Sur des rails

Sur des rails.

A travers la collections de jouets, c’est le monde perdu de l’enfance que nous cherchons tous.

Mes plus grandes émotions de gamin sont toujours arrivées à un moment inattendu : non pas devant les vitrines d’un magasin de jouets, mais dans un hall de gare, devant une maquette de locomotive de chez Arma, dans une agence de voyage qui exposait une reproduction de Caravelle, et même devant les auto-écoles qui n’hésitaient pas à mettre en vitrine des Dinky Toys Simca Aronde ou des tractions en 1970.

Je vous rassure, l’auto-école utilisait des Peugeot 204 ou des Simca 1000 pour former ses jeunes conducteurs.

Le temps semblait s’être arrêté avec ces objets en place depuis des années, au même endroit. C’était une époque où tout allait moins vite, Il fallait du temps pour qu’un objet se démode. Mais un regard de collectionneur trouvait de l’intérêt à ces modèles.

Vous avez tous connu cela.

Dernièrement, à la très réussie bourse d’échange d’Orléans, mon regard a été attiré par un wagon porte-autos. Rien d’extraordinaire en soi.

En fait, c’est le souvenir d’ une vieille photographie de presse en noir et blanc sur laquelle figurait ce même wagon et qu’un client m’avait montrée il y a quelques années, qui a éveillé ma curiosité. Il n’y aucun doute sur le fait qu’elle émanait d’un photographe professionnel. Il s’agissait du genre de cliché commandé par la SNCF pour être ensuite diffusé dans la presse.

On y voyait une somptueuse et très détaillée maquette de wagon porte-voitures à deux étages de la STVA, garnie de miniatures Dinky Toys. C’était, bien sûr, le chargement de Dinky Toys qui avait incité le collectionneur à me montrer le cliché.

Plus tard François Laurent trouva d’autres clichés, en couleur  cette fois d’un wagon reproduit à une échelle supérieure. Le wagon était en effet garni de Renault 4cv de chez C-I-J  et de Citroên 2cv camionnette  JRD en tôle .

J’ai tout de suite fait le lien entre  cet objet trônant sur la table d’un marchand et ces photos.

 Le wagon était fabriqué par Arma, petite société de maquettes implantée dans Paris même. Cette firme avait une spécialité, les maquettes destinées à la SNCF : motrices et wagons. Plusieurs échelles de reproduction ont été utilisées.

L’échelle la plus fréquente était celle du 1/43, dite « O » chez les collectionneurs de matériels de chemin de fer. Il faut toujours avoir en mémoire que l’échelle de reproduction choisie par Meccano pour ses miniatures  Dinky Toys ne doit rien au hasard.

Les trains Hornby étant apparus bien avant les miniatures automobiles, Meccano s’est adapté à leur échelle. Les automobiles faisaient partie du décor, au même titre que les personnages et autres petits accessoires. Il ne faut jamais oublier cette histoire, elle a déterminé l’échelle de nos miniatures.

Ce wagon est donc au 1/43. La qualité de reproduction de ce dernier est exceptionnelle. C’est une vraie maquette bénéficiant d’une finition main.

Arma a utilisé du laiton pour façonner les plateaux. Le wagon est positionné sur un socle figurant des rails. Un tampon Arma indiquant l’adresse de la firme figure sur ce socle. Pas de doute c’est un travail de professionnel.

S’il n’y avait les Dinky Toys, la photo en noir et blanc pourrait presque laisser croire à la photo d’un vrai wagon !

Les miniatures ne sont pas au même degré de finition que le wagon. C’est aussi ce qui confère un charme à l’ensemble. L’amateur de variantes aura vite fait de détecter une curieuse monte de pneus. 

Les sept Dinky Toys sont équipées de pneus en nylon avec marquage Dunlop. Je n’ai jamais vu la 403 ainsi équipée en série. De plus la Citroën 2cv Azam est montée avec pneus nylon blancs. Elle est connue avec des pneus caoutchouc blancs, crantés, mais pas ainsi.

