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Le filon de la gendarmerie.

Le filon de la gendarmerie.

Les fabricants de jouets français ont mis du temps avant de reproduire des miniatures de la police ou de la gendarmerie.

Lors d’un précédent blog, j’avais souligné les scrupules des industriels du jouet à reproduire ce type de véhicules dont l’image est associée à celui qui a mal tourné. (lire le blog « le blues de la police »).

La C-I-J va être la première en France, à briser ce tabou (voir le blog les deux harengs). Devant le succès rencontré par ces modèles police et gendarmerie, tous les fabricants, qu’ils injectent du zamac ou du plastique (Minialuxe sera le premier dans cette matière) vont lui emboîter le pas.

Norev, leader français des fabrications de miniatures en plastique, ne pouvait rester sans réagir devant l’évident succès de Minialuxe, son concurrent d’Oyonnax, dans cette niche des véhicules de la gendarmerie.

Elle comprit tout le bénéfice qu’elle pouvait tirer auprès de la clientèle en déclinant sa Citroën DS21, et surtout sa berlinette Alpine. Pour l’occasion elle conçut pour ces deux modèles un gyrophare convaincant, ainsi qu’une petite antenne.

Pour sa Land Rover châssis court, elle a créé une antenne fouet. Une fois de plus, on comprend tout le bénéfice que le fabricant pouvait tirer de cet accessoire. En ajoutant un gyrophare et des décalcomanies papier, le tour était joué. Une version de couleur sable, tout à fait crédible, a été produite..

Bien plus tard dans la série jet car, L’ Alpine A310 a également été déclinée en gendarmerie.

Dinky Toys France est d’abord passé totalement à côté de ce type de véhicule et c’est bien dommage. Equipée d’une antenne fouet, la Peugeot 403 familiale aurait été parfaite.

Il faut dire qu’à cette époque tout allait encore bien à Bobigny et l’entreprise n’éprouvait pas le besoin de se remettre en question.

Plus tard sur les conseils de Claude Thibivilliers, arrivé en 1965, elle se laissa convaincre de produire un tel modèle. La Renault Sinpar gendarmerie illustra parfaitement l’attente de la clientèle. Une antenne en plastique, un support en acier la maintenant courbée, deux personnages en pleine action, un poste-radio, une capote, un pare-brise repliable, voilà bien le type de modèle qui répondait à la demande. Il connaîtra deux références et perdra son filin en acier dans le temps. Le véhicule est une belle réussite . Il me procura, enfant, beaucoup de plaisir.

Dans un effet entrainant, Solido, comprit qu’il fallait aussi sacrifier à cette mode « gendarmerie ». Mais comment faire ?

En 1967 l’entreprise n’avait à son catalogue aucun modèle susceptible de remplir cette mission. Une fois n’est pas coutume, le fabricant d’Oulins proposa une auto totalement imaginaire : une « Alfa Romeo GTZ tubolare police des autoroutes ».

Cette dénomination fantaisiste, « police des autoroutes », colle bien à la miniature. Ne la cherchez pas en photo ! Mais elle aurait sûrement ravi les apprentis pilotes de la gendarmerie.

Elle permettra à Solido d’amortir son moule qui ne semble pas avoir rencontré un vif succès en version compétition. Une peinture bleue, des décalcomanies sur les portes, le capot avant et le pavillon, une antenne bien sûr, et, surtout, un petit gyrophare créé spécialement. C’est un jouet, mais il a fière allure.

Le modèle symbolise tout à fait ce type de véhicule d’intervention rapide qui venait juste d’apparaître en France sur les autoroutes.

Autre particularité, la voiture ne fait pas partie de la série 100, comme la version sportive dont elle est déclinée, mais appartient à la gamme militaire (série 200). Elle a connu les deux variantes d’aménagement intérieur qui se caractérisent par la présence d’une roue de secours rapportée puis moulée. Pour l’occasion, la tonalité de la couleur bleue évolue (plus foncée à la fin) et ses phares en plastique passent du cristal transparent au jaune.

