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Elémentaire mon cher Watson !

Elémentaire mon cher Watson !

Il aura eu la bienséance de laisser partir la Reine Elisabeth II avant lui.  Robert Goirand nous a quittés le 10 septembre 2022.

Logique, me direz-vous, pour cet admirateur inconditionnel des productions de Frank Hornby, sujet de sa gracieuse majesté.

J’ai fait sa connaissance en 1978. Pour être précis, c’est à travers le récit que Jean-Michel Roulet avait consacré à leur relation de collectionneurs dans son premier ouvrage , déjà très réussi, que j’ai découvert Robert Goirand. J’ai compris la place centrale qu’il tenait dans l’univers des Dinky Toys.

Dans l’étude de la série 25, Jean-Michel Roulet fait un aparté pour expliquer la signification du suffixe accolé aux références des modèles publicitaires dérivés du 25J, le Ford ridelles bâché. Ainsi la version Calberson finie en jaune a hérité du suffixe « J » pour jaune et celle aux couleurs de la SNCF de la lettre « B » pour bleu.

Il fit tenir à Robert Goirand le rôle de Sherlock Holmes, le célèbre détective imaginé par Sir Conan Doyle pour la résolution de l’énigme du 25 JV. Le suffixe « V » accolé correspondait à la couleur verte.

Pourtant le Grands Moulins de Paris est fini en gris. Elémentaire mon cher Watson ! fit répondre Jean-Michel Roulet à Robert Goirand qui possédait le prototype récupéré lors de sa présentation au salon annuel du jouet sur le stand Meccano à Lyon.

Dinky Toys le fameux Ford ridelles bâché vert métallisé ...25 JV
Dinky Toys le fameux Ford ridelles bâché vert métallisé …25 JV

Ce prototype réalisé sur la base d’un type intermédiaire, crochet moulé et jantes à pneus, est fini en vert métallisé, couleur en vogue chez Meccano France durant cette période (Ford brasseur, Studebaker Commander puis Peugeot 203) , teinte qui, au dernier moment, ne fut pas retenue par la direction. Elle jugea qu’il était préférable de le repeindre en gris, quitte à laisser une référence à la signification erronée. Il aurait dû porter la référence 25 JG et non 25JV.

Ce passage m’a profondément marqué. Il a orienté mon intérêt de collectionneur pour tous ces Dinky Toys d’exception qui ont façonné la grande histoire. En cela, je poursuis aujourd’hui le travail de ces pionniers que furent Jean-Michel Roulet et Robert Goirand.

Ma première rencontre « physique » avec ce pilier de l’univers Dinky Toys se fera à la bourse de printemps à Villeurbanne. C’est une époque où l’on pouvait encore fumer dans les espaces publics. Je revois sa silhouette élancée , la pipe au coin des lèvres, son noeud papillon. Il dégageait une élégance toute britannique. C’est une époque où il était de bon ton de s’habiller avec soin pour les événements importants. Et les bourses aux jouets faisaient partie des moments très importants pour Robert Goirand qui consacra son existence aux jouets et plus particulièrement aux productions Meccano… mais pas que !

Sa fille Sandrine m’a raconté qu’il avait d’abord été passionné par les trains, surtout les Märklin.

Il aurait ainsi appris à lire avec le catalogue Märklin d’avant guerre qu’il promenait partout, à l’école comme à table.

Toute sa vie il a cherché à avoir l’intégralité de cette production d’avant 1940. Enfant, il n’avait pu voir ces jouets qu’à travers la vitrine du magasin : ils étaient financièrement inaccessibles pour sa famille. A la fin de sa vie son rêve était quasiment exaucé. Il ne lui manquait que la fameuse « crocodile » à l’échelle « O » !

Marklin "crocodile" HO
Marklin « crocodile » HO

J’ai eu l’occasion d’aller dans son appartement au début des années 90, alors que j’accompagnais Jean-Bernard Sarthe qui venait lui acheter son Citroën U23 dépanneuse de couleur verte. Nous venions de rentrer ce même modèle auprès de la famille Chaudey qui avait travaillé au bureau d’étude.

