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Mobilité douce

Mobilité douce.

Le décor est minimaliste. Un bureau, une chaise, un fauteuil. Nous sommes au théâtre et nous assistons à un monologue de Fabrice Luchini, capté par la télévision et intitulé « Des écrivains parlent d’argent ». Pas besoin de décor d’ailleurs, l’acteur occupe l’espace à lui tout seul.

Il hypnotise son public, joue avec lui, le fait participer. Il ne se gêne pas pour le caricaturer. Il invente ainsi le personnage de la « guerrière » celle qui lit Télérama, ne rate pas une exposition et traîne son mari, Robert, au spectacle. On sent qu’il aime son public, l’amour est réciproque.

Fabrice Luchini : Un homme heureux à Paris ?
Fabrice Luchini : Un homme heureux à Paris ?

Plus tard, au milieu de son monologue, il évoquera avec respect ses maîtres, Louis Jouvet et Michel Bouquet qui un jour lui avait révélé  » tu crois que tu joues pour les spectateurs mais en fait tu joues avec ».

Soudain, en plein spectacle, il invective des « spectateurs » qui arrivent en retard. Il arrête le cours de son histoire pour aborder les problèmes de transport à Paris. Il semble connaître les problèmes qu’ont rencontrés ces retardataires : les embouteillages inextricables qui empêchent d’arriver à l’heure au spectacle à Paris.

Avec humour, il décrit les difficultés qu’ont désormais les gens à vivre ensemble et à se respecter. Chacun pour soi. Il parle de »mobilité douce » pour reprendre l’ expression à la mode dans les milieux politiques et qui convoque les nouveaux moyens de locomotion destinés à remplacer la voiture : trottinettes, vélos, monoroues…. Il s’en sert même comme d’un leitmotiv.

Se déplacer dans Paris est un enfer quotidien.

Pourtant cela n’a pas toujours été le cas. Hasard du calendrier, quelque temps après, lors de la manifestation lyonnaise « Epoq’ auto », j’ai fait une découverte que j’ai reliée à ce spectacle et à  » la mobilité douce ».

Le vendeur d’un stand m’a accosté pour m’annoncer qu’il avait peut-être quelque chose pour moi. Il extirpe alors d’un carton une splendide boîte de jeu au titre évocateur : « Panam’auto ».

La présence sur le couvercle du coffret d’une étiquette représentant quelques monuments emblématiques de la capitale : arc de triomphe, tour Eiffel, colonne Vendôme, obélisque, opéra Garnier et des automobiles, prouve ainsi que l’automobile a longtemps fait bon ménage avec la ville de Paris.

Au point même de faire l’association entre ce moyen de locomotion et la ville lumière pour ce jeu de société.

Mais pourquoi avoir choisi le terme, désuet de nos jours, de « Panam’ « ? J’ai trouvé la réponse grâce à un article fort bien documenté signé Claude Duneton qui tenait dans les pages du Figaro une rubrique « le plaisir des mots ».

Cette appellation de « Panam’ » pour signifier Paris fut d’abord péjorative. Elle date de « L’affaire Panama » de 1892. Plus d’une centaine de députés avaient reçu des chèques de la société de percement du canal, destinés à ’acheter les votes. En écho à leur mécontentement, les maraîchers de la banlieue qui devaient chaque jour payer l’octroi lors du passage aux portes de Paris avec leur marchandise, renommèrent la capitale  » Paname » associant ainsi l’image du scandale à la ville.

Comme l’explique Claude Duneton, c’est la première guerre mondiale qui fit évoluer la signification de ce sobriquet quand les soldats partis au front n’avaient qu’une idée en tête, celle d’avoir une permission, de quitter l’enfer, et de revenir à « Paname ». Et c’est ainsi que le surnom prit une connotation joyeuse et le garda jusqu’à Maurice Chevallier.

