Archives de catégorie : Scandinavie

les rois du béton

Les rois du béton.

Le message d’un lecteur allemand, M. Herman Hirsch m’a conduit à imaginer une suite au blog sur les camions toupie.

Il m’a fait parvenir une vidéo consacrée à la construction du pavillon Le Corbusier à Zürich où l’on aperçoit les beaux camions Scania qui ont participé à sa réalisation. Il avait rapproché ces images de celles du blog que j’avais consacrée à ces camions, et leur site de prédilection : les chantiers (voir le blog consacré aux Scania ). Il faut dire que, par sa profession M. Hirsch est un familier des chantiers.

Le béton que les camions toupies/malaxeurs permettent de transporter jusqu’aux chantiers de construction est fabriqué dans des centrales qui utilisent comme liant du ciment. Ces centrales à béton sont ravitaillées par des camions dont les cuves peuvent adopter différentes formes. Les camions de transport de ciment à deux cuves sphériques semblent avoir été particulièrement populaires en Scandinavie dans les années cinquante.

Le fabricant danois Vilmer est le premier à offrir aux enfants une reproduction de ce type de véhicule. Cela semble confirmer l’intérêt des enfants  celui-ci.

Vilmer a probablement été motivé par la volonté de s’approprier une nouveauté ainsi que par l’originalité du véhicule. Le côté ludique de la toupie a disparu. Vilmer a réutilisé les deux camions qu’il avait auparavant équipés d’une toupie : le Chevrolet et le Bedford.  Ce choix donne au jouet une touche de modernité.

Tekno va lui emboîter le pas quelques années plus tard avec son superbe Scania 76. Il faut dire que ce camion semble aussi à l’aise sur les parcours internationaux que sur les chantiers.

Dans ses campagnes publicitaires, Scania associera cette image des chantiers à celle de son camion : benne, ridelles, transport de poutres de béton et bien sûr transport de béton.

Tekno va astucieusement adapter son châssis existant, en créant quelques accessoires, deux boules, une petite échelle, un compresseur et le tour est joué. Elle concevra ses cuves en deux parties, afin d’installer un système de vidange monté sur ressort. La dimension du véhicule (sa hauteur) la contraindra cependant à réaliser un boîtage particulier.

Scania se servira de ce jouet pour son usage promotionnel. Le nom du constructeur apparaît sur les cuves. Il existe plusieurs finitions de couleurs. Celle avec les cuves orange est peu fréquente.

La version la plus commune, « InterConsult », présente une harmonie de couleurs très réussie.

Deux déclinaisons sont nettement plus rares et semblent, dans un premier temps tout du moins, avoir été destinées à un usage promotionnel. C’est le cas du « Dansk cement central » de couleur grise et du très beau « Gulhogens » suédois et sa finition jaune d’or et argent.

Ce type de véhicule semble avoir passionné nos amis danois. Il faut croire que les ventes étaient au rendez-vous.

Vilmer va surenchérir et proposer une reproduction d’un autre moyen de transport du béton « frais » : des cuves ouvertes montées sur vérin pour la vidange. C’est la simplicité du montage qui a dû encourager Vilmer dans cette réalisation. Or cette simplicité est relative : Vilmer a utilisé un châssis nu de Volvo N88 sur lequel le bureau d’étude a greffé un ensemble constitué d’un bac monté sur deux vérins. L’ensemble est fort harmonieux et les belles décorations finissent de crédibiliser le montage.

Il y a peu, j’ai fait une découverte fort intéressante. Une remorque sur laquelle était installé ce même système de transport de béton et qui était destinée à la version « Cro Beton » à Koge au Danemark. Elle est d’origine sans aucun doute. Vilmer avait pour habitude de proposer sur sa série de Volvo une remorque pour certaines déclinaisons (bâché,citerne, plateau…) . L’ensemble a belle allure.

Aucun pays producteur de miniatures ne proposera autant de véhicules dédiés au transport de béton et de ciment. Ils sont peu fréquents chez nos fabricant hexagonaux (Norev, France Jouet, C-I-J …) .