J’avais remarqué qu’il possédait une caractéristique particulière, un pavillon lisse que ne possédaient pas les modèles de série. Je me rappellerai toujours comment Robert Goirand avait été étonné de n’avoir pas relevé ce détail. J’ai ici gagné mes premiers galons face à cette légende de la collection.

Ce fut le début d’une relation basée sur un respect mutuel. Quand il réorientera sa collection dans le domaine ferroviaire, il n’oublia pas cette rencontre et me contacta pour me céder certaines de ses pièces, sachant qu’elles seraient mise en valeur.

je garderai longtemps en mémoire les anecdotes qu’il me contait avec malice, bien calé dans son fauteuil, lors de mes visites chez lui.

Je l’écoutais religieusement, assis sur le canapé. Il était si content qu’immanquablement, à la fin de nos conversations-transactions il me proposait toujours un « petit apéro ». Il faisait partie d’une génération qui scellait les pactes autour d’un verre.

Un jour, alors que nous évoquions le magasin du BB Lorrain, il me raconta comment, lors des repas familiaux il faisait répéter ses parents afin d’élargir leurs connaissances de l’univers Meccano.

Il s’agissait de préparer sérieusement les fameuses réunions du club du BB Lorrain et de rendre ses géniteurs incollables lors de leur participation aux jeux qui permettaient de gagner des cadeaux !

Il fallait tout connaître : la date d’anniversaire de Frank Hornby, le numéro de boîte de Meccano, le nom des rames célèbres chez Hornby ect…

Il me raconta également comment il avait aidé M. Goulon, le propriétaire de ce magasin, à poser les rubans adhésifs sur la fameuse 2cv fourgonnette grise. Il avait bien compris tout l’intérêt de nouer une solide relation avec cette institution. Etudiant aux beaux- arts, il avait réalisé deux frises à la gouache pour le magasin qui ont heureusement été conservées.

Cette bonne relation lui a ainsi ouvert les portes du stand Meccano où il a pu récupérer un certain nombre de pièces historiques, comme les Ford bâchés décrits plus haut ou ce Berliet GLR Marrel multibenne. Le prototype en bois, aux couleurs du Simca Cargo prouve bien que le multibenne était prévu avec une cabine Unic.

Comme l’explique Jean-Michel Roulet dans son livre, cette dernière n’étant pas prête pour le salon, le bureau d’étude bricola ce Berliet, récupéré par l’entremise de M Goulon après le salon.

Le dessinateur l’a sûrement eu en main avant le salon, à voir la façon dont il a traité l’illustration de ce 38 A dans le catalogue 1958 : pavillon arrondi et strié façon Berliet et face avant bricolée laissant clairement deviner le Berliet.

Vous imaginez la fierté pour lui de posséder cette pièce d’histoire.

Les années ont passé. Sa passion a résisté à toutes les épreuves. Je suis admiratif devant sa combativité pour obtenir jusqu’au bout les belles pièces qui pouvaient enrichir sa collection de trains. Cette passion nous a sans doute rapprochés.

Elle lui aura permis de traverser tous les coups durs de la vie. Il m’avait confié à quel point la perte de son épouse avait été une épreuve à laquelle il n’était pas préparé et comment la collection l’avait sauvé de la dépression.

Une dernière anecdote est révélatrice du personnage. Quand il m’a cédé sa série de modèles Poch il y a quelque temps, il m’a expliqué qu’il en gardait une : la 2cv furgoneta qu’il associait à beaucoup de souvenirs.

Lors d’un voyage en Espagne  en 1970 avec sa famille, il l’avait repérée dans la vitrine d’un grand magasin de jouets à Barcelone, « la casa del jugete » . C’était la première, et aussi la dernière fois, qu’il la voyait. Mais elle était en vitrine et les employés n’étaient pas prêts à démonter une partie de la présentation pour cette petite auto…il n’avait qu’à en prendre une autre sur le comptoir !

Il fit un esclandre dans le magasin pour l’obtenir, expliquant aux employés incrédules qu’elle était pour lui et pas pour un enfant.

Son épouse dut intervenir, et finalement, comme on achète un jouet pour calmer un enfant capricieux, passa à la caisse et paya l’auto.

