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Et Dieu créa la femme, puis les RD Marmande !

Et Dieu créa la femme, puis les RD Marmande !

« Ce sont des oeuvres d’art ! Il n’y pas de doute, c’était un artiste. Chaque modèle est unique. A voir les prix que j’ai pu en tirer, j’ai compris que j’avais affaire à des investisseurs ! D’ailleurs, pour tout vous dire, dans mes clients j’ai des collectionneurs suisses ! »

Ces propos n’émanent pas d’un négociant d’oeuvres d’art ni d’un conseiller en placements financiers désireux de me faire profiter de juteuses opportunités.

Ils m’ont été tenus par un vendeur qui officie sur le site de ventes aux enchères en ligne d’Ebay. Je l’avais contacté afin de lui faire une offre sur un ensemble de modèles RD Marmande, offre que je n’ai finalement jamais faite.

Sa perception du fabricant m’avait sans doute contrarié. En tout cas, elle ne correspondait pas à la vision que j’avais de ces modèles.

Je ne rentrerai pas dans le débat de savoir si les RD Marmande sont des « œuvres d’art  » ou non.

La mention qui figure sur les étiquettes collées sur le châssis de ces miniatures, « Création RD Marmande » me paraît tout à fait appropriée.

Nous parlerons donc de « création », il y aurait un manque de modestie à parler « d’œuvre d’art » pour des petites autos.

Uniques les RD Marmande ?

Ces propos tenus au sujet des RD Marmande me sont revenus quelques jours plus tard, au musée d’Orsay, en visitant l’exposition intitulée « Le modèle noir ».

A l’entrée de l’exposition, une habile mise en scène dirige l’œil du visiteur vers le fond de la première salle : une cloison découpée met en évidence l’Olympia d’Edouard Manet.

Deux salles plus loin quelle ne fut pas ma surprise de découvrir le même tableau. Il ne s’agissait pourtant pas de l’œuvre préparatoire qui figurait à côté de l’original.

Non, c’était une copie. Son format était inférieur à celui de l’œuvre originale, et son auteur bénéficie aujourd’hui d’une notoriété sans doute supérieure à celle de Manet.

C’est Paul Gauguin, fervent admirateur de l’oeuvre de Manet, qui en a exécuté une copie. Modestement, il a porté sur la toile la mention « D’après Manet ». Gauguin emportera à Tahiti la photo de son forfait, la toile restera en France. A une jeune tahitienne qui lui demandait si Olympia était sa femme, il répondit que oui !

« Je fis ce mensonge ! moi le tané (l’amant) de la belle Olympia ! » (Noa Noa) »

Paul Gauguin "copie de l'Olympia de Manet" (1891)
Paul Gauguin « copie de l’Olympia de Manet » (1891)

J’ai donc vu deux « Olympia », dans la même exposition. Seuls quelques détails les différenciaient. La seconde est un hommage à l’auteur de la première.

 

La preuve par deux.

Les modèles RD Marmande sont considérés par beaucoup d’amateurs comme uniques. Je vais pourtant vous montrer un échantillon de modèles réalisés au moins en deux exemplaires, un peu comme « l’Olympia » décrite plus haut, prouvant ainsi que ces miniatures ne le sont pas. Il s’agit en fait de petites séries.

Les modèles RD Marmande réalisés en un seul exemplaire sont exceptionnellement rares. Cela se vérifie par le fait qu’une grande majorité des modèles portent un numéro de série.

La plupart des modèles a été réalisée à plus de 10 exemplaires chacun, certains à plus de 30. Michel Sordet me raconta que la Ferrari 250 GTO 64 avait été réalisée à 150 exemplaires. Effectivement, l’exemplaire que je possède porte déjà le numéro 140. Les autres déclinaisons de Ferrari GTO font chacune partie d’une série distincte.

Raymond Daffaure pouvait étaler sur un an, parfois beaucoup plus, la réalisation d’une série. C’est grâce aux dates indiquées au stylo bille sur les étiquettes que nous pouvons savoir cela. Précisons qu’il a commencé à dater ses modèles à partir de 1963.

Le fait d’avoir eu quelques modèles en double m’a permis de mieux appréhender le processus de fabrication.