Il se peut qu’Arma ait équipé tous les modèles de pneus nylon, afin de rendre les miniatures plus réalistes. Ces pneus étaient en vente chez les revendeurs. A l’époque il n’était pas difficile de s’en procurer.

Laurent Sockeel, éminent spécialiste de matériel ferroviaire et marchand m’a indiqué en avoir déjà eu deux autres.

La vue du wagon a aussi réveillé des souvenirs auprès de certains clients. Ces maquettes Arma étaient exposés dans les agences SNCF, les grandes gares ou dans les bureaux de la direction. Elles animaient les halls. Elles devaient susciter la convoitise des enfants.. et des collectionneurs.

Mystères à Buenos Aires

Mystères à Buenos Aires.

L’industrie automobile française s’est peu exportée. C’est une réalité que les collectionneurs de jouets automobiles peuvent aisément constater en regardant les vitrines de miniatures. C’est éloquent. Les représentations de marques françaises sont assez rares chez les fabricants de jouets étrangers.

A l’inverse, le succès commercial allemand depuis les années 50 se traduit par un nombre très important de reproductions miniatures de Mercedes et de Volkswagen et ce dans tous les pays du monde. On peut faire le même constat avec les autos de fabrication américaine, sur cette même période, car à compter des années 70, elles n’ont plus la même aura.

Les autos françaises sont bien présentes, concentrées sur les marchés moyen et bas de gamme. Prenons l’Espagne. La FASA (fabrication d’automobiles société anonyme) est créée en 1953. Petit à petit Renault deviendra en Espagne le premier constructeur devant Seat.

De la 4cv à la Dauphine, toutes les Renault ont été fabriquées en Espagne, sauf les R15, 16, 17 et 20. On comprend que Renault n’a pu s’implanter sur le marché qu’en créant une entité locale. A l’image de très nombreux pays, l’Espagne a favorisé le montage sur place en taxant fortement les importations. Il fallait fournir du travail à la population pour développer le pays. Cette même logique économique s’applique à l’industrie du jouet.

Poch a réalisé la peinture, le montage, et la distribution en Espagne d’un certain nombre de Dinky Toys françaises, reproduisant des modèles de la régie Renault. Jefe a fait de même avec les Renault 4cv et les Dauphine de chez Lion Car en louant l’outillage à l’entreprise implantée aux Pays-Bas. (voir le blog consacré à ces autos)

On retrouve le même schéma en Argentine. C’est en 1955 qu’est créée l’usine de Santa Isabel. La Dauphine y est assemblée dès 1960.

Buby, qui est le fabricant de miniatures argentin le plus renommé ne manque pas d’inscrire la voiture à son catalogue, pour le plus grand plaisir des collectionneurs et occasionnellement des petits Argentins.

Ces derniers pourront reproduire les dérapages « sauvages » de l’auto sur les trottoirs de Buenos Aires, surtout si leur papa conduit la version « Gordini ».

Comme la plupart des Buby de cette époque, la miniature est réduite à une échelle légèrement supérieure au 1/43. C’est un modèle peu fréquent.

Cependant la Volkswagen 1200 de 58 sortie peu de temps avant chez Buby est bien plus rare encore. Je peux avancer une explication : le modèle Buby devait être confronté à une telle concurrence que la firme argentine a arrêté sa fabrication bien avant celle de la Dauphine qui a connu, elle, une belle carrière et un grand nombre de variantes, dont les versions « course ».

La Renault 4L est le deuxième modèle produit sur les chaines de Santa Isabel, mais Buby ne l’inscrira jamais à son catalogue.

Le modèle suivant est la R6, en 1969. Renault est désormais majoritaire dans le capital de l’entreprise de Santa Isabel, et depuis 1967 l’entité a changé de nom. De Kaiser Argentina Renault, elle est devenue IKA .