Cette anecdote résume bien la vie de Robert Goirand. Il resta dans le monde de l’enfance toute sa vie. Ce ne fut pas toujours facile à comprendre pour son entourage. Mais je peux dire qu’il eut une existence hors du commun. Je suis fier qu’il m’ait confié ses modèles et ses souvenirs. Il m’appartient désormais d’en faire profiter les autres collectionneurs.

 

L’empire contre attaque ?

L’empire contre-attaque ?

Un empire. Un véritable empire. Il est loin le modeste hangar en bois, au fond de la propriété familiale de Billancourt qui servit à la construction de la première Renault.

Après la seconde guerre mondiale, la Régie Renault a développé un empire. Ses usines produisent des autos, des camions, des utilitaires, des tracteurs, des métros, des autorails, des moteurs d’avion, de bateau mais également des produits dérivés comme les lubrifiants.

Renault symbolise l’essor économique de la France du 20 ème siècle. Quand on veut parler croissance, exportation, productivité du pays, c’est très souvent Boulogne-Billancourt qui sert d’exemple. Dans la même logique, quand Renault tousse c’est la France qui s’enrhume. En 1936, c’est du côté de chez Renault que naissent les revendications syndicales.

Le même phénomène se produira en 1968. Léo Ferré dans sa chanson « Le conditionnel de variété » aura ce couplet:

« Comme si je vous disais que les cadences chez Renault sont exténuantes

Comme si je vous disais que les cadences exténuent les ouvriers jamais les présidents ».

Renault concentre la lutte des classes. Pour connaitre la température sociale du pays, les dirigeants n’ont qu’à se tourner vers ses usines.

Mais Renault va également servir de laboratoire social et artistique. Des artistes, proches de courants progressistes, vont tenter une communion entre l’art moderne et les travailleurs, à l’image de ce qu’ont réalisé les artistes soviétiques.

Le peintre Fernand Léger n’hésitera pas à venir accrocher une de ses oeuvres, « les constructeurs » (version définitive) dans la cantine des usines. Il viendra sur place recueillir l’avis des travailleurs. Le photographe Robert Doisneau sera aussi un familier de la Régie, immortalisant avec tout son talent le rapport entre la machine et l’homme.

Tout cela peut faire sourire, mais démontre combien Renault avait une place particulière dans notre pays. Je n’ai pu m’empêcher de relier ce passé à une série d’articles parus dans le journal « Le Monde  » du 30 mai 2020 consacré au constructeur.

Le titre est révélateur : « La potion-choc du patron de Renault ».

Résumons: le nouveau patron, Jean-Dominique Senard, est soucieux de « la sous utilisation des usines françaises ». Il veut réduire les capacités de production pour améliorer la marge industrielle, et attirer des productions partenaires ce qui fera augmenter les volumes… J’avoue humblement que ces discours ne me parlent pas beaucoup et demeurent assez abstraits. J’ai parfois l’impression qu’en économie, avec les même chiffres on peut tout dire et son contraire.

Le chiffre qui a retenu mon attention, c’est le nombre de salariés à Flins en 2020 : 2600 !

Je ne peux n’empêcher de penser aux publications que la Régie imprimait dans les années cinquante. Afin de montrer toute la puissance de sa machine industrielle, la Régie avait publié un fascicule : « 24 heures chez Renault » où elle expliquait que chez Renault, l’activité ne s’arrêtait jamais.

Chaque tranche horaire se voyait attribuer une activité. Le publiciste en profitait pour utiliser les fuseaux horaires. Ainsi , il nous entrainait chez Hino au Japon, en Afrique du Sud à Johanesbourg, en Espagne… On était impressionné par cet empire où le temps ne s’arrêtait jamais.

Peu après, en 1957, la Régie a rompu son contrat d’exclusivité avec la C-I-J pour la reproduction de la Renault Dauphine ce qui a conduit à un rapprochement entre Dinky Toys et Renault. La Floride, et l’Estafette ont logiquement suivi.

En 1961, Renault joue gros. Comment va être accueillie la nouvelle 4L ? Visiblement satisfaite de ses rapports avec Dinky Toys, la Régie, va réaliser une grande opération médiatique commune.

