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monoplaces, endurance, records de vitesse

Avec le temps, va, tout s’en va

Avec le temps, va, tout s’en va

Dans 10 ans, en 2028, qui se souviendra avec précision des fabuleuses autos de course des années soixante ? Vous allez sûrement hausser les épaules. Impossible ne pas s’en souvenir. Et pourtant. Le temps qui passe fait son oeuvre et efface petit à petit les souvenirs de nos mémoires.

Pour illustrer ces propos, m’est revenue une petite histoire. Au milieu des années soixante-dix, animé d’une louable intention, le collectionneur suisse Michel Sordet publiait une revue qui cherchait à recenser les miniatures à travers une encyclopédie trimestrielle. Les articles de la revue « Ma collection » pouvaient traiter d’un fabricants de jouets, d’une marque automobile ou d’un autre thème. Je me souviens par exemple d’un intéressant et très documenté numéro consacré aux autos américaines.

Dans un autre article, qui portait sur la firme C-I-J, l’amateur de voitures de course que j’étais avait repéré une monoplace identifiée comme Mercedes. Ce modèle correspondait à l’exemplaire que j’avais acquis au marché aux puces de Saint-Ouen, chez M. Gilles Scherpereel.

Michel Sordet est un amateur de voitures de course, et pourtant, il avait confondu la Mercedes avec la Bugatti T59/50B. Juste avant la guerre et à la libération, cette monoplace avait marqué les esprits. Pas suffisamment, cependant, car 30 ans après sa dernière victoire, le 9 septembre 1945 lors de la coupe des prisonniers , plus personne ne savait l’identifier.(voir le blog consacré à la Delahaye  145 du GP du Million)

Inca, petit fabricant français, offrira une reproduction de la Bugatti qui avait participé au Grand Prix du Million. Avec son moteur de 4,5L, son appui-tête profilé et son radiateur avant caréné cette Bugatti T59 a effectivement des airs de Mercedes.

Cela entrainera de nombreuses confusions dans les années 80 chez les collectionneurs qui attribueront à Mercedes la paternité de cette miniature.(voir le blog consacré  aux Mercedes de Grand Prix)

Il faut dire que sa silhouette symbolise à la perfection la monoplace des années d’avant-guerre.

Il existe plusieurs tailles de reproductions de cette Bugatti. Comme souvent, il y a débat pour savoir s’il s’agit d’une  contraction  du matériau dans le temps ou de l’utilisation de plusieurs moules, ces derniers ayant eu une existence assez courte.

Enfin, signalons l’existence d’un dérivé de cette Bugatti, moins fréquent, qui possède un radiateur très différent.

Un exemplaire de cette Bugatti T59/50B, grandeur nature, est présenté au musée Schlumpf. Hasard de la présentation, elle est placée juste devant une fabuleuse Mercedes W125.

Dans les compétitions d’avant-guerre, bien souvent c’est la Bugatti qui voyait l’arrière des Mercedes et des Auto Union.

Je profite de cet article pour présenter une mystérieuse monoplace française, produite aussi en plastiline.  Qui pourra nous en dire plus? Une chose est sûr, elle est rare.

 

taille XXXL

taille XXXL

Ces consonnes vous sont sûrement familières. Ce sont celles que l’on trouve sur les vêtements et qui guident le consommateur dans le choix de la taille, lui évitant de fastidieux essayages, je parle pour moi.

Taille XXXL, c’est plutôt celle qui convient aux avants d’une équipe de rugby. Une taille extrême, le « X » étant la contraction de l’adjectif « extra » et le « L » de large. Répété trois fois, cela donne une idée de la carrure du personnage. C ‘est aussi une manière de désigner ce qui est « hors du commun ».

S’il y avait une manière de qualifier la façon dont mon père a abordé la collection de miniatures automobiles au milieu des années soixante-dix, je choisirais aussi ces lettres XXXL.

A l’origine nous recherchions les voitures de compétition. Très vite nous avons étendu nos recherches aux autos de record. Là, un étonnant virage a été pris. Dans une logique qui n’apparaît pas à première vue, nous avons ajouté à nos recherches les camions citernes.

