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Sous les feux de la rampe.

Sous les feux de la rampe.

« Il y a Jean-Pierre Pernaut qui te cherche partout ! » s’amuse mon épouse au téléphone.

Jean-Pierre Pernaut ? alors que je cherche à mettre un visage sur le nom de ce ce client, elle ajoute, « mais non, le présentateur du journal de TF1 de 13 heures ! » Puis elle m’explique qu’une journaliste a laissé un message sur le téléphone et souhaite réaliser un reportage sur ma collection.

La surprise passée, je recontacte cette journaliste. Cette dernière m’indique que la direction de la chaîne a prévu une série de reportages sur le thème des collectionneurs de jouets pour les fêtes de fin d’année. En une demi-heure de conversation au téléphone, elle m’explique la finalité du projet : présenter en 4 minutes un collectionneur de petites voitures qui de plus en a fait son métier. Il ne s’agit pas de rentrer dans les détails, comment le pourrait-on d’ailleurs dans un laps de temps si court.

La forte audience de ce journal, plus de 6 millions de spectateurs, est due en partie à ces reportages, réalisés aux quatre coins du pays, et qui portent sur des gens discrets qui se singularisent par leur passion ou leur métier.

Il ne s’agit pas de montrer des pièces rares, des prototypes, mais des jouets que les téléspectateurs ont connu, ou des reproductions d’autos qu’ils ont conduites ou rêvé de conduire. Bref, de réveiller les souvenirs. Le journal de 13 heures touche un public qui a le temps d’être le midi devant la télévision, notamment les retraités. Ce type de reportage est donc ciblé.

J’ai saisi cette opportunité sans hésiter. La caméra est intimidante mais on finit par l’oublier. Avec la journaliste nous avons essayé en quatre minutes de montrer quelques miniatures éveillant la curiosité et donnant envie, pourquoi pas, de collectionner.

Ces jouets sont des objets qui font désormais partie de notre histoire, de celle nos parents, et même de celle de nos grand-parents. Leurs formes, leurs couleurs ne peuvent laisser indifférent. Ce sont de beaux objets, que l’oeil profane ou averti regarde avec un égal plaisir.

Ils sont liés à une autre aventure, celle de l’automobile.

La centaine de messages reçue deux heures après l’émission et le téléphone qui sonnait sans arrêt m’ont confirmé le bien fondé de cette analyse. Même notre site internet a sauté.

Et c’est d’ailleurs la question d’un téléspectateur qui m’a inspiré cette chronique : « Bonjour . j’ai vu une Ford Thunderbird coupé Dinky Toys, je suppose que ce n’est pas une réplique et que les feux arrière fonctionnent ? Merci ».

En trente-sept ans de métier, je n’avais jamais pris le temps de mettre une pile et de faire fonctionner ce gadget. Bien que cette auto fasse partie des jouets de ma génération- elle est sortie en 1969- je n’ai jamais été attiré par ce genre de miniature. A l’époque, les gadgets ne me passionnaient pas.

On peut se féliciter de la manière dont la branche française de Dinky Toys a résolu l’équation qui consiste à loger une pile forcément volumineuse, dans le modèle, sans en déformer la ligne.

On s’en félicite d’autant plus quand on voit comment Liverpool a traité ce genre de problème : les BMW 2000 Tilux et les Mercedes 250SE ne sont pas franchement des réussites.

J’ai donc pris le temps de placer une pile sur un modèle. La surprise fut de taille. Superbe. On est surpris de ne l’avoir pas fait avant ! J’ai décidé de tester aussi les autres versions que je possède.

Au fil des années, j’ai rassemblé un ensemble de couleurs qui n’ont jamais dépassé le bureau d’étude.

J’ai d’abord récupéré un modèle empruntant les couleurs de la DS présidentielle auprès d’un ancien du bureau d’étude.

Plus tard j’ai pu récupérer deux autres exemplaires de cette couleur laissant penser qu’il pourrait s’agir d’une petite série réalisée pour un événement particulier comme le salon du jouet par exemple.

C’est avec la Renault Floride de couleur blanche que Meccano a commencé à soigner ses clients, les revendeurs, en leur réservant une surprise lors de leur passage sur le stand. La boîte bleue de la DS présidentielle a ainsi été distribuée lors de cet événement.

Plus tard lors des ventes Vieville, un autre ancien du bureau d’étude, j’ai récupéré d’autres couleurs empruntées à des modèles de la gamme (Opel Admiral). Ces exemplaires sont des pré-séries. Il est fort possible qu’elles soient uniques. On peut ici parler de pré-séries au regard du traitement des châssis.