(lire le blog c’est béton)

(lire le blog il est cinq heures) 

Nous pouvons d’ailleurs dater ce beau coffret du début des années trente. La particularité de celui-ci tient à sa composition. Il est connu et répertorié avec six Renault Nervasport fabriquées par la C-I-J.

Celui trouvé lors du salon est singulier : trois Peugeot 201 torpédo de chez AR dans trois coloris différents et trois incroyables CD : une Renault 40cv coupé, une Delahaye fourgonnette et une Chenard et Walker limousine.

On peut penser que le fabricant du jeu panachait la garniture de ses coffrets avec ce qui était disponible dans le stock des petits fabricants qu’étaient AR ou CD. C’est peut être le prix de vente inférieur des Renault Nervasport qui conduisit l’assembleur à se tourner vers la C-I-J.

Il était sans doute aussi intéressant, pour un jeu, d’avoir des numéros de course assortis (vous aurez noté que les numéros se suivent). L’état exceptionnel des autos qui n’ont jamais servi renforce l’idée d’authenticité du coffret.

Quelle belle découverte ! On appréciera la transition entre ces deux fabricants français. Les CD, bien antérieures aux AR sont certes plus rustiques mais quel charme.

Cette Renault 40cv est en tout point somptueuse. Sa ligne fluide, élégante, équilibrée, en fait la plus belle pièce du coffret.

C’est celle que j’aurais choisie pour participer à ce jeu qui consistait à éviter les embûches de la circulation parisienne.

Au début des années 1930 on évoquait déjà les ralentissements. Le tapis du jeu est révélateur avec ses sens interdits et les injonctions de ralentir. Finalement la circulation dans Paris ressemble un peu à ce jeu de société : une progression semée d’embûches et relevant du hasard .

 

Que sont ils devenus ?

Que sont ils devenus ?

Solido sera le seul fabricant français de miniatures en zamac à ne pas succomber aux charmes de la Simca 1000 lors de la sortie de la petite berline de Poissy.

Elle n’en offrira la reproduction que quarante ans plus tard, dans une gamme dédiée à la nostalgie des années soixante

Solido, qui avait déjà de quoi s’occuper avec son programme de sportives a sciemment laissé les reproductions de voitures de tourisme à Dinky Toys.

Cette dernière offrit une bonne reproduction même si les jantes flottent un peu dans les passages de roue. La Dinky Toys a connu un franc succès auprès du public.

Elle a été déclinée en version économique (Junior), et, fait unique, dans deux couleurs distinctes. La Simca 1000 de Bobigny eut l’honneur d’être produite en Espagne (Poch ) et même en Afrique du Sud (Harris).

Il existe des versions rares, connues en plusieurs exemplaires, qui combinent des carrosseries et des couleurs de modèle de la série Junior, mais avec des finitions (châssis, suspension et aménagement intérieur) de la série 500. On connaît aussi des modèles de la série Junior, donc économique, qui empruntent les couleurs bleu et rouge de la référence 519. Je les ai trouvés auprès de M. Malherbe du bureau d’étude. Ces modèles ont dû servir de test au service marketing pour expliquer aux commerçants ce qu’allait être cette série économique. Avant de créer des teintes spécifiques, la direction a utilisé les teintes existantes.

On observe le même phénomène avec la Panhard qui dans sa couleur de série, mauve, a été testée en série junior et distribuée lors du salon du jouet

Enfin, deux modèles de couleur argent ont été retrouvés par Jean-Michel Roulet rue du Maroc. Ces modèles devaient faire partie d’un ensemble de propositions faites à la direction. Il subsiste au moins ces deux exemplaires qui ont juste pour différence la couleur d’intérieur (noir et vert pomme) Les modèles sont finis comme des modèles de série avec des pochoirs identiques.

JRD a offert une miniature très correcte à une échelle légèrement supérieure au 1/43. Elle possède les capots et malles ouvrants, laissant découvrir un moteur sous-dimensionné… qui aurait inquiété les acheteurs de nos petits concessionnaires. Il est certain qu’un tel moteur devait être frugal.