Pour ma part, j’étais depuis l’enfance fasciné par les camions. Quant à mon père ce sont les couleurs attrayantes de ces véhicules qui l’ont convaincu. Peu après, nos recherches se sont étendues à tous les véhicules publicitaires portant les logos des compagnies pétrolières et très rapidement à tous les véhicules publicitaires! A partir de ce moment, les Tekno, C-I-J, JRD et bien sûr les Dinky Toys ont fait partie de notre quotidien. Nous ne sommes venus aux automobiles routières que quelques années plus tard.

C’est un curieux parcours, qui par extension nous a entrainés dans une course vers l’infini ou presque.

Mais c’est surtout la manière, dynamique, énergique volontaire  avec laquelle mon père à abordé la collection de miniatures automobiles qui m’a marqué. Quand il élargissait le champ de ses recherches, il s’investissait à fond. Dès l’origine, il a convoité les pièces rares sans complexes, parfois avec une certaine naïveté.

Notre particularité a également été de mélanger les genres. Ainsi, nous avons abordé la collection de miniatures de compétition à travers les produits industriels classiques mais aussi les modèles artisanaux. Dans nos vitrines se sont ainsi trouvés mélangés des kits John Day, MRE et AMR et des monoplaces Dinky Toys , Solido et Crescent Toys jusqu’aux Penny toys  Fisher ou Meier du début du siècle dernier.

Et quand mon père aimait un modèle il n’hésitait pas à décliner le plus de versions possible.

De par sa position géographique près de la Suisse, la boutique Annecy Miniatures avait une clientèle pour les modèles artisanaux haut de gamme. En 1986, elle a commandé à André-Marie Ruf un modèle exclusif dont elle a assuré la distribution : il s’agissait de la fameuse Ferrari 330 P4.

Dans les années quatre-vingt, n’en déplaise à certains, André-Marie Ruf était « la référence » en matière de fabrication de kits en white metal à monter. Certes, certaines créations appellent des réserves. Tous les modèles ne respectent pas l’échelle du 1/43. Parfois, l’artisan a pris quelques libertés, privilégiant l’aspect visuel de la reproduction plutôt que la fidélité, y ajoutant une touche esthétique, comme un artiste.

La Ferrari 330 P4 est une des Ferrari mythiques. Ses formes, son allure et son palmarès y sont pour beaucoup.

Bien qu’elle n’ait pas remporté la course du siècle, les 24 Heures du Mans 1967, elle sera sacrée championne du monde des Sport-Prototypes en fin de saison.

Le triplé aux 24 heures de Daytona, sur les terres de Ford, reste le plus beau fait d’armes de cette auto.

Une autre victoire, chez elle à Monza et de nombreuses places d’honneur notamment au Mans compléteront le palmarès.

Par l’intermédiaire d’AMR, la boutique Annecy Miniatures a choisi de reproduire toutes les versions « usine »  de cette saison 1967. Comme il y avait deux carrosseries, un spider, et une berlinette, l’artisan avait l’obligation de concevoir deux moules. A modèle exceptionnel, série exceptionnelle ! On doit se féliciter aujourd’hui de l’initiative de la boutique Annecy Miniatures qui pour marquer l’événement commanda au monteur Jean-Paul Magnette, une série numérotée et montée sur plaquette.

Jean Paul Magnette était dans son domaine, le montage en petite série sur plaquette numérotée, la référence absolue.

Au lieu de choisir une des sept versions possibles en berlinette, elle fit monter les sept  versions !

Ce sont les numéros qui changent et quelques détails comme les stabilisateurs et les rétroviseurs. La version spyder quant à elle n’a pas eu l’ honneur d’un montage sur plaquette numérotée.

Jean-Paul Magnette m’expliqua un jour qu’il aimait faire des montages à la chaîne, à répétition. Cela ne le dérangeait nullement. Il aimait travailler les kits AMR, car quand il avait assemblé le premier modèle il savait exactement à quoi s’attendre pour les autres. Il pouvait aussi calculer précisément le temps de montage. Ce n’est pas le cas pour tous les kits.

