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L’apparition

L’apparition

Un vrai miracle. En ce week-end pascal, c’est bien le mot qui me vient au sujet de l’histoire que je vais vous conter et du modèle concerné. Ce samedi de Pâques, j’ai connu la surprise, l’interrogation et finalement la joie, toute la palette des sentiments qui font le charme de la vie d’un collectionneur.

Catalogue Dinky-toys Hudson Dobson 1956-1957
Catalogue Dinky-toys Hudson Dobson 1956-1957

La veille, le vendredi, je me rendais à Rotterdam afin d’acheter des Dinky Toys chez un collectionneur néerlandais. Je rentabilisais ainsi le voyage qui me conduisait à la bourse aux jouets de Houten, dans la banlieue d’ Utrecht, prévue le lendemain. Le vendeur avait apporté les modèles dont il souhaitait se séparer dans les bureaux de sa compagnie de transport situés dans le labyrinthe de la zone portuaire. Impressionnant.

Toute la Chine débarque ici ses produits manufacturés. La zone est également occupée par la compagnie Shell qui raffine ses produits sur place. Mon GPS a peiné pour localiser l’adresse.

Une fois l’achat conclu, je me suis souvenu que dans le passé, je me rendais dans une boutique de jouets située à l’entrée de la ville qui avait un petit rayon de modèles d’occasion. Cependant, en repartant de mon rendez-vous, je n’ai pas réussi à reconnaitre le chemin qui me conduisait à cet endroit. La fatigue venant, j’ai préféré rentrer directement à mon hôtel d’Utrecht.

Coincidence, le lendemain, à la bourse aux jouets, je me suis trouvé justement en face de la table de ce marchand de Rotterdam. Il avait amené quelques Lion Car. Il n’y en avait pas beaucoup, une dizaine. Il s’agissait des premières versions. Au vu des déclinaisons, des couleurs et de l’état de conservation, ils étaient tous légèrement patinés, j’ai compris qu’ils venaient d’une même collection. Tous les Lion Car du début de production étaient là, sauf les Renault. Je questionne le marchand sur l’absence de ces derniers. A ces mots, sa fille qui était venue l’aider se penche et prend d’un carton de dessous la table un fourgon de couleur rouge. Comme elle sortait le modèle, son père prononce une phrase en néerlandais. Elle reprend le modèle et le remet sous la table. Le marchand s’adresse alors à moi en anglais et me dit « it’s sold ».

Je reste quelques secondes abasourdi. J’ai eu le bon pressentiment, il y avait bien une version postale dans cette petite collection. Mais une question me taraude.

J’ai eu le temps de voir le modèle quelques secondes, et le pavillon n’était pas noir. Or, la version Lion car est toujours bicolore. Le modèle aurait-il été repeint ? Etrange, car la dizaine de véhicules présents sur la table sont tous en peinture d’origine. Y aurait-il une autre version inconnue jusqu’ici ? Je demande à mon vendeur la permission de revoir le modèle.

Et là, le temps s’arrête. Je suis en présence non pas d’un modèle Lion Car, mais d’un C-I-J totalement inconnu. Une version d’un 1000kg qui n’a jamais été répertoriée. Comment, ce samedi 31 mars 2018, un tel modèle a -t’il- pu refaire surface ? On peut parler d’un petit miracle. D’une apparition en quelque sorte.

Je n’ai pas eu besoin de très longtemps pour confirmer l’authenticité du modèle. Il reprend tout simplement le schéma de la version française de la poste. Le filet noir qui ceinture le fourgon est réalisé au pochoir. Il est strictement identique à celui de couleur jaune qui décore la version française. C’est aussi la même décalcomanie. Les amateurs que vous êtes auront repéré qu’il est équipé des premières jantes, de type convexe. A ce niveau là, je n’ai pu m’empêcher de faire le parallèle avec l’autre version postale destinée à un marché spécifique, je veux parler de la Deutsche Bundespost. Ils sont contemporains et ils partagent un autre point commun des plus intéressants.