Et pour rendre un juste hommage à Herman Hirsch signalons que ce dernier avait été à l’origine d’un autre blog il y a quelques années. (voir le blog « Viele Dank »)

 

C’est béton !

C’est béton !

La photo est troublante. Elle interroge. C’est le but d’une oeuvre d’art. Elle a été prise par Marc Riboud et s’intitule « High court, bâtiment conçu par Le Corbusier ».

Marc Riboud High Court, bâtiment conçu par Le Corbusier, Chandigarh, 1956
Marc Riboud High Court, bâtiment conçu par Le Corbusier, Chandigarh, 1956

L’homme au centre de la photo porte un turban et une barbe grise. Dans notre imagerie occidentale on associe cette représentation à celle d’un habitant de l’Inde. Cette tenue séculaire contraste avec la structure en béton, moderne, située derrière lui. Nous sommes en 1956.

Le Caravage La vocation de Saint Matthieu
Le Caravage La vocation de Saint Matthieu

Un rayon de soleil illumine en diagonale le bâtiment, rappelant le trait de lumière traversant la célèbre toile du Caravage, la vocation de Saint Mathieu. On pourrait interpréter celui de la photo comme une approbation céleste de l’architecte et du matériau.

L’homme est connu. Il s’agit de Charles-Edouard Jeanneret, plus connu sous le nom de Le Corbusier. Avec Oscar Niemeyer, ils ont marqué l’histoire de l’architecture moderne. L’utilisation comme « matière première » du béton caractérise leurs bâtiments et même leurs villes, Chandigarh pour le premier et Brasilia pour le second.

La reconstruction après la seconde guerre a fait la part belle à ce matériau. Le béton a longtemps véhiculé une image négative. Les premiers défenseurs de la nature s’inquiétaient de son omniprésence dans la ville au détriment des espaces verts.

Cinéastes, écrivains, chanteurs, tous ont, à travers leur travail alerté les citadins. Cette prise de conscience a pris de l’ampleur après les mouvements sociaux de la fin des années soixante. Ceux qui sont de ma génération ont été bercés par le disque de Maxime Le Forestier « Mon frère » et de sa chanson « Comme un arbre »:

Entre béton et bitume

Pour pousser je me débats

Mais mes branches volent bas

Si près des autos qui fument

Entre béton et bitume

 

Depuis l’arrivée d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris, les chantiers se sont multipliés. Aux quatre coins des rues, des blocs en béton censés délimiter les restrictions de chaussée ont surgi. Ils demeurent, ici et là, abandonnés, comme les jouets d’un enfant qui aurait oublié de ranger sa chambre.

Un de mes instituteurs disait « finissez d’abord ce que vous avez commencé avant d’entreprendre autre chose ». La leçon est oubliée, à Paris, le « temporaire » a fait place à du « définitif ».

Cependant, un affichage de la municipalité m’a fait réfléchir. La ville de Paris a en effet lancé une opération nommée « Rencontre inattendue ». Cela consiste à fondre dans la ville près de 80 oeuvres d’art dans les lieux du quotidien. Tout s’est éclairé : ces blocs de béton sont peut être à percevoir différemment.

"rencontres inattendues" Ville de Paris
« rencontres inattendues » Ville de Paris

Leur disposition, leurs tags, leurs formes contrariées, leurs brisures, leur saleté participent sans doute à ce que l’on nomme une « performance artistique ». D’ailleurs, rue de Rivoli, devant le musée du Louvre ils sont là, distants de quelques centaine de mètres chacun. Participent-ils au plaisir de la visite de ce lieu culturel ?

Même lorsqu’elle omniprésente il est bien difficile de s’habituer à la laideur.

Il faut être un artiste pour donner une âme au béton.

Et il faut avoir une âme d’enfant pour apprécier les reproductions de véhicules transportant ce matériau.

Dans la réalité, le camion toupie est associé à l’image des chantiers et des camions maculés de boue. Malgré ces clichés défavorables, les fabricants ont su rendre attractif ce type de jouet. Ils ont paré les toupies de couleurs chamarrées, donnant à ces accessoires des allures de fêtes foraines. Ils ont ajouté une fonction ludique en installant une crémaillère qui permet le basculement de la toupie.

