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D’où venons-nous ?

D’où venons-nous ?

Vous avez sûrement un album de photos de famille. A l’intérieur, on y trouve un concentré de notre vie, de la vie de ceux qui nous entourent. En le feuilletant, vous croiserez peut-être des photos de vos aïeux prises à la campagne, dans une ferme. Nous avons tous des ancêtres paysans.

La France fut longtemps un pays rural. Lors du recensement de 1906, 44% de la population vivait de la terre. En 1954, il n’y en avait plus que 31% . Ce chiffre n’a cessé de diminuer. L’exode rural s’est stabilisé en 1975. En 2021 l’INSEE considérait que 2% de la population active travaillait la terre. Ces statistiques me ramènent  à la chanson de Jean Ferrat « La montagne » qu’il enregistra en 1965.

« Ils quittent un à un le pays

Pour s’en aller gagner leur vie,

Loin de la terre où ils sont nés

Depuis longtemps ils en rêvaient

De la ville et de ses secrets, du formica et du ciné »

Le paysage rural de la France a longtemps été constitué de petites exploitations familiales. Les travaux étaient peu mécanisés et les rendements faibles. Le paysan français était bien souvent propriétaire de sa terre, ce qui peut expliquer qu’il aura du mal à la quitter, du moins mettra-t-il bien plus de temps que ses voisins européens à le faire.

La mécanisation apparaît après la guerre de 1914, afin de pallier le manque de main-d’oeuvre. Elle s’accélère après la seconde guerre mondiale de 1939.

C’est aussi à cette période qu’apparaît l’utilisation intensive des engrais. Les rendements vont devenir une priorité : il faut nourrir le pays qui connait une hausse de la natalité après la guerre.

Cet état des lieux du monde agricole français après la seconde guerre mondiale avec sa faible mécanisation et l’utilisation de la traction animale trouve écho dans la production des jouets. Les fabricants français vont multiplier les réalisations d’attelages hippomobiles, en plomb, en aluminium, puis en plastique sans véritablement s’intéresser aux tracteurs.

C’est aux fabricants de figurines que va revenir la charge de reproduire les différents instruments aratoires. L’échelle de reproduction utilisée par ces derniers est le 1/32. C’est tout naturellement cette échelle qui sera conservée plus tard pour reproduire des tracteurs.

Il y aura en France une grande tradition de fabrication de figurines de qualité. Quiralu dominera ce marché grâce ses produits robustes (aluminium). La firme de Luxeuil diversifiera son offre et  proposera des instruments originaux comme ce râteau à pommes de terre ou ce semoir. Quiralu disposera d’un bon réseau de distribution lui permettant de diffuser aux quatre coins du pays.

De nombreuses petites firmes ont gravité autour de Quiralu. Mais leurs méthodes de fabrication sont plus artisanales et leurs prix de vente plus élevés ce qui freine la diffusion. Moulés en plomb,  donc plus fragiles à l’utilisation, les produits de la firme CL ne manquent pourtant pas de charme.

On appréciera notamment ces attelages menés par des boeufs, spécificité française. L’âne, animal souvent associé aux petites exploitations n’est pas oublié par ces fabricants de figurines. Il assure la liaison de la campagne au marché citadin.

Quiralu proposera un tracteur, décliné en deux versions (chenillard ou avec roues). Son dessin libre peut interroger.

Il s’agit d’une réelle volonté de proposer un tracteur générique que l’enfant ne pouvait pas rattacher à une marque. Il faut sans doute y voir la volonté de s’épargner la demande d’un droit de reproduction auprès d’un fabricant de tracteurs.

D’ailleurs, dans ces années là (1950), Solido fera de même pour ses tracteurs, mais également pour les automobiles. Dans ses mémoires, M. De Vazeilles indique qu’au début de l’aventure Solido, son père Ferdinand, avait fait ce choix pour éviter des démêlées judiciaires avec les constructeurs automobiles.

La firme d’Oulins semble bien consciente du potentiel de vente des jouets agricoles. Elle développera de somptueux coffrets qui permettent à l’enfant de transformer son tracteur en chenillard et d’adapter toute sorte d’accessoires dont une faucheuse, un triple rouleau ou une très belle remorque fourragère. L’échelle retenue est bien sûr le 1/32…là encore il faut s’adapter au marché des figurines !

On ne recherche pas l’harmonisation avec le reste de la production qui se situe au 1/50 pour les camions et au 1/40 pour les autos de cette période. Les petits amateurs d’autos liés au 1/43 ne peuvent incorporer ces engins, bien trop gros dans leur univers de jeux.

On peut se demander si dans la volonté de ne pas reproduire un engin d’une marque identifiable, Solido, Quiralu ou Aludo n’ont pas cherché à ménager la susceptibilité des petits acheteurs attachés à la marque du tracteur familial.

Le marché de la machine agricole est particulier. L’implantation d’un concessionnaire dynamique dans une région fait que la marque qu’il représente est omniprésente dans son périmètre. C’est la qualité de la relation entre ce dernier et le paysan qui prédomine par rapport à la marque du tracteur qu’il représente.

(la suite dans 15 jours)