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Mystères à Buenos Aires

Mystères à Buenos Aires.

L’industrie automobile française s’est peu exportée. C’est une réalité que les collectionneurs de jouets automobiles peuvent aisément constater en regardant les vitrines de miniatures. C’est éloquent. Les représentations de marques françaises sont assez rares chez les fabricants de jouets étrangers.

A l’inverse, le succès commercial allemand depuis les années 50 se traduit par un nombre très important de reproductions miniatures de Mercedes et de Volkswagen et ce dans tous les pays du monde. On peut faire le même constat avec les autos de fabrication américaine, sur cette même période, car à compter des années 70, elles n’ont plus la même aura.

Les autos françaises sont bien présentes, concentrées sur les marchés moyen et bas de gamme. Prenons l’Espagne. La FASA (fabrication d’automobiles société anonyme) est créée en 1953. Petit à petit Renault deviendra en Espagne le premier constructeur devant Seat.

De la 4cv à la Dauphine, toutes les Renault ont été fabriquées en Espagne, sauf les R15, 16, 17 et 20. On comprend que Renault n’a pu s’implanter sur le marché qu’en créant une entité locale. A l’image de très nombreux pays, l’Espagne a favorisé le montage sur place en taxant fortement les importations. Il fallait fournir du travail à la population pour développer le pays. Cette même logique économique s’applique à l’industrie du jouet.

Poch a réalisé la peinture, le montage, et la distribution en Espagne d’un certain nombre de Dinky Toys françaises, reproduisant des modèles de la régie Renault. Jefe a fait de même avec les Renault 4cv et les Dauphine de chez Lion Car en louant l’outillage à l’entreprise implantée aux Pays-Bas. (voir le blog consacré à ces autos)

On retrouve le même schéma en Argentine. C’est en 1955 qu’est créée l’usine de Santa Isabel. La Dauphine y est assemblée dès 1960.

Buby, qui est le fabricant de miniatures argentin le plus renommé ne manque pas d’inscrire la voiture à son catalogue, pour le plus grand plaisir des collectionneurs et occasionnellement des petits Argentins.

Ces derniers pourront reproduire les dérapages « sauvages » de l’auto sur les trottoirs de Buenos Aires, surtout si leur papa conduit la version « Gordini ».

Comme la plupart des Buby de cette époque, la miniature est réduite à une échelle légèrement supérieure au 1/43. C’est un modèle peu fréquent.

Cependant la Volkswagen 1200 de 58 sortie peu de temps avant chez Buby est bien plus rare encore. Je peux avancer une explication : le modèle Buby devait être confronté à une telle concurrence que la firme argentine a arrêté sa fabrication bien avant celle de la Dauphine qui a connu, elle, une belle carrière et un grand nombre de variantes, dont les versions « course ».

La Renault 4L est le deuxième modèle produit sur les chaines de Santa Isabel, mais Buby ne l’inscrira jamais à son catalogue.

Le modèle suivant est la R6, en 1969. Renault est désormais majoritaire dans le capital de l’entreprise de Santa Isabel, et depuis 1967 l’entité a changé de nom. De Kaiser Argentina Renault, elle est devenue IKA .

Et la miniature ? Grâce à José Andrade, je viens de faire une découverte des plus intéressantes. Sachant que j’étais amateur de Buby, ce dernier m’a proposé il y a quelque temps une R6 en boîtage promotionnel.

Bien que la boîte soit incomplète, son authenticité ne fait aucun doute. La vraie surprise vient de la miniature qu’elle contient, et d’abord de sa couleur : caramel.

Comme le modèle photographié sur la boîte. Cette couleur ne vous rappelle pas quelque chose ? Cherchez bien. Il s’agit d’une autre Renault, produite aussi en 1969 à….Bobigny ! Oui, la Renault 12, mais aussi la fameuse Renault R8S.

Mon premier réflexe fut d’ouvrir le capot. Et là j’ai eu la confirmation du lien avec Bobigny, grâce à la couleur vert foncé du bloc moteur, identique à celui du modèle produit en série

Pour l’article j’ai sorti une version qui provient de M. Malherbe du bureau d’études. Sur les modèles de présérie le moteur  est fini de couleur brique satiné.

La finition au pochoir de ce dernier ainsi que la calandre ne laisse planer aucun doute sur l’authenticité du modèle. De plus, l’année 1969, date de sortie chez Meccano de la R12 et donc de l’utilisation de cette teinte très à la mode à cette période correspond à celle du lancement en Argentine de l’auto.

