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Le filon de la gendarmerie.

Le filon de la gendarmerie.

Les fabricants de jouets français ont mis du temps avant de reproduire des miniatures de la police ou de la gendarmerie.

Lors d’un précédent blog, j’avais souligné les scrupules des industriels du jouet à reproduire ce type de véhicules dont l’image est associée à celui qui a mal tourné. (lire le blog « le blues de la police »).

La C-I-J va être la première en France, à briser ce tabou (voir le blog les deux harengs). Devant le succès rencontré par ces modèles police et gendarmerie, tous les fabricants, qu’ils injectent du zamac ou du plastique (Minialuxe sera le premier dans cette matière) vont lui emboîter le pas.

Norev, leader français des fabrications de miniatures en plastique, ne pouvait rester sans réagir devant l’évident succès de Minialuxe, son concurrent d’Oyonnax, dans cette niche des véhicules de la gendarmerie.

Elle comprit tout le bénéfice qu’elle pouvait tirer auprès de la clientèle en déclinant sa Citroën DS21, et surtout sa berlinette Alpine. Pour l’occasion elle conçut pour ces deux modèles un gyrophare convaincant, ainsi qu’une petite antenne.

Pour sa Land Rover châssis court, elle a créé une antenne fouet. Une fois de plus, on comprend tout le bénéfice que le fabricant pouvait tirer de cet accessoire. En ajoutant un gyrophare et des décalcomanies papier, le tour était joué. Une version de couleur sable, tout à fait crédible, a été produite..

Bien plus tard dans la série jet car, L’ Alpine A310 a également été déclinée en gendarmerie.

Dinky Toys France est d’abord passé totalement à côté de ce type de véhicule et c’est bien dommage. Equipée d’une antenne fouet, la Peugeot 403 familiale aurait été parfaite.

Il faut dire qu’à cette époque tout allait encore bien à Bobigny et l’entreprise n’éprouvait pas le besoin de se remettre en question.

Plus tard sur les conseils de Claude Thibivilliers, arrivé en 1965, elle se laissa convaincre de produire un tel modèle. La Renault Sinpar gendarmerie illustra parfaitement l’attente de la clientèle. Une antenne en plastique, un support en acier la maintenant courbée, deux personnages en pleine action, un poste-radio, une capote, un pare-brise repliable, voilà bien le type de modèle qui répondait à la demande. Il connaîtra deux références et perdra son filin en acier dans le temps. Le véhicule est une belle réussite . Il me procura, enfant, beaucoup de plaisir.

Dans un effet entrainant, Solido, comprit qu’il fallait aussi sacrifier à cette mode « gendarmerie ». Mais comment faire ?

En 1967 l’entreprise n’avait à son catalogue aucun modèle susceptible de remplir cette mission. Une fois n’est pas coutume, le fabricant d’Oulins proposa une auto totalement imaginaire : une « Alfa Romeo GTZ tubolare police des autoroutes ».

Cette dénomination fantaisiste, « police des autoroutes », colle bien à la miniature. Ne la cherchez pas en photo ! Mais elle aurait sûrement ravi les apprentis pilotes de la gendarmerie.

Elle permettra à Solido d’amortir son moule qui ne semble pas avoir rencontré un vif succès en version compétition. Une peinture bleue, des décalcomanies sur les portes, le capot avant et le pavillon, une antenne bien sûr, et, surtout, un petit gyrophare créé spécialement. C’est un jouet, mais il a fière allure.

Le modèle symbolise tout à fait ce type de véhicule d’intervention rapide qui venait juste d’apparaître en France sur les autoroutes.

Autre particularité, la voiture ne fait pas partie de la série 100, comme la version sportive dont elle est déclinée, mais appartient à la gamme militaire (série 200). Elle a connu les deux variantes d’aménagement intérieur qui se caractérisent par la présence d’une roue de secours rapportée puis moulée. Pour l’occasion, la tonalité de la couleur bleue évolue (plus foncée à la fin) et ses phares en plastique passent du cristal transparent au jaune.

Elle connaîtra deux boîtages, preuve d’un certain succès et d’une pérennité. Enfin, il existe une variante plus rare qui empruntera durant quelque temps (1968) la teinte bleu-marine foncé (et non noire comme décrit par erreur dans le livre de Bertrand Azéma) du Renault 4×4 Gendarmerie sorti cette année là.

