« POUSSE-AU-CRIME »

«Pousse-au-crime»

Il y a juste quinze ans, un client que j’avais perdu de vue depuis qu’il avait quitté la région parisienne m’a contacté. Il m’annonce qu’il cède sa collection de Norev et qu’il a pensé à moi. Je suis touché et j’apprécie cette reconnaissance, fruit de nos bonnes relations antérieures.

Je pars donc dans la Somme chercher la collection.

En trente cinq-ans, des collections j’en ai acheté un certain nombre. Mais celle-ci m’a marqué pour plusieurs raisons. La première est qu’il y a quinze ans, le phénomène Norev avait commencé. Comme souvent dans pareil cas la publication d’un ouvrage avait éveillé des vocations. Trouver une collection de Norev neuves en boîtes était donc fort appréciable.

Outre la qualité indéniable des produits, la seconde raison tenait à la présence d’une lettre, une enveloppe de couleur saumon et son tampon à l’encre rouge «Les jouets de Norev». L’enveloppe était datée du 23/08/1961.

Avant même de l’ouvrir, un détail m’a interpellé, l’adresse d’expédition :

NOM STAMBACH Prénom Alain

Avenue Gambetta N°40

Ville Saint-Maur Département Seine

Pays France

Je venais de déménager au même moment dans ce département. Mon vendeur me confia qu’il avait acquis toutes ces Norev dans une boutique de Saint-Maur, « Bambi » avenue Charles-de-Gaulle. Il s’agissait d’un magasin spécialisé en articles de puériculture.

La boutique existe toujours. Aujourd’hui, on y vend des vêtements pour enfants. Quand il m’arrive de passer devant, je ne peux m’empêcher de penser à M. Stambach et à ses Norev.

J’ai gardé comme un précieux témoignage la lettre de chez Norev. Les insignes à épingler au revers de son veston étaient encore dans leur sachet d’origine.

Il y avait aussi une carte d’adhésion au club Norev, avec son numéro d’inscription. M. Stambach tirait un trait sur une partie de sa vie. Il ne pouvait savoir quel plaisir il me faisait en me confiant ces documents.

En lisant les deux feuillets que contenait également la lettre, on est admiratif devant la manière dont Norev soignait sa clientèle. Les offres exclusives du club n’était pas anodines.

Ainsi après avoir lu le premier feuillet vous félicitant de votre acquisition et vous confortant dans votre choix des miniatures Norev, le second feuillet détaillait les modalités d’acquisition des cadeaux exclusifs.

Pour cela il fallait collecter les bons qui étaient joints à chaque miniature Norev achetée. Selon le barème il fallait avoir acquis un engin de travaux publics d’une valeur de 16 Frs pour avoir 4 bons. Les miniatures à 9 Frs ne donnaient droit qu’à un bon.

Pour avoir le Berliet TBO porte-autos (nu), il fallait 40 bons. N’oublions pas un petit détail : la carte devait être remplie dans le délai d’un an à compter de la date d’inscription au club. Il était possible de bénéficier d’une année supplémentaire à condition de « joindre une quantité augmentée de moitié ».

Un vrai pousse-au-crime ! De quoi dilapider le budget miniature. Comment vouliez-vous après cela pouvoir acheter des Dinky Toys ?

M. Stambach a acquis le Berliet TBO porte-autos (nu) ! C’est vous dire comme sa collection était importante!

Je vous présente donc ce jour «le» Berliet TBO de M. Stambach gagné grâce à sa fidélité à la marque de Villeurbanne.

Les années ont passé. J’ai racheté d‘autres collections de Norev . Et j’ai bien sûr agrandi la mienne au passage. Récemment, j’en ai acquis une assez importante, composée uniquement de modèles «plastique» neufs en  boîte.

Près de cinq cents pièces. La personne avait entrepris de collectionner également les variations de boîte qui correspondent aux différentes évolutions dans le temps.

Coïncidence, en début d’année lors de la bourse d’Orléans, M. Philippe Cazaniga m’avait fait un très beau cadeau .

