Archives de catégorie : camions

Gulliver, le faux ami anglais

Gulliver, le faux ami anglais

 

Récemment une très ancienne collection continentale s’est trouvée dispersée en Grande-Bretagne. On sait combien les Anglais sont connaisseurs, et lorsque ils réalisent des catalogues de vente, ils n’hésitent pas à demander conseil afin d’établir un outil de qualité permettant aux acheteurs de se faire une idée précise des objets proposés.

Ainsi, plus d’une fois, j’ai été contacté par des salles de vente anglaises afin de donner mon avis de collectionneur sur des produits français. Nos amis anglais sont généralement compétents pour leurs produits « made in England ».

La lecture du catalogue de cette vente m’a réservé une belle surprise. Du fait de son origine, cette collection contenait bien évidement des véhicules issus de chez AR, CD, JRD, Gasquy,  et Märklin. Pourtant, le responsable de l’édition du catalogue avait choisi de commencer la vente par les productions britanniques. C’est un choix comme un autre. C’est donc Dinky Toys Liverpool qui ouvrait le bal. Il est déjà intéressant de constater que cette firme emporte toujours l’adhésion, bien qu’il y ait de plus en plus d’amateurs pour les Corgi Toys et les Spot-On.  Il y eut une première petite entorse à la logique géographique qui semblait guider le concepteur du catalogue.

Après les productions de Binns Road vinrent celles de Bobigny, ce qui tend à prouver que pour bon nombre d’Anglais, les productions Dinky Toys qu’elles soient produites en France ou en Angleterre sont avant tout  des Dinky Toys et donc anglaises.

Le catalogue revenait ensuite aux Taylor and Barrett, Minic, Spot-On et Corgi Toys, toutes marques britanniques.  Un petit chapitre que l’on pourrait résumer par « marques diverses ayant pour origine le Royaume- Uni »  clôturait  cette première partie. On y trouvait des Morestone, des BudgieToys  …et  un Gulliver !

La photo d’un splendide car Berliet PCK7D ne laissait aucun doute. C’était bien notre Gulliver national que s’était approprié le responsable de cette salle des ventes.

A  ma connaissance, Berliet n’a jamais exporté ce type de véhicule en Grande-Bretagne, et on ne comprend pas comment un fabricant de jouets anglais aurait pu jeter son dévolu sur ce beau Berliet, d’autant que le pays regorgeait de constructeurs de cars.

La confusion ne peut s’expliquer que d’une manière. Elle vient du roman satirique « les voyages de Gulliver » écrit en 1721 par l’Irlandais Jonathan Swift.

En faisant des recherches, j’ai appris que l’auteur avait écrit ce livre après avoir été ruiné dans la spéculation d’actions « compagnie des mers du sud ». Il transposait ainsi cette idée d’accroissement et de diminution des gains à celle de la taille de ces personnages et en profitait pour régler ses comptes avec à la société. Imprégné par ses lectures enfantines, le concepteur du catalogue a intuitivement pensé que seule une firme anglaise pouvait s’appeler Gulliver.

Sans aucune rancune mais avec une grande satisfaction, j’ai acquis ce beau car, afin de le ramener dans son pays d’origine.

Gulliver a produit des versions chromées, des versions unicolores et bicolores. Les vitres sont soulignées à la peinture. Il faut ajouter à ces variantes le fait qu’elles sont ou non équipées d’un système de remontage par clef. Les versions équipées de ce système sont perforées sur le flanc gauche. Les jantes sont en buis, peintes de couleur argent.

Il s’agit pour moi d’un des plus beaux jouets français.  Je reviendrai sur cette marque la semaine prochaine. (voir l’article sur le Berliet bâché de chez Gulliver)

Après-guerre, Aludo se débrouille…

Après-guerre, Aludo se débrouille…

Il est bien difficile de parler de l’industrie du jouet dans un contexte de conflit armé. Cela paraît futile au regard de la préoccupation principale : survivre. Il est pourtant évident que le conflit de 1940 a entrainé de grands bouleversements dans ce domaine.

