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les souvenirs de collectionneur de Vincent Espinasse

La folie des grandeurs

Jean-Bernard Sarthe nous a quittés le 18 Janvier 2012. Il m’a fallu laisser un peu le temps passer avant de parler de lui. Jean-Bernard était un collectionneur de miniatures hors norme. Le qualificatif qui lui convient le mieux est celui d’excessif. Jalousé, craint, admiré, détesté, aucun collectionneur ne pouvait rester insensible devant le personnage. Les avis étaient tranchés. Il faisait ce qu’il fallait pour entretenir la légende. Un brin mégalomane, il cherchait avant tout à mettre en avant sa collection.

Dinky Toys Cibié
Dinky Toys Cibié

Nous avons fait sa connaissance en 1978, je n’avais que quinze ans. Bien entendu nous avions déjà entendu parler du docteur Sarthe : à l’évocation de son nom résonnaient déjà tous les superlatifs. Je peux dire que j’ai eu avec lui une relation particulière. Ce ne fut jamais une relation complètement apaisée mais au fil des ans une certaine complicité s’installa entre nous.
Jean-Bernard fonctionnait par mimétisme. Il eut plusieurs modèles, au titre desquels on peut citer Jean-Michel Roulet, Jean Vital-Rémy et mon père. Il faut dire qu’ils étaient tous quatre de la même génération. Ils avaient en commun une vision « volontaire » de la collection. Ils étaient passionnés et n’hésitaient pas à consacrer une grande partie de leur temps, de leur énergie et de leurs moyens à rassembler des miniatures. Il y avait une forme d’émulation entre eux : ils avaient le goût du beau et du rare. Mais chacun avait sa personnalité et sa façon d’arriver à ses fins.

Ce qui plaisait surtout à Jean-Bernard, c’est que les autres admirent ses trouvailles. Pour satisfaire ce petit plaisir, il était prêt à tout. Combien de fois a-t-il surpayé un objet ou offert en échange un nombre impressionnant de modèles pour acquérir une pièce convoitée ? Cependant, une fois la pièce acquise et présentée à ses compères, l’intérêt qu’elle avait suscité s’éteignait rapidement. Quelque temps après, cela ne le gênait pas de la céder à ces derniers afin de leur faire plaisir.
Plus tard il trouvera une jubilation dans le négoce de ses modèles en bourse d’échange, auprès de collectionneurs aisés, ou en salle des ventes. Les plus anciens se souviennent de la pleine page de publicité dans un magazine spécialisé qui mettait en scène des dizaines de Dinky Toys, parfois en plusieurs exemplaires ou de la couverture d’un catalogue de salle des ventes. Personnage complexe, il pouvait lors d’une vente aux enchères racheter un modèle qui lui appartenait. Ceci est arrivé de nombreuses fois !

Posséder à long terme n’était pas son but, contrairement à Jean Vital-Rémy ou à mon père. Sa collection, il l’a vendue, reconstituée, revendue. Bien évidemment, au fil des années, certaines pièces sont devenues impossibles à trouver. Adolescent j’ai été fasciné par la collection des frères Schlumf à Mulhouse. J’ai visité cet endroit lors de l’ouverture au public. Plus encore que le spectacle les autos réunies, c’est la volonté incroyable de ces deux frères qui m’a fasciné. Ils sont pour moi des personnages hors norme, capables de se surpasser pour atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. Je n’hésiterai pas à comparer Jean-Bernard aux deux Alsaciens. Il avait ses domaines de prédilection. Il aimait les Mercury, les Spot-On, les Solido les Dinky Toys. Il a également cherché à avoir toutes les déclinaisons de couleurs des Solido ou des Spot-On. Je le revois comparant des nuances infimes de couleur, orientant les modèles à la lumière de telle sorte qu’il finissait toujours par trouver une petite variante de teinte. Mais il lui fallait toutes les variantes et je pense qu’il fut le premier à collectionner les variantes de moules. Cela lui faisait plaisir d’acquérir un nouveau modèle : il lui fallait de la quantité. Le docteur Sarthe aimait aussi entretenir sa légende.
Pour lui rendre hommage, j’ai réuni un florilège de pièces qui proviennent de sa collection : essais de couleurs, prototypes, variantes rares.