La version pour le marché allemand est peinte de couleur jaune. La nuance est très particulière et n’a rien à voir avec le jaune de la version Astra ou Teinturerie. Non, il s’agit d’un jaune emprunté à la version Shell. Cette version néerlandaise emprunte, elle, la couleur rouge assez foncée du fourgon « Shell ». Ceci est logique. La version Shell a commencé sa carrière très tôt et les premiers exemplaires sont aussi équipés de ces jantes convexes.

A ce moment du récit, je dois faire une mise au point. Le vendeur m’a décrit le modèle comme étant « une sorte » de poste belge. Il n’en est rien. La C-I-J a bien réalisé une version aux couleurs de la poste belge, mais un peu plus tard. J’avance même l’hypothèse selon laquelle c’est ce ballon d’essai néerlandais qui a incité la C-I-J à mettre à son catalogue la version belge. J’ai interrogé sur place quelques collectionneurs anciens. Personne n’a entendu parler de ce modèle.

Je lance donc un appel aux collectionneurs néerlandais. Avez-vous déjà rencontré ce fourgon que l’on peut qualifier de « fourgon poste pour les Pays-Bas ».  La quantité  produite a dû être minime, si réduite qu’elle n’a pas justifié la réalisation d’une décalcomanie spécifique.

Un pochoir comme celui de la version « Boucherie », plus tardive, permettant de peindre  le pavillon dans une couleur différente de celle de la carrosserie, aurait pu être conçu pour la version hollandaise. Mais là encore, la très faible quantité produite pour le marché néerlandais n’a pas justifié la création de ce pochoir spécifique. Mais là encore, la très faible quantité réalisée pour le marché néerlandais n’a pas justifié la réalisation de ce pochoir particulier. C-I-J a produit cette version en adaptant ce qu’elle avait à disposition, avec les moyens du bord.

A ce moment de l’histoire, j’ai le véhicule en main, mais il ne m’appartient pas. C’est ici qu’intervient un deuxième miracle. Le nouveau propriétaire se trouve en fait à côté du vendeur. Il semble être ami avec ce dernier. Après quelques questions sur ses motivations de collectionneur, je commence par lui confirmer l’authenticité de son acquisition et m’empresse de lui expliquer ma motivation pour acquérir son modèle. Par chance, il me connait et rajoute même qu’il est déjà venu au magasin. Il me demande de lui faire une offre. J’ai vu l’étiquette mentionnant le prix d’acquisition. Une misère. Nous nous entendons et c’est avec un sentiment de joie intense que j’enveloppe précieusement ma nouvelle acquisition, savourant à l’avance le récit que je vais pouvoir en tirer.

Lorsqu’à nous autres, collectionneurs anciens, on pose la question « Alors, vous avez tout maintenant ?  » nous répondons mécaniquement qu’il nous reste heureusement encore bien des choses à découvrir.

Ce samedi confirme ce fait, et de manière éclatante. Ce fut une véritable apparition. Par quel hasard ce petit véhicule a- t-il atterri dans ce carton ? Qu’est-ce qui m’a incité à poser la question qui a fait surgir ce jouet comme une apparition ? Voilà bien des mystères auxqels je ne saurais répondre.

Lot de consolation sur la Route Napoléon

Lot de consolation sur la Route Napoléon

Le quotidien du personnel de la caravane du Tour de France ne devait pas être de tout repos. Cette foule pressante, implorante, quémandant le cadeau, tous ces bras tendus vers les véhicules publicitaires et les hôtesses auraient pu laisser croire que l’on distribuait des bons points pour l’accès au paradis.

La loi du plus fort régnait sur le bord des routes empruntées par la caravane. On imagine bien les vainqueurs exhibant fièrement leurs cadeaux comme autant de trophées de chasse : un éventail Saint-Raphaël, une visière en carton Cinzano, un drapeau en papier vantant une marque de soda.

Dans  le film « La Route Napoleon », l’instituteur voit sa classe désertée. Il ne reste plus qu’un élève. (voir le blog consacré à ce film et à la caravane du Tour de France). Celui-ci avoue les raisons de sa présence : il a raté le car qu’ont pris ses camarades pour aller passer le concours « Cinzano » au village voisin.