Quand on réfléchit, il fallait oser confier les plans originaux d’un nouveau modèle près d’un an avant la sortie presse. On peut imaginer que d’importantes précautions ont été prises afin qu’il n’y ait pas de fuites.

Pour l’occasion Dinky Toys a fait éditer un présentoir en carton afin de placer la nouvelle auto en vitrine et d’attirer l’attention du grand public.

Qu’a-t’-elle choisi pour communiquer ? Une usine et sa chaîne de production. On retrouve là encore l’idée que la Régie est bien un symbole de la production de masse.

Une petite cheminée en carton finit d’habiller le diorama . Un emplacement est réservé à la boîte, qui pourrait faire penser à une caisse avec une auto finie à l’intérieur. J’ai récupéré le présentoir auprès de Robert Goirand.

C’est celui qui était dans la vitrine du magasin du Bébé Lorrain. J’ai eu une émotion particulière en apprenant cela. Je l’ai laissé dans l’état dans lequel Robert Goirand l’a récupéré. je n’ai pas voulu changer la boîte de la 4L, ni effacer la trace de ruban adhésif. Je le conserve telle une relique.

L’affichette publicitaire expliquant le tour de force de Meccano est évocatrice. Quelle époque ! Quelle prouesse que d’avoir réussi cet excercice ! Les gens ont-ils apprécié l’exploit à sa juste mesure ?

Pourtant le vent a tourné pour les fabricants de miniatures. La demande a évolué. Les sportives et les autos de course commencent à fasciner la jeune clientèle avide de sensations .

Cependant, laissons nous encore surprendre par cette petite berline qui est une superbe réussite. C’est incontestablement une digne héritière des séries 24. Elle connaitra une très longue carrière.

Cette époque d’après-guerre semble loin. Il va falloir des arguments solides pour persuader les salariés et l’opinion publique du bien fondé d’un énième plan de redressement chez Renault. Pour utiliser une image liée au cinéma on pourrait titrer : « l’empire contre-attaque ». Je me demande pourtant si le combat n’est pas perdu d’avance, au regard de l’avenir bien sombre de l’automobile dans notre société. 

Rendez-vous dans 15 jours le dimanche 13 Décembre pour la suite  et la fin de l’aventure de la 4L chez Dinky Toys.

 

 

 

C’est cadeau !

C’est cadeau !

« Bonjour je suis possesseur d’un J7 Bourbon avec la publicité « Potain service après vente », on me propose de me le racheter mais je n’ai aucune idée de la valeur, il est comme neuf, pourriez-vous m’ aiguiller svp.merci »

C’est en ces termes qu’un lecteur du blog, M. Patrice Chabanon m’interpella via la rubrique contact du site. (voir le blog consacré aux Peugeot J7 de chez Bourbon)

On me sollicite très souvent pour connaitre la valeur d’un jouet. C’est un sujet sensible. En tant que professionnel je me sers de mon prix d’achat afin de déterminer mon prix de vente. De par mon expérience, j’ai bien sûr en tête une fourchette de prix de vente, que je module en fonction de ce prix d’achat.

Ce 18 septembre 2019, j’ai choisi de répondre ainsi à M. Chabanon :

« Vous êtes collectionneur ? Alors faites plaisir à un autre collectionneur ! Offrez lui ! Plus tard vous vous souviendrez longtemps de ce beau geste et vous ne le regretterez pas ! »

Ce dernier m’écrivit le lendemain pour me dire que c’était une bonne idée. Il précisa que la personne qui lui avait demandé ce Peugeot J7 était un bon ami et qu’elle saurait en prendre soin.

J’ai bien aimé sa réponse. J’ai rapproché cette histoire d’une autre anecdote. C’est Robert Goirand qui me l’a contée. Alors qu’il était jeune étudiant à Lyon, il passait tout son temps libre au magasin « Le Bébé lorrain ». Il y allait quasiment tous les jours et cela lui a permis de nouer des liens solides avec Roger Goulon, le propriétaire.

La section lyonnaise du club Dinky Toys a été créée en 1956. Et lorsqu’elle organisait ses animations annuelles sous l’impulsion de M. Goulon, c’est tout naturellement que M Goirand prêtait main forte. La section lyonnaise fut une des section les plus dynamiques et les plus influentes de France.