C-I-J a aussi succombé au charme de la petite berline de Poissy. Le résultat est fort convaincant. Je la préfère à la Dinky Toys. Une série hors commerce limitée à 350 exemplaires sera produite. Elle se distingue par sa planche de bord noire et son marquage numéroté sur le chassis. Pour l’occasion la firme de Briare apposera une étiquette sur une face de la boîte.

Près de dix ans se sont écoulés. La Simca 1000 a subi quelques modifications, mais elle est toujours là.  Seule Norev apportera des modifications à sa miniature suite aux changements esthétiques de 1969.

C’est à cette époque que Chrysler est devenu actionnaire majoritaire de la marque. Matra est arrivé dans le réseau Simca. Une campagne de publicité tente de relancer la marque qui, malgré de bons produits, commence à souffrir du vieillissement de sa gamme et de la concurrence des marques étrangères qui ne se faisait pas sentir durant les trente glorieuses.

En 1974, Simca bénéficie encore d’un capital sympathie auprès de la clientèle. C’est d’ailleurs cet aspect qui est mis en avant dans le texte d’un autocollant distribué dans les concessions Simca : » je suis Simca sympa je suis ! je suis sympa Simca je suis ». Mai 68 est passé par là ! les couleurs criardes semblent avoir été inspirées du courant psychédélique et aussi de celles des Matra-Simca qui se sont imposées trois fois de suite au Mans avec leurs couleurs : bleu et vert.

Le message semble un peu décalé par rapport à la gamme constituée plutôt de familiales. Seule la petite Simca 1000 correspond parfaitement à cette publicité, et plus particulièrement la version sportive Rallye 1 qui connaitra une descendance 2 et même 3.

Dinky Toys avait prévu une Rallye 2 qui figure même dans son catalogue de 1975 sous la référence 520, mais celle-ci ne dépassera pas le stade du prototype.

Et nos petits concessionnaires en herbe de 1961 que sont-ils devenus en cette année 1974 ? Travaillent-ils dans le secteur automobile qui connaît sa première crise énergétique ? Sont-ils devenus fonctionnaires ? Poètes ? Les deux à la fois peut-être.

lire le premier épisode « tu vendras des Simca comme papa ! »

 

Tu vendras des Simca comme papa !

Tu vendras des Simca comme papa !

J’ai trouvé ces textes dans les spams du courrier électronique du site hébergeant le blog :

« Votre argent fonctionne même lorsque vous dormez »

« Pas besoin de s’inquiéter de l’avenir si vous utilisez ce robot financier »

Et lorsque je lis « Faites confiance au robot financier pour devenir riche » je pense à une scène du dessin animé de Walt Disney qui a bercé mon enfance « Le livre de la jungle ». Il s’agit du moment où le serpent Kaa tout en hypnotisant Mowgli pour mieux l’avaler lui répète avec un air sournois « aie confiance »!

Autant dire que ma confiance dans le robot financier est à la hauteur de la confiance que j’avais dans le serpent Kaa !

Cependant, c’est un autre texte qui m’a inspiré, celui qui prétend : « Plus besoin de travailler. Il suffit de lancer le robot.  »

Dans ma famille, mais également à l’école communale, on m’a appris le principe selon lequel l’homme doit travailler pour gagner sa vie. Je ne me rappelle pas avoir entendu parler d’une autre alternative.

Après mai 68, j’ai bien eu conscience d’une évolution dans les mentalités, mais l’idée qu’il fallait travailler pour gagner sa vie demeurait.

Mai 1968
Mai 1968

D’ailleurs, les adultes posaient souvent cette question aux enfants : « Quand tu seras grand, quel métier veux-tu faire ? » L’adulte guettait la réponse, celle qui le replongeait dans son passé en lui donnant la liste des métiers prestigieux et valorisants auxquels il avait lui -même renoncé : aviateur, accordéoniste, vendeur de glaces ou bibliothécaire.