Prenons le cas de la Morgan +4 cabriolet de 1950. Dans la collection récemment acquise, notre collectionneur en avait trouvé deux. Il est possible qu’il ait été troublé par les indications que Raymond Daffaure avait portées sur les étiquettes, Morgan+4 et Morgan plus four, puis reportées  sur ses listes de vente qui faisaient office de catalogue.

Dans le cas de notre Morgan il s’est écoulé trois ans entre l’exemplaire numéro 6 et l’exemplaire numéro 10. Il s’agit pourtant bien de la même auto. Quelques petits détails les différencient .

Plus intrigante est la HRG des 24 heures du Mans 1949 qui remporta sa classe (1100-1500cc) cette année-là. Notre collectionneur a pu se laisser abuser par la dénomination erronée de Raymond Daffaure. En effet, ce dernier a d’abord daté l’auto de « 1947 ». Or, les spécialistes savent qu’il n’y pas eu d’épreuve cette année là. Raymond Daffaure a donc corrigé son erreur et indiqué par la suite 1949. On pouvait croire qu’il s’agissait d’une autre auto. On lui passa ensuite commande d’un second modèle.

Il se trouve que j’en possédai déjà une en collection. Je me suis donc retrouvé avec trois exemplaires, tous différents : trois nuances de vert allant du vert anglais au vert très pâle. Trois  traitement différents de la partie arrières, capot moteur équipé ou non d’une prise d’air, portière carénée ou non. On pourrait croire à trois autos différentes, pourtant il s’agit bien de la même.

A la décharge de Raymond Daffaure, la documentation devait être bien difficile à se procurer, et c’est sans doute la cause de ces quelques errances. Pour s’en convaincre, on s’aperçoit qu’au fil de la production, il corrige ses erreurs. On imagine que les amateurs devaient les lui signaler.

Ainsi observez cette superbe Lagonda sport 12cylindres du Mans 1955. Sur l’exemplaire numéro 4 de 1967, il a positionné le numéro de course sur le capot, à gauche. Or, il était à droite. Sur l’exemplaire numéro 27 de 1975, il figure en bonne place.

On imagine qu’il tenait un fichier avec la progression de ses numéros de série. Il s’est écoulé huit années entre ces deux modèles. On appréciera aussi le traitement très différent des calandres.

La même remarque vaut pour la superbe BNC du Mans 1929. Là, les deux exemplaires ont été produits la même année, cela se ressent dans le traitement des formes qui sont très similaires, aux détails de découpe des portes près. On peut imaginer qu’il les a réalisés en même temps. L’erreur de positionnement des numéros de course a été logiquement rectifiée sur l’exemplaire le plus récent.

Pour la Porsche Sport coupé de la Targa Florio c’est sur la reproduction des pots d’échappement que les rectifications seront opérées. A l’époque où nous faisions des maquettes au 1/43 avec mon père je me souviens comme il était difficile de trouver des clichés des faces arrières des autos de course.

Lorsque Jean-Marc Teisseidre et Christian Moity ont publié en 1978 leur premier annuel consacré aux 24 Heures du Mans, ils ont souligné cette lacune en s’efforçant d’y remédier.

Mais les différences les plus fréquentes entre deux miniatures identiques RD Marmande sont celles relatives aux dimensions. Raymond Daffaure a souvent dû improviser avec les quelques clichés qu’il avait.

Je relisais dernièrement les propos de Jean de Vazeilles, patron de Solido. Il indiquait que les agents du bureau d’étude devaient souvent aller remesurer les voitures à reproduire, car les cotes fournies par les constructeurs n’étaient pas fiables.

Dans ce contexte, qu’il y ait 2 cm d’écart entre les deux CD Peugeot du mans 1967 ne me semble pas si important. La plus grande des deux, plus juste dans son traitement, date de 1968.

Les deux Renault 40cv de record sont plus intrigantes. Leur production s’étale entre 1962 et 1967. On pourrait croire à deux autos différentes . Les indications du record sont érronées, aucune des deux n’est bonne !

On peut faire les mêmes commentaires au sujet de la DB Panhard 196 baptisée « la vitrine ».

Sur les deux Bugatti Type 46, outre la couleur, c’est l’ajout d’un pare-chocs avant qui fait la différence.