Une fois encore, je me suis aperçu de ce que l’on devait aux fabricants de jouets danois, passés maitres dans ce type de jouet. (voir le blues de la police). Micro et Birk , les deux grandes firmes danoises d’avant-guerre ont mis à leur catalogue un camion toupie.

Birk s’est servi du châssis et de la calandre communs à tous les modèles de la gamme, et n’a créé que la carrosserie spécifique.

Quand à lui, Micro a créé de toute pièce un moule. Dans les deux cas les toupies ont été injectées séparément et ont reçu une peinture qui contraste avec celle de la carrosserie. Micro a poussé le luxe jusqu’à une  finition bicolore du plus bel effet. Elles sont articulées, permettant à l’enfant de simuler leur vidange. Les deux fabricants ont pris soin de mouler une goulotte, l’accessoire permettant de canaliser le béton lors de la vidange de la toupie.

Après-guerre, Tekno et Vilmer proposeront de nombreuses déclinaisons de ce type de camions. On peut y voir une forme de surenchère entre ces deux firmes danoises.

Avec son beau Ford V8, Tekno ouvre le bal. Une manivelle permet à l’enfant d’orienter la toupie. Une innovation apparait sur ce jouet : la goulotte est orientable et amovible. C’est une réussite. Les couleurs choisies sont harmonieuses, joyeuses, loin des clichés liés au travail pénible et boueux des chantiers.

Il faut croire que ce type de véhicule rencontra le succès car Tekno, dans sa gamme de camions Dodge réduite au 1/60, déclinera également une version toupie malgré le coût de la création de cet accessoire. Du fait de sa dimension (hauteur), il ne pourra être placé dans le beau coffret de montage que Tekno distribua pour écouler une partie de sa production.

Vilmer, autre grand fabricant danois d’après-guerre, lui emboitera le pas avec son Chevrolet. Une déclinaison toupie sera créée, dans la veine du Tekno, dotée de caractéristiques similaires. Vilmer accentuera le côté ludique en affublant sa toupie d’une décalcomanie multicolore qui donne à l’objet une allure de toupie de parquet.

La première série sera équipée d’une direction que l’enfant actionnait depuis une roue de secours placée sur le pavillon. Plus tard Vilmer supprimera cet accessoire et dotera son jouet de suspensions.

Astucieusement, Vilmer a conçu un autre camion, un Bedford type S, sur lequel la toupie initialement conçue pour le Chevrolet s’adapte sans problème. Ce Bedford sera décliné en deux versions, châssis court (à essieu simple) ou long (double essieu).

A l’arrivée le collectionneur se retrouve avec une flotte de toupies pouvant constituer un thème à elle seule. Nous verrons dans le prochain épisode comment les nouvelles méthodes de transport du béton apparues au milieu des années cinquante, dans des cuves sphériques puis dans des bacs, ont donné l’occasion aux fabricants scandinaves de montrer leur savoir-faire en proposant des reproductions de ce type de camions.

Je dédicace ce blog à monsieur Herman Hirsch, fidèle lecteur germanique.

Le Blues de la police.

Le Blues de la police.

Une prison. Des murs infranchissables, des barbelés, des miradors, des gardiens armés jusqu’aux dents. Voilà le décor du début du film « The Blues Brothers ». Rien de très original me direz-vous.

Un prisonnier, Jake Blues, va être libéré pour bonne conduite. Une voiture l’attend aux portes de la prison. Image connue et déjà vue… sauf qu’ici, c’est dans une voiture de police que son frère Elwood est venu le chercher. Jake ne manque pas de lui faire remarquer que ce choix manque de tact, et de s’étonner qu’il ait pu troquer la Cadillac aux couleurs de leur groupe de musiciens contre une Dodge Monaco aux couleurs de la police de Chicago !

Elwood ne tarde pas à démontrer le bien fondé de cet échange. Quelques kilomètres plus loin, un pont mobile. Les feux clignotants sont rouges, le pont se lève. C’est alors qu’il donne un grand coup d’accélérateur, les roues patinent, l’auto s’envole au dessus du vide et atterrit de l’autre côté du pont.

