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Une union sans passion.

Une union sans passion.

En feuilletant les catalogues Solido du milieu des années soixante, peut- être avez-vous été étonnés de voir apparaître des miniatures provenant d’autres fabricants : des Tekno danoises, des Mebetoys et des Dugu italiennes et même des Lone Star anglaises.

Transposons cela dans l’univers automobile de la même époque : c’est comme si le catalogue publicitaire de la Peugeot 204 de 1966 consacrait deux pages à la Fiat 124 !

Impensable. A cette époque, les constructeurs européens n’avaient pas encore inventé les plates-formes et les motorisations communes. Une Peugeot était une Peugeot et une Fiat une Fiat. En 2020 la situation a changé à la suite du rapprochement de ces deux marques.

Comme bien d’autres secteurs industriels, les fabricants de jouets européens ont profité de la  création de la CEE (communauté économique européenne) en 1957, entre l’Allemagne de l’Ouest, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Italie et la France. L’union douanière et la politique économique commune ont facilité les rapprochements entre eux.

Les accords entre fabricants de jouets ont porté sur deux axes : la production mais surtout la distribution.

Certains fabricants ont donc mis à profit leur réseau de distribution national pour diffuser des produits étrangers. Ainsi, au lieu d’affronter de front la concurrence, cela leur a permis de mieux la gérer et surtout d’en tirer un substantiel profit financier. Ces alliances ont été à géométrie variable.

Dans le triangle formé par Tekno, Solido et Mebetoys, seuls Solido et Tekno ont pratiqué des accords de distribution dans les deux sens. Mebetoys n’importera pas les Tekno en Italie. C’est son concurrent, Mercury, qui le fera. Par contre Tekno profitera des liens tissés entre Solido, son partenaire, et Dalia, dans un accord portant sur le montage en Espagne de quelques miniatures danoises. (voir le blog consacré aux Tekno Dalia)

M. Juge m’a souvent parlé de sa fierté d’avoir distribué les Mercury en France.

En effet, Safir importera les miniatures de la marque italienne pendant quelques années. Il m’a raconté comment, lors d’une virée en Italie à l’occasion du salon du jouet avec M Becqué son patron, ils avaient réussi à signer quatre contrats d’importations : Mercury, Rio, Dugu et Togi. Rien que cela.

Un tour de force pour une firme qui en était encore à ses débuts. On mesure la reconnaissance et la confiance des Italiens envers la firme française. Pour l’occasion elle éditera des affichettes en français. Safir sera même à l’origine d’une série promotionnelle pour le vin Primior.

Ne cherchez pas ce vin parmi les grands crus, mais en échange des points collectés sur les bouteilles, le consommateur avait droit à une petite Mercury décorée d’ une étiquette portant le nom du breuvage et ornée de damiers noir et blanc, symbole de la course automobile.

Les firmes italiennes ont très rapidement compris l’intérêt économique, et ont su profiter de l’ouverture des frontières. Elles y ont vu une opportunité d’expansion. Les fabricants de jouets espagnols suivront cette voie peu de temps après.

Les firmes citées plus haut étaient complémentaires, leur association avait de l’allure. Ce ne fut pas le cas partout. L’association entre Märklin et Mercury fut assez déconcertante.

Reprenons l’histoire. Märklin est une des plus anciennes et sans aucun doute la plus renommée des firmes de jouets. Dans le monde entier, des collectionneurs lui vouent un véritable culte. La firme est née en 1859. Au début de son activité elle s’est concentrée sur le mobilier de poupée, puis rapidement elle s’est s’orientée vers les machines à vapeur et naturellement vers le modèlisme ferroviaire.

Ce sont pourtant des mécanismes à ressort qui équipent les premières motrices. L’histoire est en marche, d’innovation en innovation la firme devient la référence dans ce domaine. Märklin est synonyme de grande qualité. Elle pratique des tarifs élevés, sa production semble réservée à une certaine élite.

Photo originale de Jacques Greilsamer "la grande époque des Marklin"
Photo originale de Jacques Greilsamer « la grande époque des Marklin »

Au milieu des années trente, suivant en cela de très près Meccano avec ses Dinky Toys, la firme allemande offrira à sa clientèle une gamme de miniatures automobiles destinée à animer ses réseaux de chemin de fer à l’échelle « O ».

Une unité d’échelle de reproduction entre les véhicules ainsi qu’une très belle qualité d’exécution font de cette série un must, qu’après-guerre déjà, les collectionneurs s’acharneront à vouloir réunir. C’est l’acquisition d’une Auto Union type D de chez Märklin qui nous a fait entrer, mon père et moi dans le cercle des collectionneurs « avertis ».