Ainsi, celui équipant l’auto peinte de couleur bleu métallisé, ne possède pas encore la gravure des éléments mécaniques (carter, boîte de vitesses, ni même les inscriptions Dinky Toys). Il a cependant reçu une couche de peinture noire.

Ce qui n’est pas le cas du châssis de l’auto rouge métallisé qui est resté à l’état brut, bien qu’il ait reçu sa gravure définitive.

Ces deux modèles ne possèdent pas le système électrique. On se doute qu’il n’était pas encore prêt et que ,comme très souvent chez Meccano, on se sert des premières injections de série pour réaliser les essais de couleur.

J’ai un lien particulier avec ce modèle. M. Badaroux que j’ai eu la chance de rencontrer il y a quelques années, a participé à sa conception. Ce dernier me racontait qu’au bureau d’étude, les tâches étaient variées et parfois surprenantes. Ainsi, on lui demandait de la même manière de faire le plan de l’Opel Admiral, mais également d’adapter le système électrique d’un jeu de société ayant fait ses preuves sur un autre jeu très différent. Il fallait se débrouiller, avec un budget des plus réduits. Je revois la fierté qu’il avait à me montrer son tour de passe-passe.

M. Badaroux avait une préférence pour le chemin de fer HO. Il a toujours une faiblesse pour « ses » locomotives. Il maîtrisait parfaitement les circuits électriques miniaturisés et leur intégration. C’est donc en toute logique qu’il a participé à la conception de la Ford Thunderbird et de ses feux stop électriques.

Ainsi quand j’ai convoité la Ford Thunderbird bicolore de couleur argent qui trônait dans ses trésors, il m’a expliqué le lien qu’il entretenait avec cette miniature et les raisons pour lesquelles il préférait la garder. J’avais déjà cette auto et je n’insistai pas.

Plus tard, lors d’une autre visite, je remarquai un détail : la couleur de l’intérieur était différente de celle de la mienne, qui provenait d’un collègue de M Badaroux. J’entretenais un lien amical avec M. Badaroux et ce dernier accepta finalement de me la céder.

Quel plaisir il eut lors de sa venue à mon domicile avec son fils de voir toutes ses anciennes miniatures et ses plans au milieu de ma collection. L’histoire continue et le plaisir qu’il a eu à me conter ses anecdotes est révélateur de l’état d’esprit qui l’anime : transmettre aux futures générations.

Rendez vous le dimanche 7 fèvrier 2021 pour Pipelette numéro 7.

 

A l’autre bout de la chaîne.

A l’autre bout de la chaîne.

Les mois ont passé depuis le lancement en grande pompe de la miniature. Il est loin le temps du présentoir en carton et de l’affichette qui expliquait que la miniature sortait en même temps que la vraie voiture.

Bien sûr, le succès a été au rendez-vous. Mais les concurrents ne sont pas restés inactifs. Solido a depuis présenté sa première miniature avec portes ouvrantes, sonnant ainsi le début de la fin pour Dinky Toys qui mettra trop de temps à trouver une solution à cette équation : comment réaliser des ouvrants fonctionnels, fiables et qui ne déforment pas la silhouette de la miniature. Liverpool sombrera très rapidement, Bobigny résistera un peu.

L’entêtement à vouloir rester sur le créneau de la reproduction de la voiture familiale a accéléré le déclin.  Avec ses sportives et sa fantastique gamme militaire, Solido grignote petit à petit des parts de marché.

Cependant, notre Renault 4L connaîtra une carrière honnête. La base est excellente. Je vous invite à découvrir les multiples variantes dans le livre de Jean-Michel Roulet.

Dinky Toys se servira de son modèle pour compléter son offre sur le thème « autoroutes ». Les châssis plastique viennent de faire leur apparition à Bobigny. La 4L hérite donc d’un chassis vissé en plastique de couleur noire. Sur quelques exemplaires de pré-série il est de couleur ivoire.

Je suis ému au souvenir de ce modèle. Enfant, je revois la vitrine d’un petit magasin qui vendait des Dinky Toys et des Norev à deux pas du magasin de mes parents.

