Archives de catégorie : souvenirs

les souvenirs de collectionneur de Vincent Espinasse

« Messieurs les anglais tirez les premiers ! »

« Messieurs les anglais tirez les premiers ! »

Nous sommes sous le règne de Louis XV. La scène se passe lors de la bataille de Fontenoy. D’après la légende, cette phrase aurait été prononcée par le Comte d’Auteroche en réponse au capitaine anglais Charles Hay, qui invitait les troupes françaises à ouvrir le feu. Après de lourdes pertes dans les deux camps, les Français aidés des Irlandais ont finalement réussi à repousser la  coalition formée des Autrichiens, des Hollandais et des Anglais. Cette victoire ouvrit la voie à la conquête de la Flandre par Louis XV.

La bataille  que je vais vous conter fit moins de victimes. Elle eut pour théâtre la salle des ventes de chez Christies à South Kensington, les 24 et 25 Septembre 2001.

Il s’agit d’une fameuse collection venant de Belgique. L’imbroglio juridique qui a suivi le décès de son propriétaire a longtemps bloqué la vente. Une fois réglés les problèmes juridico-administratifs, c’est la grande maison anglaise qui a été choisie pour disperser la collection.

A peine le catalogue reçu, il a fallu préparer un plan de bataille et rassembler les munitions, c’est à dire le budget disponible pour la vente. Ce genre de vente ne s’improvise pas, il y a un gros travail à mener en amont.  Il faut analyser le catalogue, séparer les modèles susceptibles d’enrichir ma collection et ceux destinés à la revente et estimer les lots. C’est cette phase capitale qui fait la différence  entre les enchérisseurs.

Bien estimer permet d’acheter à un prix raisonné. Or l’évaluation n’est pas une science exacte. Elle résulte d’un ensemble de facteurs : expérience des prix précédents, l’évolution de ces prix dans le temps, la demande propre à sa clientèle, cette dernière évoluant également dans le temps. L’équation est difficile, c’est un des charmes du métier de marchand.

A l’issue d’un premier examen du catalogue de la première vente consacrée exclusivement aux Dinky Toys anglais, un premier constat s’est imposé. Il y avait dans cette vente une extraordinaire série de prototypes en bois de la série 39 formant  un ensemble unique. De nombreuses autres miniatures, notamment d’avant-guerre, me tentaient mais je préférais garder mon budget pour cette série : il faut savoir se limiter et entre un modèle de série et un prototype, mon choix se porte sur le prototype.

Cette série de prototypes je l’ai découverte dans le livre de Mike and Sue Richardson. Avoir la possibilité d’en acquérir un ou plusieurs exemplaires excite ma convoitise.   Je concentre mon objectif  sur les lots 174 à 182. Je me souviens très bien avoir fait des projections d’estimation, mon but étant d’en récupérer trois, avec une préférence pour les modèles jamais commercialisés par Dinky Toys : la Hupmobile , la Ford Luxicab et la Lincoln Zephyr limousine. Ces lots arrivaient assez vite dans la vente car le catalogue était conçu de manière chronologique, présentant successivement les séries 22, 23, 30, 36, 38 et 39.

La bataille était donc programmée pour se tenir dans le premier quart de la vente.  Je redoutais beaucoup les collectionneurs anglais qui aiment particulièrement les produits qui constituent  la série 39. Passionnés, connaisseurs, ce sont de redoutables adversaires,  ils ne lâchent jamais rien facilement. C’est pourquoi mon objectif concentré sur ces  8 lots se révélait difficile à atteindre.

 

Lorsqu’une succession de lots  a un point commun, il faut attaquer tout de suite, dès le premier lot.  En effet, les lots passants, ceux qui n’ont rien eu  au départ jettent toutes leurs forces pour avoir quelque chose sur le dernier et l’avant-dernier lot. Les deux derniers lots font toujours plus cher que le premier ou le second !