Elle connaîtra deux boîtages, preuve d’un certain succès et d’une pérennité. Enfin, il existe une variante plus rare qui empruntera durant quelque temps (1968) la teinte bleu-marine foncé (et non noire comme décrit par erreur dans le livre de Bertrand Azéma) du Renault 4×4 Gendarmerie sorti cette année là.

En1968, année prémonitoire, Solido va élargir son offre avec un joli coffret, à l’intérieur de la gamme militaire. Il est constitué du Renault 4×4 décoré à l’aide d’une grenade, symbole graphique de la gendarmerie, d’une moto BSA , de deux figurines et deux cônes de Lübeck.

Le socle en plastique et la cartouche de protection en carton sont communs aux deux autres coffrets proposés simultanément. Le modèle est fabriqué par Monovac, à Monaco. Monovac est la propriété de Ferdinand de Vazeilles, père de Jean qui, au milieu des années cinquante, a laissé l’ entreprise Solido à ses enfants, avant de créer cette firme spécialisée dans l’injection plastique (maquettes…)

Bien plus tard, au milieu des années soixante-dix, au moment de la cession de l’entreprise par la famille de Vazeilles, Solido se souviendra de ce coffret.

Elle réutilisera la moto et les deux gendarmes. La Renault 12 break remplacera le 4×4. Pour l’occasion elle recevra un gyrophare.

Ce coffret est devenu culte par la reproduction, la première, d’un accessoire qui venait de faire son apparition à la suite des premières limitations de vitesse , un radar.

Pour l’occasion Solido a créé un vilain buisson en plastique qui servait à maintenir le radar en place.

Dans ces années soixante-dix, Solido avait un catalogue plus diversifié. Depuis la disparition de Dinky Toys, berlines et breaks avaient fait leur apparition au catalogue au milieu des coupés sportifs et des voitures de compétition. Il fut donc facile de trouver une remplaçante à la GTZ « police des autoroutes ». Ce fut l’Alpine Renault A310.

La miniature est fort réussie. Un gyrophare, une petite antenne, bien sûr, des, décalcomanies sur les portières. Cette fois, les clients ont eu droit à un modèle réaliste.

Il existe au moins trois couleurs, sans compter les nuances différentes. L’Alpine Renault sera suivie d’un break Peugeot 504 bénéficiant du même équipement et …d’un panneau « halte » inséré dans la cale de blocage de la boîte carton. La miniature a belle allure, elle bénéficie d’une qualité de fabrication héritière de la série 100.

Dans les années quatre-vingt-dix, comme un clin d’oeil au passé, Solido ressortira un coffret Gendarmerie. Le coffret contient une Peugeot 205 sur laquelle Solido s’est contenté d’une tampographie gendarmerie. Le modèle n’apporte pas grand chose. Seul le Saviem VAB est original. Ce n’est plus le grand Solido innovant même si le graphisme du coffret est réussi.

Pour rester dans le thème, signalons qu’à cette époque des hélicop-tères de belle qualité ont été déclinés en version Gendarmerie (Alouette et Gazelle).

L’effervescence créative du milieu des années soixante a disparu. Mais il y a bien eu chez les fabricants de jouets français un mouvement tendant à proposer des modèles « Gendarmerie ».

Le lien entre ces modèles est l’adjonction d’une antenne et d’un gyrophare. A part la Renault Sinpar de chez Dinky Toys, toutes ont été des déclinaisons de modèles au catalogue, permettant au fabricant de proposer à peu de frais des modèles différents. Au regard du nombre de modèles fabriqués, le filon semble avoir été rentable. Merci donc à C-I-J d’avoir créé cette antenne fouet qui a montré la voie aux autres fabricants français.

 

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Où allons-nous ?

Où allons-nous ?

La mention « simple, robuste et bien français, ces deux derniers mots soulignés, sur la publicité, ne manque pas de questionner.