Le ton est donné. Le film est une suite de séquences toutes plus loufoques les unes que l’autre, entrecoupées de scènes musicales où l’on pourra reconnaître James Brown, Ray Charles, Aretha Franklin, Cab Calloway au sommet de leur art… (voir et écouter un extrait du film) .

L’auto servira de fil conducteur au récit. Elle se désintégrera à la toute fin du film comme le carrosse de Cendrillon disparaît à minuit.

Avant cela, le spectateur aura assisté à un nombre de carambolages frôlant l’indigestion. The Blues Brothers détiendrait le record du nombre d’autos détruites pour un film. Un vrai jeu de massacre dans lequel les autos de police s’auto-détruisent dans des chorégraphies ridiculisant parfois les représentants des forces de l’ordre. Le spectateur reste abasourdi par tant de tôles froissées.

Le film est un pastiche, une parodie qui puise son inspiration dans des films comme « French connection ».

J’imagine comment vos petits enfants pourraient avoir envie de recréer une scène du film chez vous en puisant dans vos vitrines garnies de miniatures. Afin de les détourner de cette entreprise qui s’avèrerait sans doute dommageable pour la bonne conservation de vos modèles, racontez-leur plutôt une histoire, celle de vos autos de police, plus précisément l’histoire de leur représentation en miniature. Vous allez voir cela est plus intéressant qu’il n’y paraît.

Observez vos vitrines. Vous n’avez quasiment que des véhicules de police datant du milieu des années cinquante, alors que vous avez des miniatures de bus, d’ambulances, de camions de pompiers qui datent de près d’un siècle.

Même dans ma vitrine de cast-iron américaines aucune trace de représentations de voitures de police. Chez Tootsietoys, doyenne des marques mondiales il faudra attendre les années quatre-vingt pour voir apparaitre un tel produit ! Hubley a été un peu plus précoce et en présente dès 1960.

Il y a quelques très rares exceptions : Barclay (USA) qui a créé une voiture police patrol et Best Toy (USA) une auto futuriste sans aucun lien avec la réalité. La conception même de ces miniatures (injection monobloc) a obligé les deux marques à créer un moule spécifique afin d’incorporer le projecteur et surtout les marquages latéraux (radio police).

On peut avancer une première explication. Avant la première mondiale, seuls les fourgons destinés au transport des prisonniers sont identifiables comme véhicules de police. C’est le type de véhicule popularisé sous le vocable de « panier à salade » ou « Black Maria » dans les pays anglo-saxons.

Les unités de police ont certes des autos mais peu d’accessoires les distinguent d’un véhicule ordinaire : un projecteur, souvent latéral et une sirène. Cela n’incite guère un fabricant de jouets à les reproduire.

Quant aux fourgons cellulaires, facilement identifiables par l’enfant grâce à leur couleur foncée et surtout à leurs grilles latérales imitant les barreaux des prisons, ils symbolisent la privation de liberté et sont très peu représentés. Il faut dire qu’ils sont peu avenants. Les fabricants se sont surtout interrogés sur l’intérêt qu’un enfant aurait à jouer avec un tel véhicule.

Aucune comparaison avec les ambulances : la guerre de 1914 les a sacralisées. L’ambulance vient sauver celui qui a risqué sa vie pour la patrie. Les reproductions d’ambulances, mais aussi d’infirmières seront légions, que se soit en Allemagne ou en France.

J’avance aussi ici une autre proposition pour expliquer l’absence de fourgon pénitentiaire. Est-ce moral de faire jouer un enfant avec un tel véhicule? Peut-on laisser l’enfant s’identifier à celui qui a mal tourné ? Il me semble qu’il y a eu un tabou sur ce type de véhicules comme il y en a un sur la représentation des corbillards.

Le plus ancien fourgon cellulaire que je possède est l’oeuvre de Savoye fabricant américain. Plus tard Tommy Toy  s’en inspirera pour en proposer une autre version. Ils datent du milieu des années 20. Ils seront vite modifiés et transformés en ambulance.