Et la miniature ? Grâce à José Andrade, je viens de faire une découverte des plus intéressantes. Sachant que j’étais amateur de Buby, ce dernier m’a proposé il y a quelque temps une R6 en boîtage promotionnel.

Bien que la boîte soit incomplète, son authenticité ne fait aucun doute. La vraie surprise vient de la miniature qu’elle contient, et d’abord de sa couleur : caramel.

Comme le modèle photographié sur la boîte. Cette couleur ne vous rappelle pas quelque chose ? Cherchez bien. Il s’agit d’une autre Renault, produite aussi en 1969 à….Bobigny ! Oui, la Renault 12, mais aussi la fameuse Renault R8S.

Mon premier réflexe fut d’ouvrir le capot. Et là j’ai eu la confirmation du lien avec Bobigny, grâce à la couleur vert foncé du bloc moteur, identique à celui du modèle produit en série

Pour l’article j’ai sorti une version qui provient de M. Malherbe du bureau d’études. Sur les modèles de présérie le moteur  est fini de couleur brique satiné.

La finition au pochoir de ce dernier ainsi que la calandre ne laisse planer aucun doute sur l’authenticité du modèle. De plus, l’année 1969, date de sortie chez Meccano de la R12 et donc de l’utilisation de cette teinte très à la mode à cette période correspond à celle du lancement en Argentine de l’auto.

Nous connaissions tous la Renault 6 de chez Buby. Depuis très longtemps nous avions remarqué la grande similitude avec le modèle Dinky Toys.

L’œil du collectionneur avait remarqué que Buby avait gravé sur la malle arrière le logo Ika Renault.

J’avance l’idée selon laquelle Renault Argentine, pour le lancement de sa R6, aurait commandé en France un petit nombre de modèles finis de couleur caramel et avec ce boîtage particulier.

Les droits de douane ont sûrement conduit à limiter cette importation au strict nécessaire, destinée peut-être à la presse pour la présentation du modèle. Dans un deuxième temps, on peut penser que Buby et Dinky Toys se sont rapprochés afin de trouver une solution. Dinky Toys ayant par la suite envoyé le moule en Espagne, on peut imaginer que Buby avait commandé une sorte de duplicata de moule à Bobigny.

J’écarte l’hypothèse d’une copie sans autorisation du modèle Dinky Toys. La régie Renault pourrait avoir participé à cette opération, en rapprochant les deux parties. Le mystère demeure.

les autos sont quasiment identiques. On ne voit que deux différences : les clignotants latéraux et les grilles d’aération sur le montant arrière du hayon qui peuvent s’expliquer. En effet, la vraie R6 produite par IKA Renault en Argentine semble en être dépourvue.

La petite encoche découpée devant le pare- brise s’explique par le fait que Buby avait abandonné le système d’ouverture du capot créé par Bobigny ( il fallait pousser le volant pour activer l’ouverture du capot sur le modèle français).

La seule variante importante, qui ne se voit qu’en ouvrant les portes, est le système de fixation par deux points de sertissage des portières sur les articulations.

Pourquoi Buby a- t’-il fait si compliqué ? C’est ici que réside pour moi le second mystère. Car l’étude des châssis est confondante, ils sont strictement identiques. Même la correction faite chez Meccano, surcharge sur le chiffre 6, apparaît sur le modèle Buby.

C’est le genre de découverte qui fait le bonheur du collectionneur.

Pour l’occasion j’ai sorti quelques variantes de la R6 Buby. J’avais évoqué la fantastique version «carrera» (voir le blog consacré à ce modèle).

Le premier boîtage, sur fond rouge est moins fréquent que celui sur fond jaune et rouge. Les premiers modèles reçoivent des jantes en plastique chromé. Ensuite, ces dernières sont injectées de couleur noire.