La guerre va bien sûr interrompre cette série. Märklin revient à la production de miniatures automobiles dès 1949, avec une nouvelle gamme dominée par la reproduction de miniatures de marque allemande. Seul le premier modèle, une Buick Roadmaster, destinée on s’en doute à l’occupant américain fera exception. Ce sera une constante pour les fabricants de jouets allemands, Gama, Schuco, Märklin et Siku notamment, d’incorporer après-guerre quelques reproductions de voitures américaines.

A la lecture des catalogues, on comprend que les miniatures automobiles n’étaient pas la priorité de Märklin. Le développement après guerre du modélisme ferroviaire à l’écartement HO, qui correspond à l’échelle 1/87, va absorber une grande partie de l’énergie de Marklin. De ce fait, la vocation première des miniatures au 1/43, n’a plus lieu d’être.

Märklin continue cependant sa production mais sans la véritable volonté de développer une gamme de miniatures autonome et sans  liens avec le modèlisme ferroviaire, comme Meccano avec ses Dinky Toys.

La fabrication est certes de qualité, mais rustique. Les châssis sont vissés. la finition est manuelle : les argentures sont réalisées au pinceau. Si la gravure est exceptionnelle du fait de l’expérience acquise avec la reproduction des matériels de chemin de fer à l’échelle HO, les modèles ne brillent pas par l’innovation technique.

Quand vont apparaître les miniatures avec vitrages, suspensions et parties ouvrantes au début des années soixante, la firme de Göppingen ne pourra riposter aux attaques de la concurrence et devra changer d’orientation.

En 1959 sort la dernière miniature automobile au 1/43, la Mercedes 190SL.

A partir de là et sans beaucoup de conviction Märklin va se concentrer sur les miniatures de poids lourds, domaine dans lequel elle peut encore affronter la concurrence. Au début des années soixante la course aux gadgets a encore épargné ce secteur bien particulier.

Ce sera le Mercedes semi-remorque citerne en 1960, puis un beau Krupp ridelles (on appréciera la gravure exceptionnelle de la face avant), et, en 1964 le superbe Kaelble benne, un must et une référence pour les graveurs. Le catalogue est un concentré de beaux modèles, de beaux modèles qui datent : au milieu des années soixante, on y trouve encore la monoplace Mercedes W196 carénée de 1954 !

La direction de Märklin a pris conscience de la situation. Elle ne peut rester ainsi, à la traîne des autres fabricants de miniatures. Elle prépare son retour. J’avance l’idée que Märklin est allé chercher Mercury afin d’étoffer son catalogue, en attendant, que le bureau d’étude riposte avec une nouvelle gamme, prévue pour 1966-1967.

Les miniatures y seront équipées de vitrages, suspensions et parties ouvrantes : ce n’est qu’une mise à niveau par rapport à la concurrence. Le programme sera encore une fois axé sur la reproduction d’autos germaniques.

L’accord avec Mercury ne portera que sur l’importation en Allemagne de miniatures italiennes. Il ne concerne pas la distribution de produits Märklin en Italie. Märklin, avait déjà implanté son réseau il y a fort longtemps.

Cet accord avec la firme de Turin, est contemporain de celui signé avec Safir en France. N’en déplaise à certains, en 1964, Mercury est déjà sur le déclin.

Amusez-vous à comparer les portes des deux Fiat 2300S de Solido et de Mercury : celles de la Solido sont fines, bien gravées et joignent parfaitement lors de la fermeture. Celles de la Mercury sont épaisses et ferment mal. La miniature est certes très détaillée. Trop?

L’ensemble manque de finesse. Suivre Solido et Corgi Toys dans la course à l’innovation aura essoufflé plus d’un fabricant de jouets en Europe.

On est aussi bien loin de la finesse de gravure de Märklin. Comment le bureau d’étude de Göppingen appréciait-il ces miniatures italiennes ? Fermait-il les yeux sachant qu’il préparait la riposte avec des miniatures de qualité ? Entre Märklin et Mercury, c’est un mariage de raison mais la passion n’est pas là. Les mariés sont mal assortis.

Il est étrange de voir sur la couverture du catalogue Märklin la Mercedes 230SL Safari de Mercury ! Certes c’est une auto allemande, mais nous sommes loin des standards de qualité de chez Märklin. L’illustrateur a d’ailleurs fait un travail formidable. Il a su capter tout le charme de la miniature et gommer les aspects rustiques comme cette grille de protection en plastique chromé, assez grossière.