Ils sont pourtant des plus intéressants. Les fabricants ont même reproduit le policier qui se tient debout sur le marche-pied, image popularisée dans les films . Le personnage sera conservé sur la version ambulance qui connaitra  même une autre  copie en Grande-Bretagne chez Charbens !

Avant-guerre, les fabricants danois Micro, Birk, NS, et quelques autres non identifiés vont briser le tabou. Après-guerre, Tekno et Lego leur emboîtent le pas.

Ces fabricants ont pris le risque de créer de toutes pièces des moules spécifiques ou alors de les adapter, comme Birk, avec sa camionnette Graham, en gravant des barreaux, ne laissant aucun doute sur la fonction du modèle !

Après-guerre, Lego et Tekno utiliseront la décalcomanie pour transformer leurs modèles en fourgon cellulaire. Aucun des véhicules décrits ne reçoit la mention politi (police en danois). Il se peut que dans la réalité ces véhicules en étaient dépourvus. Cependant, pour sa version export, Tekno appliquera une décalcomanie « black maria ». Tekno utilisera sa Mercury berline pour décliner une version  » politi patrulievogn » comme indiqué sur la boîte. Un voile de peinture noire suffira et un dessin sur l’étui.

Etrangement, c’est ce même pays qui interdit dans les années soixante certains jouets comme les reproductions d’armes à feu.

Dans la même logique, une des firmes majeures, Tekno, préférera décliner des versions UN (nations-unies, blanches) que des versions « guerrières » de couleur kaki. Le Danemark est un petit pays mais qui a beaucoup innové dans le secteur du jouet.

La Scandinavie a compris très tôt le rôle du jouet dans l’éveil et l’éducation de l’enfant ainsi que dans le développement de sa personnalité. Tout le monde connaît le succès des briques Lego danoises ou des jouets en caoutchouc du norvégien Tomte.

Je profite de l’occasion pour vous présenter un modèle rarissime, qui m’était inconnu il y a peu. On ne sait identifier le fabricant. Ce dernier a aussi réalisé un camion de pompiers et une fourgonnette moulée de manière monobloc affublée de barreaux. C’est une copie de la Graham Birk. je possède une version de couleur rouge (déclinaison en ambulance  carcérale ? ). On peut imaginer qu’elle existe de couleur verte, en version police.

Le véhicule  suivant  m’a été vendu par mon ami Jacob Remien.  Il reproduit un engin paramilitaire transportant des policiers, de type section anti-émeute. Ce type de véhicule a été popularisé dans l’Allemagne nazie et même reproduit par Erzgebirge.

L’engin s’apparente à un char à banc transportant des élément de la milice SA, le genre de véhicule qui participait au maintien de l’ordre lors de manifestations. C’est un véhicule intrigant, dérangeant, qui correspond bien à cette période agitée, celle de l’immédiat avant-guerre.

Enfin j’ai trouvé une autre auto, plus paisible, moins angoissante, toujours de fabrication danoise inconnue. Là aussi, l’injection monobloc a contraint le fabricant à une utilisation unique de son moule. Il s’agit d’une berline équipée de deux panonceaux sur le pavillon, recevant chacune une étiquette en  papier collé « patruille »et une antenne. Elle reçoit une belle peinture noire. Elle est rare.

Elle restera longtemps le seul exemple de voiture de police danoise…Tekno attendra  avant de proposer des autos de police identifiables au premier regard.  Et encore ce sera pour le marché d’exportation, la Suisse et l’Allemagne.

 

Coup de Klaxon

Coups de klaxon. 
Voici dans son intégralité la dépêche qui fut publiée le 15 mai 2020 par Le Figaro sur le site de l’AFP.
Son titre :  » Des camionneurs perturbent de leurs Klaxons un discours de Trump. »
« Des chauffeurs routiers manifestant près de la Maison Blanche ont perturbé avec leurs avertisseurs sonores un discours vendredi de Donald Trump.
« C’est un signal d’amour », a commenté le Président au sujet du « bruit merveilleux » de ces Klaxons. « Ils manifestent pour le Président Trump et non contre», a précisé M. Trump, qui s’exprimait dans les jardins de la résidence présidentielle, siège de l’exécutif américain. »

Les journalistes de l’AFP expliquent que des dizaines de camions sont garés depuis plusieurs jours devant la maison blanche et perturbent avec leurs Klaxons les allocutions presse du Président américain. Les routiers exigent une revalorisation du tarif kilométrique. Ils sont depuis le début de la crise du Covid en première ligne pour ravitailler le pays.

