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« jouet français »

« Jouet Français »

Dans l’histoire de la peinture, pour désigner un courant marquant on parle volontiers de « peinture italienne » ou de « peinture flamande ». On associe donc un pays, une région, à un mouvement pictural.

Ces courants furent si importants, leur durée fut si longue que l’on doit ajouter un marqueur temporel. On parle en siècles : « la peinture espagnole du 17 ème siècle ». Si la période s’avère particulièrement riche comme ce fut le cas ici, on divisera géographiquement, par villes, les différentes écoles : Séville (Velasquez,Zurbaran, Murillo…) ou Madrid .

Dans le domaine du jouet, on peut également opérer un classement en fonction du style, de la qualité, de l’ingéniosité dans la conception, en fonction du lieu de création de l’objet.

Des caractéristiques bien particulières se relèvent en fonction des lieux de production. C’est ainsi que dans les premiers ouvrages de Géo Véran, puis de Jacques Greilsamer, les classements sont organisés par pays de fabrication.

Dans le magazine Pipelette (numéro 8), j’avais souligné comment, dans les années soixante-dix, l’Anglais Cecil Gibson, un autre pionnier de la collection, avait lui aussi dans son livre « Model commercial vehicules » classé les productions par pays, prouvant bien que les jouets ont une identité propre en fonction de leur lieu de création.

Ce dernier avait même intitulé un des chapitres « Fourgons français », et ce dans la langue de Molière.

Les photos sont évocatrices. Outre les publicités de firmes françaises, il se dégage un style de fabrication, de finition, propre à notre pays. Il faut juste ouvrir les yeux. Il est vrai que jusqu’aux années soixante-dix, tous les véhicules, camions et autos avaient souvent déjà une identité liée à leur pays de conception.

Prenons l’exemple du Renault 1000Kg que Lion Car aux Pays-Bas et C-I-J en France ont reproduit. Il est clair que chacun possède une identité liée à son pays d’origine. Le Lion Car, juste de ligne, est réalisé sans génie. Simple, solide, économique, rustique.

Le C-I-J est fin, fragile, ingénieux. Grâce à une technique (gravure du moule) et un savoir-faire inégalé au niveau du façonnage des parties en tôle (portes arrière, marchepied repliable), la firme de Briare a réalisé un modèle quasiment parfait. Si l’on ajoute la qualité de fabrication, d’assemblage et de peinture, on obtient un objet qu’on ne se lasse pas de regarder dans sa vitrine, et ce même dans une livrée classique.

JRD est également digne de posséder le label « jouet français».

Logique, me direz- vous vu le lien existant entre C-I-J et JRD. Rappelons que cette dernière est née de l’arrêt de la fabrication des jouets Citroën avant guerre par C-I-J, qui se tourna vers Renault.

L’histoire du Berliet TLR tracteur semi-remorque Fruehauf à un essieu aux couleurs de la brasserie Kronenbourg, reproduit par JRD est évocatrice de cet esprit de conception. La brasserie alsacienne possédait dans sa flotte plusieurs exemplaires de ce véhicule ainsi carrossé.

La remorque est de conception simple, à l’image de celle qu’elle reproduit : deux portes, une caisse de type parallélépipède rectangle et un châssis en tôle serti à cette dernière.

Elle est finement injectée en zamac. Les flancs des premiers exemplaires sont intégralement striés. Le résultat est parfait. Cependant, l’application et la conservation des décalcomanies posa problème. Ces dernières réclament une surface plane pour une application optimale. JRD modifiera son moule en créant deux grands rectangles plats, du format des décalcomanies.

Ce camion aura une longue histoire, et de multiples variantes de décoration au niveau du décalcomanies apposé sur le fronton de la remorque. On compte pas moins de trois décorations différentes.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. C’est ici que l’ingéniosité et l’art d’utiliser les pièces existantes pour multiplier les variantes interviennent. En gastronomie on parlerait de « l’art d’accommoder les restes avec talent ».

Au même moment JRD avait mis à son catalogue un autre ensemble, original : un camion Unic Izoard tracteur avec une remorque surbaissée et un wagon…aux couleurs Kronenbourg ! (lire le blog consacré à ce modèle)

JRD va créer un cadre sur lequel la caisse de la remorque décrite plus haut va s’adapter parfaitement. L’ensemble est fixé à la cabine de l’Unic Izoard grâce à deux points de sertissage. Voilà comment cet Unic Izoard conçu au départ en tracteur, avec un châssis court se retrouve en porteur châssis long.

Malgré ce bricolage, l’ensemble dégage une certaine crédibilité. De nombreux petits garçons auraient aimé se retrouver au volant d’un tel ensemble. Enfant, j’ai moi-même hérité d’un exemplaire offert par un cousin germain. Quel beau souvenir.

Grace à ce montage, JRD va astucieusement et à peu de frais garnir son catalogue d’un somptueux modèle aux couleurs du pétrolier Hafa. Une des plus belles harmonies de couleur à mes yeux dans l’histoire des modèles réduits de poids-lourds : saumon et bleu roi.

Mieux, elle va aller jusqu’au bout de la logique. En créant un train articulé, JRD va s’offrir aussi une remorque qu’elle pourra accrocher derrière son Unic Lautaret s’offrant un ensemble unique dans l’histoire du jouet.

Elle créera des décalcomanies au format des panneaux rectangulaires : Transports Internationaux. La longue liste des villes desservies par cet ensemble fait rêver. C’est l’Europe avant l’heure.

En fonction des périodes de fabrication, ces ensembles sont équipés de pneus blancs puis noirs. Ces derniers ont un dessin tellement particulier qu’ils participent à la beauté de l’ensemble.

Signalons que la version Transports internationaux fut déclinée en trois combinaisons de couleurs. L’une d’elle, la verte et saumon, pouvait recevoir au gré des fabrications des décalcomanies de couleur orange ou blanc. A l’arrivée, nous avons donc quatre variantes.

Enfin, la remorque fut aussi vendue en étui individuel, mais seulement dans la version orange et blanche.

L’histoire ne va pas s’arrêter là. Nous verrons dans un mois la suite de cette saga.