En1968, année prémonitoire, Solido va élargir son offre avec un joli coffret, à l’intérieur de la gamme militaire. Il est constitué du Renault 4×4 décoré à l’aide d’une grenade, symbole graphique de la gendarmerie, d’une moto BSA , de deux figurines et deux cônes de Lübeck.

Le socle en plastique et la cartouche de protection en carton sont communs aux deux autres coffrets proposés simultanément. Le modèle est fabriqué par Monovac, à Monaco. Monovac est la propriété de Ferdinand de Vazeilles, père de Jean qui, au milieu des années cinquante, a laissé l’ entreprise Solido à ses enfants, avant de créer cette firme spécialisée dans l’injection plastique (maquettes…)

Bien plus tard, au milieu des années soixante-dix, au moment de la cession de l’entreprise par la famille de Vazeilles, Solido se souviendra de ce coffret.

Elle réutilisera la moto et les deux gendarmes. La Renault 12 break remplacera le 4×4. Pour l’occasion elle recevra un gyrophare.

Ce coffret est devenu culte par la reproduction, la première, d’un accessoire qui venait de faire son apparition à la suite des premières limitations de vitesse , un radar.

Pour l’occasion Solido a créé un vilain buisson en plastique qui servait à maintenir le radar en place.

Dans ces années soixante-dix, Solido avait un catalogue plus diversifié. Depuis la disparition de Dinky Toys, berlines et breaks avaient fait leur apparition au catalogue au milieu des coupés sportifs et des voitures de compétition. Il fut donc facile de trouver une remplaçante à la GTZ « police des autoroutes ». Ce fut l’Alpine Renault A310.

La miniature est fort réussie. Un gyrophare, une petite antenne, bien sûr, des, décalcomanies sur les portières. Cette fois, les clients ont eu droit à un modèle réaliste.

Il existe au moins trois couleurs, sans compter les nuances différentes. L’Alpine Renault sera suivie d’un break Peugeot 504 bénéficiant du même équipement et …d’un panneau « halte » inséré dans la cale de blocage de la boîte carton. La miniature a belle allure, elle bénéficie d’une qualité de fabrication héritière de la série 100.

Dans les années quatre-vingt-dix, comme un clin d’oeil au passé, Solido ressortira un coffret Gendarmerie. Le coffret contient une Peugeot 205 sur laquelle Solido s’est contenté d’une tampographie gendarmerie. Le modèle n’apporte pas grand chose. Seul le Saviem VAB est original. Ce n’est plus le grand Solido innovant même si le graphisme du coffret est réussi.

Pour rester dans le thème, signalons qu’à cette époque des hélicop-tères de belle qualité ont été déclinés en version Gendarmerie (Alouette et Gazelle).

L’effervescence créative du milieu des années soixante a disparu. Mais il y a bien eu chez les fabricants de jouets français un mouvement tendant à proposer des modèles « Gendarmerie ».

Le lien entre ces modèles est l’adjonction d’une antenne et d’un gyrophare. A part la Renault Sinpar de chez Dinky Toys, toutes ont été des déclinaisons de modèles au catalogue, permettant au fabricant de proposer à peu de frais des modèles différents. Au regard du nombre de modèles fabriqués, le filon semble avoir été rentable. Merci donc à C-I-J d’avoir créé cette antenne fouet qui a montré la voie aux autres fabricants français.

 

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D’où venons-nous ?

D’où venons-nous ?

Vous avez sûrement un album de photos de famille. A l’intérieur, on y trouve un concentré de notre vie, de la vie de ceux qui nous entourent. En le feuilletant, vous croiserez peut-être des photos de vos aïeux prises à la campagne, dans une ferme. Nous avons tous des ancêtres paysans.

La France fut longtemps un pays rural. Lors du recensement de 1906, 44% de la population vivait de la terre. En 1954, il n’y en avait plus que 31% . Ce chiffre n’a cessé de diminuer. L’exode rural s’est stabilisé en 1975. En 2021 l’INSEE considérait que 2% de la population active travaillait la terre. Ces statistiques me ramènent  à la chanson de Jean Ferrat « La montagne » qu’il enregistra en 1965.