Sur certaine autos, comme les deux Amilcar Sport 1936 et les deux Bugatti 4,9 monoplaces, pourtant réalisées toutes les deux avec un an d’écart, les différence sont peu importantes.

On pourrait continuer ainsi pour chaque miniature.

On peut enfin s’interroger sur l’intérêt de collectionner ce type de produits comportant des approximations, des défauts, des erreurs.

Justement, c’est peut être cela le charme des RD Marmande. Si vous recherchez des miniatures parfaites, avec des peintures brillantes, des chromes étincelants, passez votre chemin.

Toutes les RD Marmande ont la même patte. Elles sont reconnaissables, identifiables au premier coup d’oeil. En cela, elles forment un ensemble exceptionnel.

Toutes ces miniatures portent la fameuse étiquette, elles sont le fruit du travail d’un même homme. C’est unique dans l’histoire du modelisme automobile. Du choix du modèle à la recherche de la documentation jusqu’à l’expédition vers le client, Raymond Daffaure faisait tout, seul dans sa cuisine.

Comme il n’y a qu’une Olympia de Manet, chaque miniature Raymond Daffaure est unique, même s’il a produit ses modèles en série.

Pensez-y lorsque vous en tiendrez une en main. Au départ c’est un simple bout de bois, un bout de sapin. A l’arrivée c’est une miniature, que l’on peut identifier avec ses défauts et ses qualités, sans même la retourner pour lire l’étiquette. C’est le résultat d’un savoir-faire exceptionnel.

Je ne connais pas d’autre exemple de miniatures automobiles possédant un tel pouvoir de fascination.

Peugeot 402 Darl’Mat Le mans 1938

Peugeot 402 Darl’Mat Le Mans 1938

Ca passe ou ça casse !

Nous avions laissé nos trois Peugeot 302 Darl’Mat démontrer leur belle fiabilité lors de l’édition 1937 des 24 heures du Mans. La victoire dans la catégorie 2 litres n’était pas passée loin. Le service publicité de la maison Peugeot a donc axé sa communication sur la fiabilité des mécaniques 402. Je précise bien « mécaniques » car les autos étaient conçues avec un châssis de 302. (voir l’article sur l’édition 1937 des 24 heures du Mans).

Encouragée par ce résultat, la maison Peugeot décide d’aller plus loin. En octobre 1937, la voiture devient officiellement une « 402 DS », le « DS » faisant toujours référence à Darl’Mat sport. On utilise cette fois un châssis de 402 légère.

C’est le groupe propulseur qui subit la plus profonde transformation : le moteur est désormais équipé d’une culasse en Alpax et non plus en fonte, de bielles allégées et de deux carburateurs Memini. Il est donné pour 82cv. Pour rappel le moteur de série développait 55cv et le modèle du Mans 1937, 70cv. Autre détail, c’est bien le logo « 402 » qui apparaît au bas de la calandre.

Au départ de l’édition 1938, il y a de la revanche dans l’air. Nous avons les mêmes protagonistes que l’année précédente dans la catégorie 2 litres.

La course commence très mal pour la firme de Sochaux. En une heure de temps, elle perd deux de ses autos à cause de problèmes de moteur. On imagine l’ambiance tendue dans le stand Peugeot.

Il reste 23 heures à tenir. Déjà, on sait que le service publicité ne pourra renouveler son opération de communication sur la fiabilité des mécaniques Peugeot. Dans l’édition « Les 24 heures du Mans 1992 » , dans le chapitre consacré à l’histoire des Peugeot aux 24 heures du Mans, Christian Moity explique qu’après la course, il y eut une tentative d’explications à ces deux abandons. Il semblerait que les équipages aient modifié les réglages prévus en usine juste avant le départ. Une chose est sûre, la voiture épargnée n’avait pas été concernée par ces modifications. Non seulement l’équipage rescapé ira jusqu’au bout de la course, mais il remportera la catégorie 2 litres devant l’Adler qui l’avait précédé l’édition précédente. Au passage, prouvant le bien-fondé de la nouvelle motorisation, la voiture battra le record à la distance de sa catégorie (2 litres) en faisant passer la moyenne de 114Km/h à 120Km/h.
Ce résultat permettra à Peugeot de communiquer sur la victoire et la moyenne horaire réalisée, tout en passant sous silence la fiabilité de l’auto.