Le lot 174 arriva. Contre toute attente, l’attaque ne vint pas  de collectionneurs anglais mais français. Curieusement, les Anglais ont participé à cette joute d’enchères mais n’y ont pas brillé. En fait, rien ne s’est passé comme je l’avais imaginé ils n’ont pas défendu leur patrimoine et les modèles ont pour la seconde fois,  quitté leur pays d’origine. Sur chaque lot j’ai dû me battre avec la même personne. J’ai laissé  filer le numéro 175, l’Oldsmobile six  qui était assez abimée. Mon intuition était la bonne, j’ai  pu enlever tous les lots suivants tout en restant d’équerre avec le budget prévisionnel. Au total j’ai pu réunir  8 des 9 pièces. Ce fut inespéré. J’avais réussi mon coup au-delà de mes espérances.

A l’issue de la vente et après avoir réglé les lots, la collecte des modèles a été un des moments les plus agréables de la journée. Les enchérisseurs ont rangé les armes et c’est dans une ambiance de respect mutuel que  les participants, tout en emballant leurs acquisitions  respectives, sont venus féliciter les autres  pour leurs achats. La tension était retombée.  La paix était revenue.

A cet instant  un Anglais qui m’était inconnu s’est approché de moi. Il s’est présenté comme étant Julien Loffet et m’a félicité pour mes achats. Il m’a raconté avoir été le premier propriétaire de ces pièces.

Il les avait acquises avec d’autres pièces dont deux Série 38 en bois que j’ai pu aussi acquérir auprès d’une personne ayant travaillé au bureau d’étude. Il les avait mises en vente chez Phillips le mercredi  19 avril 1989. C’est là que Jean Vital-Rémy les avait acquis. Il était aussi surpris que moi, et sans doute un peu déçu, que pas un des modèles ne reste en Grande-Bretagne. Il aurait surement aimé que ce patrimoine reste sur place. Par la suite, nous avons établi une correspondance.  Il m’a offert le catalogue Phillips  du mercredi 19 avril 1989. J’ai été très touché de cette attention,

Ces modèles, je ne me lasse pas de les contempler. Ils forment un ensemble incomparable. C’est bien sûr le côté historique qui me plaît. On imagine facilement la direction de Binns Road ayant ces objets entre les mains. Ils marquent un tournant dans l’histoire de Dinky Toys. Après les séries 24 et 30, ces autos présentaient un indéniable progrès dans la qualité d’exécution des miniatures.

 

La Cantate du café

La Cantate du café

« Ah qu’il m’enchante le doux café, plus délectable que mille baisers, plus suave que du vin  de Muscat.

Café ! Café c’est mon seul désir et si l’on veut me faire plaisir ah! Que l’on me verse du café »

Ainsi parle Lieschen, la fille de M. Schlendrian dans un texte de Christian Friedrich Henrici (Picander). Le texte est connu sous le nom de « Cantate du café ». Plusieurs compositeurs l’ont mis en musique. La version la plus connue est celle de Jean Sébastien Bach. Cette version recevra d’ailleurs une partie finale dont on ne peut établir si elle est de la main Jean Sébastien Bach ou non.

Il s’agit dune cantate profane. La partie ajoutée est délicieuse et pleine d’humour. Parions qu’elle est de la main de Bach, cela rend le cantor de Leizig moins austère et plus humain.

Tekno Ford Taunus Christgau
Tekno Ford Taunus Christgau

L’histoire raconte les déboires d’un père avec sa fille. Il lui reproche son addiction au café, problème effectif à cette époque. Le père n’accepte pas que sa fille ait des goûts différents des siens. Il a l’impression que tous les efforts consentis pour son éducation sont demeurés vains.
La fille se range finalement à la volonté du père et consent à renoncer au café, en échange de la promesse d’un mari. Mais elle contourne l’interdiction : pleine de malice, elle fera signer à son prétendant un contrat qui lui garantit son café quotidien. Bach finit sur cette phrase :

« Les souris font la joie du chat, le café ravit les demoiselles. « 

Tekno Ford Taunus Christgau
Tekno Ford Taunus Christgau

Cette cantate du café est savoureuse comme un expresso italien.
Ayant deux enfants, je me suis un peu identifié à M. Schlendrian. Souvent, les gens me demandent si mes enfants sont intéressés par les petites voitures et s’ils vont reprendre la collection. Connaissant mon histoire, sachant combien la collection fut une passion commune entre mon père et moi, ils imaginent sans doute avec plaisir une suite à l’histoire. Je n’ai jamais forcé mes enfants à s’intéresser à la collection. J’ai laissé faire le temps. Ils viennent voir parfois, posent une question. Une passion n’est pas forcément héréditaire. J‘ai toujours essayé de ne pas mélanger vie familiale et vie professionnelle, mais si je n’en avais pas fait mon métier, je n’aurais peut être pas continué la collection avec une telle assiduité. J’ai pu mettre à profit mes déplacements professionnels pour enrichir ma collection.