Un matin, j’ai aperçu ces trois modèles autoroutes en vitrine. Ce fut un choc. Le Peugeot J7 me faisait rêver avec ses personnages et ses accessoires. L’univers de ces véhicules « orange » me fascinait au point que je souhaitais en faire mon métier, comme d’autre veulent être pompier. J’entraînais mon père devant la vitrine. Les prix étaient élevés. Je suis ressorti avec la Renault 4L.

Le Peugeot J7, je l’aurai plus tard, d’abord en Norev puis enfin, en Dinky Toys. Le diorama m’avait beaucoup marqué.

Un détail ne vous a pas échappé sur la Renault 4L autoroutes. Un indice montre que Meccano est à bout de force. Monsieur Jouin, l’illustrateur patenté durant cette période, a dessiné sur l’étui la nouvelle calandre (1968) qui vient tout juste d’apparaître. Pourtant c’est bien l’ancienne calandre qui équipe la miniature. Dinky Toys aurait pu trouver là matière à rajeunir son modèle de base, et répondre à la la demande, qui, sur ce type d’auto populaire, devait encore être conséquente.

Quelques années plus tard, en 1972, le même cas de figure va se reproduire, avec ce que l’on peut considérer comme la dernière Dinky Toys France, la version postale de la Renault 4L. Là encore, la nouvelle calandre ne figure que sur l’étui.

L’idée est très bonne. Elle devait être dans les tiroirs du bureau d’étude depuis un moment. Claude Thibivilliers qui a quitté Meccano en 1971 semble être à l’origine de ce modèle. Il a réalisé la fameuse version avec châssis en tôle (vissé ou serti) qui sera ensuite distribuée dans des boutiques spécialisées comme Multisport boulevard de Sébastopol.

Mon ami Charles se souvenait très bien l’avoir aperçue dans les tiroirs. Quelle importance accorder à cette miniature ?  Elle a une place dans l’histoire Dinky Toys. On ne peut cependant  la placer sur le même plan que les modèles réalisés avec l’accord de la direction et les prototypes. Je doute beaucoup du fait que la direction ait été informée de la commercialisation de ces séries « parallèles ».

Chez Monsieur Badaroux, j’ai pu récupérer le modèle qui a servi à la validation du projet. Il est réalisé sur la base de la version autoroutes, et possède donc une antenne.

Le dernier modèle que je souhaite vous présenter est émouvant à plus d’un titre.

C’est la dernière version. Elle se situe à l’autre bout de la chaîne, à l’opposé du présentoir vu dans le dernier blog qui avait été conçu pour le lancement du modèle. C’est la fin de production avant que la chaîne ne s’arrête.

Le modèle est photographié dans le catalogue général Meccano de 1975 : il apparaît sur une des pages consacrées aux Dinky Toys spain.

Monsieur Badaroux qui m’a confié tous ses trésors m’a expliqué que Dinky Toys utilisait en usage interne ce type de boîtage blanc. Cependant, le plus important est ailleurs, il est sur le tampon de la languette. Ce tampon signifiait la validation par le bureau d’étude de la taille du carton à envoyer au cartonnier.

Une fois rentré chez moi, je me suis souvenu des pages présentant les modèles espagnols dans le catalogue général de 1975.

Quelle ne fut pas ma surprise de constater que l’exemplaire photographié était celui que je tenais en main. On y voit nettement les deux petits éclats de peinture. La plaque minéralogique en papier a été perdue.

 

Dans la même logique, j’ai récupéré d’autres modèles qui, sans preuve à l’appui toutefois, sont les modèles pressentis pour le catalogue, dont cette belle Simca 1100 vert bouteille. La couleur définitive de série sera le vert métallisé.

 

 

 

 

L’empire contre attaque ?

L’empire contre-attaque ?

Un empire. Un véritable empire. Il est loin le modeste hangar en bois, au fond de la propriété familiale de Billancourt qui servit à la construction de la première Renault.

Après la seconde guerre mondiale, la Régie Renault a développé un empire. Ses usines produisent des autos, des camions, des utilitaires, des tracteurs, des métros, des autorails, des moteurs d’avion, de bateau mais également des produits dérivés comme les lubrifiants.

Renault symbolise l’essor économique de la France du 20 ème siècle. Quand on veut parler croissance, exportation, productivité du pays, c’est très souvent Boulogne-Billancourt qui sert d’exemple. Dans la même logique, quand Renault tousse c’est la France qui s’enrhume. En 1936, c’est du côté de chez Renault que naissent les revendications syndicales.