Y avait-il dans ce concours une petite Renault 4cv « Cinzano » de chez C-I-J à gagner ? (voir le blog sur la Renault 4cv). Pourquoi pas? Ce qui est certain c’est que Cinzano a distribué dans ce type de concours un joli découpage représentant un car Delahaye à ses couleurs  qui participait à la caravane publicitaire. Il devait y avoir un éventail assez large de cadeaux de pacotille vantant le célèbre apéritif.

L’occasion est trop belle pour ne pas vous présenter toute une série de véhicules conçus pour cette parade populaire, reproduits en modèles réduits et distribués comme cadeau  publicitaire.

Les plus simples et les plus modestes sont en carton. Il n’en demeure pas moins qu’ils ont beaucoup de charme. Ils étaient donnés en planche à découper. C’était le cadeau facile à distribuer en grande quantité. On constate aussi que ce type de produit a permis à ces firmes de faire reproduire avec une certaine exactitude leur flotte publicitaire à moindres frais.

Ces deux découpages en sont la preuve . Le Renault carrossé par « Le Bastard » aux couleurs des « Laines Pernelle », que l’on voit d’ailleurs dans le film « La Route Napoleon » et le Delahaye dû au styliste Philippe Charbonneaux, carrossé par Heuliez aux couleurs de la lessive « Saponite ».

Il fallait ensuite des heures de patience pour les assembler et donner naissance au petit véhicule dont les formes extravagantes exigeaient rigueur et soin.

Petit, je ratais tous mes découpages. Les véhicules réalisés par mes soins ressemblaient plus à des oeuvres de Picasso dans sa période cubiste qu’à un véhicule de la caravane publicitaire. Roues carrées, ouvertures approximatives, ils finissaient immanquablement à la poubelle. Je jurais qu’on ne me reprendrait pas à perdre autant de temps pour un résultat aussi décevant. Je soupçonnais les créateurs de ces planches d’avoir élaboré des engins irréalisables.

Je me suis rattrapé plus tard et c’est avec fierté que je vous présente une petite sélection réalisée par mes soins.

La planche avec les véhicules du journal « L’union » dont le fameux Renault 2,5T carrossé par « Le Bastard » est très évocatrice. On appréciera le paquet de journaux à réaliser en pliage et à positionner sur la plate-forme arrière . Le très décoratif camion aux couleurs des confiseries « Delespaul » est des plus réussis. Il s’harmonise fort bien avec les autres véhicules industriels que sont les PR .

Tous n’ont pas participé au Tour de France cycliste, mais ils ont pu être distribués comme petit cadeau dans les critériums, autre occasion pour les publicistes de diffuser l’image d’une marque ou d’un produit.

Autre support fort économique pour un industriel qui veut laisser une trace durable de ses produits dans la mémoire des clients, la reproduction de la silhouette du véhicule publicitaire posée sur un socle.

Cela reprend l’idée des fameux soldats en demi-ronde- bosse. Ces produits étaient le plus souvent distribués dans les emballages des produits qu’ils servaient à promouvoir.

On peut imaginer qu’ils ont existé dans la réalité. Voici un Renault 1400Kg « Frivor boissons », un Peugeot D4A « Aspor service sanitaire du tour » et un break ( Peugeot?) « Père Queru le meilleur des cafés » qui va devenir « Tropica le meilleur des cafés » .

Ce dernier semble postérieur (surcharge du socle). Il doit exister bien d’autres produits similaires. Il émane beaucoup de charme de ces petits objets qui ne sont pas à négliger. Ils font partis de l’histoire des véhicules publicitaires au même titre qu’une Renault 4cv « Cinzano ».(voir le blog consacré aux véhicules du Tour de France).

Enfin voici une sélection de buvards, représentant des véhicules publicitaires vus sur ce type d’épreuve.

 

Depuis, la collection de ces véhicules est venue s’enrichir de très beaux modèles artisanaux, puis industriels.

Selon moi, un petit découpage en carton ou la silhouette en plastique d’un véhicule publicitaire évoque beaucoup mieux cette période qu’un produit industriel très fidèle « made in China ». Mais encore une fois, chacun ses goûts.