Il y a quelque temps déjà, ce dernier avait récupéré les archives de l’imprimeur qui travaillait pour Norev. Chaque modèle Norev bénéficiait d’un «dossier» où étaient référencés les différents types de boîtes qui avaient jalonné la vie du modèle. Les années et les quantités y étaient bien sûr indiquées. Le document est exceptionnel et concerne l’intégralité des modèles avec socles en carton. Il m’a offert le dossier du Saviem SC10 bus urbain portant la référence 98.

Ce geste m’a beaucoup touché. Il souhaitait marquer sa reconnaissance envers ma passion pour les modèles réduits.

C’est le genre de cadeau qui marque. Du coup, quand quelques mois plus tard j’ai rentré cette collection importante avec de très nombreuses déclinaisons de boîte, je me suis senti obligé de les garder.

Comme Norev qui poussait ses clients à consommer plus en leur faisant collecter des points, ces documents ont eu le même effet sur moi, en me poussant à conserver ces variantes de boîte. N’ayant plus trop de place chez moi, une partie est exposée sur des présentoirs d’époque à la boutique.

Cette histoire faite de belles rencontres et de vrais gestes d’amitié prouve que l’on peut encore espérer de belles choses des êtres humains.

 

Un musée imaginaire

Un musée imaginaire.

C’est comme un rituel. A la sortie de chaque exposition, mon épouse redoute que j’achète l’ouvrage qui lui est consacré. A la maison les étagères sont pleines et depuis quelque temps je dois vraiment être sélectif dans mes achats.

Cette fois, fait unique, j’ai acheté l’ouvrage avant l’exposition. C’est dans une librairie, véritable havre de paix au milieu de l’agitation des soldes, que j’ai découvert le livre qui m’a incité à aller voir l’exposition.

C’est la couverture qui m’a attiré. Il faut dire que l’oeuvre de Paul Signac est hypnotisante. C’est d’ailleurs le propre de la technique pointilliste qui joue avec la décomposition des couleurs.

Il s’agit en fait d’une double exposition. Le sujet en est un personnage atypique : Félix Fénéon. Le titre de l’ouvrage donne envie d’en savoir plus : « Félix Fénéon Critique, collectionneur, anarchiste ».

La première exposition lui est consacrée au Musée du Quai Branly, reconstitue une partie de sa collection « d’arts lointains ». Il est à l’origine de cette appellation, remplaçant avantageusement celle « d’art primitif » ou « d’arts sauvages ».

La seconde s’est tenue à l’automne 2019, au musée de l’orangerie. Elle présente sa collection d’oeuvres picturales. Félix Fénéon fut proche de Seurat, Signac, Matisse et Bonnard entre autres. Il a dirigé la galerie Bernheim où ces artistes ont été exposés.

Nous voilà donc partis au musée du quai Branly. C’est déjà tout un plaisir d’emprunter la rampe d’accès aux salles du musée. La projection vidéo, « the river » de Charles Sandison a l’art de vous transporter vers un « ailleurs ».

L’arrivée dans l’espace réservé à l’exposition est un autre enchantement. J’y suis allé curieux de découvrir les objets présentés mais également désireux de connaître la vision du collectionneur qu’était Félix Fénéon. C’est un aspect qui m’intéresse au plus haut point.

Une scénographie remarquable met en valeur les objets. L’association des couleurs sur les cimaises, la subtilité des éclairages, tout est fait pour charmer l’oeil et l’attirer vers les objets. Le spectateur est ainsi en condition pour en apprécier la beauté.

La lecture des textes associés est également importante pour pénétrer dans l’univers particulier de cette exposition..

Je m’interroge sur les choix du commissaire de l’exposition : thématique, liens entre les objets, correspondance et dialogue entre les oeuvres exposées.

Au fil du parcours, je me suis demandé pourquoi on avait retenu tel ou tel objet : intérêt esthétique ou raison historique ?

J’en arrive à mon regard de collectionneur de miniatures. Qu’est ce qui fait qu’une pièce est importante ou pas, belle ou pas…Qu’est-ce qui fait qu’on a envie de l’acquérir ?

En tant que collectionneur, j’ai toujours cherché à privilégier l’histoire de la miniature. Pour cela j’ai donc un vif intérêt pour tous les modèles situés en amont de la production de grande série.

Tous les prototypes, plans, et autres essais de couleurs qui ont précédé la production de masse.