Nous connaissions tous la Renault 6 de chez Buby. Depuis très longtemps nous avions remarqué la grande similitude avec le modèle Dinky Toys.

L’œil du collectionneur avait remarqué que Buby avait gravé sur la malle arrière le logo Ika Renault.

J’avance l’idée selon laquelle Renault Argentine, pour le lancement de sa R6, aurait commandé en France un petit nombre de modèles finis de couleur caramel et avec ce boîtage particulier.

Les droits de douane ont sûrement conduit à limiter cette importation au strict nécessaire, destinée peut-être à la presse pour la présentation du modèle. Dans un deuxième temps, on peut penser que Buby et Dinky Toys se sont rapprochés afin de trouver une solution. Dinky Toys ayant par la suite envoyé le moule en Espagne, on peut imaginer que Buby avait commandé une sorte de duplicata de moule à Bobigny.

J’écarte l’hypothèse d’une copie sans autorisation du modèle Dinky Toys. La régie Renault pourrait avoir participé à cette opération, en rapprochant les deux parties. Le mystère demeure.

les autos sont quasiment identiques. On ne voit que deux différences : les clignotants latéraux et les grilles d’aération sur le montant arrière du hayon qui peuvent s’expliquer. En effet, la vraie R6 produite par IKA Renault en Argentine semble en être dépourvue.

La petite encoche découpée devant le pare- brise s’explique par le fait que Buby avait abandonné le système d’ouverture du capot créé par Bobigny ( il fallait pousser le volant pour activer l’ouverture du capot sur le modèle français).

La seule variante importante, qui ne se voit qu’en ouvrant les portes, est le système de fixation par deux points de sertissage des portières sur les articulations.

Pourquoi Buby a- t’-il fait si compliqué ? C’est ici que réside pour moi le second mystère. Car l’étude des châssis est confondante, ils sont strictement identiques. Même la correction faite chez Meccano, surcharge sur le chiffre 6, apparaît sur le modèle Buby.

C’est le genre de découverte qui fait le bonheur du collectionneur.

Pour l’occasion j’ai sorti quelques variantes de la R6 Buby. J’avais évoqué la fantastique version «carrera» (voir le blog consacré à ce modèle).

Le premier boîtage, sur fond rouge est moins fréquent que celui sur fond jaune et rouge. Les premiers modèles reçoivent des jantes en plastique chromé. Ensuite, ces dernières sont injectées de couleur noire.

Un détail mérite d’être mentionné. Si vous ouvrez les portes et le capot , vous serez surpris de constater que les intérieurs des portes et du capot moteur reçoivent une finition noir mat. C’est tellement surprenant que sur le premier exemplaire approché j’ai cru à une finition « main » du précédent collectionneur. Pas du tout. Les exemplaires du début sont ainsi finis, une finition « luxe » sur une miniature populaire en quelque sorte.

 

Je m’en lave les mains.

Je m’en lave les mains.

« Moteur à explosion ». Ce terme pourrait inquiéter certains conducteurs Moi le premier. C’est pourquoi les automobilistes ont toujours eu besoin de porte-bonheur, pour se protéger de la machine.

En Italie par exemple, chaque ville, parfois même chaque quartier a ses Saints de prédilection. Ces derniers sont sollicités chaque année pour bénir et protéger les automobiles et leur utilisateur. Les conducteurs patientent en file comme au feu rouge, en attendant que le prêtre officie. Les vélos sont les bienvenus.

Saint Christophe et sa médaille
Saint Christophe et sa médaille

Une médaille de Saint-Christophe patron des voyageurs, à l’intérieur de l’habitacle, est déjà une bonne garantie de sécurité.

Nos amis Allemands qui ne sont pourtant jamais à court d’arguments pour vanter la qualité de fabrication de leurs produits, peuvent se montrer superstitieux lorsqu’il s’agit de se protéger des aléas de la mécanique.

Voyez ce splendide fer à cheval : « Das qualitat ». Admirez le sachet contenant les éléments de fixation : écrou, contre-écrou et autres éléments de blocage. C’est impressionnant.

Le service publicité de Berliet, qui ne manquait pas d’imagination, aurait dû s’en inspirer plutôt que de proposer l’article ci-après à la direction de Vénissieux.