Un détail mérite d’être mentionné. Si vous ouvrez les portes et le capot , vous serez surpris de constater que les intérieurs des portes et du capot moteur reçoivent une finition noir mat. C’est tellement surprenant que sur le premier exemplaire approché j’ai cru à une finition « main » du précédent collectionneur. Pas du tout. Les exemplaires du début sont ainsi finis, une finition « luxe » sur une miniature populaire en quelque sorte.

 

Je m’en lave les mains.

Je m’en lave les mains.

« Moteur à explosion ». Ce terme pourrait inquiéter certains conducteurs Moi le premier. C’est pourquoi les automobilistes ont toujours eu besoin de porte-bonheur, pour se protéger de la machine.

En Italie par exemple, chaque ville, parfois même chaque quartier a ses Saints de prédilection. Ces derniers sont sollicités chaque année pour bénir et protéger les automobiles et leur utilisateur. Les conducteurs patientent en file comme au feu rouge, en attendant que le prêtre officie. Les vélos sont les bienvenus.

Saint Christophe et sa médaille
Saint Christophe et sa médaille

Une médaille de Saint-Christophe patron des voyageurs, à l’intérieur de l’habitacle, est déjà une bonne garantie de sécurité.

Nos amis Allemands qui ne sont pourtant jamais à court d’arguments pour vanter la qualité de fabrication de leurs produits, peuvent se montrer superstitieux lorsqu’il s’agit de se protéger des aléas de la mécanique.

Voyez ce splendide fer à cheval : « Das qualitat ». Admirez le sachet contenant les éléments de fixation : écrou, contre-écrou et autres éléments de blocage. C’est impressionnant.

Le service publicité de Berliet, qui ne manquait pas d’imagination, aurait dû s’en inspirer plutôt que de proposer l’article ci-après à la direction de Vénissieux.

On peut y voir une certaine arrogance. Il s’agit d’ un chiffon « dégraisseur à sec » servant à se nettoyer les mains après une partie de mécanique. Jusqu’ici rien d’extraordinaire.

Mais sur la pochette de cette dernière un texte indique que l’utilisateur pourra s’en passer lorsque il aura acquis un Berliet Stradair : « Vous le jetterez quand vous aurez un Stradair ».

Il est ensuite expliqué que Berliet a supprimé le graissage sur ce camion « qui comporte des innovations plus révolutionnaires encore ». La publicité ne rentre pas dans les détails et invite à se rapprocher du service promotion vente du constructeur.

Pour un peu, le service publicité expliquait que le temps économisé en parties de mécanique permettait aux chauffeurs de « Stradair » d’organiser des tournois de belote. Berliet avait d’ailleurs imprimé des jeux de cartes. (voir le blog consacré Berliet Stradair  prototype)

La réalité fut tout autre. (voir le blog consacré au Berliet Stradair). L’arrogance de la publicité déchaîna sans doute « les mauvais génies de la mécanique ». Le Stradair fut un fiasco technique.

Et les les jeux de carte permirent d’occuper les chauffeurs pendant que le Stradair, hors d’usage, était en réparation au garage.

La société de pâte à savon Arma qui pouvait craindre une baisse des ventes de ses produits à cause du « révolutionnaire Stradair » choisira pourtant d’apposer sa publicité sur un Berliet Gak de chez France Jouets.

Bien lui en prit car les déboires du Stradair furent finalement favorables à la consommation de pâte à savon.

Les utilisateurs qui voyaient dans le Stradair une machine infernale ont du ricaner devant les déboires de ce dernier et se féliciter d’avoir conservé leurs « vieux » GLR.

Dinky Toys a su offrir aux amateurs de poids-lourds une reproduction exceptionnelle de ce camion. A mes yeux sans doute le plus beau camion Dinky Toys France.

Avec le Simca Cargo c’est aussi un des plus fréquents. Disponible en magasin dès 1955, il est encore au catalogue en 1971.