Il m’a ainsi raconté que le montage de la  Maserati Birdcage de Meri kits pour  la boutique Auto Moto fut un vrai casse-tête. Les problèmes  de montage ne surgissaient jamais au même endroit d’un kit à l’autre.

A l’instar du commanditaire de cette série de Ferrari 330P4 , mon père commanda les sept versions. A l’époque, nous n’avions pas dû être nombreux à avoir passé commande de la série complète.

Il fallait vrament aimer cette auto, car, exceptée la version prêtée par l’usine à l’écurie Francorchamps, aux 24 heures du Mans qui possède une bande jaune s’élargissant sur le capot avant, elles sont toutes identiques, à quelques détails près .

Cette dernière à une histoire singulière. Lors des 1000Km de Spa, Willy Mairesse avait eu la bonne idée de détruire la Ferrari 412P de l’écurie Francorchamps en tentant de rattraper Jacky Ickx sous la pluie battante. Ferrari ayant besoin de riposter face à l’armada Ford pour la course des 24 heures du Mans, la Scuderia prêta à l’écurie belge une 330P4 d’usine.

Elle se distinguait par cette bande jaune, symbolisant  la nationalité belge de l’écurie. Willy Mairesse, toujours lui, abima l’auto en heurtant une Mirage dès le départ. L’auto fit donc toute la course avec le phare gauche enfoncé. Elle finit tout de même à la troisième place.

J’aurais aimé que Jean-Paul Magnette s’attaque aux 412P. Construites sur la base des 330 P3, elles étaient esthétiquement identiques aux 330 P4 mais n’en possédaient pas les innovations techniques (injection notamment). Elles sont toutes plus attrayantes les unes que les autres. Jean-Paul Magnette déclina la proposition de réaliser une série.

C’est donc à la marque Feeling 43 que j’ai passé commande d’une 412P aux couleurs Maranello Concessionnaires ainsi que d’une 330P4 spyder, celle qui gagna les 24 heures de Daytona.

Nous avons toujours été éclectiques dans notre collection. Ainsi, je n’ai pu résister à passer commande au même Jean Paul Magnette de quelques très belles Ferrari 512S dans des versions vues au Mans. C’est avec un même plaisir que nous apprécions une production en plomb d’avant-guerre ou une AMR sur plaquette.

 

 

 

Numéros dans le désordre

Numéros dans le désordre

Le rituel est incontournable.

Comme les Grecs qui consultaient les oracles avant de partir en voyage, avant de me lancer dans l’étude d’un modèle de la game Solido j’ai besoin d’ouvrir le livre de Bertrand Azéma. A chacun sa méthode.

Au risque parfois de lasser le lecteur, ce dernier a choisi de privilégier la description des variantes de moules. Les subtilités sont souvent difficiles à transposer visuellement.

Pour ma part je préfère mettre en avant les variantes de couleurs, de jantes, ou de carrosseries au détriment des variantes de châssis, de fixations, de suspensions ou de vitrages.

Il est tout de même réconfortant de pouvoir s’appuyer sur le travail de Bertrand Azéma. La base est solide et la chronologie de fabrication rarement mise en défaut. Ce dut être un travail assez ingrat que de répertorier tout cela.

Pour chaque modèle de la série 100 Bertrand Azéma fait une rapide introduction. J’aime relire ces quelques lignes, souvent attendues, parfois déconcertantes.

Pour notre modèle du jour, la « Porsche GT », qui porte la référence 138, introduite au catalogue en 1964, Bertrand Azéma a voulu replacer l’auto dans son contexte historique.

De manière confuse, il indique que Solido a choisi de représenter la voiture qui a participé aux 24 heures du Mans, et oublie de préciser l’année. Il raconte comment Ferrari a dominé la course et comment une Cobra s’est glissée au milieu des autos italiennes au classement général. Quant à la Porsche, objet de l’étude, elle a, dit-il, vaillamment combattu. ll nous explique enfin que le numéro 30 choisi par Solido correspond à une autre Porsche « GT » qui a abandonné à la 9ème heure. Il conclut sur le fait que la firme d’Oulins sera bientôt plus rigoureuse dans le choix des décorations.