Une fois la paix revenue, la France a dû se reconstruire. Le secteur économique du jouet n’était pas, fort justement, la priorité.

Pourtant, lorsqu’on se penche sur les témoignages des gens qui ont vécu cette période de l’après-guerre, on comprend à quel point la population  avait envie de tourner la page. Ainsi, en 1945, la première compétition automobile d’après guerre, la bien nommée « Coupe des prisonniers », attira un public fort nombreux dans le bois de Boulogne.

Dans le contexte de la reconstruction, dans le souhait d’un avenir plus heureux,  les petits fabricants de jouets d’avant-guerre, ceux qui avaient réussi à passer le conflit, sont repartis à l’assaut de leur clientèle avec des produits nouveaux.

C’est dans l’actualité qu’ils puisèrent leur inspiration. Le matériel américain associé à la libération était incontournable.  Le modèle le plus reproduit fut la Jeep Willys (voir l’article sur la Jeep Willys). Le GMC et le Dodge  tentèrent FJ. Les blindés à valeur hautement symbolique ne furent pas oubliés. Je vous présente un joli coffret symbolisant la libération, éphémère et d’une grande rareté. Il est réalisé en composition, avec les moyens du bord par DC.

L’euphorie de la libération passée, les gens ont voulu  oublier les temps difficiles symbolisés par les engins militaires, et la demande de la clientèle a évolué vers des jouets civils.

Aludo se distingua en proposant un superbe et inédit camion Chevrolet 3T. Il est injecté en aluminium, comme les soldats que proposait cette firme. Il faut juste revenir un peu en arrière et préciser qu’Aludo est le prolongement de DC,  ce même DC ayant succédé à CD. A l’origine de CD se trouve Charles Dommage qui enchanta les enfants, puis les collectionneurs.

Aludo (zamac) Peugeot 802
Aludo (zamac) Peugeot 802

Après la guerre, Aludo reprit une partie des autos produites par DC, dont la fameuse Peugeot 802 Andreau,  mais aussi le camion Panhard tracteur semi- remorque porte-autos. (voir l’article sur les Peugeot 802). Pour relancer la production après la guerre, Aludo a puisé dans les moules d’avant-guerre disponibles. Les  fabrications d’après- guerre sont très fragiles. Il fallait composer avec les matériaux disponibles. Notre camion Chevrolet 3T est en aluminium. Pas de soucis de conservation pour ce camion, l’aluminium est résistant dans le temps. C’est pourtant une grande rareté. Cela tient au fait que sa production fut très courte pour des raisons qui demeurent inconnues.

Il est reproduit à une échelle similaire au 1/50. Une partie des exemplaires portent une décalcomanie « Aludo » sur le plat de la ridelle arrière, comme la plupart des productions de ce fabricant qui portent le logo de la marque.

C’est à ce détail que je dois l’acquisition de mon premier exemplaire. Il y a de nombreuses années, dans un catalogue de vente aux enchères aux Etats-Unis,  j’ai repéré un lot composé d’une dizaine de camions.

La photo était assez médiocre, et l’on ne pouvait se rendre compte si le modèle était en peinture d’origine ou non. Par contre, un détail m’a fait comprendre que le camion était d’origine. Un texte accompagnait la photo et décrivait sommairement le lot. Parmi les différents noms de fabricants figurait « Aludo ». Il me semblait impossible que la personne ayant rédigé le catalogue ait connaissance  du nom du fabricant de ce rare véhicule. Il l’avait eu en main et  le seul élément qui permettait de l’identifier était la présence de cette décalcomanie sur la ridelle arrière. Une fois le lot acquis, l’ouverture du colis a confirmé mon analyse.

Ce fut une de mes plus belles acquisitions dans ces conditions de réflexion. Quelques années plus tard, j’ai acquis un second exemplaire, toujours aux Etats-Unis. Il n’a pourtant jamais été vendu là-bas mais des collectionneurs américains avaient dû en acquérir en France dans les années cinquante

Pour le plaisir des yeux et du partage de l’information j’ai rajouté, un charmant petit camion pinardier. Il porte également sa décalcomanie « Aludo ». Ce modèle a été repris en celluloïd…à moins que se ne soit l’inverse. Il est toujours bien difficile de savoir cela  avec certitude.