J’ai le souvenir, enfant, d’un café près du stade communal de football où trônait derrière le comptoir la version benne carrière. On y allait après les entrainements boire un cacolac. Je suppose que le propriétaire de l’établissement en avait conduit un. La miniature devait symboliser sa première vie  de chauffeur routier.

Je n’imaginais  pas que le prototype en bois de ce modèle trônerait un jour dans mes vitrines.

Le modèle est superbe. Le maquettiste a particulièrement soigné la finition. Au regard du travail effectué, on imagine qu’il aimait particulièrement le modèle. Il n’y a pas toujours sur ce type de produit le même degré de finition. Même la crémaillère figure. La benne en bois est fonctionnelle.

Je ne vais pas entrer dans la description de toutes les variantes, Jean-Michel Roulet l’a très bien fait dans son ouvrage.

Il y en a quelques unes que j’apprécie. Elles démontrent que Dinky Toys improvisait parfois, notamment en fin de production, où on n’hésitait pas à utiliser des « restes ».

Ainsi, il existe une version équipée de jantes bleu clair concaves provenant du Citroën P55 laitier. La couleur est très différente du bleu moyen, propre au Berliet GLR. On peut imaginer qu’un surplus de jantes du Citroën P55 inutilisé se trouvait là au moment de la production des derniers GLR. C’est une version très rare.

La version plateau avec container possède aussi « sa version hybride ». La plupart des versions de fin de production, avec le plateau serti et les jantes concaves sont équipées de pneus à section ronde qui correspondent à ceux des modèles du début de la production.

La logique voudrait que les modèles soient équipés de pneus à section carrée, pneus apparus au début des années soixante avec le Berliet Gak et le Citroën P55 laitier, qui leur avaient succédé. L’assemblage est anachronique, c’est mon ami Charles Prieur qui me l’avait fait remarquer. Un stock ancien avait dû être retrouvé à l’usine et cette petite production tardive convenait parfaitement pour liquider ces pneus d’un autre âge.

Il faut aussi signaler que le Berliet n’a pas toujours reçu la finition argent au niveau de la face avant (calandre, phares, baguettes). Le camion prend alors une allure bien différente.

La boîte promotionnelle réalisée pour Berliet est très rare.  On peut comprendre, en lisant le texte  sur une des faces  de l’étui, que ce dernier ne pouvait avoir qu’une durée de vie très limitée.

Enfin, comment ne pas parler de la version porte-container « Bailly » réalisée pour cette entreprise. Beaucoup de bêtises ont été dites au sujet de ce modèle. Une première série a été réaliséee par Dinky Toys. Le modèle est tardif, avec des jantes concaves et un plateau serti. Il ne peut y avoir de confusion avec l’autre série, réalisée plus tard à la pièce et à la main à la demande de Bailly chez un maquettiste.

Le modèle ayant eu  du succès, Bailly voulut en refaire une petite série. La commande n’était pas assez importante pour Dinky Toys, elle fera le bonheur d’un ou de plusieurs artisans maquettistes comme Desormeaux par exemple qui avait des liens avec Meccano.

La version réalisée chez Dinky Toys est une rare et belle pièce.

Ce Berliet GLR sillonnera les routes de France jusque dans les années 80. A l’image du modèle Dinky Toys, il aura une carrière exceptionnelle Je me souviens en avoir photographié quelques exemplaires en bel état de conservation jusqu’en 1990. Le Berliet Stradair, bien plus récent, avait disparu depuis longtemps de la circulation.

 

 

C’était au temps où…

C’était au temps où…

En cette matinée du 20 juillet 1980, il faisait déjà très chaud. Il est vrai qu’il n’y a rien d’étonnant à ce qu’il fasse chaud à Marseille, en plein été.

Notre visite dans la ville de la Bonne Mère commençait toujours par un repas dans une brasserie du Cours Julien dont j’ai oublié le nom mais pas la saveur du gratin dauphinois. Cette brasserie était située à deux pas de la boutique XVM de Xavier de Vaublanc. Sa toute première boutique, située dans un petit passage, dans un quartier de brocanteurs.