Le même phénomène se produira en 1968. Léo Ferré dans sa chanson « Le conditionnel de variété » aura ce couplet:

« Comme si je vous disais que les cadences chez Renault sont exténuantes

Comme si je vous disais que les cadences exténuent les ouvriers jamais les présidents ».

Renault concentre la lutte des classes. Pour connaitre la température sociale du pays, les dirigeants n’ont qu’à se tourner vers ses usines.

Mais Renault va également servir de laboratoire social et artistique. Des artistes, proches de courants progressistes, vont tenter une communion entre l’art moderne et les travailleurs, à l’image de ce qu’ont réalisé les artistes soviétiques.

Le peintre Fernand Léger n’hésitera pas à venir accrocher une de ses oeuvres, « les constructeurs » (version définitive) dans la cantine des usines. Il viendra sur place recueillir l’avis des travailleurs. Le photographe Robert Doisneau sera aussi un familier de la Régie, immortalisant avec tout son talent le rapport entre la machine et l’homme.

Tout cela peut faire sourire, mais démontre combien Renault avait une place particulière dans notre pays. Je n’ai pu m’empêcher de relier ce passé à une série d’articles parus dans le journal « Le Monde  » du 30 mai 2020 consacré au constructeur.

Le titre est révélateur : « La potion-choc du patron de Renault ».

Résumons: le nouveau patron, Jean-Dominique Senard, est soucieux de « la sous utilisation des usines françaises ». Il veut réduire les capacités de production pour améliorer la marge industrielle, et attirer des productions partenaires ce qui fera augmenter les volumes… J’avoue humblement que ces discours ne me parlent pas beaucoup et demeurent assez abstraits. J’ai parfois l’impression qu’en économie, avec les même chiffres on peut tout dire et son contraire.

Le chiffre qui a retenu mon attention, c’est le nombre de salariés à Flins en 2020 : 2600 !

Je ne peux n’empêcher de penser aux publications que la Régie imprimait dans les années cinquante. Afin de montrer toute la puissance de sa machine industrielle, la Régie avait publié un fascicule : « 24 heures chez Renault » où elle expliquait que chez Renault, l’activité ne s’arrêtait jamais.

Chaque tranche horaire se voyait attribuer une activité. Le publiciste en profitait pour utiliser les fuseaux horaires. Ainsi , il nous entrainait chez Hino au Japon, en Afrique du Sud à Johanesbourg, en Espagne… On était impressionné par cet empire où le temps ne s’arrêtait jamais.

Peu après, en 1957, la Régie a rompu son contrat d’exclusivité avec la C-I-J pour la reproduction de la Renault Dauphine ce qui a conduit à un rapprochement entre Dinky Toys et Renault. La Floride, et l’Estafette ont logiquement suivi.

En 1961, Renault joue gros. Comment va être accueillie la nouvelle 4L ? Visiblement satisfaite de ses rapports avec Dinky Toys, la Régie, va réaliser une grande opération médiatique commune.

Quand on réfléchit, il fallait oser confier les plans originaux d’un nouveau modèle près d’un an avant la sortie presse. On peut imaginer que d’importantes précautions ont été prises afin qu’il n’y ait pas de fuites.

Pour l’occasion Dinky Toys a fait éditer un présentoir en carton afin de placer la nouvelle auto en vitrine et d’attirer l’attention du grand public.

Qu’a-t’-elle choisi pour communiquer ? Une usine et sa chaîne de production. On retrouve là encore l’idée que la Régie est bien un symbole de la production de masse.

Une petite cheminée en carton finit d’habiller le diorama . Un emplacement est réservé à la boîte, qui pourrait faire penser à une caisse avec une auto finie à l’intérieur. J’ai récupéré le présentoir auprès de Robert Goirand.

C’est celui qui était dans la vitrine du magasin du Bébé Lorrain. J’ai eu une émotion particulière en apprenant cela. Je l’ai laissé dans l’état dans lequel Robert Goirand l’a récupéré. je n’ai pas voulu changer la boîte de la 4L, ni effacer la trace de ruban adhésif. Je le conserve telle une relique.

L’affichette publicitaire expliquant le tour de force de Meccano est évocatrice. Quelle époque ! Quelle prouesse que d’avoir réussi cet excercice ! Les gens ont-ils apprécié l’exploit à sa juste mesure ?

Pourtant le vent a tourné pour les fabricants de miniatures. La demande a évolué. Les sportives et les autos de course commencent à fasciner la jeune clientèle avide de sensations .

Cependant, laissons nous encore surprendre par cette petite berline qui est une superbe réussite. C’est incontestablement une digne héritière des séries 24. Elle connaitra une très longue carrière.