Miracle à Milan

Miracle à Milan

C’est le titre du film de Vittorio de Sica et de Cesare Zavattini qui remporta la palme d’or à Cannes en 1951. Dans ce conte fantastique empreint de poésie deux mondes s’opposent : celui des gens cupides et celui des pauvres. Le miracle s’accomplit à la fin du film quand la fée Lolotta vient chercher les habitants d’un bidonville promis à la destruction en raison de la découverte d’un gisement de pétrole et les emmène au paradis. La fin du film est célèbre : gueux et mendiants survolent la cathédrale  de Milan à cheval sur un balai.

Je vous rassure, je n’ai pas enfourché un balai pour survoler le Duomo. Non, c’est un miracle bien plus modeste qui m’est arrivé à Milan.

La Citroën Ami 6 de chez JRD est un classique. Ce n’est pas ma reproduction favorite de cette célèbre berline car je préfère celle de Solido (voir le blog consacré à la Citroën ami 6 de chez Solido).

Il faut dire que Solido a été pragmatique en renonçant à reproduire le capot ouvrant. Incurvé en son milieu, il représente un véritable casse-tête.

Il est quasiment impossible de le fermer correctement sans laisser d’espace disgracieux au niveau horizontal du capot et sur les côtés. Solido a su éviter un piège dans lequel Dinky Toys, Norev et JRD sont tombés. Parmi ces derniers c’est JRD, et de loin, qui s’en est le mieux sorti. Longtemps, deux combinaisons de couleurs ont été répertoriées.

La très classique et très conventionnelle bleu pâle avec pavillon blanc et la plus rare orange avec pavillon blanc.

La rencontre avec un ancien représentant de JRD m’a fait découvrir au milieu des années 80, une superbe et rarissime version vert tilleul avec pavillon blanc. Je n’en ai jamais revu d’autre .

Mais revenons à la bourse de Milan, édition de décembre 2016.La manifestation était bien entamée, elle commence pour les exposants à 6H30. Je détaillais les miniatures sur la table d’un vendeur. Manifestement, j’avais devant les yeux une petite collection constituée d’époque, composée des grands classiques de la miniature. Des Märklin, des Corgi Toys ,des Quiralu, des Mercury des Solido, les reproductions des principales autos européennes des années soixante. Le collectionneur avait semble- t-il acheté une seule reproduction de chaque auto. Pas de doublon.

Parmi les miniatures figurait une Citroën Ami 6 berline bleu très pâle unicolore. Il s’agit d’une couleur classique chez Solido. Cependant, l’échelle de reproduction du modèle posé sur la table m’a permis d’identifier très rapidement un autre fabricant de miniatures. La silhouette proche du 1/41 ne pouvait être que celle d’une JRD, la Solido respectant strictement, elle, le 1/43. Cette variante de couleur m’était inconnue jusque là.

Un examen approfondi me confirma l’authenticité du modèle. C’est un plaisir certain que de découvrir après 40 ans de collection des couleurs inconnues, qui plus est chez un fabricant avec lequel on a des affinités.

Quelques mois plus tard, toujours à la même manifestation , et toujours en fin de matinée, alors que j’étais dans l’allée centrale de la manifestation, quelle ne fut pas ma surprise de voir un Saviem LRS pelleteuse dans les couleurs du Renault 120cv.

Il y a quelques années j’avais récupéré la version équipée d’une flèche treillis de couleur orange équipée de cette cabine Saviem LRS. Nous sommes en présence de modèles de transition qui empruntent les couleurs du Renault 120cv, et sont équipés de la cabine Saviem. (voir le blog consacré  à ce Saviem C-I-J …le chainon manquant).

Un dernier élément est venu depuis éclairer ma lanterne. On sait qu’avec la Dauphine, la Régie Renault a rompu le contrat d’exclusivité qui la liait à la C-I-J (voir le blog consacré à ce sujet avec la Renault 4cv).

Récemment, j’ai eu la chance de récupérer deux documents destinés aux revendeurs avec des listes de prix. Un détail m’a profondément choqué. La mention « Renault » a disparu du nom de tous les modèles, sauf pour la 4cv et encore.

extrait du catalogue C-I-J Renault 4cv calandre à 3 barres
extrait du catalogue C-I-J Renault 4cv calandre à 3 barres

Celle-ci est décrite comme « 4cv Renault « et non » Renault 4cv ». C’est subtil mais il faut le souligner, on sent que Renault n’est plus en odeur de sainteté chez C-I-J.