La Maison Blanche à Washington
La Maison Blanche à Washington

Les courtiers en gros profitant de la situation pour tirer les tarifs à leur avantage, les routiers réclament une part du gâteau. Pour paraphraser le slogan de l’actuel président « Make America Great Again », certains arboraient des banderoles où l’on pouvait lire: « Make Trucking Great Again » … Dans ce pays les camions ont toujours eu un rôle vital. Cet univers du camionnage américain a inspiré plus d’un écrivain, d’un cinéaste, tant ils font partie du décor.

Malicieusement, j’ai repensé aux publicités des revues automobiles des années soixante, où les accessoiristes rivalisaient d’ingéniosité pour séduire les automobilistes.

Les pages consacrées aux différents types de Klaxon sont les plus savoureuses. La société « Scintex-Sanor » établie à Courbevoie proposait ainsi en page 3 du journal « L’automobile  » de juin 1967 des avertisseurs de 25 à 250 F.

De la trompe de route au « Musiflash » ainsi commentés : « sons accordés ou alternés pour vos vacances à l’étranger » en passant par le « Rallye Flash de Luxe » (de grande classe !) et le « Clearson GT » (Etourdissant) sans oublier le « Stridente » de fabrication italienne.

Pas de doute, les spécialistes de la trompe de route semblent être les italiens. Une réminiscence des grands compositeurs ? Avec une certaine logique, ce pays semblait prédestiné pour offrir à ses automobilistes des outils à la hauteur de leur passion pour les belles voix et la musique.

Cependant, pour se faire entendre à partir d’un véhicule automobile, il y a d’autres moyens. Le haut-parleur par exemple. Faites le tour de vos vitrines de miniatures.

Si votre intérêt se porte sur les modèles allant de l’avant-guerre aux années cinquante, vous serez surpris du nombre de reproductions que les fabricants de jouets ont offerts à leur clientèle. Il faut avouer que cela permettait de décliner à peu de frais une variante ou deux. En effet, une fois installé le haut-parleur sur le pavillon, rien n’empêche d’offrir une version pompier ou police et une version civile.

Ces dernières m’ont toujours énormément intrigué.

Prenons la splendide Mercury Ford de chez Tekno. La version Zonen de secours a un sens. Mais la version civile, très rare, n’est là que pour amortir la splendide double trompe injectée en zamac chromé.

Dans les années 80, ce modèle était mythique. Aujourd’hui les collectionneurs font-ils encore la différence ? J’ai trouvé deux couleurs pour la version « civile », empruntées toutes les deux aux couleurs de série.

Restons en Scandinavie avec Lemeco. Tout l’intérêt de ce fabricant est d’avoir développé des accessoires très réalistes qui lui ont permis de multiplier les variantes sur la Ford Fordor. La création d’un haut-parleur en zamac et sa fixation sur le pavillon donneront naissance à un modèle attachant, et rare.

Micro au Danemark déclina sur la base de sa Ford V8 une version « radio » pleine de charme. Les deux haut-parleurs injectés en plomb sont surdimensionnés et donnent une idée de la puissance de l’installation. Ce que je trouve de plus remarquable, c’est le joli pochoir sur les portes. C’est un rare modèle.

Le modèle suivant est peut-être mon préféré. C’est une Lancia camionnette « Radio Roma ».

J’aime assez imaginer dans le brouhaha de la capitale italienne la camionnette diffusant la radio grâce à son gros haut-parleur. La cacophonie résultant du passage de l’auto dans les rues devait faire penser à des séquences de film de Fellini.

Le fabricant PM a aussi décliné ses autres décorations ( Ciaccolato Caramelle, Accessori  Auto)  avec le haut-parleur.