Aujourd’hui je vais vous présenter un exceptionnel ensemble. D’après l’historique du vendeur, ces modèles ont été acquis dans une vente de charité. Ils sortaient bien sûr de Binns Road. Contrairement aux modèles de la série 39, présentés eux dans le livre de Mike Richardson, les modèles de cette série étaient inconnus des amateurs de Dinky Toys des années 90. Ils sont apparus dans une salle des ventes londonienne. (voir le blog consacré aux série 39 prototypes)

On comprend bien que peu de gens sont intéressés par ce type de produits. Ces modèles sont exceptionnels mais il est très difficile pour un amateur intéressé de « plonger » dans cet univers s’il n’a pas déjà quelques exemplaires en vitrine. On peut retrouver ce phénomène avec les Dinky Toys Afrique du Sud. C’est un investissement certain. Alors, pour beaucoup, le fait de ne pouvoir être sûr d’en obtenir d’autres, constitue un frein.

En attendant voici l’ensemble de ces pièces uniques. Certaines ont abouti à une production, vous les reconnaîtrez aisément. D’autres sont restées à l’état de projet.

J’apprécie beaucoup le camion Austin à ridelles. Il trouvera un descendant à l’échelle « Dublo » (1/87) en version équipée d’un châssis court. C’est surtout sa déclinaison de couleurs qui est fort intéressante : cabine rouge et ridelles bleues.L’harmonie des couleurs a dû séduire les dirigeants de Dinky Toys. Ils la choisiront pour le Leyland Comet, camion qui prendra la place de  l’Austin à ridelles dans la production.

Ces véhicules sont dignes d’un musée et j’y réfléchirai un jour si l’opportunité se présente. Cependant, j’ai bien conscience qu’avoir des pièces dignes d’intérêt n’est qu’une étape. Les mettre en valeur en est une autre. C’est pourquoi je reste admiratif du travail des commissaires d’expositions des musées de France. Ils font un travail exceptionnel que le collectionneur que je suis apprécie pleinement.

Ah que la vie est belle.

Ah que la vie est belle.

Il n’y a pas de hasard, dit-on. Des coïncidences peut-être.

En ce samedi 22 juin 2019, je suis à la manifestation de Houten, près d’Utrecht aux Pays-Bas. La veille, durant le trajet, je me suis souvenu que c’était là, il y a un an que j’avais rencontré pour la dernière fois mon ami Lennart. Nous devions nous revoir en octobre en Suède, la maladie en a décidé autrement.

En pénétrant avec les exposants dans le grand hall, je ne peux m’empêcher de penser à lui et aussi à ses amis qui l’accompagnaient. Il faut se résoudre c’est comme cela.

Je suis heureux du fait que plusieurs marchands et collectionneurs qui ont lu et traduit le blog consacré à la disparition de Lennart viennent me trouver durant la matinée pour me parler de lui.(voir le blog consacré à Lennart).

Clive, Bent, Herman, Wolfgang et bien d’autres ont tous le même mot à la bouche. Ils soulignent sa grande gentillesse. Je pense n’avoir jamais rencontré une personne aussi souriante. Lennart prenait tout avec un inimitable sourire empreint de candeur.

Je me suis parfois demandé si le fait d’admirer chez une personne des qualités qui vous font défaut n’est pas un élément déterminant dans la volonté de devenir son ami.

Moi, je ne suis pas sociable comme Lennart.

Je parlais de hasard. En fin de matinée, quasiment à l’endroit où il y a un an Lennart avait sa table avec Lasse Andersson, l’organisateur de la bourse d’Helsingborg, je suis attiré par un catalogue Peugeot.

Ce sont les dessins qui m’attirent . C’est un document qui a été réalisé, peut-être, pour des visites de l’usine de Sochaux.

La Peugeot 203 est à l’honneur. On y vante sa qualité de fabrication. L’usine a d’ailleurs habilement été placée au centre d’une carte routière, où la frontière suisse, rend compte de la proximité avec ce pays.

De là à déceler la qualité suissse dans les productions de Sochaux, il n’y a qu’un pas.

Ce catalogue me ramène inévitablement à Lennart. Outre l’emplacement de la table du vendeur, il y a ce lien très fort que Lennart vouait aux productions de Sochaux. Les reproductions de 203, 403 et 404 faisaient partie de  ses miniatures favorites.