« Ils quittent un à un le pays

Pour s’en aller gagner leur vie,

Loin de la terre où ils sont nés

Depuis longtemps ils en rêvaient

De la ville et de ses secrets, du formica et du ciné »

Le paysage rural de la France a longtemps été constitué de petites exploitations familiales. Les travaux étaient peu mécanisés et les rendements faibles. Le paysan français était bien souvent propriétaire de sa terre, ce qui peut expliquer qu’il aura du mal à la quitter, du moins mettra-t-il bien plus de temps que ses voisins européens à le faire.

La mécanisation apparaît après la guerre de 1914, afin de pallier le manque de main-d’oeuvre. Elle s’accélère après la seconde guerre mondiale de 1939.

C’est aussi à cette période qu’apparaît l’utilisation intensive des engrais. Les rendements vont devenir une priorité : il faut nourrir le pays qui connait une hausse de la natalité après la guerre.

Cet état des lieux du monde agricole français après la seconde guerre mondiale avec sa faible mécanisation et l’utilisation de la traction animale trouve écho dans la production des jouets. Les fabricants français vont multiplier les réalisations d’attelages hippomobiles, en plomb, en aluminium, puis en plastique sans véritablement s’intéresser aux tracteurs.

C’est aux fabricants de figurines que va revenir la charge de reproduire les différents instruments aratoires. L’échelle de reproduction utilisée par ces derniers est le 1/32. C’est tout naturellement cette échelle qui sera conservée plus tard pour reproduire des tracteurs.

Il y aura en France une grande tradition de fabrication de figurines de qualité. Quiralu dominera ce marché grâce ses produits robustes (aluminium). La firme de Luxeuil diversifiera son offre et  proposera des instruments originaux comme ce râteau à pommes de terre ou ce semoir. Quiralu disposera d’un bon réseau de distribution lui permettant de diffuser aux quatre coins du pays.

De nombreuses petites firmes ont gravité autour de Quiralu. Mais leurs méthodes de fabrication sont plus artisanales et leurs prix de vente plus élevés ce qui freine la diffusion. Moulés en plomb,  donc plus fragiles à l’utilisation, les produits de la firme CL ne manquent pourtant pas de charme.

On appréciera notamment ces attelages menés par des boeufs, spécificité française. L’âne, animal souvent associé aux petites exploitations n’est pas oublié par ces fabricants de figurines. Il assure la liaison de la campagne au marché citadin.

Quiralu proposera un tracteur, décliné en deux versions (chenillard ou avec roues). Son dessin libre peut interroger.

Il s’agit d’une réelle volonté de proposer un tracteur générique que l’enfant ne pouvait pas rattacher à une marque. Il faut sans doute y voir la volonté de s’épargner la demande d’un droit de reproduction auprès d’un fabricant de tracteurs.

D’ailleurs, dans ces années là (1950), Solido fera de même pour ses tracteurs, mais également pour les automobiles. Dans ses mémoires, M. De Vazeilles indique qu’au début de l’aventure Solido, son père Ferdinand, avait fait ce choix pour éviter des démêlées judiciaires avec les constructeurs automobiles.

La firme d’Oulins semble bien consciente du potentiel de vente des jouets agricoles. Elle développera de somptueux coffrets qui permettent à l’enfant de transformer son tracteur en chenillard et d’adapter toute sorte d’accessoires dont une faucheuse, un triple rouleau ou une très belle remorque fourragère. L’échelle retenue est bien sûr le 1/32…là encore il faut s’adapter au marché des figurines !

On ne recherche pas l’harmonisation avec le reste de la production qui se situe au 1/50 pour les camions et au 1/40 pour les autos de cette période. Les petits amateurs d’autos liés au 1/43 ne peuvent incorporer ces engins, bien trop gros dans leur univers de jeux.

On peut se demander si dans la volonté de ne pas reproduire un engin d’une marque identifiable, Solido, Quiralu ou Aludo n’ont pas cherché à ménager la susceptibilité des petits acheteurs attachés à la marque du tracteur familial.

Le marché de la machine agricole est particulier. L’implantation d’un concessionnaire dynamique dans une région fait que la marque qu’il représente est omniprésente dans son périmètre. C’est la qualité de la relation entre ce dernier et le paysan qui prédomine par rapport à la marque du tracteur qu’il représente.