On peut y voir une certaine arrogance. Il s’agit d’ un chiffon « dégraisseur à sec » servant à se nettoyer les mains après une partie de mécanique. Jusqu’ici rien d’extraordinaire.

Mais sur la pochette de cette dernière un texte indique que l’utilisateur pourra s’en passer lorsque il aura acquis un Berliet Stradair : « Vous le jetterez quand vous aurez un Stradair ».

Il est ensuite expliqué que Berliet a supprimé le graissage sur ce camion « qui comporte des innovations plus révolutionnaires encore ». La publicité ne rentre pas dans les détails et invite à se rapprocher du service promotion vente du constructeur.

Pour un peu, le service publicité expliquait que le temps économisé en parties de mécanique permettait aux chauffeurs de « Stradair » d’organiser des tournois de belote. Berliet avait d’ailleurs imprimé des jeux de cartes. (voir le blog consacré Berliet Stradair  prototype)

La réalité fut tout autre. (voir le blog consacré au Berliet Stradair). L’arrogance de la publicité déchaîna sans doute « les mauvais génies de la mécanique ». Le Stradair fut un fiasco technique.

Et les les jeux de carte permirent d’occuper les chauffeurs pendant que le Stradair, hors d’usage, était en réparation au garage.

La société de pâte à savon Arma qui pouvait craindre une baisse des ventes de ses produits à cause du « révolutionnaire Stradair » choisira pourtant d’apposer sa publicité sur un Berliet Gak de chez France Jouets.

Bien lui en prit car les déboires du Stradair furent finalement favorables à la consommation de pâte à savon.

Les utilisateurs qui voyaient dans le Stradair une machine infernale ont du ricaner devant les déboires de ce dernier et se féliciter d’avoir conservé leurs « vieux » GLR.

Dinky Toys a su offrir aux amateurs de poids-lourds une reproduction exceptionnelle de ce camion. A mes yeux sans doute le plus beau camion Dinky Toys France.

Avec le Simca Cargo c’est aussi un des plus fréquents. Disponible en magasin dès 1955, il est encore au catalogue en 1971.

J’ai le souvenir, enfant, d’un café près du stade communal de football où trônait derrière le comptoir la version benne carrière. On y allait après les entrainements boire un cacolac. Je suppose que le propriétaire de l’établissement en avait conduit un. La miniature devait symboliser sa première vie  de chauffeur routier.

Je n’imaginais  pas que le prototype en bois de ce modèle trônerait un jour dans mes vitrines.

Le modèle est superbe. Le maquettiste a particulièrement soigné la finition. Au regard du travail effectué, on imagine qu’il aimait particulièrement le modèle. Il n’y a pas toujours sur ce type de produit le même degré de finition. Même la crémaillère figure. La benne en bois est fonctionnelle.

Je ne vais pas entrer dans la description de toutes les variantes, Jean-Michel Roulet l’a très bien fait dans son ouvrage.

Il y en a quelques unes que j’apprécie. Elles démontrent que Dinky Toys improvisait parfois, notamment en fin de production, où on n’hésitait pas à utiliser des « restes ».

Ainsi, il existe une version équipée de jantes bleu clair concaves provenant du Citroën P55 laitier. La couleur est très différente du bleu moyen, propre au Berliet GLR. On peut imaginer qu’un surplus de jantes du Citroën P55 inutilisé se trouvait là au moment de la production des derniers GLR. C’est une version très rare.

La version plateau avec container possède aussi « sa version hybride ». La plupart des versions de fin de production, avec le plateau serti et les jantes concaves sont équipées de pneus à section ronde qui correspondent à ceux des modèles du début de la production.

La logique voudrait que les modèles soient équipés de pneus à section carrée, pneus apparus au début des années soixante avec le Berliet Gak et le Citroën P55 laitier, qui leur avaient succédé. L’assemblage est anachronique, c’est mon ami Charles Prieur qui me l’avait fait remarquer. Un stock ancien avait dû être retrouvé à l’usine et cette petite production tardive convenait parfaitement pour liquider ces pneus d’un autre âge.

Il faut aussi signaler que le Berliet n’a pas toujours reçu la finition argent au niveau de la face avant (calandre, phares, baguettes). Le camion prend alors une allure bien différente.

La boîte promotionnelle réalisée pour Berliet est très rare.  On peut comprendre, en lisant le texte  sur une des faces  de l’étui, que ce dernier ne pouvait avoir qu’une durée de vie très limitée.