La conscience du travail bien fait.

La conscience du travail bien fait.

« Non, non, ils sont en polyéthylène . Le nylon, c’était bien trop cher. Ca coûtait environ six fois plus. Nous nous en servions pour les engrenages des locomotives. De plus cette matière avait une propriété intéressante, elle était auto-lubrifiante.» Voilà de quelle manière m’a repris un ancien employé du bureau d’étude de chez Meccano. Nous parlions des pneus apparus au milieu des années soixante avec les jantes en aluminium et qui portent la gravure « Dunlop ». Comme tous les collectionneurs je les pensais injectés en nylon.

Dinky Toys Berliet GBO benne
Dinky Toys Berliet GBO benne

Mon interlocuteur a travaillé au bureau d’étude de l’entreprise Meccano depuis les années soixante jusqu’à la dissolution au milieu des années quatre-vingt.
Pour un collectionneur de miniatures, rien n’est aussi passionnant qu’une rencontre avec un ancien membre du bureau d’étude d’une entreprise de jouets.

Bien évidemment, le regard que porte le collectionneur sur sa marque préférée est différent de celui porté par un ancien salarié. Mais ce dernier finit toujours par comprendre l’intérêt que vous lui portez et apprécie que son histoire professionnelle soit une source d’émerveillement.

Les souvenirs remontent à la surface ; les souvenirs et les noms des collègues perdus de vue depuis longtemps. Comme j’ai eu la chance d’en croiser un certain nombre, il m’arrive de suggérer un nom. Parfois, cela fait mouche, le regard du narrateur s’anime et l’histoire repart.

Nous sommes devant des plans originaux. Mon interlocuteur me raconte comment les modèles sont réalisés. C’est le travail en amont du plan qui retient toute mon attention. Lorsque la direction avait opté pour un projet, un long travail de recherche et de documentation commençait.

Mieux, des membres du personnel allaient étudier le véhicule in situ. Ainsi mon homme me conte comment, un matin d’hiver bien froid, la direction l’avait envoyé avec un collègue dans une casse automobile au Bourget, afin de photographier un GMC bâché militaire et d’en relever les cotes. Plus tard, il sera également envoyé à Tours, chez Pinder, également en plein hiver, pour cause d’hivernage du cirque. Ce jour là, l’épouse du directeur marketing, que l’expédition tentait car une partie des animaux était également là, l’avait accompagné.

 

On comprend alors que la qualité d’exécution, de gravure, de détail des Dinky Toys France n’est pas due au hasard. Il y a en amont un travail fantastique pour réaliser des plans riches en détails. Je me souviens très bien que M. Malherbe s’était fait retoquer le plan de son moteur Matra de formule 1 jugé trop complexe. Quand on voit la version retenue, on n’ose imaginer jusqu’où était allé ce dernier.
L’autre point qui a retenu mon attention c’est la préoccupation d’exactitude. Ainsi, on peut dire que quasiment tous  les modèles réalisés par Dinky Toys trouvent leur source dans la réalité. Rien n’est dû à l’imagination d’un prototypiste, ce qui est rare chez les fabricants de jouets.

Ainsi, le Berliet GBO benne carrière a bel et bien existé avec cet équipement. J’ai pu dernièrement voir une photo du vrai véhicule. Destiné au désert, il était fort peu répandu sur le territoire. Tout est fidèlement reproduit.

La firme Quiralu n’a visiblement pas été animée du même souci d’exactitude. Ayant comme Dinky Toys un Berliet GBO à son catalogue, elle cherchait elle aussi à amortir son outillage. Le choix se porta sur une tribenne Marrel.

Je doute que ce modèle ait existé. On peut d’ailleurs relever que ce type d’équipement sur un châssis GBO est impossible. Il faut donc prendre ce modèle pour ce qu’il est, un jouet. Il est connu en trois déclinaisons de couleurs.