C’est ainsi que Renault présente en 1950, son nouveau tracteur agricole.

Il faut flatter le sentiment national dans cette période d’après -guerre. Pour les concurrents étrangers de Renault, au regard des perspectives de ventes, le marché du tracteur en France est perçu comme un Eldorado. La France est en retard dans la mécanisation des outils agricoles. Tout est à faire. Les concurrents, allemands notamment, sont aux aguets. Cette mention sur la publicité est loin d’être anodine. La perspective du traité de Rome en 1957, avec l’union douanière et la libre circulation des biens s’apparente à une menace pour les petits fabricants nationaux de tracteurs, français, allemands ou italiens.

D’ailleurs en 1962, la régie Renault va acquérir la branche agricole de Porsche, « Porsche Diesel ». La Régie profitera de cette ouverture pour exporter en Allemagne ses tracteurs. C’est à cette occasion qu’une partie de la production des tracteurs Renault passera du traditionnel orange au rouge.

Jean-Marc Bougan, amateur de miniatures agricoles m’avait raconté que Porsche était fort implanté en Alsace. Renault avait donc choisi, pour une partie de sa production, de reprendre la couleur des tracteurs Porsche, le rouge, afin de ne pas déboussoler une clientèle fidèle. Je ne sais si cet artifice a suffi à rassurer.

Parallèlement, Renault modifie l’orange de sa production initiale. Il s’éclaircit pour devenir saumon. Ses concurrents français, Vendeuvre et surtout Someca, le bras armé de la Fiat dans le secteur agricole avaient également choisi l’orange comme identifiant visuel. En modifiant sa teinte initiale, Renault se démarque de ses concurrents.

C-I-J s’adaptera à la réalité. Une partie de ses tracteurs miniatures sera finie de couleur rouge et l’autre de couleur saumon. La firme de Briare s’adaptera également en modifiant les faces avant (radiateur et plaque d’immatriculation). Ces modèles sont peu fréquents et souffrent souvent de métal fatigue.

Les miniatures promotionnelles de tracteurs allemands ne risquent pas, elles, de connaitre ce type de problème. Elles sont toutes injectées en plastique.

Du moins dans la période contemporaine à ces années-là (1950-1965). On peut y voir deux raisons : la grande maîtrise technique de cette matière par les industriels allemands, et le faible coût de revient, ce qui a son importance pour un objet promotionnel.

Au gré de mes voyages en Allemagne, j’ai donc constitué un petit ensemble de tracteurs, avec leur boîte promotionnelle souvent très évocatrices d’une atmosphère. D’un constructeur à l’autre, elles varient, et donnent une indication sur le message envoyé par ce dernier.

L’échelle de reproduction, tourne autour du 1/32, au diapason de ce qui se faisait en France. Encore une fois, ce sont les figurines agricoles qui ont déterminé celle des tracteurs miniatures. Il y a quelques exceptions, le Hanomag et le Fahr de chez Wiking.

Un constat s’impose en voyant ces marques qui étaient encore présentes dans ces années cinquante-soixante, c’est qu’elles ont pratiquement toutes disparues. Elles ont été victimes de restructurations et de regroupements, pour finir au sein d’un groupe de stature mondiale comme John Deere ou New Holland. C’est un exemple de la mondialisation qui n’épargne que peu de domaines économiques.

Des Société Française Vierzon ou des Hanomag, des Renault ou des Lanz, il nous reste ces merveilleuses maquettes promotionnelles. Elles avaient vocation à fidéliser la clientèle. Elles devaient aussi faire rêver l’enfant qui était censé reprendre l’exploitation afin qu’il se souvienne, le moment venu, combien il avait aimé son Hanomag 55 ou son Lanz Bulldog identique à celui du père.

Le titre cette série de trois blogs n’est autre que celui d’une toile de très grand format peinte par Paul Gaugin   » D’où venons-nous? que sommes-nous ?où allons-nous ? ».