Au grè de mes voyages j’ai pu voir combien nos autos étaient appréciées à l’étranger. Cela m’a bien souvent servi pour nouer des liens avec des collectionneurs lointains.

Lennart pouvait dire de même avec moi quand j’allais en Suède, car je n’avais d’yeux que pour les camions Volvo et Scania !  Peut-être est-ce dans les gènes du collectionneur que d’aller chercher ailleurs ce qu’il peut avoir chez lui.

Le dernier lien avec ce catalogue est que Lennart avait été chargé par la veuve de Gunnar Soderblom  de vendre le très important stock de catalogues que ce dernier avait accumulé dans sa boutique à Göteborg.( voir le blog Mon ami Gunnar)

C’est ainsi qu’à la manifestation d’Essen en Allemagne, j’avais acquis quelques documents de la collection de Gunnar qui m’avaient servi plus tard à honorer sa mémoire. (voir le blog consacré à Gunnar).

J’ai donc acquis le cœur léger ce catalogue Peugeot en me disant qu’il allait me permettre de l’évoquer une dernière fois

Pour l’occasion, j’ai sorti les plus belles Peugeot 203 de ma collection. Je sais qu’il aurait apprécié

j’aurai toujours une pensée pour lui en pénétrant le matin dans ce grand hall de Houten.

La vie continue. Il faut aller de l’avant .

Et comme le dit Brigitte Fontaine dans une de ses chansons : Ah  que la vie est belle.

Quel courage !

Quel courage !

« C’est beau quand même d’envoyer un télégramme comme ça… il faut avoir du culot, hein ? C’est vrai, non, c’est extraordinaire qu’une femme belle vous envoie un télégramme comme ça : c’est merveilleux ! Moi, jamais j’aurais fait un truc comme ça. C’est formidable, de la part d’une femme, c’est formidable ! Quel courage !

Bon, si je tiens cette moyenne, j’arrive à Paris vers… six heures, six heures et demie, ….Six heures, six heures et demie, elle va être couchée, bien sûr. Qu’est-ce que je fais, je vais dans un bistrot, je l’appelle d’un bistrot. Ou je vais chez elle… Une femme qui vous écrit sur un télégramme « Je vous aime », on peut aller chez elle… Oh oui ! je vais aller chez elle, pourquoi pas ? « 

 

Vous avez peut-être reconnu ce monologue. Il est extrait du film de Claude Lelouch, » Un homme et une femme » Palme d’Or au festival de Cannes 1966. Au volant de sa Ford Mustang, Jean-Louis Trintignant part dans la nuit rejoindre à l’autre bout de la France la femme qui lui a écrit qu’elle l’aimait.

Ces mots synthétisent la passion. La passion amoureuse. La passion qui permet de rouler toute la nuit, de rester éveillé, de calculer sans cesse le nombre de kilomètres qu’il reste à faire et l’heure approximative d’arrivée.

On peut lui trouver des points communs avec notre passion pour les miniatures automobiles. J’en ai parlé récemment avec Jean-Michel Roulet. Nous nous remémorions les années soixante-dix /quatre- vingt et évoquions le souvenir de mon père.

« Les collectionneurs étaient des vrais passionnés » disait-il. « Ils vivaient à cent à l’heure » et il ajouta « C’est une forme de passion un peu folle qui s’éteint et c’est aussi un âge d’or qui prend fin. » J’ai trouvé ces mots très justes.

J’ai aussi repensé à cela en recevant le dernier ouvrage de Claude Wagner. Quel courage de sortir en 2019 un tel ouvrage (481 pages) !

C’est un livre de passionné. Loin de tout calcul commercial, très loin de toutes les publications racoleuses offrant en pâture aux collectionneurs les résultats des salles des ventes, avec les chiffres pour toute analyse.

Avec mon père nous avons parfois fait l’amer constat de la perte de connaissance des produits de la part des collectionneurs, malgré les dizainesd’ ouvrages à leurs disposition .

Hasard du calendrier, j’ai reçu l’ouvrage de M. Wagner, la semaine où étaient programmées plusieurs ventes aux enchères en France. Les Dinky Toys France ont le vent en poupe. Les résultats sur les variantes inhabituelles ou les essais de couleurs le démontrent. Les enchères à 4 chiffres et plus ont été nombreuses.