Enfin, comment ne pas parler de la version porte-container « Bailly » réalisée pour cette entreprise. Beaucoup de bêtises ont été dites au sujet de ce modèle. Une première série a été réaliséee par Dinky Toys. Le modèle est tardif, avec des jantes concaves et un plateau serti. Il ne peut y avoir de confusion avec l’autre série, réalisée plus tard à la pièce et à la main à la demande de Bailly chez un maquettiste.

Le modèle ayant eu  du succès, Bailly voulut en refaire une petite série. La commande n’était pas assez importante pour Dinky Toys, elle fera le bonheur d’un ou de plusieurs artisans maquettistes comme Desormeaux par exemple qui avait des liens avec Meccano.

La version réalisée chez Dinky Toys est une rare et belle pièce.

Ce Berliet GLR sillonnera les routes de France jusque dans les années 80. A l’image du modèle Dinky Toys, il aura une carrière exceptionnelle Je me souviens en avoir photographié quelques exemplaires en bel état de conservation jusqu’en 1990. Le Berliet Stradair, bien plus récent, avait disparu depuis longtemps de la circulation.

 

 

L’odyssée des « Scarlet Arrow »

L’odyssée des « Scarlet Arrow »

En plus de nous émerveiller, certains chefs-d’oeuvre de la peinture ont une histoire hors du commun qui nous captive. Cela les singularise.

Léonard de Vinci La Joconde
Léonard de Vinci La Joconde

Dès sa réalisation qui s’est étalée de 1503 à 1519, la Joconde de Leonard de Vinci a été considérée comme un chef-d’oeuvre. En 1550 Vasari décrit le tableau avec force conviction. Mais c’est le vol du tableau en 1911 et sa rocambolesque histoire qui lui donnera son aura supplémentaire auprès du grand public.

Au musée du Louvre, le tricheur à l’as de carreau de Georges de La Tour eu une histoire mouvementée. Lorsqu’il en fit l’acquisition en 1972 jamais le Louvre n’avait déboursé une telle somme pour une œuvre d’art. Les experts se sont déchirés pour savoir s’il s’agissait d’un vrai de La Tour ou d’une copie.

Le tableau avait été découvert par un antiquaire, Pierre Landry, qui disait l’avoir acquis en 1926 chez un particulier, non loin du musée, sur l’île de la Cité. Georges De La Tour était tombé dans l’oubli malgré la grande qualité de son œuvre. Après cette affaire qui fit grand bruit, et quelques rétrospectives de l’autre côté de l’Atlantique, ce maître du 17 ème siècle fut enfin reconnu et apprécié du public.

Nos Dinky Toys les plus rares ont aussi leurs petites histoires. Les deux modèles du jour ont eu un destin des plus singuliers. Ils sont aujourd’hui de nouveau réunis après 50 ans de séparation.

J’ai acquis le camion 22 C, ridelles peint en jaune et noir et affublé d’une petite flèche de couleur rouge sur le pavillon en salle des ventes. Je l’ai acheté pour une raison simple : je disposais d’ éléments que peut-être, une partie des autres amateurs présents ce jour là, n’avaient pas.

Dans un article qu’avait signé Jean-Michel Roulet, qui, par bonheur dans les années 80-90 collaborait à diverses publications et partageait ainsi sa passion et ses connaissances, j’avais repéré une étrange camionnette 280, jaune dont le pavillon était décoré d’une petite flèche rouge.

Le montage d’un tel accessoire ne passait pas inaperçu. Il présentait ce modèle comme un prototype. C’est ainsi que le jour de la vente aux enchères j’ai compris que le camion 22 avait un lien avec la camionnette 280. Même couleur et même type de petite flèche.

J’ai saisi l’opportunité qui s’offrait à moi d’acquérir ce modèle. Je ne me souviens pas avoir eu une très grande opposition.

Plus de 30 ans après cette acquisition, Jean-Michel Roulet voyant la photo du camion dans ma vitrine me conta toute l’odyssée de ces véhicules. Ce petit camion 22 lui avait été promis par Geoff Moorhouse du bureau d’étude de Binns Road.

Le véhicule est aux couleurs d’une compagnie de transport, « Scarlet Arrow » établie à Liverpool, siège de Meccano faut-il le rappeler. Ce transporteur avait décoré sa flotte de véhicules de cette flèche rouge qui permettait de les identifier dans le flot de la circulation, et accessoirement de se faire une belle publicité.