Cette époque d’après-guerre semble loin. Il va falloir des arguments solides pour persuader les salariés et l’opinion publique du bien fondé d’un énième plan de redressement chez Renault. Pour utiliser une image liée au cinéma on pourrait titrer : « l’empire contre-attaque ». Je me demande pourtant si le combat n’est pas perdu d’avance, au regard de l’avenir bien sombre de l’automobile dans notre société. 

Rendez-vous dans 15 jours le dimanche 13 Décembre pour la suite  et la fin de l’aventure de la 4L chez Dinky Toys.

 

 

 

Une vie rythmée par les familiales.

Une vie rythmée par les familiales.

Il en était fier de cette Talbot Baby. C’était celle de son grand-père. Avant la seconde guerre mondiale, elle symbolisait la petite réussite sociale d’un commerçant. L’auto avait marqué mon père, et pour cause. Durant l’exode de 1940, alors qu’il avait quelques mois, elle les avait conduits à bon port, dans la maison familiale, à Saignes, dans le Cantal.

Jusqu’à la fin de ses jours, il m’en a parlé avec du soleil dans les yeux. Enfant, je pensais donc que c’était une auto prestigieuse, de la trempe d’une Bugatti ou d’une Delage. Ce n’était pas le cas.

Quand j’ai rentré la très importante collection de RD Marmande en 2019, il était tout étonné qu’elle ne soit pas dans le lot. Quelques mois après sa disparition, j’en ai trouvé une ressemblant à la leur, avec sa modeste carrosserie berline. Il aurait adoré pouvoir la mettre dans son musée miniature, là où il avait posé une photo en noir et blanc prise en Auvergne après la guerre.

En 1975, au début de notre aventure de collectionneur, lorsque j’ai acheté la Dinky Toys Talbot Lago, j’ai fait le lien entre la Talbot familiale et celle de Louis Rosier, auvergnat, vainqueur avec son fils au Mans en 1950.

La Dinky Toys reproduit une version monoplace. Je suis admiratif de la façon dont Bobigny a su traiter la position si particulière du pilote sur cette monoplace : enfoncé, les bras pliés en deux sur cet énorme volant.

Dinky Toys Liverpool qui a pourtant réalisé une belle série, n’a pas su capter cette impression avec sa copie. Les photos d’époque parlent d’elles-mêmes.

Qu’on le veuille ou non, l’automobile est un puissant marqueur social. Une fois son diplôme de technicien du cuir en poche, mon père commença comme salarié dans le magasin de mes grands- parents. Il pu ainsi acquérir une Dauphine d’occasion. C’est le plus vieux souvenir de ses voitures que j’ai gardé en mémoire.

Pendant longtemps il évoquait la nécessité de donner régulièrement un coup de polish sur la carrosserie car la teinte brique avait tendance à virer sous les effets du soleil et de la lune. J’ai surtout en mémoire le porte-étui à cigarettes qu’il avait fabriqué pour être autonome au volant, et le mal qu’il s’était donné pour le décoller et l’installer dans sa nouvelle auto, une Simca 1501, également achetée d’occasion.

Ce sont de bien modestes autos, celles que lui permettait son salaire. Mais ses autos, il les entretenait méticuleusement, comme beaucoup d’autres d’utilisateurs à l’époque. On savait apprécier ce que l’on avait, notamment l’auto qui faisait encore rêver. Elle était associée à un sentiment de liberté, aujourd’hui disparu. Nous subissons désormais des injonctions contradictoires : acheter des autos neuves pour soutenir l’économie mais les laisser au garage pour préserver l’environnement.

Le souvenir des départs en grandes vacances me revient, avec ses préparatifs méticuleux, la thermos de café par exemple. On avait l’impression de partir pour une véritable aventure. En fait, l’aventure c’était le trajet Compiègne-Romans par la nationale 7. La réussite du voyage était fonction de la sagesse des enfants assis à l’arrière. La phrase préférée de mon frère était : « Quand est-ce qu’on arrive ? « .

La vue de la Saône puis du Rhône à la sortie du tunnel de Fourvières à Lyon était un premier signe d’approche de la destination, suivi une  dizaine de kilomètres plus loin des torchers de la raffinerie Elf à Feyzin. Aujourd’hui encore, le passage devant ce qu’il reste de ce complexe industriel me redonne des forces pour poursuivre mon chemin.