Grâce à la description du palmarès, il m’a été assez facile de retrouver le millésime des 24 heures du Mans dont parle Bertrand Azéma. C’est l’année 1963.

Je me suis plongé dans l’excellent et très complet ouvrage de Dominique Pascal « Porsche au Mans » sorti en 1983 afin de visualiser les propos de Bertrand Azéma. Et là, les surprises ont commencé. Bertrand Azéma s’est emmêlé les pinceaux.

En 1963, la Porsche qui porte le numéro 30 est une 2000GS engagée en catégorie GT. Elle n’a rien à voir avec la miniature reproduite par Solido.

Cette dernière correspond plutôt à l’auto qui porte cette année-là le numéro 27. D’après Dominique Pascal elle répond au patronyme de « 718/8 ». Elle est animée par un 8 cylindres et concourt dans la catégorie « sport » et non « GT ».

Elle possède deux imposantes prises d’air sur les custodes et un becquet arrière. Or la miniature reproduite par Solido est dépourvue de ces appendices. Etrange. Bertrand Azéma se serait-il trompé de millésime de course ? Ma curiosité naturelle m’a fait remonter le temps.

Grace au numéro de châssis répertorié par Dominique Pascal (718_046) j’ai retrouvé cette auto deux ans auparavant, toujours aux 24 heures du Mans, mais en 1961. Elle portait alors comme patronyme RS61.

C’est en fait le même châssis (718_046) qui servira de base commune au modèle RS61 et 718/8. Elles ne font qu’une. Et quel numéro de course arborait-elle en 1961 ? le 30, comme notre Solido.

On constate enfin que la Porsche RS 61 de 1961 possède des custodes lisses. Solido l’a donc globalement bien reproduite. Toutefois, on aperçoit une grille recouvrant une ouverture pratiquée sur ces custodes. Si l’on veut être puriste, Solido a donc  bien traité l’avant de l’auto, mais la partie arrière  laisse  grandement à désirer.

Le pauvre moteur 4 cylindres devait avoir bien du mal à respirer dans la version Solido. En 1963, il sera remplacé par un 8 cylindres , comme l’a indiqué Solido sur le châssis de l’auto.  Les deux imposantes grilles, typiques des Porsche de compétition ont été purement et simplement oubliées.

Notre numéro 30 , avec Bonnier et Gurney renoncera à la 23ème heure, sur panne moteur (vilebrequin , nous précise Dominique Pascal) après une très belle course.

Les Porsche du début des années 60 sont peu connues. Les résultats en dents de scie  durant le début de cette décennie, se sont opposés à ce qu’elles entrent dans l’histoire comme les 550 ,ou plus tard les 904 et les 906. Il faut bien dire que durant cette période, la firme de Stuttgart végétera en endurance, sans doute en raison du lancement d’ambitieux programmes. A cette époque Porsche est en effet engagée en monoplace et en endurance. D’ailleurs, elle installe dans notre RS 61 le moteur 8 cylindres conçu pour la formule 1.

L’entreprise a du mal à gérer les deux programmes.(voir les blogs consacrés aux monoplaces Porsche). Il est intéressant de constater que la firme allemande montera en puissance en endurance, quand elle aura définitivement abandonné son coûteux programme en monoplace.

Solido a donc reproduit la bonne voiture avec le bon numéro, contrairement à ce que laisse croire Bertrand Azéma.

Durant sa très longue carrière en France, le modèle ne connaitra que deux couleurs.

Et encore, le modèle de couleur vert très pale ne fera qu’une apparition éphémère. La voiture a mis trois ans à sortir et dès son apparition elle a un côté obsolète.

Notre « RS61 » poursuivra son bonhomme de chemin. Elle connaitra , plusieurs variantes de jantes : acier concave, puis logiquement, zamac moulé de type « standard » et enfin les jantes empruntées à l’Alpine A310.