Elle est d’ailleurs régulièrement à l’honneur dans le bulletin de liaison « Actualités Meccano ». Des photos et compte-rendus  apparaissent régulièrement et en  grand nombre en première page du journal.

Lors de l’édition du 9 octobre 1960, M. Chanu, le directeur général de Meccano vint en personne à Lyon. On le voit lire un discours, à la manière d’un homme politique. On appréciera, derrière lui, les membres du bureau, façon bureau exécutif du parti communiste, tous à l’écoute du grand timonier.

Vous aurez surtout remarqué le grand écart de générations entre les officiants et le public dans la salle : des enfants accompagnés de leurs parents et ces adultes, déjà collectionneurs, assis autour du bureau sur l’estrade. j’imagine combien les gamins devaient avoir hâte qu’on en finisse avec les discours et qu’on commence les jeux !

Le compte-rendu paru dans « Actualités Meccano », prend des allures de Paris Match. On est ainsi heureux d’apprendre que la femme du préfet, Mme Roger Ricard et son fils Jean-François assistent à l’évènement. On compte aussi la présence d’une représentante de la mairie de Lyon et de M. Perrin Cavalier, directeur des usines de Pont-à-Mousson. On mesure l’importance de l’événement pour la ville de Lyon. Le 9 Octobre 1960, c’était l’endroit où il fallait être et se faire voir.

Cette année-là, Robert Goirand a prêté sa collection. Un petit panneau au centre de la vitrine l’indique. Quelle fierté pour ce dernier. On peut s’interroger sur le sens de la pancarte en carton : « Dinky Toys variété et valeur » .

Il faut bien repérer les deux modèles à l’extrême gauche : une Citroën 2cv camionnette unicolore (grise) et le Berliet GLR multibenne que Robert Goirand vient juste de récupérer auprès de M. Goulon, ce dernier l’ayant lui même obtenu, lors du salon du jouet qui se tenait à l’époque à Lyon.

C’est Robert Goirand qui lui avait soufflé l’idée de récupérer le modèle car cet habile organisateur et commerçant n’était pas du tout collectionneur de Dinky Toys. Il ne gardait rien. Robert Goirand a su en profiter.

Une autre année, lors d’une autre manifestation, il avait animé un jeu pour les jeunes membres du club. A cette occasion, il avait déployé ses qualités de dessinateur. Il ne rechignait pas à la tâche.

Aussi, lorsque M. Goulon le sollicita à nouveau, il lui fit comprendre qu’il attendait un geste commercial en remerciement. C’est peut être le cliché sur lequel, lors d’une réunion du club, un enfant soulève un paquet cadeau plus gros que lui, qui lui inspira cette demande.

Actualités Meccano: un gros cadeau offert lors de la réunion du club "BB Lorrain"...combien de 2cv camionnette à l'intérieur ?
Actualités Meccano: un gros cadeau offert lors de la réunion du club « BB Lorrain »…combien de 2cv camionnette à l’intérieur ?

M. Goulon se déchargea de l’affaire et écrivit à la direction de Bobigny, pour mettre en avant les bons et loyaux services de M. Goirand au sein du club, afin que ce soit directement Meccano qui se charge de la gratification.

Et c’est ainsi que M. Rio, alors secrétaire général du club Meccano à Bobigny, envoya à Robert Goirand un exemplaire d’un modèle qui n’était pas encore sorti. On imagine toute sa fierté lors de la réunion du club lorsqu’il put exhiber auprès des membres son … AML Panhard référence 814. Cela peut faire sourire en 2020, tant ce modèle est fréquent.

Histoire de marquer le coup et de faire plaisir à un membre actif, M Rio prit un des premiers exemplaires sur la chaine. Oui, mais voilà, les antennes plastique n’avaient pas encore été réalisées.

M. Goirand reçut donc un des premiers exemplaires, mais sans le sachet avec les antennes ! L’étui avec la cale est bien là, mais pas les accessoires. Qu’importe, ce dernier n’a jamais cherché à les récupérer.