On savait qu’une heure après, on était arrivé à Romans….et un trajet exemplaire, sans énervement, pouvait être récompensé par une petite Norev.

En 1970, une fois à la tête de l’affaire familiale il s’autorisa à commander sa première voiture neuve. Dans ces années là, l’acquisition d’une auto accompagnait souvent un changement de statut.

Il m’expliqua plus tard qu’il avait hésité entre l’Alfa Romeo Giulia TI et la BMW 2000Tii. Il a choisi l’Allemande.

Il opta pour une carrosserie type « berline », bien moins élégante que la version coupé de la 2002, mais l’auto avait pour vocation première de transporter la famille, tant pis pour l’aspect visuel.

Aimant la belle mécanique il avait choisi cette rare version 2000 tii, avec la fameuse injection Kügelfisher, identique à la 2002Tii. L’auto était cependant bien moins performante que cette dernière du fait du poids de l’ensemble qui atteignait 1150Kg. Le freinage pâtissait d’ailleurs de ce surpoids, d’autant que l’équipement mixtant freins à disques et à tambours était sous-dimensionné. Pour résumer, elle allait vite, mais il fallait anticiper le freinage.

On ne peut pas dire que le choix de la couleur beige « Africakorps » était heureux même si les allemands l’avait pudiquement rebaptisé « Sahara Beige ». Leur restait-il des stocks de peinture ?

Elle ne restera pas longtemps de cette couleur. Mon grand-père, installé à Nice où il venait tout juste d’entamer sa retraite tomba gravement malade. Mon père et son frère firent de nombreux allers-retours, se relayant au volant, roulant de nuit, bref, sollicitant fortement la mécanique. l’auto ne supporta pas un tel traitement. Le moteur cassa. Mon père fit faire un échange standard. Je me souviens du moteur arrivant dans une caisse en bois chez le garagiste.

Mais par la suite, un problème récurrent de pas de vis à la sortie du collecteur d’huile nous immobilisa à trois reprises. Les deux premières fois sans trop de dégâts, mais à la troisième, un incendie se déclencha. Bien que vite maîtrisé, les faisceaux électriques avaient souffert et surtout le capot moteur avait besoin d’un passage en cabine de peinture.

Mon père passa du tout au tout dans le choix de la nouvelle teinte, avec une logique certaine d’ailleurs. Il s’était aperçu que la couleur sable n’était pas très visible par les autres automobilistes. Il consulta le catalogue BMW de l’époque. Le constructeur de Munich avait un jaune « Golfgelb » qui convenait parfaitement aux 2002, et à leur allure sportive. Mais sur une berline assez pataude, il fallait oser. Il osa.

Observez cette extraordinaire photo, de notre familiale BMW ainsi repeinte, remontant la ligne droite des stands lors de l’édition 1978 des 24 heures du Mans, quelques heures avant le départ de l’épreuve. Les préposés autour de la Ferrari 512BB de l’écurie Francorchamps, n’en reviennent pas :

C’est quoi ça ? Qui a laissé passer cet objet de mauvais goût ?

La photo nécessite quelques explications. Nous sommes le samedi 10 juin 1978. Il est 11 heures. Dans 5 heures ce sera le départ des 24 heures du Mans. Mon père est au volant. Il est concentré sur le sujet. Il ne s’agit pas de se faire remarquer plus. Je suis assis à sa droite et mon frère est sur la banquette arrière.

Mon père avait fait connaissance, dans son magasin, d’un client qui était membre du directoire BMW. Ils avaient noué une relation d’amitié. Sachant que mon père s’intéressait à la course automobile, il lui avait proposé une inscription à une opération organisée à l’intérieur du réseau BMW. Elle se nommait « 48 heures BMW ». Nous étions entourés de concessionnaires avec de gros coupés série 6 .

Après coup, mon père expliquait comment il avait dû lever le pied dans les Hunaudières à cause de l’eau du moteur qui chauffait. L’auto était un peu fatiguée. Nous nous étions fait doubler par la plus part des autres autos.

Ce dont je me souviens, c’est la joie que mon père éprouva d’avoir pu nous faire découvrir les 24 Heures du Mans dans ces conditions. Nous avions eu ,comme lors de l’édition  1977, des places au-dessus des stands de ravitaillement BMW. Quels souvenirs ! Quel privilège pour un enfant !