Marseille
Marseille

Nous avions déjà entamé la collection depuis quelques années, et dès 1978 nous n’hésitions plus à faire des « crochets » de 300 km pour visiter une boutique. D’ailleurs, à Marseille, il y avait un autre lieu incontournable, la boutique « La Provence » de Robert Patin. Cela méritera un autre blog.

Je me souviens très bien de cette visite chez XVM. Il nous avait gardé quelques Tekno, dont un splendide Scania 76 tracteur semi-remorque citerne « Gulf » qui avait justifié à lui seul ce déplacement. Pourtant c’est bien d’un autre modèle que je vais vous parler ce jour. Un modèle bien insignifiant, à l’époque, une Alfa Romeo 2600 de chez Dalia Solido, de couleur mauve.

Outre la couleur, c’est l’emplacement où était relégué le modèle dans la boutique qui m’avait marqué : dans une cagette, à même le sol, juste après la porte d’entrée. Une petite pancarte indiquait le prix unitaire des modèles de la cagette : 100 Fr (15 euros). La miniature nous fut cédée pour 80 Fr (12 euros).

Il est intéressant de s’arrêter de temps en temps et d’analyser le marché. Xavier de Vaublanc était parfaitement au courant des prix. Simplement, en 1980, on pouvait encore trouver le modèle dans les commerces spécialisés, chez Manou, au Mans, ou à la boutique « Projet » à Paris.

Il figurait d’ailleurs au catalogue de 1976. De plus, en Espagne, il en restait encore dans les boutiques. L’important stock de Michel Claverie qui a été propsé en salle des ventes le prouve.

Il y a eu une forte envolée des prix due à une demande internationale pour ce type de produits. C’est la loi du marché, le jeu de l’offre et de  la demande. Il y a cependant de fausses raretés que seule l’expérience aide à débusquer.

Nous avons mis 40 ans à nous procurer la Ford Thunderbird diplomatique neuve en boîte. Durant ces mêmes 40 ans, nous avons accumulé 18 Alfa Romeo 2600 Dalia Solido. Cela se passe de commentaires.

La première version avec les phares moulés est peu fréquente. Dalia a donc commencé à produire ce modèle assez tôt. Il est identique au modèle français : les phares moulés et le châssis serti indiquent que nous sommes bien en présence du premier moule.

Lorsqu’il incorpore cette Alfa Romeo dans son coffret caravaning, Solido modifie logiquement son système de fixation du châssis. Il sera dès lors vissé.

Dalia héritera de cette variante en même temps que des phares en strass. Sa production, à l’instar de la version caravaning sera longue, d’où de multiples variantes de couleurs et de jantes.

Les dernières productions vendues en boîte vitrine sont peintes dans des couleurs criardes et équipées de jantes à rayons. Les finitions sont simplifiées. Les châssis reçoivent une finition chromée. Cette fameuse « mauve » de Marseille fait partie de cette ultime série.

L’énigme brésilienne

On peut juste se poser une question. On sait que le moule de l’ Alfa Romeo 2600 sera envoyé au Brésil.

Par voie de conséquence Solido remplace donc son Alfa Romeo par l’Aston Martin dans son coffret caravaning.

Dès lors la firme française ne pouvait plus envoyer d’Alfa Romeo en Espagne chez Dalia où elles étaient peintes et assemblées. On ne sait pas si Dalia a arrêté sa production d’Alfa Romeo ou si des stocks avaient été constitués afin de tenir quelque temps, et attendre que le bail de location au Brésil ait cessé.

La version Brésilienne est, elle, sertie. Elle reçoit une gravure spécifique sur le châssis indiquant son pays de production.

Mais la version la moins fréquente est bien celle qui a été produite en Argentine par Buby suite à un accord commercial avec Solido.