Le nom Saviem lui est bien présent dans les catalogues. C’est fort étrange, car Saviem était la branche poids lourd de Renault. Il se peut que la C-I-J ait négocié, non pas un contrat d’exclusivité mais au moins un contrat l’autorisant à reproduire des « Saviem ». Pour être complet sur ce sujet, on note que le nom Simca apparaît également dans ce catalogue, mais que tous les autres noms de constructeurs sont absents. Simca et Saviem avaient sûrement dû accepter que la « C-I-J europarc » reproduise leurs modèles.

J’avance donc l’hypothèse selon laquelle la « C-I-J Europarc » a utilisé au plus vite l’accord de Saviem. Pour ce faire elle a remplacé la cabine Renault par celle du Saviem LRS qu’elle avait déjà en production sans même attendre que la nouvelle cabine Saviem JM240 plus moderne soit prête.

Pour le collectionneur français que je suis, fort sensible à ces deux firmes, la JRD et la « C-I-J Europarc », ce sont désormais deux petits miracles qui se sont accomplis à Milan. J’attends désormais le troisième.

 

Ruralité et poudres à laver

Ruralité et poudres à laver

La rédaction du blog est parfois comme un voyage, avec ses détours et ses surprises. On part dans une direction puis on prend des chemins de traverse, et parfois on arrive là où on ne s’attendait pas.

L’histoire du jour commence par une visite à Paris, au Musée national de l’histoire de l’immigration. C’est le thème d’une exposition consacrée aux immigrés italiens qui nous y a entraînés. A l’entrée du musée nous avons été interpellés, mon épouse et moi, par un conférencier qui nous proposait de venir écouter une présentation sur l’histoire de l’immigration en France.

Il y a parfois des moments magiques dans notre quotidien, et cette présentation en fut un. Le conférencier était passionnant. En une heure de temps, j’ai compris le mécanisme et l’origine des mouvements migratoires. Tout cela était expliqué de manière pédagogique et intelligente.

Savez-vous donc pourquoi à compter de la révolution industrielle, il y a 150 ans, la France fut en Europe occidentale un des pays qui eut le plus recours  à l’immigration ?

Le territoire français a toujours eu cette particularité d’être morcelé en un très grand nombre de petites propriétés agricoles, et ce, même avant la révolution française. Le phénomène s’amplifiera sous la révolution, quand les dirigeants politiques vendront une partie des terres confisquées à la noblesse pour faire rentrer des fonds. Enfin, l’abolition définitive en 1849 du droit d’aînesse qui permettra de distribuer la terre à parts égales entre les descendants viendra morceler un peu plus la campagne.

Notre pays est donc constitué d’un grand nombre de petits propriétaires terriens, très attachés à « leur » terre. Chez nos voisins européens, les exploitations ont toujours été de taille plus importante.

Au moment de la révolution industrielle au milieu du 19eme siècle, il a fallu des ouvriers pour faire tourner les usines et l’industrie française a manqué de main-d’oeuvre.

En effet les paysans français ne voulaient pas quitter cette terre transmise de génération en génération pour partir à la ville.

L’industrie a donc du donc faire massivement appel à la main d’oeuvre étrangère. Ce sont d’abord les Belges qui ont formé les plus gros bataillons de main d’oeuvre, puis les Italiens, les Espagnols et enfin, plus récemment les Portugais.

Cette révolution industrielle amena son lot d’innovations, de progrès techniques et de confort dans les foyers. C’est incontestable. Tous les appareils qui ont facilité la vie ménagère ont bien évidemment d’abord été distribués dans les grandes cités. Puis il a fallu trouver d’autres débouchés.

Mais comment atteindre les fançais qui vivent à la campagne ? En 1906, 43% de la population est rurale, en 1954 , un tiers de la population vit encore à la campagne.

Il y eut bien sûr les foires commerciales qui s’installaient chaque année dans le chef-lieu départemental. Ces foires ont gardé jusqu’à il y a peu de temps une certaine importance. C’était une occasion pour la campagne « de monter à la ville ».

Un autre vecteur et non des moindres fut celui des caravanes publicitaires accompagnant les événements sportifs et notamment les épreuves cyclistes. Le Tour de France bien sûr mais aussi tous les critériums qui jalonnaient le calendrier du printemps à l’automne.