Lors de la naissance de mon fils en 1986, j’ai profité de l’achat d’une collection de Mathcbox pour la boutique, pour lui constituer un embryon de collection, un peu comme on ouvre un livret de caisse d’épargne. Je l’ai complétée au fil des ans. Je lui montrais les nouvelles acquisitions, et même s’il les regardait, j’ai vite compris qu’il n’était pas intéressé. Je vous rassure, il n’a pas reçu de brimades, il n’a pas non plus était privé de Flanby (son dessert préféré)

En fait, je lui imposais cette collection. J’ai fini par comprendre que je collectionnais ces Matchbox pour mon propre plaisir. Je lui remettrai sa petite collection prochainement pour son mariage, sans condition, et s’il veut la vendre, je n’en serai pas affecté.

Pour faire le lien avec notre passion commune, celle des miniatures, je vais vous présenter quelques modèles qui ont pour support une marque de café. Tout naturellement je suis resté dans l’Europe du Nord, celle de Jean Sébastien Bach.

J’ai choisi le Danemark car je me suis souvenu d’un coffret promotionnel réalisé pour une marque de café danoise, « Christgau ». Le modèle est un Ford Taunus Transit assez commun. Par contre, le coffret réalisé pour la promotion des cafés de ce torréfacteur est rare. C’est un étui qui coulisse avec le fourgon et une feuille de papier enroulée vantant les produits de la gamme.

A cette occasion, je me suis aperçu que la firme « Salling » faisait partie du même groupe que le café « Christgau ». Or, à la même époque Tekno a également reproduit un Ford Taunus portant cette marque. Il doit sûrement y avoir un lien entre toutes ces fabrications qui sont contemporaines.

Tekno a aussi reproduit un superbe Volvo N88 Titan ridelles bâché aux couleurs de la marque de café « Kob Kaffen hos Kobmanden ». Il est fort réussi. J’aime beaucoup ces miniatures, même si cette version est vraisemblablement la plus fréquente de la série.

 C’est l’émission Musicopolis de France Musique d’Anne -Charlotte Remond qui m’a inspiré pour cette chronique.

Des machines et des Dieux

Des machines et des Dieux

Depuis deux stations, le métro a fait surface confirmant que le centre ville est déjà éloigné. La rame a été entièrement taguée. Seules les parties vitrées ont été nettoyées. Je descends à la station « Pyramide » située au sud de la ligne « B » du métro romain, en direction de « Laurentina ». Une fois sorti, il faut récupérer la Via Ostiense et se rendre au 106.

architecture moderne et ancienne cohabite harmonieusement
architecture moderne et ancienne cohabite harmonieusement

Le paysage environnant est étrange voire inquiétant, une sorte de no man’s land. Ce quartier du sud de Rome fournissait l’électricité et le gaz à la capitale.

L’imposante charpente de guidage métallique d’un gazomètre côtoie côtoie les anciens magasins généraux. Totalement désaffectés, ils ont cependant fait l’objet d’une tentative de réhabilitation. En effet, la façade a été entièrement refaite. Mais derrière la façade, c’est un champ de ruines. Accolé à cet ensemble, sorti de nulle part, un pont métallique ultramoderne enjambe les voies ferrées.

La Centrale électrique Montemartini est située quasiment en face. Cette centrale thermique n’est plus en activité depuis le milieu des années soixante. Elle fut inaugurée en 1912. Une des ses particularités a été d’être commandée et gérée par la ville de Rome, alors administrée par le Blocco Popolare (bloc populaire) d’Ernesto Nathan, et non pas par une société privée comme cela se faisait généralement. Symbole d’une utopie, elle fut ensuite privatisée sous Mussolini. Le gouvernement fasciste prétexta un changement de groupe Diesel pour l’inaugurer de nouveau en grande pompe.