(la suite dans 15 jours)

Une étape décisive.

Episode 4. Une étape décisive.

Pour  mieux comprendre et analyser l’histoire de nos miniatures automobiles, il faut d’abord connaitre l’histoire de ceux qui les ont conçues.  Qu’ils soient industriels, petits entrepreneurs ou même, dans les années soixante modestes artisans.

Après les exemples des miniatures produites par SR, CR, CD (voir le blog il était une fois)  et les Jouets Citroën,  (voir le blog l’odysée en C4 ), le modèle suivant va marquer une  véritable révolution . 1932 va être une année décisive.

1932 est  l’année de la  première utilisation du zamac, en France, par Solido pour injecter des miniatures automobiles.

Cette avancée technique mérite à elle seule l’incorporation des modèles de la série Major dans cette liste de 10. La qualité de fabrication , de finition (chromage) et l’aspect ludique (carrosserie démontable et modulable) sont aussi des éléments à mettre au crédit de ce choix. Solido par ce choix technique révolutionne aussi l’assemblage du jouet qui se faisait par agrafe ou par soudure.

Vous pouvez relire le blog « le gout du luxe »retraçant le parcours de Ferdinand de Vazeilles. Un autre élément est à prendre en considération  pour appuyer ce choix et bien comprendre l’étape décisive que fut l’apparition de ces modèles démontables de la série Major.

1932 marque l’ apparition des autos de « petite » taille chez les marchands de jouets, qu’il faut bien différencier des bazars, et des autres marchands de couleurs. 

Jean de Vazeilles, le fils de Ferdinand, le créateur de la marque  l’a lui même  raconté. Lors du lancement des fameuses Major , Ferdinand de Vazeilles est lui-même allé placer ses jouets dans la fameuse boutique du Nain Bleu rue Saint-Honoré.

Pour cela il a dû créer ses fameuses boîtes. Les coffrets . Avant cela les marchands de jouets n’avaient guère envie de distribuer des miniatures conçu pour une vente au comptoir comme c’était le cas dans les bazars. Il faut penser à la conception même de ces magasins de jouets. Souvent une grande vitrine donnant sur la rue.  Mettre en évidence et donner envie d’acheter  des autos de petite taille  est un casse-tête pour le commerçant. D’où la création de présentoirs ou de de coffrets de grande taille. Dans ces cas, ils peuvent faire concurrence aux jouets en tôle de grande taille.

Un autre point est à prendre en considération. L’arrivée des Solido en magasin de jouets coincide avec un prix de vente conséquent.

Ces rares magasins ne distribuent que des articles de haut de gamme . Le prix d’un coffret Solido peut donc concurrencer un modèle de la marque Jep en tôle. En feuilletant les catalogues d’étrennes des grands magasins du milieu des années trente, les coffrets Solido sont les seules petites autos représentés au milieu des autos en tôle de chez Jep, CIJ et autres. Les Major et leurs dérivés plus accessibles  Junior et Baby ont donc une place primordiale dans ce panthéon de l’histoire des miniatures française.

Plus de 20 ans se sont écoulés entre la Major Solido et le modèle suivant. La guerre est passée par là. Il est à noter que Solido a réussi à produire un peu durant la guerre.

Nous sommes en 1954. C’est aussi à mes yeux une étape très importante. L’arrivée du plastique . Un plastique de qualité, la Rhodialite développée par Rhône-Poulenc.

Ce n’est pas la première utilisation du plastique  en France pour produire des jouets. Ce qui justifie mon choix c’est l’utilisation de cette matière, souvent associée à des jouets bas de gamme, avec l’idée de fabriquer un jouet de qualité, détaillé, fidèle, et comble du luxe vendu avec un étui individuel.

J’ai choisi la Simca Aronde Norev, car elle débuta la série. Elle sera mise en vente avec une belle boîte illustrée. En comparaison, la Simca Aronde de Dinky Toys sera le premier modèle de Bobigny a, enfin, recevoir un étui individuel avec la Buick Roadmaster et le Peugeot D3A Mazda.

Quel tour de force de la part de Norev de pouvoir offrir une auto comportant autant de pièces rapportées avec un prix de vente si bas.