J’ai trouvé cette vidéo exceptionnelle enregistrée par Porsche durant les essais de l’édition 1977  (l’auto avait encore des rétroviseurs carénés). C’est bien le même tour, la même configuration de circuit … mais l’auto ne roule pas à la vitesse de 130km/h comme la nôtre! La piste est étroite, sale. C’est une autre époque. voir la vidéo https://youtu.be/Ba-QD3wnfF8

Que dire de cette photo? J’y tiens énormément. J’ai gardé la plaque avec notre numéro, un modeste 352 et même le bracelet pour accéder aux stands.

Cette édition restera à jamais la plus belle pour moi.

Mon père commanda quelque temps plus tard une 528i. C’était une belle progression. Il était attaché à cette marque et par conséquent, il entreprit d’élargir notre collection de voitures de course  miniatures aux reproductions de BMW.

La BMW 1500 Dinky Toys sera donc avec la Talbot Lago de Grand prix les deux premières Dinky Toys France qui entrèrent dans notre collection. En 1979, il acheta les deux versions Poch, en boîte bien sûr. Il fallait déjà avoir le goût du rare et du beau pour aller dans une telle direction.

Bien plus tard, j’ai acquis d’autres versions de pré-série. La première devait appartenir à Jean-Michel Roulet qui l’avait eue rue du Maroc. L’auto est curieusement barbouillée et retouchée. Le plus intéressant est ailleurs.

C’est une pré-série : Dinky Toys a oublié de graver deux montants de portières et la grille d’aération  sur le capot devant le pare-brise. L’auto eut un curieux destin. Cédée à Jean Vital-Remy, elle fut mise avec des dizaines d’autres, constituant un lot de modèles en état d’usage comme il est si joliment indiqué dans les catalogues de salle de vente.

L’autre vient aussi de cette collection belge. Elle est intéressante au regard d’une caractéristique particulière. L’auto est peinte dans le bleu métallisé de la Mercedes 300, cela n’a pu vous échapper. Les finitions ne sont pas faites, et l’auto n’est pas sertie. La carrosserie est vierge. Je n’ai que deux autos finies ainsi. En discutant avec d’anciens employés de chez Dinky, j’ai appris que cette pratique était très commune. Peu d’exemplaires ont survécu en raison de la conception de ces objets qui ne servaient qu’à faire un premier choix : aucune finition, pas de sertissage. J’ai vu la série de Peugeot 203 de Robert Goirand. Elles sont de la même veine. Aucun doute sur leur authenticité, les carrosseries n’ont pas été bouterollées.

Je finirai par celle qui me tient le plus à coeur. Mon père était habile de ses mains. Le cuir demande de la dextérité. Il aimait faire des maquettes, des « kits en white metal ».

Nous nous répartissions le travail. Il préparait les carrosseries et les peignait au pistolet, je faisais le montage et la finition. Il acheta un modèle de la 1500 Dinky Toys, modifia la face avant et arrière, et la peignit en jaune « Golfgelb ».

Je finis de la décorer dans sa livrée 48 heures du Mans 1977. Le montage est loin d’être fantastique. Elle resta à ses côtés jusqu’à la fin de ses jours.

Prochain blog le dimanche 15 Novembre 2020.

Coup de Klaxon

Coups de klaxon. 
Voici dans son intégralité la dépêche qui fut publiée le 15 mai 2020 par Le Figaro sur le site de l’AFP.
Son titre :  » Des camionneurs perturbent de leurs Klaxons un discours de Trump. »
« Des chauffeurs routiers manifestant près de la Maison Blanche ont perturbé avec leurs avertisseurs sonores un discours vendredi de Donald Trump.
« C’est un signal d’amour », a commenté le Président au sujet du « bruit merveilleux » de ces Klaxons. « Ils manifestent pour le Président Trump et non contre», a précisé M. Trump, qui s’exprimait dans les jardins de la résidence présidentielle, siège de l’exécutif américain. »

Les journalistes de l’AFP expliquent que des dizaines de camions sont garés depuis plusieurs jours devant la maison blanche et perturbent avec leurs Klaxons les allocutions presse du Président américain. Les routiers exigent une revalorisation du tarif kilométrique. Ils sont depuis le début de la crise du Covid en première ligne pour ravitailler le pays.

La Maison Blanche à Washington
La Maison Blanche à Washington

Les courtiers en gros profitant de la situation pour tirer les tarifs à leur avantage, les routiers réclament une part du gâteau. Pour paraphraser le slogan de l’actuel président « Make America Great Again », certains arboraient des banderoles où l’on pouvait lire: « Make Trucking Great Again » … Dans ce pays les camions ont toujours eu un rôle vital. Cet univers du camionnage américain a inspiré plus d’un écrivain, d’un cinéaste, tant ils font partie du décor.