Parcourir les pages des trois revues hors-série de « Charge Utile » consacrées à « La caravane publicitaire » est des plus révélateur. Les auteurs, Jean-François Colombet et Roger Colliat nous prouvent à travers ces trois ouvrages que les industriels ont débordé d’imagination pour faire découvrir au public rural leurs produits et leurs innovations.

Un des véhicules les plus extraordinaires à mes yeux est celui que mon ami François Laurent m’a présenté dernièrement. Ce dernier m’a confié deux revues datant l’une de 1933 (« Automobilia ») et l’autre de 1934 (« Le Poids lourd »).

On y voit la photo d’un étonnant véhicule, avec ce texte laconique « Paquette et Breteau à Bagnolet . La plus importante maison française spécialisée dans la construction légère et robuste des carrosseries poids lourds ». Il s’agit d’un tracteur Panhard à cabine double auquel est attelée une semi-remorque tôlée à un seul essieu. Ce véhicule a été commandé par la marque de lessive Persil.

Le camion possédait une remorque dépliable, avec un socle rétractable équipé d’une batterie de machines à laver et rincer le linge. Dans les années trente, ce devait être une bien curieuse animation que de voir à chaque étape du Tour de France ces machines à laver fonctionner. Les lavandières ne devaient pas en croire leurs yeux.

Ce camion ne m’était pas inconnu, il trônait en deux exemplaires dans mes vitrines. Cependant, j’ ignorais sa fonctionnalité et l’usage qui en était fait sur le Tour de France.

Cela explique la présence de la cabine double permettant d’emporter du personnel, et l’essieu simple à l’arrière de la remorque. Le poids n’était pas une préoccupation.

Il a été reproduit par la firme française DC. Le modèle réduit est très fidèle et répond ainsi parfaitement à sa vocation promotionelle. Il existe des variantes de nuances de couleurs.

Dans les pages d’un des Hors-série de « Charge Utile » consacré à ces véhicules publicitaires, on découvre que la société Butagaz fit de même avec l’un de ses camions, afin de promouvoir le confort de la cuisson au gaz. A chaque étape, on cuisinait dans le camion des gâteaux qui étaient ensuite distribués au public. Quelques photos plus loin, c’est un Unic ZU 53 aux couleurs Primagaz avec équipement rétractable, et éléments de cuisson qui est présenté.

Au regard de ces pages, un constat s’impose. Les industriels ont utilisé les véhicules publicitaires pour pénétrer le marché rural, et ce, très tôt. Les aspirateurs, téléviseurs et machines à laver sont arrivés à la campagne en grande partie grâce à ces véhicules de démonstration.

(voir un autre blog consacré aux véhicules publicitaires du Tour de France)

 

 

Accordéon,flonflons,camions et Napoléon

Accordéon,flonflons,camions et Napoléon

Trouver un lien entre ces quatres mots est loin d’être évident. C’est pourtant le tour de force qu’a réalisé le réalisateur Jean Delannoy en 1953 avec son film « La route Napoléon ». 

extrait du film "La route Napoleon"
extrait du film « La route Napoleon »

L’histoire se déroule dans le monde de la publicité. Monsieur Martel est le propriétaire d’une régie publicitaire. Il s’escrime à trouver des slogans qui riment, comme le voulait la mode des années cinquante.

 

Le tourisme se porte mal et il a pour mission de faire revenir les touristes dans les campagnes françaises. Pour cela, rien de mieux que de faire revivre les exploits d’un des personnages historiques français les plus populaires, Napoléon.

Il a donc l’idée de proposer aux touristes un circuit dont les étapes s’inscrivent dans les traces de l’empereur de retour de l’île d’Elbe. Débarqué à Golfe Juan, l’empereur est en effet remonté jusqu’à Grenoble. L’itinéraire qu’il a suivi est connu sous le nom de la « Route Napoléon ».

Notre publicitaire adapte le trajet à sa convenance et réécrit l’histoire au nom de la rentabilité commerciale. Ce film est une satire assez bien sentie du monde de la publicité, et le publicitaire y apparaît peu scrupuleux et prêt à toutes les compromissions pour arriver à ses fins.