Chronique d’une catastrophe annoncée

En prévision des travaux que j’ai effectués au magasin l’année dernière, j’ai rangé et trié toute la documentation que j’avais accumulée pendant plus de trente ans. Ce genre de travail n’est pas désagréable, car il permet d’exhumer des documents oubliés. J’ai pris plaisir à me replonger dans un catalogue Berliet consacré au modèle Stradair. Le document m’est apparu édifiant, surtout avec près de 50 ans de recul.

Berliet Stradair
Berliet Stradair

Après l’avoir feuilleté, ma première réflexion a été de me demander comment une firme qui paraissait solide, qui avait une histoire et donc une expérience hors du commun avait pu se fourvoyer de cette manière dans cette aventure. Chaque page est la chronique d’une catastrophe annoncée.
Le titre du catalogue interpelle déjà le lecteur, qui, ne l’oublions pas, est avant tout un acheteur éventuel. « Un Stradair pour quoi faire ? » Après avoir feuilleté le catalogue, la question demeure sans réponse !

Le catalogue est beau. Les photos sont superbes. De toute évidence, le studio photo qui a eu le marché a fait du bon travail. On appréciera notamment les photos prises au CNIT à la défense. La confrontation entre les lignes modernes du bâtiment en béton et celles du Stradair est une réussite. On remarque que le studio a retouché une des photos en apposant sur les parois du fourgon une publicité pour les ordinateurs IBM, alors que sur une autre vue cette publicité a disparu.

Après lecture du catalogue, on ne peut s’empêcher de penser que le camion a été conçu pour des « niches », c’est à dire pour des utilisations très particulières. Deux axes sont mis en avant par Berliet pour promouvoir son camion : la suspension et l’espace, le confort de la cabine. Pour illustrer ces qualités, le constructeur lyonnais va prendre des exemples qui, avec le recul, sont assez savoureux.

Ainsi, pour commencer, deux pages sont consacrées au transport des œufs de chez Lustucru. Le texte explique que grâce aux suspensions révolutionnaires, Lustucru est en mesure de transporter sans casse sa précieuse cargaison. Plus loin, c’est le transport de porcelaine, de flacons et de tubes électriques qui illustre le confort du camion. Mais Berliet va plus loin dans la démonstration. Si le transport des comprimés en tube est à la portée de n’importe quel camion, s’agissant d’antibiotiques ou de placenta, c’est vers le Stradair qu’il faut se tourner. On voit ainsi, photographié derrière les vitres d’un laboratoire et devant une cornue fumante, un Stradair carrossé en fourgon aux couleurs des laboratoires Meyrieux.

Pour vanter le confort du camion, les publicitaires n’ont pas été à court d’idées. Le texte annonce clairement que : « si vos voyageurs pouvaient parler …ils diraient qu’on est bien en Stradair ». Les voyageurs en question ne sont autres que des vaches. C’est ma photo préférée : une foire aux bestiaux en milieu rural, avec des maquignons, hilares, devant un Stradair comme égaré au milieu d’antiquités des années 50-60 (Renault Gallion, Citroën et Peugeot D4A). On imagine les commentaires des maquignons en train de se moquer de celui qui vient d’acheter ce gros Stradair flambant neuf, se disant que s’il pense que ses vaches vont le remercier, autant leur apprendre l’anglais !
A la fin du catalogue, on a compris que le Stradair allait avoir du mal à trouver sa place sur le marché.

Berliet, va jeter toutes ses forces mais aussi toutes ses finances dans le projet Stradair. Le lancement en 1965 sera sans précédent pour un utilitaire. Les publicitaires vont convaincre la famille Berliet de réaliser des messages publicitaires à la télévision. La campagne publicitaire fut aussi ample qu’onéreuse. Bourbon en sera un des bénéficiaires. Berliet commanda en effet une série de porte-clefs, support publicitaire très en vogue à cette époque. Bourbon était capable de réaliser de très beaux produits. A l’époque du Stradair, la mode était aux porte-clefs que je qualifierais de « à complications ». Il y eut ainsi un œuf duquel sortait un Stradair, puis un camion carrossé en fourgon réduit au 1/75ème environ, muni à l’arrière d’un crochet permettant de faire coulisser un compartiment dans lequel se situait un autre Stradair qui lui même en transportait un troisième. Bourbon fut aussi sollicité pour une reproduction au 1/55ème environ, tout en plastique, carrossée en fourgon et distribuée avec un étui aux couleurs Berliet. Equipé d’un mécanisme à friction (très souvent poussif !) le modèle était distribué dans les concessions Berliet afin de séduire les éventuels acheteurs. On peut penser que le budget publicitaire ayant été englouti dans d’autres supports, ce petit jouet avait été conçu pour un prix de revient assez bas. Plusieurs déclinaisons de couleurs existent. Comme très souvent avec Bourbon, ce dernier obtiendra le droit de réaliser pour son compte des versions promotionnelles pour des clients cherchant à apposer leur logo sur les flancs du camion. Pour cela, Bourbon simplifiera son fourgon (parois lisses) afin de pouvoir plus facilement le décorer. Un dernier souvenir qui ne parlera qu’aux collectionneurs les plus anciens. Jacques Glickman avait offert à mon père un de ces modèles pour un service que mon père lui avait rendu. Son souvenir est pour toujours associé à cette version « Le Fossé Blanc ». Il faut dire que dans les année quatre-vingt, on était très peu nombreux à être intéressé par ces jouets. Cela a changé et Jacques n’avait pas dû anticiper cette demande.