Dans les années soixante, l’automobile faisait encore rêver. Beaucoup d’enfants voulaient être mécanicien, pilote de course, pompiste ou dessiner des autos dans un bureau d’étude.

Monsieur Pigozzi, patron de Simca, comprit l’intérêt qu’il fallait porter aux enfants de sa clientèle. Il se souvint d’André Citroën et de la création des Jouets Citroën, il se souvint également de Louis Renault. Mais il eut une approche tout à fait originale.

Lors du lancement de la Simca 1000, fruit d’un projet Fiat avorté dérivé de la Fiat 600, il fit fabriquer par Novy, en Allemagne une reproduction de cette dernière, distribuée dans les  concessions.

Plus original, il fit réaliser un jeu de découpage, également distribué dans les concessions, où l’enfant se transformait en vendeur de Simca ! Voilà un beau métier. On imagine qu’il donna envie à beaucoup d’enfants de devenir vendeur de Simca 1000 !

Monsieur Pigozzi et son service publicité ne furent pas avares de commentaires louant les qualités de la petite berline. Les points forts de l’auto étaient imprimés sur le carton et le vendeur en herbe n’avait qu’à les apprendre et à les réciter à son papa.

Commençons simplement : « Ses 4 vitesses synchronisées (même la 1ère), assurent à la SIMCA 1000 une souplesse et une facilité de conduite particulièrement remarquables. »

Pour la suite, il fallait être fort en mathématiques : « La superficie totale des glaces représente 1,728m2 et correspond à un angle total de visibilité de 316°. La somme des angles morts n’atteignant que 44°. Ainsi, lorsqu’on lève les 4 glaces, on a l’impression d’être au coeur même du paysage; et quand on  les baisse, on baigne dans une véritable féerie d’air et de lumière. »

Autant d’arguments qui devaient convaincre le papa d’acheter l’auto. En attendant l’enfant pouvait découper les petits personnages et jouer alternativement à l’acheteur et au vendeur. Il fallait y penser.

Une autre originalité du découpage réside dans le fait que le côté « garage et mécanique, » et donc « l’aspect pannes et réparations « est mis au second plan.

On voit bien un pompiste, un peu triste, devant la frugalité de l’auto à la pompe et, en arrière plan, un pont de graissage…rien que de la routine.

De toute façon une Simca cela ne tombe pas en panne.

L’enfant aura même la possibilité de découper quatre silhouettes de l’auto, toutes de couleurs différentes, chacune extraite du catalogue. Notons que ces dernières sont à une échelle de reproduction bien supérieure à la taille de la concession. Voilà encore un argument imparable : la Simca 1000 est bien une « grande petite voiture ».

Il reste enfin la possibilité de garnir la concession Simca avec les nombreuses reproductions réalisées par les fabricants de jouets français. Ces derniers ont quasiment tous compris l’intérêt d’avoir cette petite berline à leur catalogue. Rappelons qu’à cette époque Simca est le deuxième constructeur automobile français.

Le modèle publicitaire de Novy, dont j’ai parlé plus haut, fabriqué en Allemagne, interroge. Pourquoi donc être allé en Allemagne produire cette miniature ? A voir les multiples variantes, dont celle avec vitres pleines qui aura permis au fabricant d’aller dans un premier temps à l’essentiel et de livrer la commande dans les temps on comprend que la réponse se trouve sans doute dans les coûts de fabrication, faibles, et les délais de livraison, très courts. La miniature connaîtra plus tard des améliorations.

Minialuxe semble également avoir été approchée pour réaliser un modèle promotionnel. La boîte avec photos et logo Simca 1000 le prouve. Cette reproduction est de meilleure qualité que la Novy, mais à une échelle légèrement supérieure au 1/43.

La version proposée par Norev, pour rester dans la catégorie des modèles injectés en plastique est de très belle qualité, il s’agit sans doute de la plus fidèle de toutes les reproductions ayant existé. Elle connaîtra une durée de vie à la hauteur de la qualité de reproduction : jusqu’à l’aube des années quatre-vingt.