 

S’agissant du modèle Dinky Toys, une seule variante de jantes est répertoriée. La benne réalisée en plastique a pu décontenancer. Certes, en zamac elle aurait eu plus de cachet mais c’est l’époque qui  voulait cela, ainsi que la nécessité de réduire les coûts de production. Pourtant, j’avoue que j’aime bien ce camion.
Mon interlocuteur m’a également expliqué comment Liverpool cherchait encore à récupérer des modèles français au milieu des années soixante. Le bureau d’étude parisien freinait les ardeurs de Liverpool et mettait une certaine mauvaise volonté à s’exécuter. Notre homme n’hésita à me confier que ses collègues anglais ne lui semblaient pas être au même niveau. Il est vrai que la gamme de Liverpool, surtout après 1960, est assez chaotique. Effectivement, les graveurs semblent moins performants que leurs homologues français.

Terminons en soulignant que mon interlocuteur avait une grande admiration pour Solido. Lui sont revenus les mots que le graveur, amateur de voitures de sport, lançait fréquemment : « Arrêtez avec vos berlines familiales, place aux coupés sportifs !  » Meccano France aurait sans doute été avisé de corriger le tir dès le début des années soixante soixante. (voir l’article sur le Berliet GBO saharien)

 

 

La conquête du Sahara français

La conquête du Sahara français

La recherche et la découverte de nouveaux champs pétrolifères dans le Sahara ont eu des répercussions jusque dans nos vitrines d’amateurs de miniatures automobiles. On peut dire qu’il y eut à partir de 1957 un phénomène « Sahara » en France. Les magazines pour les jeunes, comme « Tintin » ou « Meccano magazine », mais aussi les grands quotidiens et même le cinéma vont s’y intéresser. Henri Verneuil tournera « 100 000 dollars au soleil » avec une impressionnante brochette d’acteurs et de superbes camions Berliet.

Toute la France a les yeux tournés vers le Sahara et les fabricants de miniatures français ne vont pas rester inactifs. Ils vont rapidement chercher à satisfaire cet engouement. Le Sahara a de quoi fasciner, les engins utilisés ont de quoi exciter la curiosité.
En 1952, quelques géologues français font preuve d’audace. Le démarrage est difficile, on trouve quelques gisements de gaz sec.

En 1956, le champ géant d’Hassi Messaoud est mis au jour. Cela vaudra la visite du Général de Gaulle. Toute l’industrie française va bénéficier de ces découvertes, et en premier lieu celle qui nous intéresse, l’industrie du matériel de transport.

L’exploitation des champs pétrolifères nécessite toute une logistique : matériel de forage bien sûr, mais aussi matériel de survie. Faire travailler des hommes et des femmes en plein désert nécessite un approvisionnement en eau potable et en nourriture. Enfin, il faut acheminer le pétrole vers les raffineries et les ports. Ces contraintes hors du commun font naître des véhicules hors normes. Si les principaux puits sont balisés par des pistes, la poursuite de la recherche conduit à s’aventurer hors des pistes. Les constructeurs de poids lourds, Berliet en tête, vont vite comprendre la nécessité d’avoir des véhicules toutes roues motrices. Les 6×4 ne sont pas suffisants. Il faut des 6X6. Une firme bénéficie de l’expérience américaine des forages pétroliers et brille dans cet exercice. Il s’agit de Kenworth qui se taille la part du lion. Dans cette période euphorique, que l’on dénommera plus tard les trente glorieuses, notre industrie du poids lourd n’a peur de rien. Tous les fabricants s’intéressent à ce marché pourtant bien étroit. Berliet, Unic, Willème notamment proposent des engins conçus spécifiquement pour l’usage saharien.

Cet engouement a des répercussions jusque dans l’industrie du jouet français, où nos fabricants, à l’instar des constructeurs de camions se livrent une farouche compétition pour un marché lui aussi assez étroit. Incontestablement nos fabricants pensent avoir trouvé un filon. Pourtant il faudra un peu déchanter.

Encore une fois, une des plus belles réalisations est l’œuvre de Dinky Toys France. Son Berliet GBO 15P 6×6 est une réussite. Son gabarit hors norme et son équipement permettent d’atteler au même titre qu’un tracteur, de longues remorques pour charger des éléments de derrick, des tonnes à eau, des containers frigorifiques voire des engins de terrassement et parfois même les deux.