Le bureau d’étude de Binns Road avait fabriqué deux modèles à soumettre au directeur de Scarlet Arrow : ce camion sur la base du 22C et une camionnette de livraison 280.

On peut imaginer que d’autres véhicules ont été réalisés et soumis à la direction de « Scarlet Arrow » . Un camion 25 peut-être ? C’est juste une hypothèse car on constate que les deux modèles précités ont été des fabrications « économiques », monobloc. Le camion 25 A ridelles est en 3 parties, bien plus onéreux à fabriquer.

Comme il était de coutume chez Meccano, et ce dès le début de la fabrication de wagons citernes ou des camionnettes publicitaires de la série 28, la compagnie qui voyait son nom apposé en publicité reversait une contribution financière à Meccano.

Mais à la direction de Scarlet Arrow on tenta d’expliquer que c’était à Meccano de payer pour voir figurer dans le catalogue Dinky Toys des véhicules aux couleurs de l’entreprise ! On comprend bien que les dirigeants de Scarlet Arrow étaient très fiers de leur décoration. Mais chez Meccano il était hors de question de se plier à une telle volonté. Résultat, ces deux véhicules allèrent aux oubliettes.

Les deux modèles sont ressortis en 1978 lors de la dispersion de documents et autres prototypes du bureau d’étude. Voyant qu’une partie des prototypes et autres documents était purement et simplement jetés, quelques membres du bureau d’étude se partagèrent ces trésors.

La camionnette « Scarlet Arrow » eut un curieux destin. On ne sait qui la sortit du bureau d’étude. Par contre, on sait qu’elle resta dans un petit carton au fond du coffre d’une Ford Cortina, avec une Standard Vanguard verte de premier type, une Triumph 1800 noire avec jantes argent et deux série 39 bicolores.

En voyant les Dinky Toys dans le coffre de la Ford, le garagiste à qui on la proposait comprit tout de suite l’intérêt d’acheter la voiture. Jean-Michel Roulet m’expliqua que la simple revente des Dinky Toys couvrait le prix de l’auto !

Tom Spinks, collectionneur de Matchbox Yesteryear les acquit auprès du garagiste et les céda en aout 1978 à Jean-Michel Roulet.

La photo que m’a confiée ce dernier est assez extraordinaire. On voit Jean-Michel Roulet posant fièrement avec ses acquisitions lors de l’autojumble de Crich.

Cette photo transpire la passion et la fierté, justifiée, de posséder de telles miniatures. On comprend que 30 ans après le souvenir soit toujours aussi vivace. On a peut-être du mal en 2020 à mesurer la fierté que l’on pouvait avoir devant de pareilles trouvailles.

A cette époque il fallait de solides relations pour pouvoir sortir de tels modèles. Cela ne se faisait pas en un voyage Outre-Manche. Il fallait tisser patiemment les liens entre collectionneurs et marchands. Ce n’était pas qu’une question de moyens financiers. Aujourd’hui, certains acheteurs posent sur leurs pages Facebook, avec un modèle à peine acquis pour plusieurs milliers d’euros. Ils ne savent pas toujours ce qu’ils ont acheté.

Jean-Michel Roulet espérait réunir la paire de « Scarlet Arrow ». Geoff Moorhouse lui avait promis le camion 22. Oui, mais voilà, ce dernier fut cédé à une autre personne dont nous ne connaissons pas l’identité.

Pour « compenser » cette promesse non tenue, le membre du bureau d’étude lui céda la Buick Skylark en bois, puis plus tard la Ferrari 312 F1 avec le châssis « made in England ». Ces modèles furent ensuite cédés à Jean Vital-Remy. Je les ai récupérés lors de la vente de cette collection, ainsi que l’exceptionnelle Standard Vanguard de type 1 de couleur verte.

Grâce au récit de Jean-Michel Roulet, ces modèles ont acquis un supplément d’âme. Ils ont une véritable histoire, hors du commun, à l’image de leur rareté. Ce sont des pièces uniques. Désormais les collectionneurs les rattacheront à ce récit.

Un musée imaginaire

Un musée imaginaire.

C’est comme un rituel. A la sortie de chaque exposition, mon épouse redoute que j’achète l’ouvrage qui lui est consacré. A la maison les étagères sont pleines et depuis quelque temps je dois vraiment être sélectif dans mes achats.