Elle connaît en parallèle toutes les variantes de boîtage.

L’ultime version française en étui transparent est rare.

Elle est décorée au départ d’une bande aux couleurs allemandes et du numéro 30. La bande perdra ensuite la couleur jaune. On retrouve également une version équipée de la décalcomanie vu sur les monoplaces Porsche avec le numéro 3. Ensuite, le modèle portera  juste un numéro de course sur fond blanc, puis sur fond transparent. En fait on constate que Solido a géré au mieux la disponibilité de ces fameuses décalcomanies avec bandes. Si l’on suit la chronologie des variantes de jantes on s’aperçoit que lorsque il y avait une rupture de  stock, Solido se contentait d’apposer un numéro de course.

On a l’impression que cette auto a servi de marqueur aux collectionneurs, comme pour mieux montrer le temps qui passe. Lorsqu’enfant j’avais reçu cette auto en cadeau. J’avais eu l’impression que l’on m’offrait une antiquité.

Et Delahaye s’attaqua à la compétition.

Et Delahaye s’attaqua à la compétition.

Comme la 135 est une auto  bien plus sportive que celles produites précédemment, il faut trouver un vecteur publicitaire qui lui corresponde .

La marque s’est-elle souvenu de ses débuts, lorsqu’elle participait aux compétitions automobiles pour se faire connaître du grand public ou s’est-elle laissé influencer par la conquête des records de vitesse très en vogue dans les années trente ?

Une chose est sûre, Delahaye va se donner une nouvelle image à travers la compétition automobile et les records de vitesse.

La firme de la rue du Banquier investit donc dans la construction d’une auto de record, comme le font notamment depuis 1933 Yacco pour Citroën et Peugeot, Renault et Hotchkiss.

En cette année 1934 c’est Renault qui le premier tente sa chance. L’entreprise engage une Nervasport de 28cv carrossée par Riffard, ingénieur issu de l’aéronautique. La voiture bat le record du monde des 48 heures en couvrant 8037,341 km à la moyenne de 167,455km/h. La tentative victorieuse s’est effectuée du 3 au 5 avril 1934. Sur sa lancée le prototype de Boulogne-Billancourt bat également le record des 4000 miles puis des 5000 miles.

Un peu plus d’un mois après, le 8 mai 1934, Delahaye lance à son tour sur la piste de Monthléry une 135 très spéciale. Le record des 48 heures est battu. C’est l’ouvrage de François Jolly « Delahaye sport et prestige » sur les Delahaye 135 aux éditions Jacques Grancher qui m’a servi de support pour cet article.

François Jolly explique comment toute l’équipe s’est mise à fêter l’événement sur place, jusqu’à ce qu’un membre de cette équipe s’interroge : « Pourquoi ne pas continuer ? » L’auto reprit donc la piste et malgré les deux heures perdues dans la petite réception, elle réussit à battre les records que la Renault venait de s’approprier sur les distances plus longues.

Cette petite mise en scène avec les journalistes est à mettre en parallèle avec celle qui s’est déroulée avec la Citroën Rosalie de record. Nous étions en 1933, André Citroën était venu à Montléry féliciter l’équipe pour les records battus. C’est lui qui le premier lança lors de la réception célébrant ces records l’idée de repartir à l’assaut d’autres records.

On reconnaît bien là tout le génie de Citroën capable de s’approprier un record dont il n’était même pas à l’origine. En effet c’est Yacco qui avait acheté l’auto sur ses fonds propres et l’avait préparée pour l’épreuve.

Quand Citroën comprit comment le public s’intéressait à l’aventure, il intervint. Il reprit à son compte ces records, se mettant en première ligne et proposant même un million de francs (qu’il ne devait pas avoir d’ailleurs) à tout constructeur qui serait capable de battre le record avant la fin de l’année. Au jour de la proposition, il ne restait d’ailleurs plus que six mois, dont les mois d’automne et d’hiver. Or, pour une auto qui tourne 24 heures sur 24, les conditions sont moins favorable qu’au printemps. A moins d’avoir une auto déjà prête, il était impossible pour un constructeur de relever le défi.