Enfin, toujours en plastique Clé, au 1/60 et Sésame au 1/42 offrirent leur vision de la Simca 1000. Chacune des deux miniatures correspond parfaitement aux critères de ces fabricants : simplicité et économie. Ces modèle étaient plutôt destinés aux stands de marché ou de fête foraine.

Lire la suite le mois prochain.

 

 

Le filon de la gendarmerie.

Le filon de la gendarmerie.

Les fabricants de jouets français ont mis du temps avant de reproduire des miniatures de la police ou de la gendarmerie.

Lors d’un précédent blog, j’avais souligné les scrupules des industriels du jouet à reproduire ce type de véhicules dont l’image est associée à celui qui a mal tourné. (lire le blog « le blues de la police »).

La C-I-J va être la première en France, à briser ce tabou (voir le blog les deux harengs). Devant le succès rencontré par ces modèles police et gendarmerie, tous les fabricants, qu’ils injectent du zamac ou du plastique (Minialuxe sera le premier dans cette matière) vont lui emboîter le pas.

Norev, leader français des fabrications de miniatures en plastique, ne pouvait rester sans réagir devant l’évident succès de Minialuxe, son concurrent d’Oyonnax, dans cette niche des véhicules de la gendarmerie.

Elle comprit tout le bénéfice qu’elle pouvait tirer auprès de la clientèle en déclinant sa Citroën DS21, et surtout sa berlinette Alpine. Pour l’occasion elle conçut pour ces deux modèles un gyrophare convaincant, ainsi qu’une petite antenne.

Pour sa Land Rover châssis court, elle a créé une antenne fouet. Une fois de plus, on comprend tout le bénéfice que le fabricant pouvait tirer de cet accessoire. En ajoutant un gyrophare et des décalcomanies papier, le tour était joué. Une version de couleur sable, tout à fait crédible, a été produite..

Bien plus tard dans la série jet car, L’ Alpine A310 a également été déclinée en gendarmerie.

Dinky Toys France est d’abord passé totalement à côté de ce type de véhicule et c’est bien dommage. Equipée d’une antenne fouet, la Peugeot 403 familiale aurait été parfaite.

Il faut dire qu’à cette époque tout allait encore bien à Bobigny et l’entreprise n’éprouvait pas le besoin de se remettre en question.

Plus tard sur les conseils de Claude Thibivilliers, arrivé en 1965, elle se laissa convaincre de produire un tel modèle. La Renault Sinpar gendarmerie illustra parfaitement l’attente de la clientèle. Une antenne en plastique, un support en acier la maintenant courbée, deux personnages en pleine action, un poste-radio, une capote, un pare-brise repliable, voilà bien le type de modèle qui répondait à la demande. Il connaîtra deux références et perdra son filin en acier dans le temps. Le véhicule est une belle réussite . Il me procura, enfant, beaucoup de plaisir.

Dans un effet entrainant, Solido, comprit qu’il fallait aussi sacrifier à cette mode « gendarmerie ». Mais comment faire ?

En 1967 l’entreprise n’avait à son catalogue aucun modèle susceptible de remplir cette mission. Une fois n’est pas coutume, le fabricant d’Oulins proposa une auto totalement imaginaire : une « Alfa Romeo GTZ tubolare police des autoroutes ».

Cette dénomination fantaisiste, « police des autoroutes », colle bien à la miniature. Ne la cherchez pas en photo ! Mais elle aurait sûrement ravi les apprentis pilotes de la gendarmerie.

Elle permettra à Solido d’amortir son moule qui ne semble pas avoir rencontré un vif succès en version compétition. Une peinture bleue, des décalcomanies sur les portes, le capot avant et le pavillon, une antenne bien sûr, et, surtout, un petit gyrophare créé spécialement. C’est un jouet, mais il a fière allure.

Le modèle symbolise tout à fait ce type de véhicule d’intervention rapide qui venait juste d’apparaître en France sur les autoroutes.