Toute la gamme Mercury du milieu des années soixante est présente dans ce catalogue au format inhabituel. Comment a réagi la clientèle allemande ? Les autos de course de chez Mercury, très populaires à cette période ont dû apporter un plus.

M. Juge me parle encore des grandes quantités de  Ferrari 250 LM qu’il a réussi à vendre aux détaillants français.

Il précise à juste titre : « Tu comprends, à cette époque, les Ferrari elles gagnaient partout ! Le nom faisait vendre.  » C’est une réalité que la firme italienne a dominé les courses d’endurance, pendant une petite décennie, comme plus tard Porsche le fera. Les autos de course Mercury ont de l’allure.

Märklin conservera jusqu’au bout de son aventure 1/43, en 1972, cette importation Mercury.

Les modèles post 68 de chez Mercury marqueront une nette décadence, difficile à expliquer. On a l’impression qu’un nouveau bureau d’étude est à l’origine de ces miniatures médiocres. Märklin traînera cette gamme comme un boulet. Désormais, dans ses catalogues, Märklin prend bien soin de séparer les deux gammes. Mais par rapport aux Märklin, le point positif des Mercury réside dans un prix de vente attractif. C’est peut-être la raison qui explique l’intérêt pour Märklin de diffuser cette série « premier prix ».

L’histoire se répétera. C’est encore une fois le modelisme ferroviaire qui aura raison des miniatures automobiles. Märklin s’apprête en 1973 à lancer une nouvelle gamme : Märklin Mini-Club (écartement Z, échelle du 1/220).

Cela marquera la fin de l’aventure des miniatures 1/43. Märklin ressortira, bien longtemps après, dans les années 90, des rééditions de quelques modèles au 1/43. D’abord une série de monoplaces issues des moules d’avant-guerre, puis des autos du milieu des années soixante-dix, sans intérêt car les modèles originaux sont courants.

Prochain blog le dimanche 1er Novembre.

Au bois de mon coeur

Au bois de mon coeur.

La vue des cyprès et des pins parasols à travers la baie vitrée du train qui relie l’aéroport de Fiumicino à Rome est un enchantement. C’est avec la nature, et plus particulièrement les arbres, que le dépaysement s’opère. Ces cyprès bordant la voie de chemin de fer m’ont fait oublier l’endroit que j’avais quitté une heure et demi auparavant.

Les arbres font partie de nos voies de communication. On se demande parfois s’ils n’ont pas guidé l’homme dans le dessin des routes !

De 2006 à 2008, j’ai photographié avec un appareil jetable le même groupe d’arbres, situé sur une butte au bord de l’autoroute du Nord, juste après la jonction des autoroutes A1 et A2.

Ces arbres étaient situés exactement à mi-distance, 140 kilomètres, entre Paris et Calais. Passé ce repère je savais alors combien de temps il me restait pour attraper le bateau ou la navette du tunnel vers la Grande-Bretagne.

J’aime jalonner mes parcours d’autoroute de points de repère, de balises. Comme les marins en mer.

Lorsque la route est éprouvante ces repères mettent du baume au coeur. Parfois au terme d’un rapide calcul, on comprend qu’on ne pourra pas attraper la navette et qu’il faudra prendre le départ suivant.

Et puis un jour, ces arbres ont disparu. Ils ont été abattus. Pendant très longtemps, à chaque passage, j’ai ressenti de la tristesse devant la butte dégarnie. J’avais perdu ma balise. Ce n’était plus pareil, même si la distance à parcourir restait la même.

Bien longtemps après, la société gérant l’autoroute du Nord a replanté de jeunes arbres. Au départ, les tuteurs étaient plus hauts que les troncs. Désormais, ils ont commencé à prendre forme.

C’est donc tout naturellement que je traduis dans mes vitrines et dans mes photos de miniatures mon attachement à la nature et particulièrement aux arbres

Les arbres sont souvent liés à un type de paysage. Ces reproductions miniatures de sapins sont d’origine allemande. L’industrie du jouet de ce pays a toujours été aux avant-postes dans le domaine du modèlisme ferroviaire, et dans celui du décor de ce dernier.

Ces sapins ont été créés pour les réseaux de chemin de fer. J’en ai fait un usage détourné pour créer trois scénettes où j’ai mis en place des miniatures automobiles. Dans notre imagerie populaire, le sapin est facilement associé à l’hiver et au froid.