Dans ce tourbillon de prix, l’ouvrage vient à point nommé. Ni prix, ni référence à l’argent.

Il s’agit simplement de la description méticuleuse, par chapitres, de l’univers Dinky Toys : les présentoirs, les affichettes, les catalogues, les publications d’encarts publicitaires dans les journaux comme Le Journal de Mickey et Le Journal de Tintin, les modèles hors-commerce.

C’est un travail de bénédictin qu’a fait là M. Wagner afin d’être le plus complet possible. On ouvre le livre  et on ne le referme plus, tant il y a à découvrir. J’ai moi-même appris beaucoup de choses que j’ignorais.

Ce travail a été guidé par la passion pour la marque. Cette passion, M. Wagner l’a depuis sa plus tendre enfance, comme beaucoup d’entre nous me direz-vous. Mais lequel d’entre-nous peut se targuer, comme M. Wagner d’avoir été lauréat du concours Dinky Toys de 1962 et de voir son nom figurer dans la liste des vainqueurs ?. (document page 400).

Et combien de ceux qui figurent dans la liste des vainqueurs ont su garder leur passion pour la marque et préserver leur âme d’enfant ?

Devant un tel travail, aussi complet, on ne peut qu’être admiratif. M. Wagner l’a fait pour que les prochaines générations de collectionneurs puissent raccrocher leurs modèles réduits à l’histoire de la marque. C’est ainsi que les modèles prendront leur juste valeur, et c’est grâce à ce genre de travail que les gens continueront à s’intéresser à la marque et à la valoriser.

Je vous encourage donc vivement à acheter cet ouvrage, qui constitue un vrai bol d’air dans ce monde où l’argent domine tout. Je joins l’adresse électronique de monsieur Wagner pour commander son ouvrage:

contact@manoirdelacroix.com.

 

Claude Wagner

MANOIR  DE  LA  CROIX

50530  MONTVIRON   SARTILLY  BAIE  BOCAGE

Le livre est disponible au prix de 64,90€  et de 8 € d’envoi.

30 Octobre 1965.

30 octobre 1965.

« Au pied d’une montagne ». Voilà l’image qui me vient à l’esprit au moment d’aborder le sujet du jour. Et quel sujet ! Raymond Daffaure, vous connaissez ?

Pour résumer rapidement, on estime que ce dernier a produit entre 3500 et 4000 modèles différents sur une période s’étalant de 1959 à 1978.

Contrairement à ce que raconte la légende, ces modèles ont été produits en petite série.

Certaines sont uniques mais ce sont des exceptions. D’autres, comme la Ferrarri 250 GTO ont été reproduites à près de 250 exemplaires.

Qu’est ce qu’une RD Marmande ?

Ces modèles sont en bois (sapin). Raymond Daffaure utilisait des tuteurs de tomates (Marmande est le pays de la tomate) mais aussi des couvercles de boîtes d’allumettes et des morceaux de rhodoïd pour confectionner ses autos.

Comme nul autre, ce nom divise,et a toujours divisé les amateurs de modèles réduits. Pour Michel Sordet, à l’origine de la série « MaCo » c’est le plus génial maquettiste ayant existé, alors que d’autres n’y voient que des reproductions approximatives. En aucun cas ce nom ne laisse indifférent.

Comme une révélation.

C’est dans le sous-sol d’une maison du Pas-de-Calais que j’ai eu le déclic pour la collection de RD Marmande. C’est peut-être la réponse de mon interlocuteur qui a déclenché l’étincelle.

Ce dernier m’expliquait en effet qu’il avait acquis ces miniatures auprès d’un individu qui avait été en relation avec Raymond Daffaure au début des années soixante.

Ma question fusa naturellement : avait-il conservé la correspondance de ce dernier avec Raymond Daffaure ? La réponse affirmative suscita chez moi une réelle excitation. Au point qu’au moment de négocier le lot, j’ai avoué à mon vendeur que ce lot de lettres et de listes m’intéressait autant que les miniatures.

A  Arnaud Guesnay, collectionneur de RD Marmande qui me demandait il y a fort longtemps pourquoi je ne collectionnais pas de manière plus intensive les miniatures de cette marque, je me souviens avoir répondu que devant l’ampleur de la tâche, seule l’acquisition d’une importante collection aurait pu me convaincre de me lancer dans l’ aventure. J’étais désormais dans ce cas de figure : un peu plus de 900 RD Marmande d’un coup. J’hésite. Je réfléchis.