Autre particularité, la voiture ne fait pas partie de la série 100, comme la version sportive dont elle est déclinée, mais appartient à la gamme militaire (série 200). Elle a connu les deux variantes d’aménagement intérieur qui se caractérisent par la présence d’une roue de secours rapportée puis moulée. Pour l’occasion, la tonalité de la couleur bleue évolue (plus foncée à la fin) et ses phares en plastique passent du cristal transparent au jaune.

Elle connaîtra deux boîtages, preuve d’un certain succès et d’une pérennité. Enfin, il existe une variante plus rare qui empruntera durant quelque temps (1968) la teinte bleu-marine foncé (et non noire comme décrit par erreur dans le livre de Bertrand Azéma) du Renault 4×4 Gendarmerie sorti cette année là.

En1968, année prémonitoire, Solido va élargir son offre avec un joli coffret, à l’intérieur de la gamme militaire. Il est constitué du Renault 4×4 décoré à l’aide d’une grenade, symbole graphique de la gendarmerie, d’une moto BSA , de deux figurines et deux cônes de Lübeck.

Le socle en plastique et la cartouche de protection en carton sont communs aux deux autres coffrets proposés simultanément. Le modèle est fabriqué par Monovac, à Monaco. Monovac est la propriété de Ferdinand de Vazeilles, père de Jean qui, au milieu des années cinquante, a laissé l’ entreprise Solido à ses enfants, avant de créer cette firme spécialisée dans l’injection plastique (maquettes…)

Bien plus tard, au milieu des années soixante-dix, au moment de la cession de l’entreprise par la famille de Vazeilles, Solido se souviendra de ce coffret.

Elle réutilisera la moto et les deux gendarmes. La Renault 12 break remplacera le 4×4. Pour l’occasion elle recevra un gyrophare.

Ce coffret est devenu culte par la reproduction, la première, d’un accessoire qui venait de faire son apparition à la suite des premières limitations de vitesse , un radar.

Pour l’occasion Solido a créé un vilain buisson en plastique qui servait à maintenir le radar en place.

Dans ces années soixante-dix, Solido avait un catalogue plus diversifié. Depuis la disparition de Dinky Toys, berlines et breaks avaient fait leur apparition au catalogue au milieu des coupés sportifs et des voitures de compétition. Il fut donc facile de trouver une remplaçante à la GTZ « police des autoroutes ». Ce fut l’Alpine Renault A310.

La miniature est fort réussie. Un gyrophare, une petite antenne, bien sûr, des, décalcomanies sur les portières. Cette fois, les clients ont eu droit à un modèle réaliste.

Il existe au moins trois couleurs, sans compter les nuances différentes. L’Alpine Renault sera suivie d’un break Peugeot 504 bénéficiant du même équipement et …d’un panneau « halte » inséré dans la cale de blocage de la boîte carton. La miniature a belle allure, elle bénéficie d’une qualité de fabrication héritière de la série 100.

Dans les années quatre-vingt-dix, comme un clin d’oeil au passé, Solido ressortira un coffret Gendarmerie. Le coffret contient une Peugeot 205 sur laquelle Solido s’est contenté d’une tampographie gendarmerie. Le modèle n’apporte pas grand chose. Seul le Saviem VAB est original. Ce n’est plus le grand Solido innovant même si le graphisme du coffret est réussi.

Pour rester dans le thème, signalons qu’à cette époque des hélicop-tères de belle qualité ont été déclinés en version Gendarmerie (Alouette et Gazelle).

L’effervescence créative du milieu des années soixante a disparu. Mais il y a bien eu chez les fabricants de jouets français un mouvement tendant à proposer des modèles « Gendarmerie ».

Le lien entre ces modèles est l’adjonction d’une antenne et d’un gyrophare. A part la Renault Sinpar de chez Dinky Toys, toutes ont été des déclinaisons de modèles au catalogue, permettant au fabricant de proposer à peu de frais des modèles différents. Au regard du nombre de modèles fabriqués, le filon semble avoir été rentable. Merci donc à C-I-J d’avoir créé cette antenne fouet qui a montré la voie aux autres fabricants français.