J’ai gardé le plus célèbre pour la fin. C’est celui qui vient à l’esprit du collectionneur quand on évoque ce type de modèle. C’est un « grand » classique.

C’est aussi ce que l’on peut familièrement appeller l’art d’accommoder les restes.

Juste après-guerre Dinky Toys réutilisa sa camionnette 28 (la troisième mouture depuis la création de la marque) et adapta deux superbes haut-parleurs.

On peut imaginer que le bureau d’étude de Binns Road avait été inspiré par les nombreux véhicules ainsi équipés qui circulaient dans les rues pendant la seconde guerre mondiale afin de prévenir la population du danger d’une attaque aérienne. Le modèle réduit proposé par Dinky Toys a un certain charme. Les trompes équilibrent harmonieusement le jouet.

Il connut un certain succès, à en juger par le nombre de variantes de couleur et surtout par la création d’un étui individuel . Binns Road a toujours essayé de différer le plus longtemps possible la réalisation de cet accessoire.

Celui de couleur marron est peu fréquent. Seuls les modèles équipés de jantes de couleur ont pu avoir un étui individuel.

démesure

Démesure.

Le jeune homme est agenouillé. Il regarde son reflet dans l’eau. C’est un tableau attribué au Caravage qui représente Narcisse. Vous savez, ce jeune homme qui tombe amoureux de sa propre image.

Le Caravage Narcisse
Le Caravage Narcisse

Pas besoin d’une flaque d’eau pour voir se refléter la personnalité d’un collectionneur. La façon de disposer une collection renseigne sur les goûts et les choix de son propriétaire. Les vitrines parlent d’elles-mêmes.

Mon père avait une grande maison. Il avait mis un point d’honneur à mettre sa collection en valeur et à l’exposer en vitrine.

Il était primordial pour lui de la voir afin de l’apprécier pleinement.

Il n’y eut pas de jour sans qu’il aille la regarder.  Parfois, il évoquait un modèle redécouvert quelques jours plus tôt, et me rappelait combien son acquisition nous avait donné du fil à retordre.

Après avoir déménagé en appartement, il avait tenu à conserver une très grande vitrine. C’était pour lui un lien indispensable avec son passé de collectionneur.

Notre collection était ordonnancée par zone géographique de fabrication, puis à l’intérieur de chacune d’elles, par fabricant. Nous reprenions en cela la classification en vigueur dans les ouvrages de M. Nakajima dont nous avions apprécié la pertinence.

Les jouets ont une identité visuelle. II me semble que l’on apprécie mieux les petites marques anglaises ou françaises quand les jouets de ces pays sont rassemblés.

Nous avions quelques particularités de classement. Nous avions mis à part les modèles représentant notre premier centre d’intérêt : les autos de course et de record.

Les exceptions de classement sont un point commun à de nombreux collectionneurs, il y a toujours un moment où l’affect prime la logique.

Médaille souvenir du musée Schlumph offerte par mon frère !
Médaille souvenir du musée Schlumph offerte par mon frère !

Ce soir je suis à Mulhouse avec mon frère,  afin de participer demain à la manifestation de jouets anciens. En passant cet après-midi devant le musée Schlumpf je me suis souvenu qu’avec mon père, nous l’avions visité ensemble, en 1982, dès son ouverture au public, à l’occasion de notre venue pour cette même bourse d’échange.

La visite de ce musée a marqué mon père pour la vie. Combien de fois, plus tard, lors de nos lointains déplacements, ne m’en a -t’-il pas reparlé.

La collection Schlumpf a été constituée principalement de 1960 à 1967, les deux frères achetant environ une centaine d’autos par an. On peut y voir une forme de boulimie. Ensuite, ils se sont principalement consacrés à les faire restaurer. Durant cette même période, ils vont acquérir en 1963 le fonds Bugatti constitué de pièces détachées, de documentation, de machines, de prototypes mais aussi de la Royale d’Ettore Bugatti.

Vous connaissez tous la suite de cette saga. Ceci est une autre histoire.