Ça sent le sapin !

Je ne peux m’empêcher de penser que pour Berliet ce camion fut une sorte de quitte ou double. La direction avait conscience que l’enjeu était crucial pour l’avenir de l’entreprise. En effet, au début des années soixante, les barrières douanières tombent et la concurrence étrangère est féroce. Elle s’engouffre dans la brèche. Dire que l’industrie du camion français a eu bien du mal à négocier ce virage est un euphémisme.

Berliet Stradair FJ
Berliet Stradair FJ

Berliet, sûrement inspiré par Citroën et le » coup  » de la DS19 (la fameuse suspension hydropneumatique) va miser sur l’innovation technologique pour concevoir son nouveau camion. Dans le cahier des charges, la direction demande au bureau d’étude de concevoir un camion moderne autour de ces deux priorités : la suspension et la cabine.
Dans le magazine « Charge Utile » consacré à l’étude de la production Berliet de l’année 1967, Jean François Colombet relate de manière très précise les péripéties de la mise en chantier de ce projet.
Au moment du lancement, la suspension n’est pas au point. Dès le départ, l’image de la fiabilité du camion s’en trouve écornée. Lorsque le sytème « Airlam » sera enfin efficace, les chauffeurs auront tendance à en abuser, au point de mettre à mal les coussins d’air
Quant à la cabine à fond plat, certes très spacieuse et confortable, elle contraint les ingénieurs à placer en porte à faux avant le moteur. Le bureau d’étude doit dessiner un capot interminable. Au vu de sa motorisation, le camion a vocation à être employé en milieu urbain. Les chauffeurs ont vite déchanté, face à un capot avant plongeant qui gêne les manœuvres en ville.

Une firme de jouets a su transcrire dans ses reproductions les multiples usages décrits dans le catalogue Berliet. Il s’agit de la firme marseillaise FJ. Cette petite entreprise avait su, au sortir de la guerre, constituer un réseau de revendeurs et trouver un public. Ses articles étaient le plus souvent distribués dans le milieu rural. Il était plus rare de trouver ces jouets chez les marchands établis en ville. Pourtant, FJ a habilement réussi à s’implanter sur le territoire, sans bruit, grâce à une politique intelligente de fabrication. Songez que depuis la création du camion GMC en 1959, l’entreprise utilisait les mêmes accessoires. Ainsi, la benne équipant le Stradair était déjà celle utilisée sur le GMC et ce bien que l’échelle de reproduction des deux camions soit exactement la même. On retrouve donc sur les Berliet Stradair les équipements déjà utilisés sur le GMC, puis sur le Berliet Gak : la caisse frigo, la benne basculante, la benne avec le palan et le plateau miroitier (rare en version GMC). Tout cela est logique car FJ continuera de produire en même temps les trois cabines. Il devait bien sûr y avoir une différence de prix en 1968 entre un GMC, sans aménagement ni vitrage et un Stradair tout équipé. La caisse brasseur, elle, n’a jamais équipé le GMC. Elle est apparue avec le Stradair. Signalons qu’une petite série de caisses brasseur équipera tout de même le Berliet Gak. C’est une version aux couleurs du géant d’Atlanta qui sera proposée aux enfants. Coca-Cola avait déjà retenu l’attention de FJ avec la reproduction d’une superbe Estafette, mais au 1/20. Il faut savoir qu’au moins deux Stradair de chez FJ ont reçu des livrées promotionnelles : Kronenbourg et Pierval. Le Kronenbourg a été distribué au même moment que la version commandée à Dinky Toys France. On pouvait trouver les deux versions dans le XIXème arrondissement, chez le grossiste en boisson Tafanel.
Le point commun du Stradair chez Berliet et chez FJ est qu’il va précipiter la fin de ces entreprises.
La carrière du Stradair, bien entamée, fut stoppée prématurément. Berliet sera obligé se s’allier à Michelin qui apporta de l’argent frais en échange de la prise de contrôle de l’entreprise. L’article de « Charge Utile » explique très bien comment Michelin laissa la direction en place pour une prise de contrôle en douceur. Mais le Stradair dut rogner son long capot et changer d’appellation.
Quant à FJ, le marché a considérablement évolué depuis ses débuts dans le monde de la miniature et du jouet. FJ couvrait une gamme très large de jouets : autos filoguidées, circuits électriques, flippers en plastique. Au début des années soixante-dix l’entreprise doit faire appel à Champion. Cela va mal. M. Juge, qui est le responsable de la fabrication chez Champion est envoyé sur place à Marseille avec son chef d’atelier. Pendant une semaine ils vont examiner et expertiser les moules FJ. Ils les emporteront tous, y compris ceux du Pacific qui malheureusement ne resserviront pas chez Champion. A la fin de la négociation, le propriétaire de FJ a informé M. Juge de la nouvelle activité de FJ. Pour bien lui faire comprendre, il l’a emmené dans un local jouxtant celui où étaient produit les jouets et là, la surprise fut de taille. Le patron s’était lancé dans la fabrication de cercueils ! Il faut dire qu’à cette période, la guerre des gangs sévissait à Marseille et l’on pouvait envisager un marché porteur et plein d’avenir !