Cette oeuvre de Paul Gaugin résume les trois âges de la vie sur une même surface. Il m’est apparu comme une évidence pour décrire la mutation de la civilisation française et l’exode rural du siècle dernier, la lente mécanisation du monde agricole et enfin la disparition des constructeurs de tracteurs de taille moyenne au profit de quelques géants du secteur. Le tout vu par le prisme de la production des jouets agricoles .

Je vous invite à les lire dans l’ordre.

« D’où venons nous ? »  premier épisode

« Que sommes nous? »second épisode

Que sommes nous ?

Que sommes-nous ?

Ils sont jeunes, ils sont beaux. Ils ont la vie devant eux. Nous sommes en 1950. Le ciel s’est éclairci, la guerre est derrière eux.

Ces deux jeunes agriculteurs si fiers qui illustrent la publicité de 1950 du tracteur Renault, semblent sortis d’une agence de mannequins plutôt que de la ferme voisine.

La Régie Renault utilisera cette image d’Epinal pour communiquer sur l’avenir qui se confond désormais avec la mécanisation des travaux agricoles.

La France est en retard dans ce domaine. Les premiers tracteurs sont apparus après la première guerre mondiale. Il fallait suppléer le manque de main d’oeuvre.

En 1950, la France se remet du second conflit, l’exode rural a continué et le manque de bras se fait sentir. Cependant, avec ses petites exploitations, le paysage agricole français ne se prête pas vraiment à la mécanisation.

Il faudra un autre facteur, l’apparition de la notion de rendement à l’hectare pour accélérer la mécanisation.

Ce tracteur Renault E3040 représente l’avenir. En 1950 Renault est le premier constructeur hexagonal de tracteurs avec 58% de parts de marché.

Le contrat d’exclusivité liant Renault, puis la Régie Renault après guerre, à C-I-J, pour la reproduction de jouets estampillés Renault va logiquement conduire la firme de Briare à s’intéresser au matériel agricole. C-I-J reproduira le E3040 à deux échelles différentes, prouvant l’importance stratégique de ce véhicule aux yeux de la Régie. C’est celui au 1/32 qui va retenir mon attention. L’autre modèle est au 1/20 et doté d’un mécanisme à remontage à clef.

Dans une logique entrevue dans le précédent blog , (lire le blog « D’où venons nous ») c’est l’échelle des figurines agricoles la plus utilisée chez les fabricants de jouets, le 1/32 qui a imposé celle des tracteurs miniatures.

La miniature est superbe. Elle est un concentré des points forts de la firme de Briare. La physionomie du tracteur est parfaitement rendue.

Tout d’abord un zamac de qualité finement injecté. La reproduction de la calandre est un petit chef-d’oeuvre. Non seulement les ouïes sont découpées de manière parfaite, mais C-I-J a réussi le tour de force de graver le fin grillage qui protège le compartiment moteur.

La gravure est exceptionnelle. Il fallait posséder des graveurs hors pair pour arriver à ce résultat et maîtriser parfaitement l’injection du zamac pour ne pas encrasser cette grille au fil de la production. Prenez le temps d’admirer le travail.

Le second élément entrant dans la composition du jouet est la tôle. C-I-J possède une très longue expérience de son utilisation. Pour ce tracteur, le choix a été pris de réaliser les garde-boue en tôle afin de rendre leur reproduction plus réaliste. Le galbe est parfait, et les détails en relief, comme sur le vrai tracteur.

On admirera le travail de pressage pour les faire ressortir. La pièce est d’une grande finesse tout en étant très robuste. Les ailes sont astucieusement insérées entre la carrosserie et le châssis du tracteur. Je ne crois pas avoir déjà vu un tracteur E3040 dépourvus de ses ailes arrières. Le système de fixation est bien conçu et efficace.

Le troisième composant entrant en liste dans la réalisation de ce jouet, c’est le plastique. Il est utilisé pour la réalisation du personnage assis au volant. Ce dernier reçoit une finition manuelle.