Il faut dire que ce modèle est unique. La boîte d’envoi avec le tampon de la poste » Bobigny 1962″, l’adresse de Meccano France sur l’étiquette d’envoi et surtout la petite carte « Avec les compliments de Monsieur Rio » donnent à ce modèle une dimension extraordinaire. Son histoire l’est également. J’ai beaucoup apprécié de pouvoir récupérer cette pièce historique.

M. Goirand aurait sûrement préféré avoir la Simca 1000, sortie quelque temps plus tard. Mais il faut savoir que lors de son lancement l’AML se vendait plus cher que la Simca 1000. Meccano lui avait donc fait un beau cadeau.

La Simca 1000, il la trouvera bien plus tard, à la fin des années soixante-dix, rue du Maroc dans le 19ème arrondissement. Il mettra la main, avec Jean-Michel Roulet sur deux exemplaires finis de couleur argent, la sienne avec un intérieur de couleur verte, celle de Jean-Michel Roulet avec un intérieur de couleur noire.

Bien que de couleur argent, la miniature est quand même finie au pochoir, d’une nuance différente de celle de la carrosserie.

 

 

 

 

 

 

Un costume bien trop grand

Un costume bien trop grand

Les portes se sont ouvertes. En entrant dans la salle des ventes des Chartrons, à Bordeaux, située le long de la Garonne, mon regard a tout de suite été attiré par un homme, ou plus exactement par son costume. C’était un costume clair, bien taillé qui m’a immédiatement fait comprendre que l’homme était responsable du lieu. Comme il manipulait les objets, seul, avec une grande liberté, le doute n’était pas permis. En terrain inconnu pour ma part, je m’adressai à lui, afin de savoir si je pouvais aussi avoir en main certains lots proposés à la vente.

« Oh, mais je ne fais pas partie de l’équipe de vente » me répondit-il très gentiment. « C’est le costume qui vous a trompé. Dans mon métier, le costume est imposé. Je travaille à deux pas d’ici ».

Le commissaire-priseur est alors arrivé, qu’il avait l’air de bien connaître. Celui-ci lui demanda conseil à propos de plusieurs modèles. J’ouvrais grand mes oreilles, car on parlait de l’objet qui avait motivé mon déplacement.

« Quel dommage que le collectionneur ait repeint ou amélioré tant de modèles », se lamentait le commissaire-priseur. Il indiqua qu’il allait devoir lors de la présentation affiner et modifier la description des lots. Il avait l’air surpris de cette situation compte tenu de la provenance des lots. Je sentais une certaine déception de sa part,  il avait sans doute imaginé cette collection plus intéressante. Je supposais donc que le vendeur était connu de la salle des ventes.

Un autre collectionneur est alors arrivé qui s’est joint au groupe. Avec l’homme au costume clair, il s’est mis à examiner consciencieusement certains modèles. Les deux hommes mirent alors leur savoir en commun devant le commissaire-priseur et un parterre de collectionneurs tout à l’écoute.

Avides d’apprendre, atteints par la certitude communicative des protagonistes, tous venaient chercher un cours d’authenticité sur les Dinky Toys. C’est ainsi qu’une banale Citroën 2cv pompiers neuve en boîte fut d’abord suspectée puis définitivement écartée au motif que le vernis du décalcomanie était jauni.

Certes, il y avait quelques modèles restaurés. Mais ils étaient facilement identifiables. C’est leur présence au milieu d’une très grande majorité d’objets d’origine qui a jeté le trouble chez les amateurs bordelais. Une belle Citroën traction 11BL de couleur argent fut aussi condamnée sans appel. Je ne parle même pas du véhicule pour lequel je m’étais déplacé. En fait, la grande faute du collectionneur avait été d’ajouter pour les modèles anciens une petite touche de peinture blanche, à la gouache sur les phares. Il suffisait d’un peu de patience pour nettoyer ce petit ajout. J’avoue m’être amusé de la situation.

Il y a eu une surenchère d’avis entre connaisseurs, au point qu’à un moment  j’ai cru qu’ils allaient déclarer que tout était repeint !