Laissée à l’abandon après l’arrêt de son activité au milieu des années soixante, c’est un concours de circonstances qui décida de sa nouvelle orientation. Lors des travaux des musées du Capitole, il a fallu trouver un local pour abriter une partie des collections. L’idée d’utiliser cet espace à la forte charge symbolique s’est imposée. La délocalisation devait être temporaire, mais la pertinence du lieu et le succès de l’exposition ont conduit à pérenniser cette annexe.

Des machines et des Dieux. Voilà la phrase qui accueille le visiteur à l’entrée de l’enceinte. On est d’emblée frappé par la monumentalité des machines. Les outils utilisés par les ouvriers préposés à leur entretien  sont exposés dans une vitrine; ils semblent destinés à un géant.

Après avoir vu dans les Musées du Capitole les extraordinaires statues romaines et grecques, parfois de taille impressionnante (je pense notamment aux fragments de celle de l’empereur Constantin), on a l’impression que les machines ont ici pris le dessus. C’est comme si elles consentaient à un improbable silence favorable à la contemplation des statues.

Pour illustrer ces propos, j’ai bien sûr choisi des miniatures d’origine italienne et je les ai replacées au milieu  d’œuvres de l’époque romaine. Je me suis focalisé sur les années de l »immédiat après-guerre. Vous retrouverez donc des autos de la marque PM, et autres Lima.

Le plein à la station Esso de Billund

Le plein à la station Esso de Billund

Outre les couleurs du pétrolier Esso, ces modèles ont en commun l’association des matériaux bois et plastique. Il n’est pas évident de repérer au premier coup d’œil que ces modèles sont en partie en bois.

Lego a une longue tradition d’utilisation du bois. Avant l’apparition du plastique, il était surtout utilisé pour les jouets destinés au premier âge. Rehaussés de dessins au pochoir colorés, il faisait la joie des bambins.

Lego camion citerne Esso
Lego camion citerne Esso

Précisons également qu’en France, une firme comme CIJ possédait également un atelier « bois » de production de jouets et d’accessoires de caisses d’emballage pour les jouets en tôle. Selon le même procédé que celui utilisé pour le Chevrolet dépanneuse, ces jouets se composaient d’un châssis et d’une carrosserie interchangeable grâce au fameux bouton pression.

Ainsi après avoir acquis la base constituée par le camion semi-remorque, l’enfant pouvait compléter son jouet en achetant la ridelle, la citerne simple ou la citerne vendue comme accessoire en étui individuel. Sur la version ridelle en plastique le bois est utilisé pour décorer très finement les fûts d’essence. Un détail, le texte indique le nom danois de la société Esso. Nous vous présenterons bientôt une autre rareté mais norvégienne.

Enfin, on peut constater l’omniprésence des constructeurs américains dans les reproductions de cees jouets scandinave aussi bien avant qu’après guerre. Que ce soit Tekno, Vilmer, Stentorp et autres Lego, ce ne sont que des reproductions de véhicule d’outre-atlantique.

Sur les routes encombrées de l’Ohio

Sur les routes encombrées de l’Ohio

Voici une sélection de ces superbes Dodge Cam Cast. Le point commun de tous ces modèles est qu’ils appartiennent au secteur agro alimentaire.

Dodge Cam Cast
Dodge Cam Cast

Cam cast, originaire de l’Ohio, démarcha principalement des entreprises de cet état. Les flancs de ces petits fourgons arborent rarement des publicités pour des firmes d’importance nationale comme North American van Lines (voir les autres versions)

Ils supportent plutôt des publicités pour des entreprises locales. Nous avons regroupé les modèles par corps de métier : en premier lieu des laiteries (Schlosser’s ; Brewer’s ; Jerzee milk), puis une boucherie (Eck rich), des traiteurs (Wolf and Dessauer ; Eckert) et enfin un fabricant de pommes chips (Kuehmann’s).

Il est intéressant de relever qu’en s’introduisant dans certaines branches d’activité Cam cast a créé un phénomène de mimétisme au sein de ce secteur ; c’est ainsi qu’on peu trouver plusieurs fourgons vantant les mérites de telle ou telle laiterie.

On peut facilement imaginer qu’il y avait une forme d’émulation entre les petits producteurs locaux pour la réalisation d’une miniature à leur nom.

Voir un autre article sur la firme Cam Cast