Comme sur la publicité Renault de 1950, sa physionomie est celle d’une jeune personne, mais plus râblée ! C’est donc bien un paysan français, qui est à la manoeuvre du jouet contrairement à l’illustrateur de la publicité qui avait dû, lui, s’inspirer des GI américains qui étaient encore bien présents dans la France d’après-guerre.

La firme de Briare commercialisera le modèle en étui individuel ou en boîte coffret, attelé à une remorque de type tombereau encore fortement inspirée de celle utilisée en traction animale. Cette dernière est aussi réalisée en tôle, et possède les mêmes qualités de fabrication que les gardes-boue décrits plus haut.

L’arrivée du successeur du E3040, coïncidera avec la perte du contrat d’exclusivité liant la Régie Renault à la C-I-J en 1956. Cela n’empêchera pas la firme de Briare de coller à l’actualité et de proposer une reproduction du E30.

L’échelle de reproduction, le 1/32, est logiquement conservée. Le bureau d’étude a-t-il envisagé une seule seconde de le reproduire à l’échelle de sa gamme poids lourds (1/50) ou automobile (1/43) ?

On peut en douter, tant cela semblait une évidence de coller à l’échelle des figurines agricoles.

Est-il venu à l’esprit des dirigeants de la C-I-J que des enfants auraient apprécié de faire rouler leurs tracteurs Renault avec leurs petites autos? Il semble évident que la réponse est non. Pour la direction, ces tracteurs miniatures appartenaient à un autre univers, celui de la campagne et il n’y avait aucune raison d’harmoniser avec les voitures et les petits utilitaires.

La reproduction est digne du modèle précédent. Les lignes sont bien rendues. L’utilisation de la tôle a été abandonnée pour les gardes-boue arrière qui sont désormais injectés en zamac comme le reste du tracteur.

Avec la volonté de les rigidifier on les a rendus un peu épais et ils manquent de finesse. C-I-J modifiera trois fois la face avant afin de coller à l’actualité du vrai tracteur. Les roues équipant le tracteur connaitront de nombreuses variantes : en zamac, en acier perforé puis en plastique.

La position du volant et du siège a obligé la C-I-J à créer un autre personnage : il a pris quelques années et quelques kilos.

On peut imaginer qu’une précoce calvitie a nécessité de l’affubler d’une casquette ! signe du temps qui passe.

(a suivre )

 

Comme par magie.

Comme par magie.

C’est le titre d’un article du journal « Le Monde » du 12 Janvier 2021 qui m’a inspiré le sujet du jour. « Premier ministre et prestidigitateur ». L’article est signé Eric Albert. Il analyse un documentaire diffusé sur France 5 ce même jour.

Deux journalistes, Walid Berrissoul et Florentin Collomp font le portrait du Premier ministre britannique en exercice, Boris Johnson, et font un parallèle entre son élection et le métier de prestidigitateur.

Ces derniers ont déclaré au sujet de leur travail « On cherchait à répondre à la question : qu’est ce qu’il se passe quand quelqu’un est élu sur un mensonge ? « 

Il arrive que les médias fassent le rapprochement entre le monde féérique de la magie et les déclarations de personnages influents. Sur le ton de la dérision, bien entendu. Comparer un homme politique à un magicien est rarement très flatteur pour ce dernier.

Dans mon activité professionnelle la magie intervient parfois. Il faut savoir ouvrir les yeux. Des choses insignifiantes aux yeux du plus grand nombre ont le pouvoir de vous faire chavirer.

Depuis près de quarante ans j’ai le privilège d’exhumer chez les gens des objets liés à leur passé ou à celui de membres leur famille. Des petits rien.

Dernièrement au fond d’un sac contenant des miniatures j’ai trouvé un badge des années 70, période peace and love offert par Toyota à l’époque où la marque se lançait à la conquête du monde.