Dinky Toys a immortalisé une de ces voitures de record sous la référence 23B. Comme le souligne Jean-Michel Roulet, Dinky Toys a surtout cherché à reproduire une de ces autos qui battaient des records d’endurance à Monthléry et qui étaient fort populaires à cette époque. Les formes étudiées par des aérodynamiciens sont fluides, similaires aux fuselages des avions, mais sans les ailes. Ces carrosseries devaient intriguer et faire rêver les enfants. Si Jean-Michel Roulet a vu dans cette miniature une Renault, reprenant en cela l’identification de M. Greilsamer ou de M. Rampini, pour ma part, je penche très nettement pour notre Delahaye décrite plus haut. En effet, la Renault était habillée d’une carrosserie bénéficiant d’un profilage horizontal derrière le poste de pilotage.

La C-I-J en donnera d’ailleurs une excellente réplique. Au contraire la carrosserie profilée de la Delahaye descend en pente douce derrière le poste de conduite. Je pense donc que Dinky Toys a pris pour modèle une Delahaye, même si on ne peut nier qu’il s’agit d’un jouet et non d’une reproduction fidèle, comme avait pu le faire C-I-J avec la Renault Nervasport.
C’est peu dire que les versions produites par Dinky Toys avant guerre sont rares.

La version la plus répandue est celle d’après-guerre, de couleur rouge et argent. Ces exemplaires sont exempts de problèmes de metal fatigue.

La version en plomb ci- dessus d’origine française est assez énigmatique. On ne connaît pas son fabricant. Mais là aussi, la Delahaye est identifiable. Elle est fabriquée de manière assez grossière, artisanale.

Enfin, on ne peut passer sous silence un drôle d’oiseau. La ressemblance avec la vraie Delahaye de record est lointaine.  Il s’agit plutôt d’un habile carrossage d’une Delahaye 135 sport, homologuée dans la catégorie sport par l’ACF. Ces autos pouvaient concourir dans les épreuves de Grand Prix homologué ACF mais aussi aux 24 heures du Mans. C’est pourquoi elle est équipée de phares. Pour cette épreuve, elle devait également être équipée d’ailes. Elle remportera l’épreuve en 1938.

Pour l’occasion, JRD ou la firme qui fabriquait pour cette dernière les modèles en plastiline a équipé la monoplace Delahaye 135 qu’elle venait de produire, d’un poste de pilotage caréné et d’un empennage fantaisiste. On peut y voir une Delahaye 135 avec un arrière de Nervasport. C’est bien sûr une auto imaginaire qui n’a de Delahaye que la calandre.  Je l’ai placée dans cet article, afin d’être le plus complet possible. Elle est d’une grande rareté.

Une auto qui déménage

Une auto qui déménage

« Hi Vincent! come to see me. I have wonderful Tootsietoys’ private labels trucks! » C’est ainsi que m’interpella Steve Butler, l’accent américain en plus, lors de la dernière édition de la convention d’Allentown en Pennsylvanie.

Quinze ans auparavant, visitant sa collection j’avais pu admirer ces Mack Tootsietoys publicitaires.

« Private labels » c’est ainsi que les américains qualifient les modèles promotionnels. Entre-temps, je n’étais pas resté inactif et j’avais pu profiter de modèles mis en vente pour enrichir ma collection. Ainsi, devant l’étal de Steve, un seul modèle a retenu mon attention car j’avais déjà trouvé moyen d’acquérir les autres.

Il s’agissait d’un Mack « B » tracteur semi-remorque citerne « Union Carbide » de couleur argent. Pour être franc, lors de mon tout premier voyage outre-Atlantique, il y a fort longtemps , j’en avais déniché un, mais il était en état très moyen. Je ne l’avais pas conservé. Par contre je me souviens qu’à l’époque il ne figurait pas dans les ouvrages consacrés à ces modèles, mais sa finition ne laissait aucun doute sur son authenticité. Depuis ce temps lointain, c’était la première fois que l’occasion d’en acquérir un autre se présentait.