N’oublions pas que nos belles Dinky Toys sont monoblocs. Les détails sont soulignés au pochoir. Il faudra attendre plus de 10 ans pour voir des Dinky Toys avec des pare-chocs rapportés (Ferarri 275GTB) !

Les frères Véron auront réussi un beau tour de force en lançant des modèles de grande qualité accessibles à tous. Le succès sera au rendez-vous auprès des enfants, même s’il faudra attendre longtemps, les années 1990- 2000, pour une reconnaissance de la part des collectionneurs qui longtemps dédaigneront les Norev du fait de leur carrosserie en plastique.

Le dernier modèle du jour est aussi une Solido. Elle porte la référence 121. C’est la Lancia Flaminia.

Elle synthétise toutes les  innovations technique de la firme d’Oulins. Avec l’arrivée de la série 100, en 1957, Solido n’a cessé d’innover. cela perdurera durant toute cette série. Aprés  avoir été le premier fabricant au monde à équiper ses miniatures de suspensions (voir le blog sur la Jaguar Type D) Solido sera aussi le premier à équiper une miniature de portes ouvrantes (voir le blog sur la Lancia Flaminia). Solido collectionnera les  premières .

Difficile ne pas parler des blindés et leurs fameuses chenilles. Solido ajoutera aux innovations la qualité.

Difficile aussi de ne pas commenter le choix , souvent judicieux des modèles. Solido a compris très vite l’intérêt de sortir des modèles de sport et de course, au contraire de Dinky Toys qui n’a pas vu le changement arriver

Solido mérite bien, à mes yeux, d’apparaitre deux fois au palmarès des dix miniatures  françaises les plus marquantes de l’histoire. 

Vous pouvez aussi relire le premier épisode expliquant la genèse de cette histoire.

Il était une fois…

Episode 2. Il était une fois…

La vente de jouets a longtemps été une vente saisonnière liée aux étrennes. Pour essayer de convaincre les commerçants que la vente de jouets pouvait constituer une vente régulière, les fabricants devront s’armer de pédagogie, user de courriers persuasifs et d’encarts publicitaires dans les revues spécialisées. Cela prendra du temps.

De ce fait, même à Paris au début du vingtième siècle, les magasins de jouets sont rares. Ils ne diffusent que des produits luxueux, réservés à une clientèle aisée, comme le fameux « Nain Bleu »  qui ouvre en 1836.

Les grands magasins comme la Samaritaine, le Bon marché, Le Printemps ont aussi un rayon jouets que l’on imagine modulable au moment des fêtes de fin d’année. Ils éditent en fin d’année de luxueux catalogues qui sont de précieuses sources d’information pour les amateurs de jouets anciens.

Parallèlement à ces jouets luxueux, il existe une autre production de jouets beaucoup plus ordinaire, plus abondante qui est écoulée chez les marchands de couleurs, dans les bazars et les établissements diffusant des articles bon marché ainsi que par les camelots sur les boulevards.

Ces jouets sont de taille plus réduite, leur finition est simple. Ils ne peuvent être comparés à ceux diffusés dans les magasins de jouets.

C’est dans cette catégorie de jouets de bazar que vont apparaitre les premières « petites autos » en France, ancêtres de nos miniatures.

Elles sont l’oeuvre de SR (Simon et Rivollet). L’échelle se situe entre le 1/70 et le 1/90. Elles sont injectées dans un alliage composé de plomb et d’étain.

Les carrosseries sont de type monobloc et, prouesse pour l’époque à cette échelle, possèdent des roues à rayons, montées sur des axes en acier d’une finesse surprenante.

A l’origine ce sont des petits objets distribués comme prime avec la confiserie ou même parfois comme fève dans des gâteaux d’anniversaire ou de mariage. On les trouve également dans les rayons réservés aux objets de décoration (sapins de Noël, cheminée) ou  comme accessoires de jeux de société. Dans la littérature anglo-saxonne on leur donne le nom de « novelties » (ce nom apparaît chez Dowst à Chicago, firme qui créera la marque « Tootsietoys » en 1924).

C’est l’idée de reproduction à une échelle très réduite, lilliputienne, qui semble séduire les acheteurs. A bien y regarder, ces premières petites autos sont des reproductions en miniature, non pas des automobiles que les enfants voient dans les rues mais des beaux jouets en tôle qu’ils ne peuvent qu’admirer dans les catalogues édités pour les étrennes.