Un petit rien mais qui, placé à côté de vos Toyota Cherryca Phenix leur donne une touche personnelle et imprime à la vitrine une identité, la vôtre. La vue de ce badge me ramène à chaque fois au souvenir de sa découverte.

Un autre jour ce fut une simple épinglette Lada, qui m’apparut au milieu de quelques miniatures Norev. Ces objets révèlent les liens qui unissent les gens et les firmes automobiles.

En interrogeant les vendeurs, on ravive leurs souvenirs. On entre peu à peu dans leur vie. La magie d’un objet insignifiant opère donc parfois.

J’ai pu dégager une constante dans ces petites collections constituées dans les années cinquante. Immanquablement, les collectionneurs ont cherché à avoir une représentation des autos populaires qu’ils croisaient dans la rue.

Les Dinky Toys ont su répondre à l’attente de ces jeunes amateurs. Ces apprentis collectionneurs se sont heurté à un obstacle. Vous ne voyez pas ? Où trouver la reproduction d’une Renault 4cv ou d’une Frégate ? Dinky Toys ne pouvait reproduire à cette époque les modèles de Boulogne-Billancourt.

Un contrat liant la Régie Renault à la C-I-J réservait à cette dernière le droit de reproduire les modèles de Boulogne-Billancourt en zamac. Les reproductions en plastique (Norev et Minialuxe notamment) n’étaient pas concernées par cette interdiction (voir le blog consacré à ce sujet).

Norev qui utilisait la Rhodialite a bien entendu inscrit à son catalogue ces modèles populaires. Bon nombre d’amateurs qui ne juraient que par le « métal » des Dinky Toys y virent un sacrilège. Norev a pourtant offert une superbe 4cv et une Frégate très bien proportionnée.

Parfois, j’ai eu la surprise de trouver dans ces collections des années cinquante une petite Frégate en tôle. Ce modèle est rare. Une petite décalcomanie apposée sur la malle arrière au niveau de la plaque d’immatriculation indique « 1952 ». Il est fort possible que ce modèle ait été offert à l’époque dans les concessions Renault. Elle devait être moins chère à produire par rapport à la C-I-J. La régie semble avoir opté pour un ferblantier français inconnu.

Aligner une Renault Frégate ou une 4cv représentait donc un vrai casse-tête pour les collectionneurs en herbe.

Souvent, les gens faisaient l’impasse sur les Renault dans leurs collections, parfois, à contrecoeur, ils se tournaient vers les C-I-J.

Les C-I-J étaient généralement distribuées dans les bazars et les marchands de couleurs. Pour certains amateurs cela leur conférait un côté ordinaire.

La 4cv et la Frégate de chez C-I-J sont parfois présentes au milieu des Dinky Toys. Elles sont souvent mises à part par les vendeurs, du fait de leur finition plus sommaire et de l’absence de marquage sur le chassis.

Les années ont passé, et aujourd’hui encore ces Renault Frégate n’attirent pas trop la convoitise des collectionneurs. Plusieurs raisons peuvent être avancées.

L’échelle retenue par la C-I-J, le 1/45 environ, est sûrement la première d’entre elles. La gamme des coloris également. Il faut dire qu’à la sortie de la seconde guerre mondiale, les coloris offerts par les constructeurs ne sont pas très flatteurs. La Frégate C-I-J en pâtit peut être plus que les autres.

Je me suis pourtant efforcé de rechercher les variantes. Elles sont nombreuses ! Du fait du désintérêt de nombreux amateurs elles sont assez abordables.

La firme de Briare a reproduit les deux types de calandre : celle à barres (1952) et celle ovale (1955). Plus tard (1957), dans sa série Europarc, elle offrira une seconde mouture, plus imposante, au 1/43, dans des finitions bicolores. Si cette miniature est réussie, on peut s’interroger sur la pertinence de la création de ce nouveau moule, pour une auto qui n’a jamais eu la faveur du public.