A côté trônait un « simple »International tracteur semi remorque de déménagement aux couleurs de « Dean Van Lines ».

« Et celui-là, tu l’as ? » me demanda-t-il. A sa manière de poser la question j’ai compris qu’il devait posséder une particularité. Je pratique Steve Butler depuis longtemps, et ce dernier sait se mettre au diapason de son interlocuteur. En regardant de plus près j’ai compris.

La boîte ! Une boîte promotionnelle ! Je n’avais jamais vu cette dernière. On sait que la firme de Chicago ne s’embarrassait pas de fioritures quand elle proposait des jouets. Un cent était un cent. Le camion était vendu sous bulle thermoformée, peu onéreuse et sans aucun attrait pour le collectionneur. De plus, le camion doit être laissé tel quel, car avec le temps une réaction fait que la peinture adhère à la bulle et s’arrache en cas d’ouverture..

Ce camion finira sa longue carrière au Mexique chez Tutsietoys. C’était avant l’heure une manière de délocaliser dans des pays où la main-d’œuvre était bon marché.

 

Un superbe étui décoré à usage promotionnel a été créé avec un GMC dessiné à la place de l’International fabriqué par Tootsietoys. Un détail ! Il est bien possible que Dean Van Lines ait commandé lui-même les étuis en fournissant à l’illustrateur des photos de sa flotte équipée de GMC.

 

Une fois acquis ce bel objet, j’ai pensé à un autre modèle, dont le seul lien avec le camion du jour est le nom de la compagnie de transport. « Dean Van Lines ». C’est une rareté. Il s’agit d’une Kuzma-Offenhauser.

Cela ne vous dit rien ? Normal. Cette auto a couru sous le nom de son commanditaire « Dean Van Lines » cette même entreprise de déménagement.

Je n’ai pas réussi à trouver plus d’informations sur cette relation. Cependant il semble que cette entreprise de déménagement avait trouvé dans la compétition automobile un vecteur publicitaire intéressant. La publicité devait être réservée aux acteurs du monde automobile, fournisseurs et accessoiristes: elle a contourné le problème en engageant des autos sous son nom commercial. Cette pratique m’a semblé innovante et pour le moins  ingénieuse.

Cette auto est assez connue en Europe. Elle a en effet remporté une éphémère épreuve, à Monza, disputée sous le nom de « course des deux mondes ». Cette épreuve opposait des autos disputant aux Etats-Unis les 500 miles d’Indianapolis et les monoplaces engagées dans le championnat du monde de formule 1.

Monza disposant d’un anneau de vitesse, cela rendait possible cette confrontation faisant honneur à la vitesse. En 1957 c’est Jimmy Bryan au volant de la « Dean Van Lines Spécial » qui remporta l’épreuve. Il remporta aussi, sur une auto similaire les 500 miles d’Indianapolis, en 1958.

Cette reproduction en miniature est une rareté. A l’époque l’ auto fit la une des actualités de sport automobile. Pourtant, un seul fabricant l’a inscrit à son catalogue. La défaite infligée par cette auto américaine, n’a pas suscité l’ardeur des fabricants de jouets européens qui ne voyaient pas d’intérêt à la reproduire.

Elle a pourtant intéressé un fabricant italien, E.G.M, de Milan, qui a dû y voir un moyen de se distinguer par rapport à la concurrence. La proximité du circuit de Monza où se déroulait l’épreuve n’est peut- être pas un hasard dans ce choix. J’ai eu la chance de me procurer cet  exemplaire dans une manifestation en Suisse, perdu sur une table. J’en étais tout étonné moi-même, ne la connaissant qu’à travers la photo dans le livre de Paolo Rampini page 396. Je n’en ai  revu  qu’une autre, que j’ai cédée à monsieur Dufour.

Quel étrange lien tout de même, entre ce camion de déménagement et cette monoplace au passé glorieux. Le slogan publicitaire aurait pu être « une auto qui déménage »