Ce qui a cependant retenu mon attention, et celle de Monsieur Dufresne qui m’a fait découvrir ce film, c’est la présence, du début à la fin, d’une partie de la caravane publicitaire du Tour de France cycliste.

Au départ du film, c’est une caravane de Renault 4cv Cinzano qui traverse l’écran, au niveau de l’avenue d’Iéna, accompagnée d’un Simca 9 Aronde. Nous sommes tout de de suite plongés dans l’ambiance.

Puis c’est Monsieur Martel qui dans sa superbe Buick Roadmaster cabriolet passe en revue toute la caravane alignée en épis sur un parking, comme un général avant le départ pour une campagne militaire. Un peu plus loin dans le fim, on revoit l’auto en marche précédant la longue cohorte bariolée des véhicules publicitaires. Clin d’oeil à Napoléon et aux images d’Epinal où l’on voit les plus grands conquérants partir à la guerre à la tête de leur troupes.

La caravane s’attaque ensuite aux lacets des routes alpines, ce qui donne lieu à de belles images.  Quel  plaisir de voir le Ford Waterman, la De Rovin, le car Cinzano et le semi-remorque podium de chez Pernod. La caravane part à l’assaut des petits villages qu’elle envahit pacifiquement, en apportant réclames et slogans publicitaires sur la place publique. Seul le curé et l’instituteur essaieront de résister, en vain.

Comme Napoleon avant Waterloo, La publicité emporte tout sur son passage. La vie d’un village se trouve ainsi bouleversée : camions  et semi- remorques sont déployés en scène éphémère où des artistes viennent chanter, jouer de l’accordéon et distribuer des cadeaux à la foule émerveillée par les flonflons de l’animation.

Une chose est certaine, Cinzano est la firme la plus représentée dans le film. Outre les Renault 4cv, on y voit la Renault Dauphinoise et le car à plateforme et mezzanine.

Les publicités pour cet apéritif sont omniprésentes, il a dû couler à flot pendant le tournage.

Mais revenons en détail sur nos miniatures

La plus célèbre est la Renault 4cv « Cinzano » (décrite plus haut et dans le blog sur la Renault 4cv).

C-I-J a reproduit une autre Renault 4cv, mais en tôle et à une échelle proche du 1/20. C’est la « Saint-Raphaël », apéritif concurrent de « Cinzano ». La décoration est sublime, faite au pochoir d’après un travail préparatoire de Loupot. Sa signature apparaît à l’arrière de l’auto. Il y a quarante ans nous avons succombé au charme de l’objet et l’avons intégré à notre collection, malgré la différence d’échelle de reproduction.

Viennent ensuite les deux camions de chez PR reproduisant des véhicules de la caravane du Tour de France cycliste : le « Waterman » et le « Le Chat ». Ils suscitent toujours l’admiration de nos amis étrangers et symbolisent à eux deux tout l’univers des festivités « made in France ».

Pour information, Il existe deux décalcomanies différentes sur la partie arrière du camion Waterman (couleurs du lettrage).

L’autre fabricant célèbre à avoir inscrit à son catalogue deux autres véhicules de la caravane du Tour de France est la firme « Les Roulier ». Le célèbre camion Renault « Byrrh » en forme de tonneau a eu dans la réalité une longue carrière.

Ce jouet existe dans deux finitions : avec ou sans  finition  bois.

Le second est le plus rare et le plus désirable des reproductions jouets des véhicules du Tour de France. Il s’agit du Renault « Vitabrill ». Son échelle de reproduction avoisine le 1/75. Il existe deux variantes de roues et de nuances de vert. Celui présenté est fini en vert pré. L’autre version est vert foncé. Il est présenté dans la boîte de la Renault Etoile Filante, surchargée d’un papier.

La pince à linge « Uni Blanc » est un produit des plus intéressants. C’est aussi un grand classique de la caravane du Tour de France. Le véhicule a également connu des variantes de décalcomanies et de roues. Cela peut s’expliquer par le nombre de campagnes publicitaires auxquelles ces véhicules ont participé.

A suivre. (en attendant, vous pouvez revoir cet autre article consacré à ce sujet)