L’étoile du pacha

C’est dans les galeries des musées, devant les représentations de la bataille navale de Lépante qui opposa la flotte ottomane à une coalition chrétienne composée de navires vénitiens, espagnols et pontificaux que j’ai réalisé la puissance de l’empire ottoman. Cette bataille faisait suite à la prise par les Turcs de Chypre et de ses comptoirs commerciaux à Venise. Il faut dire que la Méditerranée était soit sous le contrôle des Turcs, soit sous le contrôle de Venise. Tout l’essor de cette dernière reposait sur le commerce en méditerranée alors que les Turcs faisaient régner la terreur sur les mers.

Mercedes Meboto
Mercedes Meboto et ses nombreuses parties ouvrantes

Après la défaite de Lépante, la puissance de l’empire ottoman déclina. Plus tard, sous le règne de Joseph II, en Autriche, la Cour se passionna pour le mode de vie oriental. Le faste et le mystère des harems la faisaient fantasmer. Mozart composa alors « l’enlèvement au sérail » son premier opéra en langue allemande, commandé par Joseph II empereur mélomane. Dans les lettres adressées à son père, il évoque son travail et sa joie de composer des « turqueries ». Il dirigea lui-même la première représentation devant la Cour. A la fin de celle-ci, l’empereur aurait eu cette phrase célèbre (sans doute apocryphe), reprise par Milos Forman dans son film « Amadeus » : « Mozart, c’est trop beau pour nos oreilles. Il y a trop de notes ! ».

Encore un peu plus tard, en 1971, à Istanbul sur les rives du Bosphore, cette même phrase aurait pu être détournée par les grossistes en jouets de la capitale turque pour s’adresser au patron de Meboto : « Vos miniature sont trop belles et trop fragiles pour nos gamins. Il y a trop de parties ouvrantes ! ». Meboto venait en effet de reprendre une partie de l’outillage de la firme italienne Edil Toys. Cette dernière s’était fait remarquer en 1965, lors de sa création en proposant des miniatures très détaillées et très soignées. Elles possédaient tous les ouvrants, même les berlines. Pour l’époque, il s’agissait d’une prouesse, d’autant plus que l’ensemble était ajusté de manière parfaite.

La firme arrêta sa production en 1969. L’Opel Commodore programmée ne sortira jamais. Aujourd’hui encore, des collectionneurs pensent que la Mercedes n’a pas eu le temps de sortir de l’usine milanaise et que Meboto a récupéré l’outillage de cette Mercedes vierge. Plusieurs éléments peuvent expliquer cette méprise. Les versions turques portent encore sur le châssis le logo Edil. Cependant, sur les versions produites à Istanbul la mention « made in Italy » a été surchargée. Les boîtes et les teintes choisies sont quant à elles sans rapport avec les fabrications milanaises.