Malicieusement, j’ai repensé aux publicités des revues automobiles des années soixante, où les accessoiristes rivalisaient d’ingéniosité pour séduire les automobilistes.

Les pages consacrées aux différents types de Klaxon sont les plus savoureuses. La société « Scintex-Sanor » établie à Courbevoie proposait ainsi en page 3 du journal « L’automobile  » de juin 1967 des avertisseurs de 25 à 250 F.

De la trompe de route au « Musiflash » ainsi commentés : « sons accordés ou alternés pour vos vacances à l’étranger » en passant par le « Rallye Flash de Luxe » (de grande classe !) et le « Clearson GT » (Etourdissant) sans oublier le « Stridente » de fabrication italienne.

Pas de doute, les spécialistes de la trompe de route semblent être les italiens. Une réminiscence des grands compositeurs ? Avec une certaine logique, ce pays semblait prédestiné pour offrir à ses automobilistes des outils à la hauteur de leur passion pour les belles voix et la musique.

Cependant, pour se faire entendre à partir d’un véhicule automobile, il y a d’autres moyens. Le haut-parleur par exemple. Faites le tour de vos vitrines de miniatures.

Si votre intérêt se porte sur les modèles allant de l’avant-guerre aux années cinquante, vous serez surpris du nombre de reproductions que les fabricants de jouets ont offerts à leur clientèle. Il faut avouer que cela permettait de décliner à peu de frais une variante ou deux. En effet, une fois installé le haut-parleur sur le pavillon, rien n’empêche d’offrir une version pompier ou police et une version civile.

Ces dernières m’ont toujours énormément intrigué.

Prenons la splendide Mercury Ford de chez Tekno. La version Zonen de secours a un sens. Mais la version civile, très rare, n’est là que pour amortir la splendide double trompe injectée en zamac chromé.

Dans les années 80, ce modèle était mythique. Aujourd’hui les collectionneurs font-ils encore la différence ? J’ai trouvé deux couleurs pour la version « civile », empruntées toutes les deux aux couleurs de série.

Restons en Scandinavie avec Lemeco. Tout l’intérêt de ce fabricant est d’avoir développé des accessoires très réalistes qui lui ont permis de multiplier les variantes sur la Ford Fordor. La création d’un haut-parleur en zamac et sa fixation sur le pavillon donneront naissance à un modèle attachant, et rare.

Micro au Danemark déclina sur la base de sa Ford V8 une version « radio » pleine de charme. Les deux haut-parleurs injectés en plomb sont surdimensionnés et donnent une idée de la puissance de l’installation. Ce que je trouve de plus remarquable, c’est le joli pochoir sur les portes. C’est un rare modèle.

Le modèle suivant est peut-être mon préféré. C’est une Lancia camionnette « Radio Roma ».

J’aime assez imaginer dans le brouhaha de la capitale italienne la camionnette diffusant la radio grâce à son gros haut-parleur. La cacophonie résultant du passage de l’auto dans les rues devait faire penser à des séquences de film de Fellini.

Le fabricant PM a aussi décliné ses autres décorations ( Ciaccolato Caramelle, Accessori  Auto)  avec le haut-parleur.

J’ai gardé le plus célèbre pour la fin. C’est celui qui vient à l’esprit du collectionneur quand on évoque ce type de modèle. C’est un « grand » classique.

C’est aussi ce que l’on peut familièrement appeller l’art d’accommoder les restes.

Juste après-guerre Dinky Toys réutilisa sa camionnette 28 (la troisième mouture depuis la création de la marque) et adapta deux superbes haut-parleurs.

On peut imaginer que le bureau d’étude de Binns Road avait été inspiré par les nombreux véhicules ainsi équipés qui circulaient dans les rues pendant la seconde guerre mondiale afin de prévenir la population du danger d’une attaque aérienne. Le modèle réduit proposé par Dinky Toys a un certain charme. Les trompes équilibrent harmonieusement le jouet.

Il connut un certain succès, à en juger par le nombre de variantes de couleur et surtout par la création d’un étui individuel . Binns Road a toujours essayé de différer le plus longtemps possible la réalisation de cet accessoire.

Celui de couleur marron est peu fréquent. Seuls les modèles équipés de jantes de couleur ont pu avoir un étui individuel.