Pour illustrer ces propos, je vous présente une brochette de modèles réalisés par JRD (domicilié à Montreuil) en plastiline (plâtre). Même l’œil averti peine à différencier une Darl’Mat 1937 d’une Darl’Mat 1938. Nous sommes bien dans le domaine du jouet : il y a de l’approximation dans la reproduction, même si l’on constate que le modèle JRD est bien plus fidèle que le modèle AR, présenté dans le dernier blog (voir l’article consacré au modèle AR). Quant au numéro de course choisi par JRD, le 38, il ne s’agit pas du numéro de la voiture qui remporta l’édition 1938 car durant cette édition, les Peugeot arboraient les numéros 24,25 et 26. On imagine cependant que JRD a choisi ce numéro en rapport avec l’édition 1938.

Signalons enfin qu’il existe au moins 3 tailles de Peugeot 402 Darl’Mat en plastiline. Je donnerai plus tard une tentative d’explication sur ces dimensions différentes. Si la couleur « bleu France » est bien la couleur officielle, les autres couleurs utilisées par JRD sont des plus farfelues. N’oublions pas qu’à l’époque, les autos portaient les couleurs de la nationalité de celui qui les avait engagées. Ainsi, il y aurait pu avoir une Darl’Mat rouge si une écurie Italienne avait possédé une telle auto !

Il existe des couleurs métallisées (vert et bleu) qui sont peu fréquentes et difficiles à se procurer. Dans la réalité ces couleurs ne sont pas plausibles pour nos Peugeot. Quant aux concurrents anglais qui devaient s’engager sous la couleur verte, ils ont fait preuve une fois encore d’originalité. Ne faisant rien comme tout le monde, ils ont utilisé toute la palette des verts pour habiller leurs autos. Ainsi, vit-on des autos vert pomme, vert sapin ou vert métallisé, comme les Aston Martin par exemple.

La reine de la route

La reine de la route

« Peugeot 402 légère reine de la route ». Voilà le texte appliqué à l’arrière du véhicule à l’aide d’un papier gommé. L’originalité de cette publicité tient au fait qu’elle a comme support un cercle blanc, en référence à celui qu’on appose sur les autos de course pour inscrire le numéro qui les différencie. On comprend immédiatement que cette auto est vouée à la compétition.

Replaçons la scène dans son contexte. Nous sommes en 1937. Un concessionnaire Peugeot parisien, fort dynamique, du nom d’Emile Darl’Mat se singularise en proposant à ses clients des autos personnalisées. Il a réussi à convaincre la maison Peugeot de le soutenir dans son initiative pour engager ses productions dans l’épreuve mancelle. Ce sont des autos à mécanique et châssis Peugeot, mais carrossées par Pourtout.

Bien qu’il s’agisse d’une initiative privée, Emile Darl’Mat a tout de même besoin de l’aval de Sochaux. Comme Peugeot ne veut pas prendre le risque de voir son image écornée par une contre-performance, des tests sont réalisés à Montlhléry fin 1936, notamment un test d’une durée de 24 heures. L’auto tourne sans problème durant 25 heures à près de 139 Km/h de moyenne.

C’est une réussite et l’aval est donné par la maison Peugeot à Emile Darl’Mat qui peut engager trois autos pour l’édition de 1937.
L’étiquette apposée sur le socle rend hommage à la performance de cette 402. Dans la réalité les choses sont plus nuancées. Ce sont bien trois Peugeot 302DS (« DS » pour Darl’Mat Sport) qui sont engagées pour l’édition des 24 heures du Mans 1937 car le carrossier Pourtout utilise un châssis de 302 (288 cm d’empattement). Cependant, la voiture emprunte à la 402 son moteur, son pont (à vis) et son train avant.

Mais revenons à notre miniature. La première fois que j’ai lu l’étiquette apposée sur le châssis de cette AR, je n’ai pu m’empêcher de sourire. Je me suis dit que déjà, à l’époque, les publicistes savaient communiquer et faire passer un message aux clients à qui ces autos étaient destinées.