A côté des automobiles, on trouve des bateaux, des avions (le fameux Blériot), des trains à vapeur mais aussi bien sûr du mobilier de poupée également reproduit dans cet esprit de « jouet parodié ». Il est à noter que ces thèmes (petit train, bateau, accessoire de poupée) perdureront chez les fabricants de jouets jusqu’à la seconde guerre mondiale, même chez les plus grands comme Dinky Toys, Solido, ou Tootsietoys en Amérique ! Preuve qu’ils ont marqué les esprits de plusieurs générations d’enfants.

Ces SR sont très fines et facilement identifiables. La gamme comporte des bus, des automobiles, des taxis, des attelages hippomobiles, des petites charrettes… La gravure de ces jouets est assez exceptionnelle et n’a rien à envier aux modèles reproduits 50 ans plus tard. Seul bémol, afin de réduire le coût de fabrication, ils ne reçoivent qu’une couche de peinture unicolore (souvent de couleur or)  assez épaisse d’ailleurs, ne mettant pas en valeur leur qualité ou alors subissent un traitement leur donnant un aspect cuivré. Je commencerais donc mon musée avec ce peu fréquent mais très abordable taxi yellow cab.

Le second objet choisi serait une production CR .

En 1894, CR est la première firme en France à proposer une reproduction en jouet d’une automobile. Elle fonctionne à l’alcool. C’est un phaéton reproduit au 1/20 environ. C’est un jouet luxueux destiné aux beaux magasins.

Parallèlement à ces beaux jouets, cette marque va fabriquer des jouets bon marché, à taille réduite, 1/43 environ, qui rentrent donc dans mes critères de sélection . C’est donc cette version que je choisis dans mon panthéon.

C’est une caractéristique de nombreux industriels du secteur du jouet que de produire pour ces deux créneaux. Tous les fabricants de jouets, tenteront l’expérience. On pense aussi à Dinky Toys et ses Junior, Solido et ses Mosquito, AR et ses 301 camionnettes, Champion et ses Racing , Norev et ses Baby, etc…

CR proposera donc une série de miniatures, réduites au 1/43 pour les autos et au 1/70 environ pour les bus De Dion.

On peut même créer une sous-division dans cette catégorie. Les plus économiques sont en tôle peinte et possèdent une petite perforation sur le devant du châssis afin que l’enfant y attache une ficelle. Ce sont des jouets dits « de parquet ». Ils sont à traîner.

Certaines versions plus luxueuses étaient en tôle lithographiée et possédaient un moteur à inertie consistant en une roue moulée en plomb, fixée sur un axe traversant le jouet et entrainant deux roues.

La marque aura affaire à une forte concurrence sur le marché français avec les jouets importés d’Allemagne produits par Meier, Fisher et autres. Ces jouets allemands étaient souvent plus sophistiqués, plus luxueux.

CR a cependant innové en étant le premier fabricant au monde, en 1888 à mettre au point l’assemblage par agrafage en place des soudures, nocives pour les ouvriers. Plus tard, toujours dans le souci de réduire la toxicité et de remplacer la peinture, CR achètera le brevet de la décoration par procédé d’impression lithographique.

Difficile de choisir entre le double phaéton et le bus De Dion pour ne conserver qu’un modèle…

Le troisième modèle à mettre dans ce panthéon imaginaire serait une des Delahaye de la marque CD produites vers la fin des années 20.

Cette miniature marque une étape importante. Ce fabricant injecte ses modèles en plomb. Les qualités de gravure et d’injection sont excellentes, si on les compare aux fabrications étrangères de la même époque.

Autre jalon important, leur échelle de reproduction se situe aux environs du 1/50. Elles se caractérisent par deux innovations majeures : l’utilisation d’un châssis commun à plusieurs modèles et le fait qu’elles reproduisent des modèles d’une marque identifiée et reconnaissable par l’enfant (gravure du nom du constructeur sur le châssis ).

Sur la Delahaye, outre son inscription sur le châssis, CD a reproduit un triangle sur la grille du radiateur, commun à tous ses modèles. Sous la marque « Delahaye » l’enfant avait le choix entre une camionnette, une berline, une limousine ou un coach.