Comme l’explique Jean-Michel Roulet dans son ouvrage, Dinky Toys avait prévu de réaliser une remorque : la miniature est en effet équipée de la traditionnelle lame d’acier brevetée « Meccano » permettant d’en atteler une. Mais cette dernière n’arrivera jamais. A la fin de la production, sachant que le projet de la remorque n’aboutirait pas, Meccano a purement et simplement supprimé la lame d’acier. Il n’y pas de petites économies. Comme on aurait aimé voir au moins le dessin du projet de Dinky Toys.
Ce camion Berliet GBO a obligé Dinky Toys à créer une jante et un pneu spécifiques qui resserviront sur quelques camions reproduits au 1/43 comme le Saviem porte-fer ou l’Unic Esterel. Signalons que le Berliet GBO Dinky Toys est reproduit à une échelle intermédiaire : il est au 1/55 selon les calculs de François Laurent.  Pour mémoire signalons que les camions Berliet GLR sont au 1/50 chez Dinky Toys. La couleur des jantes évoluera dans le temps en s’éclaircissant. Le crochet sera en plastique sur les derniers exemplaires.

Enfin, une version promotionnelle a vu le jour pour la société « Languedocienne ». Cette dernière était chargée d’équiper en plateau dit « oil field body » avec chèvre, des châssis nus de camions destinés à la recherche pétrolière. Cette version est, je pense, de code 1, au vu de la qualité de la décalcomanie, similaire à celles vues à la même époque sur les autres modèles Dinky Toys. Dans les années 90, un faussaire a fabriqué des décalcomanies similaires et les a appliquées sur des versions du commerce.

Les modèles falsifiés sont repérables en raison de la transparence de la décalcomanie et de la couleur des lettres, plus claire. Enfin, la croix sur la porte est différente.

Ce Berliet GBO est le second modèle de la gamme Sahara. Il suit l’Unic semi-remorque porte-tubes qui n’avait pas nécessité un gros investissement de Meccano. Le camion et la remorque existaient déjà, Dinky Toys créera juste la galerie et le support de roue de secours. Dans la réalité, le transport de pipeline était réservé à des tracteurs et des remorques bien plus imposants.

Le succès n’a pas été au rendez-vous. C’est sûrement la raison pour laquelle la remorque prévue n’a jamais vu le jour. Dinky Toys réutilisera une partie du moule de son Berliet GBO, afin de mieux l’amortir, mais c’est est une autre histoire que nous verrons prochainement.

Un GBO de rêve en plein désert

Un GBO de rêve en plein désert

J’ai parcouru le désert très jeune. C’est un paysage qui exerçait sur moi une forme de fascination mêlée de  peur. Cet horizon que rien ne venait barrer, ce paysage monotone à l’infini me  déconcertait.

Comme beaucoup d’entre vous, le désert, je l’ai découvert  en lisant les aventures de Tintin. J’ai compris plus tard, en m’intéressant au style d’Hergé et à sa fameuse « ligne claire » que le désert était  un univers adapté au  style de l’artiste.

La « ligne claire » dont le nom a été trouvé tardivement, consiste à souligner d’un trait noir  régulier chaque élément du dessin créant ainsi une séparation artificielle. C’est un cerclage comme celui utilisé  par les peintres  Nabis en Bretagne . Les caractéristiques du paysage désertique donnent l’occasion à l’artiste de réaliser des dessins épurés.  La représentation du ciel offre les mêmes opportunités,  un aplat de couleur bleue   symbolise la pureté de l’azur.

Vous connaissez tous l’épisode de Tintin au pays de l’or noir dans lequel les Dupondt ont des hallucinations. C’est un épisode qui marque toujours les jeunes lecteurs, il y a une fascination pour le mirage. Le dictionnaire nous explique qu’il s’agit d’un phénomène de réfraction, observé dans les déserts et pays chauds où il produit l’illusion d’une nappe d’eau s’étendant à l’horizon.