Une route nationale en période hivernale dans le Forez. Les automobilistes ont mis les skis sur la galerie et la jeep chasse-neige passe pour dégager la chaussée. Cette dernière est bien appréciée des automobilistes en période hivernale, ils savent que grâce à son action, la voie sera dégagée.

L’autre scéne se passe en Allemagne. Le chasse-neige est un camion Borgward. Ces camions fort robustes n’ont pas connu en Europe, une carrière aussi active qu’en Allemagne.

J’apprécie les deux personnages que Siku a créés spécialement pour cette miniature. Un petit sac de sel est également fourni par le fabricants pour plus de réalisme. L’enfant devait l’ouvrir et disperser le contenu afin de recréer un salage sur sa chaussée imaginaire.

Une fois le contenu du sachet vidé, il pouvait compléter le salage avec la salière familiale, sans trop de dommages, un coup d’aspirateur suffisant à effacer l’initiative malheureuse.

La troisième  se passe à Berlin dans les années cinquante, en pleine guerre froide. Nous sommes dans un bois jouxtant la ville. J’ai créé une rencontre entre fonctionnaires des deux blocs. ll ne fait pas chaud dehors, et il faut se faire violence pour sortir de la confortable Mercedes, qui est équipée d’un puissant chauffage, comme le sont souvent les berlines allemandes.

Face à la Mercedes 300 de chez Märklin, la Wartburg MS(RDA) paraît frêle. Il n’en est pas de même avec la carrure du fonctionnaire sortant de l’auto.

Il doit se dire que la Mercedes doit être bien confortable et qu’elle conviendrait mieux à sa morphologie. Je vous laisse imaginer la suite de l’histoire. Tout est permis, nous sommes dans la fiction.

Pour les deux scénettes suivantes, j’ai utilisé un autre arbre, associé, lui,  plutôt à la chaleur : le palmier.

Sur la première route, ce sont les véhicules typés qui doivent vous aider à reconnaitre le lieu. Les inscriptions apposées sur le camion et le car sont un indice.

Vous n’arrivez pas à les déchiffrer ? C’est normal, c’est de l’hébreu.

Nous sommes sur la route reliant Tel Aviv à l’aéroport David-Ben -Gourion. Le car Leyland aux couleurs de la compagnie d’aviation nationale « El-Al » est splendide. Ces couleurs vives répondent à celle du Bedford type « S » bâché reconverti en camion école ! C’est à ma connaissance la seule reproduction en jouet d’un tel véhicule.(voir le blog consacré à ce véhicule « permis poids-lourds à Tel-Aviv »)

Il fait chaud, les vitres sont ouvertes.

L’autre composition est plus énigmatique. Reconnaitre du premier coup la localisation de la photo n’est pas aisé. Je vous aide. Que voit-on ? Des autos anglaises.

En fait, sans être un spécialiste de l’automobile, le lecteur aura compris que ces autos, peintes dans ces couleurs suaves ne peuvent appartenir qu’à des ressortissants du pays de  sa Gracieuse Majesté. La végétation ne ressemble pourtant pas à celle que l’on croise en Grande-Bretagne. De plus, il y a une auto française.

Elle se reconnaît aussi à sa couleur : gris anthracite. Les consommateurs français ont peu d’attirance pour les couleurs vives. L’auto est stationnée devant un panneau d’interdiction …de stationner. Pas de doute, nous sommes en France !

…vous avez trouvé ? Nous sommes sur la Promenade des Anglais, à Nice bien sûr ! Cette artère, bordée de palmiers, symbolise bien la Riviera française.

Et puis, quoi de plus logique que de trouver des autos anglaises sur la route qui a pris ce nom en l’honneur de l’importante colonie d’Outre-Manche qui venait chaque hiver couler des jours heureux à Nice.

J’aime retranscrire dans mes vitrines l’univers des routes bordées d’arbres. La verticalité du tronc permet de construire des images différentes, où la miniature s’efface un peu face au décor.

J’ai été marqué par les artistes japonais et par l’utilisation qu’ils font des arbres,  et  autres structures verticales, qu’il s’agisse de peintres d’estampes ou de cinéastes comme Yasujiro Ozu.

Les fabricants de jouets n’ont pas été sensibles comme moi. Peu d’entre eux ont proposé des reproductions d’arbres qui viennent plutôt de fabricants de décors ferroviaires ou de figurines.

Siku est une exception et on peut remercier la marque d’avoir compris que les enfants aimaient aussi la verdure.

 

 

Mes premières leçons.

Mes premières leçons.

Cet après-midi, je suis dans mon abri de jardin où sont rangées mes archives. Je recherche des photos de voitures de course, plus précisément des cartes postales pour illustrer un blog.