Qu’apprend le client par cette étiquette ? Que la maison Peugeot (Darl’Mat n’apparaît pas, bien sûr) a participé aux 24 heures du Mans, « véritable record du monde sur route ». Vient ensuite le nombre de partants, puis celui des abandons. A ce sujet, on notera une erreur. Les livres consacrés à cette édition des 24 heures indiquent qu’il y avait 48 autos au départ et non 49 comme indiqué sur l’étiquette. Ensuite Peugeot fait le compte de ses voitures engagées, elles sont au nombre de 3. Comme celles qui ont abandonné sont au nombre de 0, celles qui ont vu le drapeau à damiers sont donc également au nombre de 3 ! Le client Peugeot pourrait se satisfaire de cet honorable résultat, qu’il faut quand même relativiser. Les Peugeot occupent au classement général les 7ème, 8ème et 10ème rang. Dans leur catégorie, celle des moteurs de 2 litres de cylindrée, elles sont battues par une Adler qui termine 6ème.

A mes yeux la réelle performance est celle de la petite Aston Martin Ulster qui occupe la 5ème place au classement général, avec un moteur de 1,5l de cylindrée !

Les commerciaux de Peugeot ont donc choisi de communiquer sur le résultat d’ensemble et la bonne fiabilité des autos.

publicité Esso vantant la victoire du mans 1992
publicité Esso vantant la victoire du mans 1992

Pour ma part, je vous montrerai la publicité qu’Esso publiera après la belle victoire aux 24 heures du Mans 1992 : « On n’a pas encore inventé de meilleur test pour une huile que les 24 heures du Mans ». On constate que les 24 heures du Mans sont toujours un excellent vecteur de promotion pour les fabricants comme pour les pétroliers.
Prochainement nous reviendrons sur l’histoire de ces Peugeot Darl’mat au Mans. Elles participeront à l’édition suivante, celle de 1938 avec un résultat bien différent.(voir l’article sur l’édition 1938)

ouvrage de messieurs Moity et Teissedre de l'édition 1992
ouvrage de messieurs Moity et Teissedre de l’édition 1992

Pour la rédaction de ces articles je me suis aidé de l’annuel consacré à la classique mancelle qui paraît chaque année depuis 1978. Pour l’annuel consacré à l’édition 1992 qui a vu la première victoire de Peugeot au classement général, Les auteurs, Christian Moity et Jean-Marc Teissedre ont écrit un très intéressant chapitre retraçant toute l’histoire de Peugeot au Mans depuis 1923.

Week-end avec un champion !

Je me souviens dans les années 70 de ces concours dans les magazines pour jeunes où le premier prix consistait à passer une journée avec son idole du music hall.

Moi, j’aurais bien tenté ma chance si la récompense avait été la rencontre avec un des as du volant des années 70 ! Au lieu de cela mon seul titre de gloire aura été d’être le passager d’une Lola T290 conduite par un pilote amateur sur un tour du circuit de Croix-en -Ternois …oui c’est moins glorieux que de rencontrer Jacky Stewart et l’équipe Tyrrell  à Monaco !

Dans le film « Week-end of a champion », Roman Polanski et Frank Simon ont eu la superbe idée de faire accompagner par leurs caméras le grand champion écossais Jackie Stewart Continuer la lecture de Week-end avec un champion !

Trois petits tours et puis s’en va …

Le salon Rétromobile a beaucoup évolué au fil des années. Il a perdu une partie de la magie et de la bonne humeur qui y régnaient. Pourtant, de temps en temps, il peut encore favoriser de belles rencontres.