 

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Les deux harengs.

Les deux harengs

C’est l’histoire d’une amitié. Une amitié entre deux hommes, deux artistes. L’un a connu la reconnaissance assez rapidement tandis que l’autre ne la connaitra jamais. C’est sa disparition qui ouvrira les yeux des critiques, puis ceux du public. Cette amitié se cristallisera à travers un objet, un tableau.

Paul Signac a connu Vincent Van Gogh en 1887 sur les bords de la Seine. Il a été séduit par le travail du peintre hollandais, son utilisation des couleurs pures appliquées en larges touches.

Deux ans plus tard, en mai 1889, Paul Signac se trouve dans le midi lorsqu’il apprend que Van Gogh a demandé a être interné à Saint-Rémy-de-Provence. Par amitié, il décide d’aller lui rendre visite. Il subsiste une lettre de Van Gogh à son frère Théo dans laquelle ce dernier raconte tout le bien que cette visite lui a procuré et surtout l’escapade que les deux amis ont fait ce jour là.

En effet, Van Gogh voulut retourner dans la chambre qu’il occupait à Arles mais les gendarmes avaient condamné l’accès de la pièce, et malgré tous leurs efforts, les deux apprentis cambrioleurs n’arrivèrent jamais à pénétrer dans le lieu. De retour à l’asile, en mémoire de ce bon moment ,Van Gogh offrit une toile à Signac.

Comme il l’écrivit à son frère Théo : »Je lui ai donné en souvenir une nature morte qui avait exaspéré les bons gens d’armes de la ville d’Arles, parce que cela représentait deux harengs fumés, qu’on nomme gendarmes comme tu sais. […]  »

Ce tableau est à l’image de la connivence des deux amis. Paul Signac, sympathisant du mouvement anarchiste, apprécia le geste et garda le tableau chez lui toute sa vie.

D’autres peintres ont eu la malice de présenter des harengs séchés sur leur toile. Louis Léopold Boily y ajouta même un chat noir, prêt à s’offrir le butin.

Louis Leoplod Boily Un trompe l'oeil avec un chat et une buche de bois à travers une toile
Louis Leoplod Boily Un trompe l’oeil avec un chat et une buche de bois à travers une toile

Encore aujourd’hui, dans le langage populaire, le hareng saur est appelé « gendarme » car sa rigidité évoque celle du gendarme figé dans son autorité, appliquant aveuglément la loi sans complaisance ni souplesse.

La mission de la maréchaussée, nom premier attribué au Moyen Âge à ce corps de militaires chargé de la police et de la justice à l’intérieur de l’armée, a évolué. La Gendarmerie nationale est une des plus anciennes institutions françaises. Désormais, elle exerce un rôle de police (sécurité des personnes) en milieu rural et sur les voies de communication.

L’image de ce corps auprès la population a bien évolué. La série des films de Jean Girault racontant les tribulations de la gendarmerie de Saint-Tropez, et la chanson de Bourvil, « la tactique du gendarme », qui connut un grand succès dans les années cinquante, y sont peut être pour quelque chose. Elles ont donné un côté plus humain à l’institution . (écouter la chanson de Bourvil)

Les gendarmes sont nos anges gardiens sur les routes et les autoroutes. Leur image ne peut être dissociée de celles de nos voyages.

Paradoxe : on les redoute, mais on apprécie leur présence en cas de problèmes. Enfant, j’étais impressionné et admiratif quand assis sur la banquette arrière de la berline familiale, nous croisions sur l’autoroute une Citroën SM ou une berlinette Alpine, navires amiraux de la flotte de la gendarmerie.

C’est C-I-J qui comprit le premier l’intérêt de proposer à ses petits clients un véhicule de ce corps d’armée. Cela permit à la firme de Briare d’amortir le moule de sa Renault 300Kgs Dauphinoise.