La distribution de ces jouets reste mystérieuse. Je penche pour une distribution assez ordinaire, chez les marchands de couleurs ou d’autres enseignes bon marché.

Dans deux semaines, suite de l’aventure et des modèles de fabrication française qui ont marqué à mes yeux l’histoire. (lire l’article d’introduction à cette histoire de la miniature française publié il y a 15 jours )

Un pari fou.

Episode 1. Un pari fou.

Mon trajet quotidien à bicyclette, de quelques 30 kilomètres, est ponctué d’arrêts aux feux rouges. J’en profite pour reprendre mon souffle, surtout dans la montée de la rue des Pyrénées, mais aussi pour lever le nez de mon guidon et observer la ville. Les gens, leur chien, les frontons des immeubles, les arbres, et bien sûr les affiches des kiosques et des panneaux publicitaires.

Ce matin-là, c’est la une du magazine, « Entreprendre », sur le kiosque situé place Gambetta qui attire mon attention.  » DOMINIQUE ROMANO – IL INVESTIT SUR DES PROJETS FOUS . Vente-privée, start-up , Seine St-Denis, La Pérouse…

Entreprendre Dominique Romano Il investit sur des projets fous
Entreprendre Dominique Romano Il investit sur des projets fous

Le feu passe au vert et je repars, tout ébouriffé encore par ce titre. Les héros sont désormais des capitalistes entrepreneurs. De mon temps c’était Tintin. Autre époque, autres références.

Le même jour, en fin d’après-midi, une personne avec des lunettes noires entre discrètement dans la boutique. Il reste 10 minutes à scruter minutieusement les vitrines, et pose une question. Au son de sa voix je le reconnais : Edmond Magne, un ancien confrère qui était établi à Drancy au milieu des années 80. Edmond est un passionné. C’est le genre d’amateur qui a du mal à contenir sa passion et qui, parfois, s’est laissé entrainer par ses pulsions d’achat. Certains ont ainsi gardé de lui des souvenirs mitigés.

Edmond indique avoir accumulé 70 000 modèles. Il a fondé une association: AAMAATOL .  J’admire chez Edmond la volonté qu’il a, et ce depuis que je le connais, d’ouvrir un musée. C’est son objectif, depuis près de 40 ans. A chacune de nos rencontres, je lui demande des nouvelles de son projet, le sujet revient comme un serpent de mer.

Cet aprés-midi, je renouvelle ma question. Et là, Edmond retire ses lunettes noires, me regarde dans les yeux et me répond : « Cela va se faire ! »

« J’ai acquis un terrain de 600 m2 » me dit-il. Et il continue à m’exposer son projet .Monter un complexe, dans la région de Troyes : un musée et une petite salle de spectacle…A ce niveau du récit, je me dois de préciser qu’Edmond a changé de métier et qu’il il est désormais dans le show business. Il programme des chanteurs et des groupes de musiciens.

Comme je m’inquiète de la restauration il me répond du tac au tac : « C’est prévu !  Et ce sera de la gastronomie française !  »

Aux détails et arguments qui étayent la réponse, je comprends qu’Edmond est assurément un fin gourmet voire un peu cordon bleu. Quel projet !

Certes c’est ambitieux mais je suis médusé et admiratif d’un tel enthousiasme. Le soir en vélo, je revois l’affiche et je ne peux n’empêcher de faire le lien entre le titre du magazine et l’ambitieux projet d’Edmond. J »imagine sa rencontre avec M. Romano.

Je me dois cependant ici de mettre en garde Edmond. C’est un projet que j’ai envisagé un moment, il est assez utopique. Le collectionneur prend facilement sa collection pour un musée. Or la collection est une démarche personnelle, sa constitution répond aux goûts et aux choix de ce dernier. Une collection personnelle n’est pas faite pour recevoir la visite du public. Quant au musée, il se doit d’éveiller la curiosité du spectateur, il a un rôle pédagogique.

Une récente visite au musée du Louvre, au département des arts de l’Islam m’a inspiré ces quelques idées. A l’entrée du département le musée a installé quelques vitrines avec des oeuvres phares qui permettent au grand public de mieux appréhender la visite. Ces quelques pièces maitresses sont replacées dans le temps et dans l’espace avec une carte. C’est simple et efficace.