Cette fois, fait unique, j’ai acheté l’ouvrage avant l’exposition. C’est dans une librairie, véritable havre de paix au milieu de l’agitation des soldes, que j’ai découvert le livre qui m’a incité à aller voir l’exposition.

C’est la couverture qui m’a attiré. Il faut dire que l’oeuvre de Paul Signac est hypnotisante. C’est d’ailleurs le propre de la technique pointilliste qui joue avec la décomposition des couleurs.

Il s’agit en fait d’une double exposition. Le sujet en est un personnage atypique : Félix Fénéon. Le titre de l’ouvrage donne envie d’en savoir plus : « Félix Fénéon Critique, collectionneur, anarchiste ».

La première exposition lui est consacrée au Musée du Quai Branly, reconstitue une partie de sa collection « d’arts lointains ». Il est à l’origine de cette appellation, remplaçant avantageusement celle « d’art primitif » ou « d’arts sauvages ».

La seconde s’est tenue à l’automne 2019, au musée de l’orangerie. Elle présente sa collection d’oeuvres picturales. Félix Fénéon fut proche de Seurat, Signac, Matisse et Bonnard entre autres. Il a dirigé la galerie Bernheim où ces artistes ont été exposés.

Nous voilà donc partis au musée du quai Branly. C’est déjà tout un plaisir d’emprunter la rampe d’accès aux salles du musée. La projection vidéo, « the river » de Charles Sandison a l’art de vous transporter vers un « ailleurs ».

L’arrivée dans l’espace réservé à l’exposition est un autre enchantement. J’y suis allé curieux de découvrir les objets présentés mais également désireux de connaître la vision du collectionneur qu’était Félix Fénéon. C’est un aspect qui m’intéresse au plus haut point.

Une scénographie remarquable met en valeur les objets. L’association des couleurs sur les cimaises, la subtilité des éclairages, tout est fait pour charmer l’oeil et l’attirer vers les objets. Le spectateur est ainsi en condition pour en apprécier la beauté.

La lecture des textes associés est également importante pour pénétrer dans l’univers particulier de cette exposition..

Je m’interroge sur les choix du commissaire de l’exposition : thématique, liens entre les objets, correspondance et dialogue entre les oeuvres exposées.

Au fil du parcours, je me suis demandé pourquoi on avait retenu tel ou tel objet : intérêt esthétique ou raison historique ?

J’en arrive à mon regard de collectionneur de miniatures. Qu’est ce qui fait qu’une pièce est importante ou pas, belle ou pas…Qu’est-ce qui fait qu’on a envie de l’acquérir ?

En tant que collectionneur, j’ai toujours cherché à privilégier l’histoire de la miniature. Pour cela j’ai donc un vif intérêt pour tous les modèles situés en amont de la production de grande série.

Tous les prototypes, plans, et autres essais de couleurs qui ont précédé la production de masse.

Aujourd’hui je vais vous présenter un exceptionnel ensemble. D’après l’historique du vendeur, ces modèles ont été acquis dans une vente de charité. Ils sortaient bien sûr de Binns Road. Contrairement aux modèles de la série 39, présentés eux dans le livre de Mike Richardson, les modèles de cette série étaient inconnus des amateurs de Dinky Toys des années 90. Ils sont apparus dans une salle des ventes londonienne. (voir le blog consacré aux série 39 prototypes)

On comprend bien que peu de gens sont intéressés par ce type de produits. Ces modèles sont exceptionnels mais il est très difficile pour un amateur intéressé de « plonger » dans cet univers s’il n’a pas déjà quelques exemplaires en vitrine. On peut retrouver ce phénomène avec les Dinky Toys Afrique du Sud. C’est un investissement certain. Alors, pour beaucoup, le fait de ne pouvoir être sûr d’en obtenir d’autres, constitue un frein.

En attendant voici l’ensemble de ces pièces uniques. Certaines ont abouti à une production, vous les reconnaîtrez aisément. D’autres sont restées à l’état de projet.

J’apprécie beaucoup le camion Austin à ridelles. Il trouvera un descendant à l’échelle « Dublo » (1/87) en version équipée d’un châssis court. C’est surtout sa déclinaison de couleurs qui est fort intéressante : cabine rouge et ridelles bleues.L’harmonie des couleurs a dû séduire les dirigeants de Dinky Toys. Ils la choisiront pour le Leyland Comet, camion qui prendra la place de  l’Austin à ridelles dans la production.

