est la façon de délimiter le contour des autos à l’aide d’un trait noir dont l’épaisseur variera au fil de son travail. A la manière des Nabis, il a donc cloisonné ses dessins.

Un dernier détail vient confirmer le fait que Jean Blanche utilisait des photos pour composer ses illustrations de catalogues. Solido n’a pas réussi tous ses modèles, n’en déplaise aux amateurs de la marque.

Il y a deux grands loupés dans la série 100 : la Ford GT 40 et la Ferrari 156 F1. Observez les deux dessins de ces modèles dans les catalogues : on aurait aimé que Solido les réussisse aussi bien que Jean Blanche !