Ces cartes postales de voitures de course ont été mon premier lien avec la collection.

Aux yeux de certains il est bien étrange ce comportement qui consiste à amasser des objets divers et sans utilité apparente.

Aujourd’hui, je recherche la photo d’une Chaparral, prise au Mans dans les esses du Tertre Rouge. C’est une carte postale que j’ai adorée lorsque j’étais adolescent.

Dans le carton étiqueté « archives personnelles collection », je suis attiré par un petit carnet à spirale de couleur verte. Un répertoire. Il s’agit de celui de de notre collection que j’avais pieusement conservé.

C’est le début modeste de ma vie de collectionneur qui est consigné là et qui défile devant mes yeux.

Je pense pourtant aux mots de Barbara dans sa chanson « Mon enfance » :

« Il ne faut jamais revenir aux temps cachés des souvenirs
Du temps béni de son enfance »

Fallait-il rouvrir ce carnet ? Tout me revient. Mes débuts. J’avais 11 ans en 1974 quand j’ai commencé ce répertoire. Mon père m’avait conseillé de noter tous les modèles que j’avais, afin d’avoir quelques éléments dans le futur, notamment la date et le prix d’achat.

J’ai continué et aujourd’hui encore, je consigne par écrit sur des fiches bristol tous mes achats, avec les mêmes critères qu’au début.

Même à la retraite, je n’aurai jamais le temps de tout reprendre dans un fichier informatique.

Je fais défiler les pages. L’écriture est celle d’un enfant. Apparaissent quelques Dinky Toys, des Mercury. Que des autos de course, bien sûr.

Les prix sont modestes, quelques dizaines de francs. Surgit soudain un modèle annoté d’un 750 francs. Autant dire que ce prix se détache nettement des autres.

Je me souviens très bien de ce modèle. Comment pourrait-il en être autrement ? 750 francs en novembre 1976. La scène est resté gravée à jamais.

C’était chez M. Scherpereel. Jusqu’à présent, lors de nos visites dominicales, je me concentrais sur la vitrine plate à l’entrée du magasin, ou mieux, celle dans le coin à droite. C’était en quelque sorte les vitrines des premiers prix.

Ce jour-là, mon père qui devait avoir en tête le prochain Noël, entama la conversation avec le commerçant. Cela faisait un an que nous venions de temps en temps acheter une miniature ou deux.

Mon père, qui a toujours été attiré par le beau, avait bien compris que la petite vitrine, derrière le commerçant, devait contenir les pièces rares. Le fait qu’elles soient en petit nombre, dans une vitrine en forme de calandre l’intriguait. .

Mon père avait bien sûr tout compris. Ce fut ma première leçon. Savoir où poser les yeux.

A sa demande, M. Scherpereel en sortit cette monoplace Auto Union de chez Märklin qui répondait parfaitement à nos critères de recherche et nous en expliqua tout l’intérêt.

Quand j’ai vu le prix, 750 francs, je crois que j’ai été gêné. Mais mon père ce jour-là franchit le cap.

Il l’acheta en me disant que ce serait mon cadeau de Noël, un peu comme pour justifier cette folie. Vu le niveau de notre collection à l’époque, c’en était une. Il ne savait pas qu’il venait de mettre le doigt dans un engrenage qui allait faire de la collection de miniatures notre passion, et plus tard mon métier. Quel destin quand j’y repense.

J’ai oublié les autres miniatures qui étaient dans cette vitrine ce jour là, sauf une. En bas à gauche.

C’était sûrement la miniature la plus récente de cette vitrine réservée aux modèles rares et anciens. Une étrange Dinky Toys. La boîte ne m’était pas familière. Elle intriguait. Il s’agissait d’une Triumph Vitesse fabriquée en Inde.

Un exemplaire du début de cette fabrication de Binns Road délocalisée en Inde. Une vraie Dinky Toys, et non une copie comme des ignorants ont pu le colporter. (voir le blog consacré à ce sujet) .

Dans l’euphorie de l’achat de l’Auto Union, moi qui étais pourtant réservé, j’ai demandé alors au marchand pourquoi cette Dinky Toys figurait dans cette vitrine. Il nous la sortit. Son prix me déçut. Je pensais que cette vitrine élitiste ne contenait que des modèles au prix élevé.

Ce fut la deuxième leçon du jour. Rareté et prix élevé sont deux choses bien différentes. M. Scherpereel, en plaçant cette rare miniature Dinky Toys de fabrication indienne à cet endroit voulait simplement attirer le regard des connaisseurs.