Dois-je me contenter de compléter les quelques thèmes qui me lient à cette marque, voitures de record et voitures « bleues » et revendre le reste ou dois-je me lancer dans une nouvelle collection ?

Après quelques atermoiements, c’est décidé, j’y vais, je me lance dans une nouvelle aventure : les  RD Marmande.

Un détail me permet de mesurer l’immensité de la tâche. J’avais auparavant réuni environ une centaine de RD Marmande à travers les deux thèmes précités. J’ai été fort étonné de ne croiser qu’une dizaine de modèles que je possédais déjà dans ces 900 nouveaux modèles. Je suis bien au pied d’une montagne.

La lecture de sa correspondance m’aide à mieux cerner le personnage et sa production, mais aussi les raisons du succès de cet artiste atypique. A travers quelques unes de ces lettres je vais tenter de vous initier à l’univers RD Marmande.

Lettre du 30 octobre 1965.

Ce jour, Raymond Daffaure écrit une petite lettre qu’il va insérer dans un colis. C’est un rituel.  Chaque mois il envoie à ce collectionneur nordiste 5 à 6 modèles, une lettre, et parfois une liste. Plus tard , dans les années 1972 la cadence passera à 10-12 modèles par mois.

Il prend des nouvelles de son client qui vient d’avoir la grippe. Il lui parle de la Lohner Porsche pour laquelle il a réuni quelques documents, mais pas assez à son goût. Enfin, il signale qu’il va renvoyer les documents que ce dernier lui a confié.

On a dans cette lettre quelques éléments intéressants. Tout d’abord la proximité qu’il entretient avec ses clients. On saisit également son intérêt pour reproduire des voitures inédites.

Aviez-vous déjà entendu parler de cette Lohner Porsche ? moi pas.

On trouve également dans ce document la preuve qu’il ne s’aventurait pas dans la reproduction  d’une miniature sans quelques éléments solides.

On comprend bien que c’est son client qui lui a suggéré la reproduction de cette auto particulière, ainsi que la Porsche 901 et la 356 de Storez-Buchet.

Raymond Daffaure devait d’ailleurs posséder une très grande culture automobile et une documentation importante.

Mais le plus intéressant, à mes yeux se trouve ailleurs. Dans la liste des autos que ce dernier envoie à son client se trouve la Ferrari 25O LM 1965 .

Nous sommes en octobre 1965. La course s’est déroulée les 19 et 20 juin de la même année. Quatre mois après, le collectionneur peut déjà placer en vitrine l’auto qui a remporté la course !

C’est une des forces de Raymond Daffaure, la rapidité d’exécution. On imagine l’excitation des amateurs qui pouvaient s’enorgueillir de placer dans leurs vitrines les reproductions miniatures de voitures originales qui venaient à peine de franchir la ligne d’arrivée.

C’est en établissant l’inventaire de cette collection que j’ai compris que l’on pouvait scinder en deux la production RD Marmande.

Les miniatures reproduites durant l’année même de l’apparition de l’auto que Raymond Daffaure nomme sur ses listes « série moderne ».et celles que je qualifierais « d’historiques » qui ont plus de deux ans d’existence qu’il appelle « série modèles anciens ».

On notera une différence de tarif d’1 Franc, entre les modèles figurant sur les deux « catalogues » de 1965 : ceux de la « série modèles anciens  » sont plus chers.

Il m’a semblé judicieux de faire cette remarque car cela aide à mieux comprendre et aussi à replacer RD Marmande dans le monde des fabricants de miniatures. Sa réactivité est un des ses points forts.( J’ai scindé en deux  groupes de photos les nouveautés de 1965, les « modernes » et les « modèles anciens ».)

Les fabricants industriels arriveront, petit à petit à réduire les délais de conception et de fabrication d’une miniature.

Il n’empêche que lorsque Mercury sort sa Ferrari 250LM en 1966, Ferrari  a déjà lancé sa P3.  RD Marmande collant à l’actualité , propose les modèles qui viennent juste  de participer à l’épreuve mancelle!