Champion Lola T70
Champion Lola T70

La scène se passe au déballage, le mardi précédant l’ouverture au public. Au hasard des allées, je rencontre Jean Liatti. Je connais ce dernier depuis 1976, date à laquelle il est entré en qualité de maquettiste à la Boutique Auto Moto. A l’époque, pour convaincre les éventuels acheteurs de kits de modèles réduits, il fallait pouvoir présenter le produit fini. Grâce à son talent, Jean Liatti pouvait transformer un modeste kit John Day ou Mini racing en une superbe miniature dont chacun aurait aimé être propriétaire. Il formait avec son compère Jean-Claude Poussin un duo haut en couleur. La productivité n’était pas leur souci principal. Tant et si bien que les patrons de l’époque durent dissoudre le duo d’artistes. L’ami Jean créa sa marque, Nestor. C’est ainsi que ses amis l’avaient surnommé, trouvant quelque ressemblance entre sa silhouette et celle du valet de chambre du capitaine Haddock. Sa production porta sur les débuts de la marque Chaparral. Il livra ainsi aux connaisseurs de superbes miniatures fidèles et détaillées. La quantité produite était faible et la demande importante. Cela demeura du travail d’artiste. Ainsi, sa rencontre dans les allées me fit grand plaisir et je m’empressai de prendre de ses nouvelles.

C’est alors qu’une autre de mes connaissances fit son apparition. Il s’agissait de Francis Reste. Ancien journaliste auto à l’Equipe, ce dernier me fut présenté, il y a longtemps par Jean-Marc Teissedre, journaliste à Auto Hebdo, co-auteur chaque année du livre sur la dernière édition des 24 Heures du Mans, et, coïncidence, ancien patron de Jean Liatti. Outre son attachement pour la course automobile ce dernier, comme Francis Reste a une passion pour les poids lourds anciens et leur reproduction en miniature.

Après les présentations d’usage, la conversation dévia sur la Ferrari 330P4 qui venait juste d’arriver au salon Rétromobile et que Francis Reste s’apprêtait à aller voir. Chacun y allait de son anecdote savoureuse. Jean Liatti, en connaisseur, commença à énumérer les numéros de châssis des P4 fabriquées alors que Francis Reste et moi-même retracions la saison 1967 de cette auto.

Maquette en bois au 1/3
Maquette en bois au 1/3

Jean Liatti, déjà supporter de la marque Texane, s’était installé devant le stand de la Chaparral pour le départ. C’était sa première expérience de spectateur d’une course automobile, il avait 11 ans. Il en a d’abord gardé un souvenir sonore : le grand silence deux minutes avant le départ, quand le speaker de l’époque, Jean-Charles Laurens égrénait le compte à rebours, puis le bruit lourd du baisser de drapeau, immédiatement suivi du claquement des bottines des pilotes s’élançant sur l’asphalte vers leur auto. Enfin, le bruit assourdissant des moteurs. S’agissant du spectacle, notre ami mit plus d’une heure à comprendre comment regarder les bolides. A l’époque, il n’y avait pas le ralentisseur au début de la ligne droite des stands. Lancées dans cette ligne droite depuis Maison Blanche, les autos arrivaient à une telle vitesse qu’il était impossible de les fixer du regard. En fait, l’emplacement devant les stands permettait surtout d’admirer le départ et les arrêts au stand , qui sont assez rares juste après le départ. Francis Reste était lui aussi enfant. Pour qu’il puisse jouir confortablement du spectacle, son père l’avait installé sur un petit escabeau, près du restaurant « le Welcome », à l’intérieur de la courbe Dunlop. Le départ de la vrombissante Ford MK2 bleu pâle Nr57 suivie de la Ferrari 412P de Pedro Rodriguez parties en tête le déstabilisèrent et il tomba de son piédestal. Il est vrai que le départ de toute compétition automobile est un moment à part, et celui des 24 heures du Mans sûrement l’un des plus impressionnants.

Pour illustrer cette histoire, j’ai choisi une auto que mon ami Jean n’aura pas eu le loisir de voir passer correctement. En effet après trois tours, John Surtees rangera sur le bas-côté sa belle Lola T70 coupé, à moteur Aston Martin.

Cette maquette en bois au 1/3 est celle qui a servi, après avoir été réduite au pantographe, à réaliser le moule du modèle produit par Champion. C’est une pièce unique. Je reviendrai plus tard sur la marque Champion afin de vous présenter d’autres projets ou modèles ayant servi à la réalisation de ces miniatures qui connurent un immense succès commercial dans les années soixante-dix. M. Jean-Paul Juge qui gérait la conception et la fabrication des miniatures Champion fut un des pionniers sinon le pionnier de la déclinaison de variantes de livrées de voitures de course.

Admirez la petite vignette en haut à gauche. Il proposera 6 variantes exactes de ce beau coupé.