Les modèles reçoivent des jantes spécifiques, qui n’appartiennent qu’à Buby et qui ont été créées pour sa Porsche Carrera 6. Ces modèles étaient assemblés et peints sur place à Buenos-Aires. Ce sont de vraies raretés.

Quarante ans après, seuls les anciens collectionneurs peuvent regarder la cote des Dalia Solido avec un petit sourire. A chaque fois qu’est proposée une Alfa Romeo 2600 de chez Dalia Solido je ne peux m’enpêcher de repenser à cet exemplaire qui n’intéressait pas grand monde en 1980.

L’odyssée des « Scarlet Arrow »

L’odyssée des « Scarlet Arrow »

En plus de nous émerveiller, certains chefs-d’oeuvre de la peinture ont une histoire hors du commun qui nous captive. Cela les singularise.

Léonard de Vinci La Joconde
Léonard de Vinci La Joconde

Dès sa réalisation qui s’est étalée de 1503 à 1519, la Joconde de Leonard de Vinci a été considérée comme un chef-d’oeuvre. En 1550 Vasari décrit le tableau avec force conviction. Mais c’est le vol du tableau en 1911 et sa rocambolesque histoire qui lui donnera son aura supplémentaire auprès du grand public.

Au musée du Louvre, le tricheur à l’as de carreau de Georges de La Tour eu une histoire mouvementée. Lorsqu’il en fit l’acquisition en 1972 jamais le Louvre n’avait déboursé une telle somme pour une œuvre d’art. Les experts se sont déchirés pour savoir s’il s’agissait d’un vrai de La Tour ou d’une copie.

Le tableau avait été découvert par un antiquaire, Pierre Landry, qui disait l’avoir acquis en 1926 chez un particulier, non loin du musée, sur l’île de la Cité. Georges De La Tour était tombé dans l’oubli malgré la grande qualité de son œuvre. Après cette affaire qui fit grand bruit, et quelques rétrospectives de l’autre côté de l’Atlantique, ce maître du 17 ème siècle fut enfin reconnu et apprécié du public.

Nos Dinky Toys les plus rares ont aussi leurs petites histoires. Les deux modèles du jour ont eu un destin des plus singuliers. Ils sont aujourd’hui de nouveau réunis après 50 ans de séparation.

J’ai acquis le camion 22 C, ridelles peint en jaune et noir et affublé d’une petite flèche de couleur rouge sur le pavillon en salle des ventes. Je l’ai acheté pour une raison simple : je disposais d’ éléments que peut-être, une partie des autres amateurs présents ce jour là, n’avaient pas.

Dans un article qu’avait signé Jean-Michel Roulet, qui, par bonheur dans les années 80-90 collaborait à diverses publications et partageait ainsi sa passion et ses connaissances, j’avais repéré une étrange camionnette 280, jaune dont le pavillon était décoré d’une petite flèche rouge.

Le montage d’un tel accessoire ne passait pas inaperçu. Il présentait ce modèle comme un prototype. C’est ainsi que le jour de la vente aux enchères j’ai compris que le camion 22 avait un lien avec la camionnette 280. Même couleur et même type de petite flèche.

J’ai saisi l’opportunité qui s’offrait à moi d’acquérir ce modèle. Je ne me souviens pas avoir eu une très grande opposition.

Plus de 30 ans après cette acquisition, Jean-Michel Roulet voyant la photo du camion dans ma vitrine me conta toute l’odyssée de ces véhicules. Ce petit camion 22 lui avait été promis par Geoff Moorhouse du bureau d’étude de Binns Road.

Le véhicule est aux couleurs d’une compagnie de transport, « Scarlet Arrow » établie à Liverpool, siège de Meccano faut-il le rappeler. Ce transporteur avait décoré sa flotte de véhicules de cette flèche rouge qui permettait de les identifier dans le flot de la circulation, et accessoirement de se faire une belle publicité.

Le bureau d’étude de Binns Road avait fabriqué deux modèles à soumettre au directeur de Scarlet Arrow : ce camion sur la base du 22C et une camionnette de livraison 280.