Ces véhicules sont dignes d’un musée et j’y réfléchirai un jour si l’opportunité se présente. Cependant, j’ai bien conscience qu’avoir des pièces dignes d’intérêt n’est qu’une étape. Les mettre en valeur en est une autre. C’est pourquoi je reste admiratif du travail des commissaires d’expositions des musées de France. Ils font un travail exceptionnel que le collectionneur que je suis apprécie pleinement.

Ah que la vie est belle.

Ah que la vie est belle.

Il n’y a pas de hasard, dit-on. Des coïncidences peut-être.

En ce samedi 22 juin 2019, je suis à la manifestation de Houten, près d’Utrecht aux Pays-Bas. La veille, durant le trajet, je me suis souvenu que c’était là, il y a un an que j’avais rencontré pour la dernière fois mon ami Lennart. Nous devions nous revoir en octobre en Suède, la maladie en a décidé autrement.

En pénétrant avec les exposants dans le grand hall, je ne peux m’empêcher de penser à lui et aussi à ses amis qui l’accompagnaient. Il faut se résoudre c’est comme cela.

Je suis heureux du fait que plusieurs marchands et collectionneurs qui ont lu et traduit le blog consacré à la disparition de Lennart viennent me trouver durant la matinée pour me parler de lui.(voir le blog consacré à Lennart).

Clive, Bent, Herman, Wolfgang et bien d’autres ont tous le même mot à la bouche. Ils soulignent sa grande gentillesse. Je pense n’avoir jamais rencontré une personne aussi souriante. Lennart prenait tout avec un inimitable sourire empreint de candeur.

Je me suis parfois demandé si le fait d’admirer chez une personne des qualités qui vous font défaut n’est pas un élément déterminant dans la volonté de devenir son ami.

Moi, je ne suis pas sociable comme Lennart.

Je parlais de hasard. En fin de matinée, quasiment à l’endroit où il y a un an Lennart avait sa table avec Lasse Andersson, l’organisateur de la bourse d’Helsingborg, je suis attiré par un catalogue Peugeot.

Ce sont les dessins qui m’attirent . C’est un document qui a été réalisé, peut-être, pour des visites de l’usine de Sochaux.

La Peugeot 203 est à l’honneur. On y vante sa qualité de fabrication. L’usine a d’ailleurs habilement été placée au centre d’une carte routière, où la frontière suisse, rend compte de la proximité avec ce pays.

De là à déceler la qualité suissse dans les productions de Sochaux, il n’y a qu’un pas.

Ce catalogue me ramène inévitablement à Lennart. Outre l’emplacement de la table du vendeur, il y a ce lien très fort que Lennart vouait aux productions de Sochaux. Les reproductions de 203, 403 et 404 faisaient partie de  ses miniatures favorites.

Au grè de mes voyages j’ai pu voir combien nos autos étaient appréciées à l’étranger. Cela m’a bien souvent servi pour nouer des liens avec des collectionneurs lointains.

Lennart pouvait dire de même avec moi quand j’allais en Suède, car je n’avais d’yeux que pour les camions Volvo et Scania !  Peut-être est-ce dans les gènes du collectionneur que d’aller chercher ailleurs ce qu’il peut avoir chez lui.

Le dernier lien avec ce catalogue est que Lennart avait été chargé par la veuve de Gunnar Soderblom  de vendre le très important stock de catalogues que ce dernier avait accumulé dans sa boutique à Göteborg.( voir le blog Mon ami Gunnar)

C’est ainsi qu’à la manifestation d’Essen en Allemagne, j’avais acquis quelques documents de la collection de Gunnar qui m’avaient servi plus tard à honorer sa mémoire. (voir le blog consacré à Gunnar).

J’ai donc acquis le cœur léger ce catalogue Peugeot en me disant qu’il allait me permettre de l’évoquer une dernière fois

Pour l’occasion, j’ai sorti les plus belles Peugeot 203 de ma collection. Je sais qu’il aurait apprécié

j’aurai toujours une pensée pour lui en pénétrant le matin dans ce grand hall de Houten.

La vie continue. Il faut aller de l’avant .

Et comme le dit Brigitte Fontaine dans une de ses chansons : Ah  que la vie est belle.