Je me souviens que ce modèle est resté très très longtemps à cet endroit, des années, ne trouvant pas preneur. J’y repense quelquefois, quand, moi aussi, j’essaie d’attirer l’attention sur un modèle peu fréquent, pas forcément très cher, mais que j’ai eu du mal à faire rentrer dans ma collection.

Il arrive que je ne trouve pas d’acheteur. Je repense alors à cette miniature indienne. Il est parfois difficile d’expliquer aux collectionneurs tout l’intérêt d’un modèle.

En 2020, une Auto Union monoplace 16 cylindres se négocie à des prix allant de 100 à 200 €. Une Dinky Toys indienne de première génération, 3 à 4 fois plus.

Cela m’amène à la troisième leçon du jour. Ecoutez toujours les gens qui ont de l’expérience. J’ai écouté religieusement ce que disaient M. Scherpereel, et d’autres anciens comme Charles Prieur. Et puis un jour, j’ai compris que j’étais mûr pour analyser, comprendre, évaluer un modèle.

Ces Dinky Toys indiennes de première génération, j’ai pu en obtenir en Grande-Bretagne, il y a fort longtemps. J’avais retenu la leçon. Le seul bémol résulte du fait qu’elles sont très fragiles. j’ai renoncé à certains achats à cause de la mauvaise tenue dans le temps de ce zamac de qualité médiocre. Cela contribue à leur conférer une rareté supplémentaire.

On appréciera la grande variété de couleurs. J’ai gardé aussi les Nicky Toys, qui sont venues ensuite, découlant de ces premières séries. Mais je n’ai jamais cherché à collectionner les couleurs de ces dernières.

Elles étaient très communes dans les années 80, alors que les Dinky Toys indiennes elles, étaient déjà rares. Cela M. Scherpereel le savait, lui qui avait placé la Triumph Vitesse à cet endroit pour éveiller la curiosité que doit avoir tout collectionneur.

Sage comme une image

Sage comme une image.

Tendez l’oreille. La fenêtre est ouverte, et l’on entend les oiseaux chanter. Les trois bambins assis sur leurs chaises ne les entendent pourtant pas. Ils jouent avec des miniatures Siku. A voir les ombres projetées par les objets placés sur la table, le soleil brille pourtant déjà fort. Les enfants pourraient d’ailleurs bien être dehors.

Derrière eux, sur une console, le poste de télévision est éteint. A quoi bon l’allumer quand on a des miniatures et toute une panoplie d’accessoires permettant de recréer un monde imaginaire. Un monde lilliputien.

La scène décrite correspond à la couverture du catalogue Siku 1961.

C’est en triant ma documentation que m’est venu le sujet du jour : ce splendide catalogue Siku m’a inspiré.

Le fabricant de jouets fait passer un message très simple aux parents: « Achetez nos miniatures, et vos enfants seront conquis ». J’ai fait le lien avec le confinement obligatoire de mars 2020, et les témoignages de parents ne sachant plus quoi faire de leur progéniture.

Parents, vous avez des enfants confinés chez vous depuis quelques semaines ? La télévision braille toute la journée. Vous ne supportez plus vos ados. Leur musique saccadée et vociférante, en un mot, assez éloignée de ce que écoutez vous indispose ?

Alors, essayez avec eux les miniatures automobiles : ouvrez vos vitrines !

Vitrine avec modèles anglais et dérivés
Vitrine avec modèles anglais et dérivés

Recréez sur la table de la salle à manger l’univers de votre enfance. Vos enfants, qui finalement ne savent pas grand chose de vous, auront ainsi la possibilité de mieux vous connaître.

Ils découvriront qu’il y a cinquante ans des usines fabriquaient en Europe (si, si) des reproductions miniatures des voitures que l’on croisait à l’époque dans la rue. Des enfants dont vous faisiez partie s’amusaient avec.

Dites leur, que des heures durant, vous pouviez rester assis sur une chaise à jouer avec ces petites voitures et que c’est de là que vous est venue votre passion pour les miniatures automobiles.

Vous pourrez ainsi leur révéler un peu de votre personnalité, selon que vous étiez brise-fer ou au contraire précautionneux avec vos jouets.

Cela vous permettra peut-être de rétablir le dialogue avec eux.

N’ayant plus d’ados à la maison, mais un chat que j’ai renoncé à éduquer, j’ai profité du confinement pour trier mes catalogues par pays, dans la même logique que le classement de mes vitrines.