On se délecte des mésaventures des Dupondt dans leur Jeep. Le phénomène de répétition est pour beaucoup dans l’effet comique de ces scènes.

Les dirigeants de Quiralu, en proposant leur Berliet GBO Saharien ridelles bâché, ont sûrement aussi été victimes du phénomène. Pourtant, en Haute-Saône, entre Vesoul et Belfort, à Luxeuil précisément, la région n’est pas renommée pour les hautes températures. A moins qu’il n’ y ait eu abus d’une liqueur locale afin de mieux supporter les températures rigoureuses de l ‘hiver.

J’aurai l’occasion de revenir prochainement sur l’histoire et la genèse du Berliet GBO . J’envisage une série d’articles ayant comme point commun la conquête et l’exploitation des champs pétrolifères dans le désert. Disons que dans la réalité, ce GBO, dénommé GBO 15 6×6 a été conçu principalement pour un usage saharien. La reproduction qu’en a livré Dinky Toys France en est un parfait exemple. Equipé d’un plateau dénommé « oil field body », il peut tracter d’imposantes remorques chargées des matériaux les plus divers :  citerne à eau, élément de derrick , engins de terrassement , rien ne lui résiste.

La firme Quiralu a en fait créé un engin hybride, n’ayant que peu de ressemblance avec le véritable Berliet GBO 6×6. Ce véhicule se devait d’avoir une certaine autonomie. Il était équipé d’une galerie, de roues de secours et de treuils pour les descendre.

Le Sahara n’est pas la nationale 7,  il n’y pas un garage tous les 20 kilomètres.

La cabine est fidèlement reproduite mais le plateau ridelles bâché n’est pas compatible avec ce genre d’engin. En fait, ce plateau  ridelles bâché est plus adapté au  GBC 8 6×6 dit « gazelle ». De gabarit inférieur, sa silhouette est des plus connues.

Je reste persuadé que Quiralu a souhaité dans un premier temps reproduire ce genre d’engin, mais la possibilité de reproduire un camion encore plus imposant a finalement dû tenter les dirigeants. N’oublions pas que Berliet présentait à cette époque son T100, encore plus démesuré.

Il n’en reste pas moins que la miniature produite par Quiralu, si  peu fidèle à la réalité est un objet magnifique. C’est un jouet et non une maquette, devant lequel  nombre d’enfants ont dû rêver. Tout l’attrait réside dans le traitement de la bâche réalisée en tissu et  cousue  main. Des arceaux métalliques structurent l’ensemble. Un détail doit être ici  rapporté. Quiralu, comme son voisin Rami, utilisait la main-d’œuvre locale en distribuant le travail chez l’habitant. En pleine zone rurale, cela assurait une  petite rémunération à la population.

Ceci explique les nombreuses variantes observées dans le montage de la bâche : tissu employé,   coutures, avec ou sans fermeture à l’arrière. Cela ajoute un charme supplémentaire à ce jouet.

La version de couleur sable est moins fréquente que celle de couleur rouge. Celle qui possède en plus les ridelles de couleur rouge est vraiment rare. Enfin, la version de couleur verte est très rare, elle reprend les couleurs vues sur le tri-benne.

On appréciera la boîte, fort évocatrice : des palmiers, des puits de pétrole, des dunes et ce titre évocateur »camion saharien gros porteur ».Pas de doute il s’agit bien d’un modèle destiné à l’aventure. Un dernier mot:

Il y a quelques années, un client lyonnais m’a contacté au sujet d’une étrange boîte. Il me parlait d’un fond jaune. Effectivement, je connaissais une boîte, nettement moins fréquente avec un dessin similaire mais le bleu de la boîte avait fait place à du jaune. Mon interlocuteur m’a répondu qu’il s’agissait encore d’autre chose : il s’agissait d’une boîte avec rabats, portant sur ces derniers la mention Eria. Par chance il a pu en récupérer deux exemplaires. Il semble qu’Eria, qui  avait repris en fabrication certains moules Quiralu avait songé à produire le Berliet. Une chose est sûre , la boîte existe !