30 octobre 1965.
« Au pied d’une montagne ». Voilà l’image qui me vient à l’esprit au moment d’aborder le sujet du jour. Et quel sujet ! Raymond Daffaure, vous connaissez ?
Pour résumer rapidement, on estime que ce dernier a produit entre 3500 et 4000 modèles différents sur une période s’étalant de 1959 à 1978.
Contrairement à ce que raconte la légende, ces modèles ont été produits en petite série.
Certaines sont uniques mais ce sont des exceptions. D’autres, comme la Ferrarri 250 GTO ont été reproduites à près de 250 exemplaires.
Qu’est ce qu’une RD Marmande ?
Ces modèles sont en bois (sapin). Raymond Daffaure utilisait des tuteurs de tomates (Marmande est le pays de la tomate) mais aussi des couvercles de boîtes d’allumettes et des morceaux de rhodoïd pour confectionner ses autos.
Comme nul autre, ce nom divise,et a toujours divisé les amateurs de modèles réduits. Pour Michel Sordet, à l’origine de la série « MaCo » c’est le plus génial maquettiste ayant existé, alors que d’autres n’y voient que des reproductions approximatives. En aucun cas ce nom ne laisse indifférent.
Comme une révélation.
C’est dans le sous-sol d’une maison du Pas-de-Calais que j’ai eu le déclic pour la collection de RD Marmande. C’est peut-être la réponse de mon interlocuteur qui a déclenché l’étincelle.
Ce dernier m’expliquait en effet qu’il avait acquis ces miniatures auprès d’un individu qui avait été en relation avec Raymond Daffaure au début des années soixante.
Ma question fusa naturellement : avait-il conservé la correspondance de ce dernier avec Raymond Daffaure ? La réponse affirmative suscita chez moi une réelle excitation. Au point qu’au moment de négocier le lot, j’ai avoué à mon vendeur que ce lot de lettres et de listes m’intéressait autant que les miniatures.
A Arnaud Guesnay, collectionneur de RD Marmande qui me demandait il y a fort longtemps pourquoi je ne collectionnais pas de manière plus intensive les miniatures de cette marque, je me souviens avoir répondu que devant l’ampleur de la tâche, seule l’acquisition d’une importante collection aurait pu me convaincre de me lancer dans l’ aventure. J’étais désormais dans ce cas de figure : un peu plus de 900 RD Marmande d’un coup. J’hésite. Je réfléchis.
Dois-je me contenter de compléter les quelques thèmes qui me lient à cette marque, voitures de record et voitures « bleues » et revendre le reste ou dois-je me lancer dans une nouvelle collection ?
Après quelques atermoiements, c’est décidé, j’y vais, je me lance dans une nouvelle aventure : les RD Marmande.
Un détail me permet de mesurer l’immensité de la tâche. J’avais auparavant réuni environ une centaine de RD Marmande à travers les deux thèmes précités. J’ai été fort étonné de ne croiser qu’une dizaine de modèles que je possédais déjà dans ces 900 nouveaux modèles. Je suis bien au pied d’une montagne.
La lecture de sa correspondance m’aide à mieux cerner le personnage et sa production, mais aussi les raisons du succès de cet artiste atypique. A travers quelques unes de ces lettres je vais tenter de vous initier à l’univers RD Marmande.
Lettre du 30 octobre 1965.
Ce jour, Raymond Daffaure écrit une petite lettre qu’il va insérer dans un colis. C’est un rituel. Chaque mois il envoie à ce collectionneur nordiste 5 à 6 modèles, une lettre, et parfois une liste. Plus tard , dans les années 1972 la cadence passera à 10-12 modèles par mois.
Il prend des nouvelles de son client qui vient d’avoir la grippe. Il lui parle de la Lohner Porsche pour laquelle il a réuni quelques documents, mais pas assez à son goût. Enfin, il signale qu’il va renvoyer les documents que ce dernier lui a confié.
On a dans cette lettre quelques éléments intéressants. Tout d’abord la proximité qu’il entretient avec ses clients. On saisit également son intérêt pour reproduire des voitures inédites.
Aviez-vous déjà entendu parler de cette Lohner Porsche ? moi pas.
On trouve également dans ce document la preuve qu’il ne s’aventurait pas dans la reproduction d’une miniature sans quelques éléments solides.
On comprend bien que c’est son client qui lui a suggéré la reproduction de cette auto particulière, ainsi que la Porsche 901 et la 356 de Storez-Buchet.
Raymond Daffaure devait d’ailleurs posséder une très grande culture automobile et une documentation importante.
Mais le plus intéressant, à mes yeux se trouve ailleurs. Dans la liste des autos que ce dernier envoie à son client se trouve la Ferrari 25O LM 1965 .
Nous sommes en octobre 1965. La course s’est déroulée les 19 et 20 juin de la même année. Quatre mois après, le collectionneur peut déjà placer en vitrine l’auto qui a remporté la course !
C’est une des forces de Raymond Daffaure, la rapidité d’exécution. On imagine l’excitation des amateurs qui pouvaient s’enorgueillir de placer dans leurs vitrines les reproductions miniatures de voitures originales qui venaient à peine de franchir la ligne d’arrivée.
C’est en établissant l’inventaire de cette collection que j’ai compris que l’on pouvait scinder en deux la production RD Marmande.
Les miniatures reproduites durant l’année même de l’apparition de l’auto que Raymond Daffaure nomme sur ses listes « série moderne ».et celles que je qualifierais « d’historiques » qui ont plus de deux ans d’existence qu’il appelle « série modèles anciens ».
On notera une différence de tarif d’1 Franc, entre les modèles figurant sur les deux « catalogues » de 1965 : ceux de la « série modèles anciens » sont plus chers.
Il m’a semblé judicieux de faire cette remarque car cela aide à mieux comprendre et aussi à replacer RD Marmande dans le monde des fabricants de miniatures. Sa réactivité est un des ses points forts.( J’ai scindé en deux groupes de photos les nouveautés de 1965, les « modernes » et les « modèles anciens ».)
Les fabricants industriels arriveront, petit à petit à réduire les délais de conception et de fabrication d’une miniature.
Il n’empêche que lorsque Mercury sort sa Ferrari 250LM en 1966, Ferrari a déjà lancé sa P3. RD Marmande collant à l’actualité , propose les modèles qui viennent juste de participer à l’épreuve mancelle!