Toutefois, nous pouvons affirmer qu’Edil Toys, avant sa fermeture a bien eu le temps de produite la Mercedes 250SE. Le châssis de cette dernière est bien estampillé « made in Italy » et les couleurs retenues sont empruntées à la gamme Edil Toys traditionnelle : bleu métallisé et anthracite. La boîte du modèle enlève enfin les derniers doutes. Il y a bien eu une production milanaise. Elle est particulièrement rare.

Échange au long cours

Échange au long cours

Il y a longtemps (blog numéro 213 Tekno / Scania Vabis), je vous avais présenté mes amis Gunnar et Lennart. Outre leur nationalité, ils ont comme point commun avec M. Odvik que je vous ai présenté dans le blog de la semaine dernière la passion pour les miniatures de qualité. Ils savent apprécier les belles pièces et faire partager leurs découvertes.

Tekno Auto-Transport
Tekno Auto-Transport

Lennart collectionne principalement Dinky Toys et Tekno. A l’intérieur de ces firmes, certains modèles ont sa préférence : les américaines, les allemandes, et bien sûr les autos françaises, particulièrement celles des marques Peugeot et Citroën.

Il possède une qualité peu fréquente chez les collectionneurs : il peut sacrifier un modèle qui lui tient à cœur pour un autre qui le fait encore davantage rêver. Pour cela il faut avoir une certaine ouverture d’esprit. Il faut savoir s’attacher uniquement au plaisir de l’objet acquis qui doit remplacer avantageusement celui qui part, oublier les considérations financières. Il ne faut voir que l’opportunité de faire rentrer dans ses vitrines une pièce rare. J’aime beaucoup cette façon de procéder. Elle permet, de manière intelligente, de constituer une collection de bonne tenue, sans avoir forcément des moyens financiers importants.

Il y a quelque temps, Lennart m’a envoyé les clichés d’un coffret Tekno réalisé pour Scania Vabis en Suède. Tout le monde connaît la version porte-autos ayant pour tracteur le Volvo N88 Titan. Mais lorsque cette même remorque a pour tracteur un Scania, c’est un modèle rare. De plus, jusqu’à ce jour, personne n’avait connaissance d’un coffret cadeau produit par Tekno mettant en scène un camions et des autos. Certainement pour des raisons pratiques, Tekno a conservé pour la version du Scania la combinaison de couleurs du Volvo, vert et jaune.

Lors de la parution du premier ouvrage sur la firme Tekno au milieu des années quatre-vingt, ce Scania apparaît sur la couverture du livre, sans que l’on sache s’il s’agit ou non d’un prototype. Il faut dire que j’ai attendu 25 ans avant de pouvoir en acquérir un malgré mes nombreux voyages en Scandinavie. La découverte de ce coffret m’a enfin donné la clef de l’énigme. Lennart avait des informations sur cette version. Il s’agit en fait d’un modèle réalisé pour la firme Scania Vabis en Suède. Mais me direz-vous, pourquoi avoir inclus quatre Volkswagen dans le coffret ? Certes, il est évident que Scania n’allait pas équiper son porte-autos de quatre Volvo. Pourquoi ce choix ? Revenons juste après la guerre. A la reprise des activités économiques Scania a voulu diversifier sa production. A cette fin, en 1948, après trois ans de discussions, la firme suédoise a signé un contrat d’importation avec Volkswagen. Les premières autos arrivèrent par la route puis prirent le ferry jusqu’à Helsingborg. Là, des chauffeurs de chez Scania les amenaient, par la route jusqu’au siège, à Södertälje. Le trajet prenait 48 heures, de quoi roder les autos ! Dans les années cinquante (1953-1956) Volkswagen était numéro un en Suède pour la vente des autos et devançait Volvo. Puis Scania a commencé à progresser sur le marché du poids lourd, tant au niveau national qu’à l’exportation. Au même moment, les ventes de Volkswagen ont nettement fléchi. L’arrivée de la 1500 n’a pas eu d’effet sur la baisse des ventes. Petit à petit, Scania, très occupé par la production de ses camions, a délaissé les autos particulières. En 1969, Scania a cédé l’importation à une entité nouvelle, « Svenska Volkswagen », séparation qui débouchera sur la fusion « Saab Scania Les Volkswagen présentes dans le coffret ne sont donc pas dues au hasard : elles témoignent de l’union entre les deux firmes.
C’est donc une pièce assez exceptionnelle que Lennart a choisi de m’échanger contre le coffret Dinky Toys France qui a trouvé place chez lui

(voir le blog consacré aux versions Scania Vabis citernes)