Mon père avait été marqué par la façon dont ces deux frères avaient constitué leur collection, par l’idée qu’une collection peut s’étendre à l’infini, dans une logique qui n’appartient qu’à la personne qui l’a constituée. Et surtout par la volonté de rechercher le beau et le rare, sans se fixer aucune limite, dans une forme de démesure.

Cette démesure, elle peut se traduire par le véhicule que je vais vous présenter ce jour. C’est un camion plateau  White  des années 1930  chargé d’un  container portant la publicité « Adam » produit par Micro au Danemark.

Le modèle est injecté en plomb soufflé. Il est constitué de deux parties : le camion, monobloc avec son plateau sur lequel est gravé le nom du fabricant danois « Micro » et le container qui s’emboîte sur le plateau.

On peut, à travers cet exemple, essayer d’appréhender notre approche de la collection.

Pour pouvoir continuer à enrichir notre collection de Tekno publicitaires (Volkswagen, Ford et autres Volvo)  nous avions décidé, assez tôt, dans les années 80, d’aller en Scandinavie. Sur place, nous avons d’abord pu nouer des contacts, repérer dans des collections les modèles que nous recherchions. Il nous fallut bien du temps pour les acquérir. Ce ne fut pas facile.

Nous avons profité de ces voyages pour commencer à rassembler notamment, les couleurs de voitures Tekno, les Vilmer et surtout les modèles d’avant-guerre.

Nous avons su saisir les opportunités qui s’offraient à nous pour élargir notre collection.

Et c’est cette volonté de saisir toute opportunité qui a en partie permis l’étendue de notre collection.

Ainsi nous nous sommes mis très tôt à rechercher les Birk et les Micro d’avant-guerre. Les modèles s’échangeaient déjà sur des bases élevées. Les bus et tout l’univers des transports en commun forment un ensemble assez exceptionnel, de par la qualité d’exécution des jouets et la diversité des reproductions.(voir le blog consacré aux cars Micro)

Je resterai marqué à vie par la visite du musée des transports en commun de Copenhague où j’ai pu contempler à l’échelle 1 les modèles qui étaient dans nos vitrines.

Puis ce fut le premier plateau porte-containers aux couleurs Adam. Le nom de cette firme nous était familier.

Il s’agissait d’une importante firme de déménagement danoise. Tekno avait réalisé trois déclinaisons de Volkswagen Kombi à usage promotionnel, toutes très rares.

Les modèles Micro ont beaucoup de charme. Les collectionneurs des années 70-80 comme Marco Bossi ont voué un véritable culte à ces jouets. Nous autres, jeunes amateurs, avons bien enregistré la leçon de nos maîtres.

Si on replace ce type de produits à l’époque où il fut commercialisé, au milieu des années trente, on comprend que la firme Micro n’avait pas à rougir devant les Dinky Toys d’avant guerre, firme qui était alors très représentée au Danemark. (voir un blog sur les camionnettes de la série 28)

Ce camion Micro a beaucoup de charme. Cela tient à sa conception, sa taille imposante et bien sûr sa finition bicolore et son inscription Adam au pochoir.

Alors, quand un second exemplaire, dans une autre livrée se présenta à l’achat, pourquoi s’en priver ! puis ce fut un troisième, un quatrième.

En quelques trente ans nous en avons trouvé 7. A un moment, cela devient comme un jeu. On se demande combien de combinaisons de couleurs Micro a pu réaliser. On se dit que c’est le dernier et que l’on est arrivé au bout. Le dernier exemplaire rentré dans notre collection, (bleu pâle et jaune), je l’ ai acquis quelques jours après le décès de mon père.

C’est même le premier modèle que j’ai acheté après son départ. Autant dire que je le considère comme un maillon spécial de ma collection. Il a une valeur symbolique. Désormais, je reste persuadé qu’il y a d’autres couleurs. Peut-être d’ailleurs avez-vous une combinaison de couleurs que nous n’avons pas ?

Voilà ce qui fait le charme de la collection. Vous partez en Scandinavie pour des Tekno. Vous revenez avec des Micro. Trente- cinq ans après vous avez décliné 7 versions d’un même modèle. Démesure.