On peut imaginer que d’autres véhicules ont été réalisés et soumis à la direction de « Scarlet Arrow » . Un camion 25 peut-être ? C’est juste une hypothèse car on constate que les deux modèles précités ont été des fabrications « économiques », monobloc. Le camion 25 A ridelles est en 3 parties, bien plus onéreux à fabriquer.

Comme il était de coutume chez Meccano, et ce dès le début de la fabrication de wagons citernes ou des camionnettes publicitaires de la série 28, la compagnie qui voyait son nom apposé en publicité reversait une contribution financière à Meccano.

Mais à la direction de Scarlet Arrow on tenta d’expliquer que c’était à Meccano de payer pour voir figurer dans le catalogue Dinky Toys des véhicules aux couleurs de l’entreprise ! On comprend bien que les dirigeants de Scarlet Arrow étaient très fiers de leur décoration. Mais chez Meccano il était hors de question de se plier à une telle volonté. Résultat, ces deux véhicules allèrent aux oubliettes.

Les deux modèles sont ressortis en 1978 lors de la dispersion de documents et autres prototypes du bureau d’étude. Voyant qu’une partie des prototypes et autres documents était purement et simplement jetés, quelques membres du bureau d’étude se partagèrent ces trésors.

La camionnette « Scarlet Arrow » eut un curieux destin. On ne sait qui la sortit du bureau d’étude. Par contre, on sait qu’elle resta dans un petit carton au fond du coffre d’une Ford Cortina, avec une Standard Vanguard verte de premier type, une Triumph 1800 noire avec jantes argent et deux série 39 bicolores.

En voyant les Dinky Toys dans le coffre de la Ford, le garagiste à qui on la proposait comprit tout de suite l’intérêt d’acheter la voiture. Jean-Michel Roulet m’expliqua que la simple revente des Dinky Toys couvrait le prix de l’auto !

Tom Spinks, collectionneur de Matchbox Yesteryear les acquit auprès du garagiste et les céda en aout 1978 à Jean-Michel Roulet.

La photo que m’a confiée ce dernier est assez extraordinaire. On voit Jean-Michel Roulet posant fièrement avec ses acquisitions lors de l’autojumble de Crich.

Cette photo transpire la passion et la fierté, justifiée, de posséder de telles miniatures. On comprend que 30 ans après le souvenir soit toujours aussi vivace. On a peut-être du mal en 2020 à mesurer la fierté que l’on pouvait avoir devant de pareilles trouvailles.

A cette époque il fallait de solides relations pour pouvoir sortir de tels modèles. Cela ne se faisait pas en un voyage Outre-Manche. Il fallait tisser patiemment les liens entre collectionneurs et marchands. Ce n’était pas qu’une question de moyens financiers. Aujourd’hui, certains acheteurs posent sur leurs pages Facebook, avec un modèle à peine acquis pour plusieurs milliers d’euros. Ils ne savent pas toujours ce qu’ils ont acheté.

Jean-Michel Roulet espérait réunir la paire de « Scarlet Arrow ». Geoff Moorhouse lui avait promis le camion 22. Oui, mais voilà, ce dernier fut cédé à une autre personne dont nous ne connaissons pas l’identité.

Pour « compenser » cette promesse non tenue, le membre du bureau d’étude lui céda la Buick Skylark en bois, puis plus tard la Ferrari 312 F1 avec le châssis « made in England ». Ces modèles furent ensuite cédés à Jean Vital-Remy. Je les ai récupérés lors de la vente de cette collection, ainsi que l’exceptionnelle Standard Vanguard de type 1 de couleur verte.

Grâce au récit de Jean-Michel Roulet, ces modèles ont acquis un supplément d’âme. Ils ont une véritable histoire, hors du commun, à l’image de leur rareté. Ce sont des pièces uniques. Désormais les collectionneurs les rattacheront à ce récit.