J’ai alors constaté que les fabricants de jouets allemands, surtout Märklin et Siku, mettaient souvent en avant, sur les couvertures de leurs catalogues, l’enfant et ses jouets. C’est plus rarement le cas des fabricants français, anglais et italiens.

J’ai sélectionné trois catalogues Siku dont les couvertures sont des invitations au jeu. Prenons celui en noir et blanc.

Comment ne pas se projeter dans la situation : assis dans le salon, jouant avec un splendide Mercedes Külwagen référence V96. Le prix de l’objet a dû faire revenir à la réalité plus d’un enfant : 2,75DM.

L’autre enfant pousse précautionneusement le semi-remorque citerne référencé V45…3,45DM : trop cher également.

Le troisième enfant a dans les mains la V83, l’Opel Rekord 58 à 1DM, voilà qui paraît bien plus raisonnable.

Combien d’enfants n’ont ils pas échaffaudé de savants calculs et les projets qui vont avec en étudiant la liste des prix ? Finalement, ces catalogues nous ont presque autant occupés que les miniatures qu’ils contiennent.

La catalogue de 1960, de couleur violet, met en scène un père et son fils occupés à jouer sur le coin d’une table. Le père a en main une loupe.

Le dessinateur, dans une bulle, a choisi de grossir un détail, ici une roue. Le message de Siku envoyé aux parents est clair : nos miniatures sont fines et détaillées.

L’enfant semble médusé devant tant de détails, il n’a d’yeux que pour son père qui s’affirme ici en fin connaisseur.

Siku n’hésite pas à relier le monde réel, aperçu par la fenêtre de la pièce en arrière plan et le monde virtuel que l’enfant peut récréer sur la table de la salle à manger. Notre petit ami devait avoir de bons bulletins à l’école, car le parc de modèles Siku en sa possession est impressionnant.

Mon catalogue préféré est celui de 1961. J’ai décrit la couverture plus haut. Les illustrations qui figurent au dos, sont également hautes en couleur.

On y voit une scène se déroulant sur une plage, dans le nord de l’Allemagne : l’eau n’a pas l’air très chaude, et à voir la position de l’abri de plage, le vent vient de la mer. D’ailleurs aucun personnage n’est dans l’eau !

Le père, allongé à même le sable, observe son fils fort occupé avec sa flèche soulevant des grumes. Bien que sur une plage, l’enfant a choisi d’installer des sapins. Il vit peut-être le reste de l’année en pleine Forêt-Noire et tente de récréer son univers familier.

Sur le dessin situé en bas de page, c’est la mère qui est présente, debout, dans le jardin. Elle observe sa progéniture qui joue au milieu des fleurs. Tout à l’air de bien se passer, même si l’un des frères tend l’index vers sa petite soeur qui maltraite le pantographe de la motrice du tramway. C’est du Siku, donc du solide.

Au milieu des années soixante, les enfants disparaissent des couvertures des catalogues Siku, mais également des catalogues Märklin. Ils reviennent en force après 1968.

Après cette date, les autres grands fabricants européens, Solido, Politoys,Tekno et bien d’autres vont reprendre à leur compte ce que les Allemands utilisaient au milieu des années cinquante.

C’est une des répercussions de mai 68. L’enfant devient le centre de toutes les attentions. C’est l’arrivée de la société de consommation et de l’enfant roi.

Les catalogues post-68 sont un bon exemple. Mon père qui tenait un magasin de chaussures me racontait qu’après cette date, certains parents commençaient à demander l’avis de leur enfant sur le choix du modèle de chaussure ou sur sa couleur. Ceci était impensable avant mai 1968.

A partir de ce moment, l’image du père ou de la mère sur la couverture des catalogues de jouets disparaît à tout jamais. Seule celle de l’enfant demeure. Toujours en avance, Solido fera apparaitre en dessin, en 1973 des enfants de toutes nationalités dont un de couleur noire. Aujourd’hui les fabricants ont à coeur de représenter dans leurs catalogues la société dans toute sa diversité.

 

La lectrice

La lectrice

Dernièrement, une information a retenu mon attention. Un chercheur gallois annonçait que les suites pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach avaient été en partie composées par son épouse, Maria-Magdalena. Il récidiva plus tard en annonçant que la soeur de Mozart avait participé aussi à la composition de quelques oeuvres. Je ne sais s’il faut accorder trop de crédit à ce genre d’annonces, mais une chose est sûre, je ne vais pas attendre qu’un journaliste découvre le pot aux roses avec le blog de l’Auto Jaune : je l’avoue dès à présent, mon épouse participe à l’écriture du blog.