Le trait de génie de C-I-J est d’avoir reproduit l’accessoire qui caractérise ce type de véhicule rural : l’antenne fouet lui permettant d’être relié à un centre décisionnel.

C-I-J a su parfaitement résoudre l’équation consistant à reproduire cet accessoire de manière réaliste, fonctionnelle et fiable. Une tige d’acier, boudinée à sa base, fixée à l’arrière du pavillon et à son extrémité une boucle façonnée se fixant sur un crochet en acier inséré sur l’avant du capot moteur. C’est simple mais il fallait y penser.

Ce modèle va donc ouvrir la voie à toute une série de miniatures équipées d’antennes. Ce petit accessoire va se révéler un élément déterminant pour la jeune clientèle au moment de l’achat d’une nouvelle miniature. Minialuxe, Norev, Solido vont emboîter le pas. Dinky Toys le fera, bien plus tard, de manière convaincante, avec la Renault Sinpar Gendarmerie.

C-I-J a choisi la couleur bleue pour décorer sa miniature. Pourtant, à cette époque, la flotte des véhicules de la Gendarmerie était peinte en noir. Cette teinte est plus délicate à appliquer sur un modèle réduit (les imperfections sont immédiatement visibles). Il se peut aussi que cette couleur, liée aux véhicules funéraires, ait rebuté la direction de Briare.

Une partie de cette flotte de Renault 300Kgs livrée à la gendarmerie eut un rôle bien particulier. Ces autos servaient à venir en aide aux automobilistes en difficulté. Elles ont été conjointement utilisées par le Secours Routier Français et la Gendarmerie. Elles étaient même équipées d’un brancard et de matériel de premier soin. C’est peut être ce type de véhicule que C-I-J a choisi de reproduire, d’où la couleur bleue qui sera bien plus tard celles des véhicules de la Gendarmerie.

Elle récidivera plus tard avec la Renault Estafette dans sa gamme Europarc, réutilisant la fameuse antenne fouet en acier. En 1963 pourtant, la miniature aurait aussi dû être peinte en noir. Le jouet est plein de charme.

Le second fabricant à comprendre l’intérêt qu’il y avait à proposer des miniatures de la Gendarmerie fut Minialuxe. La firme d’Oyonnax commença avec son fourgon 1400Kg.

Comme C-I-J, elle trouva là un moyen de réutiliser et d’amortir son moule. Il s’agit de la seconde mouture, reconnaissable à son plastique de qualité qui ne se déforme pas. Outre la décoration avec la fameuse grenade, symbole de cette institution, et le gyrophare, c’est l’antenne fouet, de taille démesurée qui attire en premier lieu le regard. C’est bien cet accessoire, créé spécifiquement, qui permet au jouet de se démarquer dans la gamme.

Plus tard, l’Estafette prendra le relais. Pour l’occasion l’antenne perdra de sa superbe. Dans un souci de standardisation, Minialuxe équipera ses différentes déclinaisons d’Estafette de la même antenne, et même plus tard, ses autos au 1/43 .

Le thème « Gendarmerie » rencontra un vif succès auprès de la clientèle. Le nombre de modèles et de coffrets crées en est la preuve. Après les deux fourgons c’est la Matra Djet qui fut proposée. La gendarmerie l’utilisa sur les autoroutes qui au milieu des années soixante commençaient à se développer. Les modèles sont finis en bleu France ou en bleu marine.

Elle sera suivie par d’autres véhicules puisés dans la gamme existante : une Citroën SM, et même une Simca 1100, sûrement un peu juste pour poursuivre sur l’autoroute les contrevenants ! un coffret fut créé où la brave Simca 1100 est épaulée par deux motards, sûrement plus à même de remplir cette mission !

L’on verra que cette idée de moto accompagnatrice donnera des idées à un autre fabricant.

Lire la suite dans un mois. Désormais, le blog paraitra tous les premiers dimanches de chaque mois.