La première série se distingue, outre sa calandre à barres, par son marquage au pochoir sur le châssis. L’inscription « La Frégate Renault » fait penser à un usage promotionnel, d’autant que le logo C-I-J n’apparaît nullement et n’apparaîtra sur aucune version. Cette circonstance laisse souvent perplexe les vendeurs, quand, 60 ans plus tard, ils doivent identifier le fabricant du jouet. Il se peut que les premiers exemplaires aient été distribués par la Régie Renault comme celle en tôle décrite plus haut. Plus tard l’inscription au pochoir sera remplacée par une inscription en relief.

La Frégate, avec les deux types de calandre, est sortie avec un mécanisme à remontage à clef hérité des jouets d’avant-guerre. On connait les limites de ce type de mécanisme mais cela conférait au jouet un côté « luxe ». Ces versions sont peu fréquentes, notamment celle avec calandre ovale, presque anachronique en 1955.

Les premiers exemplaires sont équipés de jantes en aluminium, qui seront remplacées à partir des modèles équipés de calandre ovale par des jantes de couleur jaune, puis rouge . Elles souffrent souvent de déformations (réaction chimique entre la jante et le pneu nylon)

On notera les variantes de couleurs, grises ou bordeaux, qui connaitront de nombreuses et très subtiles nuances. La version finie en noir est assez rare.

Le modèle équipé de la calandre ovale connaitra des couleurs plus vives, plus joyeuses (bleu France, rouge…).

La rupture du contrat d’exclusivité pour la reproduction des modèles de la Régie par la C-I-J aura un effet inattendu : ne souhaitant pas rester sur un échec, la firme de Briare sortira une nouvelle mouture de la Frégate

Vous pouvez aussi lire l’histoire de Renault Frégate Kemmel de chez C-I-J.

L’empire contre attaque ?

L’empire contre-attaque ?

Un empire. Un véritable empire. Il est loin le modeste hangar en bois, au fond de la propriété familiale de Billancourt qui servit à la construction de la première Renault.

Après la seconde guerre mondiale, la Régie Renault a développé un empire. Ses usines produisent des autos, des camions, des utilitaires, des tracteurs, des métros, des autorails, des moteurs d’avion, de bateau mais également des produits dérivés comme les lubrifiants.

Renault symbolise l’essor économique de la France du 20 ème siècle. Quand on veut parler croissance, exportation, productivité du pays, c’est très souvent Boulogne-Billancourt qui sert d’exemple. Dans la même logique, quand Renault tousse c’est la France qui s’enrhume. En 1936, c’est du côté de chez Renault que naissent les revendications syndicales.

Le même phénomène se produira en 1968. Léo Ferré dans sa chanson « Le conditionnel de variété » aura ce couplet:

« Comme si je vous disais que les cadences chez Renault sont exténuantes

Comme si je vous disais que les cadences exténuent les ouvriers jamais les présidents ».

Renault concentre la lutte des classes. Pour connaitre la température sociale du pays, les dirigeants n’ont qu’à se tourner vers ses usines.

Mais Renault va également servir de laboratoire social et artistique. Des artistes, proches de courants progressistes, vont tenter une communion entre l’art moderne et les travailleurs, à l’image de ce qu’ont réalisé les artistes soviétiques.

Le peintre Fernand Léger n’hésitera pas à venir accrocher une de ses oeuvres, « les constructeurs » (version définitive) dans la cantine des usines. Il viendra sur place recueillir l’avis des travailleurs. Le photographe Robert Doisneau sera aussi un familier de la Régie, immortalisant avec tout son talent le rapport entre la machine et l’homme.

Tout cela peut faire sourire, mais démontre combien Renault avait une place particulière dans notre pays. Je n’ai pu m’empêcher de relier ce passé à une série d’articles parus dans le journal « Le Monde  » du 30 mai 2020 consacré au constructeur.

Le titre est révélateur : « La potion-choc du patron de Renault ».