Je me souviens du jour où elle a regardé la feuille sur laquelle j’avais rédigé le brouillon de mon premier blog. Connaissant ses facultés de rédaction, je souhaitais qu’elle ait un regard critique sur mon travail. Ce fut la douche froide.

Contresens, erreurs de syntaxe, fautes d’orthographe, le bilan n’était pas fameux. On peut dire qu’elle s’arrachait les cheveux. Elle m’a confié plus tard avoir bien cru que nous n’y arriverions jamais.
Moi qui partais avec de grandes illusions, j’ai compris qu’il allait falloir travailler dur si je voulais arriver à mon but : partager et transmettre ma passion des autos miniatures.

Ainsi, à « grands coup de ciseaux » pour reprendre son expression favorite, mon épouse a remanié le texte afin qu’il soit clair et compréhensible de tous. N’ayant pas un égo surdimensionné, j’ai pris la chose avec philosophie. Avec le temps, j’ai pu constater que ses corrections permettaient aux gens non initiés au monde de la collection de miniatures de trouver un intérêt à la lecture de ces quelques lignes.

Il faut reconnaître que le support papier n’était pas la bonne solution et que le traitement de texte facilite le travail à quatre mains. Mais l’inspiration me venant souvent de manière soudaine, sur mon vélo, dans une salle de cinéma, dans un musée ou dans le métro j’ai toujours besoin de consigner l’idée sur une feuille avant qu’elle ne s’envole.

Cependant, poursuivant notre petit bonhomme de chemin, nous voici arrivés au cinq-centième blog, ce qui représente quelques feuillets. Je n’ai  pourtant jamais eu la tentation de concevoir un ouvrage sur notre collection. Ce qui m’intéresse, c’est de présenter les miniatures à travers leur histoire et mes expériences personnelles, sous un angle original et différent de ce qui existe déjà. Pour cela, le blog laisse une liberté sans pareille : il est de plus accessible à tous. Et si de livre il n’y aura jamais, j’ai quand même décidé de faire un clin d’oeil au monde de l’édition en retenant ce thème pour le blog du jour.

En fait, je dois avouer, qu’il y a déjà très longtemps que je cherchais un prétexte pour vous montrer une miniature qui me tient à coeur. Il s’agit d’un véhicule réalisé par Erzgebirge.

C’est plutôt la thématique choisie par le fabricant qui est exceptionnelle. Il s’agit d’un bibliobus des années trente. D’après des photos que j’ai pu voir du vrai véhicule, il aurait été conçu sur la base d’un Büssing.

Réalisé bien sûr en bois, comme tous les jouets de cette firme, il possède un charme indéniable. Le fabricant a même pris le soin de faire figurer à l’intérieur, à l’aide d’un tampon, des livres rangés sur des étagères.

Une figurine représentant la bibliothécaire finit de donner au jouet toute sa poésie. Enfin, il est intéressant de rapprocher la fabrication de ce jouet de la période troublée que traversait l’Allemagne dans les années trente et notamment de l’autodafé en 1933 des ouvrages écrits par des écrivains juifs ou communistes. Ce pacifique petit véhicule, contemporain de ces exactions, peut être vu comme un symbole de la transmission du savoir, mais aussi comme un pied de nez aux autorités nazies.

A partir de ce véhicule, j’ai choisi de dériver vers les véhicules arborant des noms de journaux ou de maisons d’édition situés dans l’Europe du Nord. Au regard du nombre de miniatures aux couleurs des grands quotidiens allemands, on ne peut s’empêcher de penser qu’il y  avait outre-Rhin un engouement pour ce type de vecteurs publicitaires.

Le grand quotidien « Der Spiegel » fera réaliser des miniatures à ses couleurs.

Märklin fournira tout d’abord un Volkswagen Kombi, puis Tekno un camion Ford D800.

Pour cette occasion, Tekno a conçu cet habillage de type fourgon, peu crédible mais bien pratique pour apposer l’autocollant ceinturant la caisse. Il s’agit bien sûr de véhicules hors commerce.

A partir de son Volkswagen fourgon, Wiking produira une version estampillée à l’aide d’un tampon « BZ » pour le Berliner Zeitung.

En tant que firme berlinoise, Wiking semblait une entreprise toute indiquée pour ce journal.Ce produit est rare. Je ne me souviens pas en avoir croisé un autre que celui que je possède.

C’est à RW Modell qu’un autre journal, le « Berliner Morgen Post » s’adressa pour reproduire ce sympathique Ford Transit châssis court.