Quand vint le moment des enchères, la surprise dans la salle fut grande. Par le biais d’internet, des amateurs enchérissaient, assurément connaisseurs, ayant bien vu que les modèles étaient d’origine. Une personne finit par m’aborder, un peu naïvement « Alors, elles étaient bonnes ???! »

Le commissaire-priseur lui-même sembla accuser le coup quand fut adjugé le modèle pour lequel je m’étais déplacé. Peut-être avait-il compris son erreur, regrettait-il d’avoir fait confiance à des gens peu compétents. Il s’agissait d’un rarissime Ford camion ridelles bâché aux couleurs « Esso ». Robert Goirand possède un exemplaire de couleur rouge en version type 1 avec des roues à pneus. Deux personnes m’avaient averti de la présence de cet objet rare, M. Prudent et M. Vignoles. Ce dernier a retrouvé sur un forum la trace d’un autre exemplaire, gris également.

La décalcomanie provient tout simplement du camion citerne 25 D de dernière génération.

Nous pouvons formuler deux hypothèses. La première serait que Dinky Toys ait trouvé là un moyen d’épuiser le stock de  décalcomanies quand le 25 D a été retiré de la production.

La seconde serait que le 25 J classique se vendant moins bien que les versions SNCF ou Calberson, Bobigny ait vu là un moyen de donner un coup de pouce à ce produit, qui, dépourvu de publicité n’attirait pas les jeunes acheteurs. C’est désormais l’inverse, les versions 25 J sont  bien moins fréquentes que les Calberson et autres SNCF. En attendant, c’était une pièce à ne pas laisser passer.

Je profite de l’occasion pour vous présenter une autre récente acquisition des plus intéressantes. Elle figure dans le livre de Jean-Michel Roulet accompagnée d’un texte savoureux. Je vous invite à aller le lire. Il s’agit d’une présérie du Ford camion ridelles bâché « Grands Moulins de Paris ». Il est en type 1 à pneus. Il semble qu’il ne soit jamais sorti ainsi en série.

Mais le plus intéressant est sa couleur vert métallisé qui sera remplacée par le gris sur la version définitive. Comme l’explique Jean-Michel Roulet, Dinky Toys a conservé le suffixe « V » précédé de la référence 25J pour le cataloguer. Chez Dinky Toys le suffixe accolé à la référence de base sert à identifier la couleur. « V » comme vert ! En toute logique Dinky Toys aurait dû modifier son suffixe par la lettre « G » comme gris, couleur conservée en production. Il est probable que la programmation dans les brochures était déjà lancée lors du changement de couleur du véhicule sur la chaîne.(voir l’autre article consacré au Ford 25 J)

Les deux modèles sont des pièces maîtresses dans une série de camions 25.

Nos deux amateurs ont peut-être été un peu blessés dans leur amour-propre au vu des résultats des enchères. L’habit ne fait pas le moine et le costume l’expert. C’est bien là le problème. 

La multiplicité des ventes grâce à internet ne doit pas masquer le vrai problème d’expertise. Les exemples se multiplient. Ainsi lorsque je vois la publicité à la une du journal « Le Figaro » pour interenchères avec le slogan « Profitez de notre expertise pour acheter aux enchères »  je me pose des questions. Peu de salles de ventes en France, deux pas plus, possèdent des experts pour les jouets automobiles sur lesquels on peut se reposer.  La crédibilité des salles des ventes nécessite d’améliorer au plus vite cette situation, s’il  n’est pas déjà trop tard.

N’oublions pas que les frais payés par les acheteurs, en sus de l’enchère sont très importants. Le minimum est désormais  20%, mais nous sommes  très souvent à 23%, voire 28%. Ce devrait être le prix d’une expertise sérieuse.

Mea Culpa

J’ai été contacté il y a quelque temps par Claude Thibivilliers. C’est toujours un plaisir de s’entretenir avec une personne qui a travaillé chez Meccano France. M. Thibivilliers a tenu un rôle important au bureau d’étude entre 1965 et 1971. Il a un avantage par rapport aux autres personnes que j’ai eu la chance de rencontrer : c’est un passionné qui possédait à son entrée chez Meccano une culture automobile solide. Il suffit de voir ses créations personnelles dans la revue Modélisme pour le comprendre.