Résumons: le nouveau patron, Jean-Dominique Senard, est soucieux de « la sous utilisation des usines françaises ». Il veut réduire les capacités de production pour améliorer la marge industrielle, et attirer des productions partenaires ce qui fera augmenter les volumes… J’avoue humblement que ces discours ne me parlent pas beaucoup et demeurent assez abstraits. J’ai parfois l’impression qu’en économie, avec les même chiffres on peut tout dire et son contraire.

Le chiffre qui a retenu mon attention, c’est le nombre de salariés à Flins en 2020 : 2600 !

Je ne peux n’empêcher de penser aux publications que la Régie imprimait dans les années cinquante. Afin de montrer toute la puissance de sa machine industrielle, la Régie avait publié un fascicule : « 24 heures chez Renault » où elle expliquait que chez Renault, l’activité ne s’arrêtait jamais.

Chaque tranche horaire se voyait attribuer une activité. Le publiciste en profitait pour utiliser les fuseaux horaires. Ainsi , il nous entrainait chez Hino au Japon, en Afrique du Sud à Johanesbourg, en Espagne… On était impressionné par cet empire où le temps ne s’arrêtait jamais.

Peu après, en 1957, la Régie a rompu son contrat d’exclusivité avec la C-I-J pour la reproduction de la Renault Dauphine ce qui a conduit à un rapprochement entre Dinky Toys et Renault. La Floride, et l’Estafette ont logiquement suivi.

En 1961, Renault joue gros. Comment va être accueillie la nouvelle 4L ? Visiblement satisfaite de ses rapports avec Dinky Toys, la Régie, va réaliser une grande opération médiatique commune.

Quand on réfléchit, il fallait oser confier les plans originaux d’un nouveau modèle près d’un an avant la sortie presse. On peut imaginer que d’importantes précautions ont été prises afin qu’il n’y ait pas de fuites.

Pour l’occasion Dinky Toys a fait éditer un présentoir en carton afin de placer la nouvelle auto en vitrine et d’attirer l’attention du grand public.

Qu’a-t’-elle choisi pour communiquer ? Une usine et sa chaîne de production. On retrouve là encore l’idée que la Régie est bien un symbole de la production de masse.

Une petite cheminée en carton finit d’habiller le diorama . Un emplacement est réservé à la boîte, qui pourrait faire penser à une caisse avec une auto finie à l’intérieur. J’ai récupéré le présentoir auprès de Robert Goirand.

C’est celui qui était dans la vitrine du magasin du Bébé Lorrain. J’ai eu une émotion particulière en apprenant cela. Je l’ai laissé dans l’état dans lequel Robert Goirand l’a récupéré. je n’ai pas voulu changer la boîte de la 4L, ni effacer la trace de ruban adhésif. Je le conserve telle une relique.

L’affichette publicitaire expliquant le tour de force de Meccano est évocatrice. Quelle époque ! Quelle prouesse que d’avoir réussi cet excercice ! Les gens ont-ils apprécié l’exploit à sa juste mesure ?

Pourtant le vent a tourné pour les fabricants de miniatures. La demande a évolué. Les sportives et les autos de course commencent à fasciner la jeune clientèle avide de sensations .

Cependant, laissons nous encore surprendre par cette petite berline qui est une superbe réussite. C’est incontestablement une digne héritière des séries 24. Elle connaitra une très longue carrière.

Cette époque d’après-guerre semble loin. Il va falloir des arguments solides pour persuader les salariés et l’opinion publique du bien fondé d’un énième plan de redressement chez Renault. Pour utiliser une image liée au cinéma on pourrait titrer : « l’empire contre-attaque ». Je me demande pourtant si le combat n’est pas perdu d’avance, au regard de l’avenir bien sombre de l’automobile dans notre société. 

Rendez-vous dans 15 jours le dimanche 13 Décembre pour la suite  et la fin de l’aventure de la 4L chez Dinky Toys.