Portes-clefs Stradair
Essayez la gamme stradair

Pourtant, l’appel de M. Thibivilliers fut comme une douche froide pour moi. Le ton était sec, il souhaitait aborder deux sujets : la Citroën DS19 présidentielle et son cortège et le Berliet Stradair, deux modèles dont j’avais parlé dans dans les blogs 205, 206, 207 et 35.

S’agissant de la Citroën DS19 présidentielle, il contestait l’authenticité du modèle présenté dans le blog. Claude Thibivilliers possèdait encore l’exemplaire photographié dans Modélisme, et pensait qu’il n’existait qu’un seul exemplaire. Il estimait que le blog remettait en question l’authenticité de son modèle. J’ai bien relu ce texte, pour vérifier qu’il ne lui portait pas préjudice. Or, j’avais bien signalé que manifestement deux autos au moins existaient. La seule chose que je pouvais affirmer était que celle en ma possession venait de la rue du Maroc. Je n’ai jamais eu l’intention de contester l’authenticité de la DS de M. Thibivilliers.

Beaucoup plus intéressantes furent les précisions qu’il m’apporta au sujet du Berliet Stradair. J’avais écouté les commentaires de Robert Goirand et d’autres collectionneurs de la première heure et j’en avais déduit que ce Stradair benne, comme l’autobus Berliet parisien ou le Saviem porte-fer avaient été injectés en plastique pour tester le moule avant d’éventuelles corrections. Il n’en est rien. M. Thibivilliers m’a expliqué en détail le procédé de fabrication. Je lui ai offert de publier un texte qu’il écrirait sur le sujet mais il ne l’a pas souhaité. Je me propose donc de vous livrer aujourd’hui toutes les précisions qu’il m’a données.
Pour cela, il faut se pencher sur la carrière de M. Thibivilliers. Elle commence chez Gilac, au bureau d’étude. Il connaissait donc la technique de fabrication des moules destinés à injecter du plastique. Fort de cette expérience, il est parti aux USA où vivait un membre de sa famille. Il y a trouvé du travail dans une entreprise qui fabriquait des maquettes plastiques. Là-bas, il a appris à travailler le polystyrène étiré. De retour en France, il est aussitôt embauché par Meccano. La direction a été séduite par ces nouvelles techniques d’ébauche des prototypes, elle y trouvait son intérêt. En effet, cela coûtait bien moins cher de payer un salarié que de devoir retoucher les moules une fois gravés lorsqu’ils présentaient un défaut. Il faut aussi comprendre que cette époque est favorable aux modèles sophistiqués. M. Thibivilliers m’expliqua qu’il avait réalisé le Stradair benne présenté dans le blog 35 avec des feuilles de polystyrène étiré d’épaisseurs diverses et de couleur blanche, le tout avec une tolérance de 0,5 mm par rapport au plan définitif. Cette réalisation révéla un défaut de fabrication qui empêchait la benne de bien fonctionner. Il précisa que sur le bus Berliet ce fut bien pire.

Il s’agit donc d’un véritable travail d’orfèvre, et non comme je l’ai indiqué par erreur d’une injection en plastique. C’est également Claude Thibivilliers qui a réalisé la version teckel, celle du Stradair surbaissé. Un document paru dans le « Charge Utile » hors série Berliet 1967 montre des photos du camion. Sur l’une d’entre elles, mon regard a été attiré par un détail : l’adresse de l’entreprise inscrite sur les portes du véhicule. Cette dernière, spécialisée dans les transports spéciaux, était établie avenue Henri-Barbusse à Bobigny. Claude Thibivilliers à qui je rapportais cette précision se souvint qu’un collègue lui avait suggéré cette déclinaison après avoir vu ce camion tout près de chez Meccano. Le projet a tourné court. D’ailleurs, la cabine n’a même pas été modifiée alors que ces « Teckels » avaient un capot moteur bien plus court que les autres modèles. Je profite de la présentation de ce prototype pour vous montrer une autre couleur qui ne fut pas retenue par Meccano. Il existe aussi une version de couleur bleue. J’adresse tous mes remerciements à M. Thibivilliers pour ces intéressantes précisions et les rectifications qu’il m’a permis d’apporter.