Archives par mot-clé : Namac-Houten

L’apparition

L’apparition

Un vrai miracle. En ce week-end pascal, c’est bien le mot qui me vient au sujet de l’histoire que je vais vous conter et du modèle concerné. Ce samedi de Pâques, j’ai connu la surprise, l’interrogation et finalement la joie, toute la palette des sentiments qui font le charme de la vie d’un collectionneur.

Catalogue Dinky-toys Hudson Dobson 1956-1957
Catalogue Dinky-toys Hudson Dobson 1956-1957

La veille, le vendredi, je me rendais à Rotterdam afin d’acheter des Dinky Toys chez un collectionneur néerlandais. Je rentabilisais ainsi le voyage qui me conduisait à la bourse aux jouets de Houten, dans la banlieue d’ Utrecht, prévue le lendemain. Le vendeur avait apporté les modèles dont il souhaitait se séparer dans les bureaux de sa compagnie de transport situés dans le labyrinthe de la zone portuaire. Impressionnant.

Toute la Chine débarque ici ses produits manufacturés. La zone est également occupée par la compagnie Shell qui raffine ses produits sur place. Mon GPS a peiné pour localiser l’adresse.

Une fois l’achat conclu, je me suis souvenu que dans le passé, je me rendais dans une boutique de jouets située à l’entrée de la ville qui avait un petit rayon de modèles d’occasion. Cependant, en repartant de mon rendez-vous, je n’ai pas réussi à reconnaitre le chemin qui me conduisait à cet endroit. La fatigue venant, j’ai préféré rentrer directement à mon hôtel d’Utrecht.

Coincidence, le lendemain, à la bourse aux jouets, je me suis trouvé justement en face de la table de ce marchand de Rotterdam. Il avait amené quelques Lion Car. Il n’y en avait pas beaucoup, une dizaine. Il s’agissait des premières versions. Au vu des déclinaisons, des couleurs et de l’état de conservation, ils étaient tous légèrement patinés, j’ai compris qu’ils venaient d’une même collection. Tous les Lion Car du début de production étaient là, sauf les Renault. Je questionne le marchand sur l’absence de ces derniers. A ces mots, sa fille qui était venue l’aider se penche et prend d’un carton de dessous la table un fourgon de couleur rouge. Comme elle sortait le modèle, son père prononce une phrase en néerlandais. Elle reprend le modèle et le remet sous la table. Le marchand s’adresse alors à moi en anglais et me dit « it’s sold ».

Je reste quelques secondes abasourdi. J’ai eu le bon pressentiment, il y avait bien une version postale dans cette petite collection. Mais une question me taraude.

J’ai eu le temps de voir le modèle quelques secondes, et le pavillon n’était pas noir. Or, la version Lion car est toujours bicolore. Le modèle aurait-il été repeint ? Etrange, car la dizaine de véhicules présents sur la table sont tous en peinture d’origine. Y aurait-il une autre version inconnue jusqu’ici ? Je demande à mon vendeur la permission de revoir le modèle.

Et là, le temps s’arrête. Je suis en présence non pas d’un modèle Lion Car, mais d’un C-I-J totalement inconnu. Une version d’un 1000kg qui n’a jamais été répertoriée. Comment, ce samedi 31 mars 2018, un tel modèle a -t’il- pu refaire surface ? On peut parler d’un petit miracle. D’une apparition en quelque sorte.

Je n’ai pas eu besoin de très longtemps pour confirmer l’authenticité du modèle. Il reprend tout simplement le schéma de la version française de la poste. Le filet noir qui ceinture le fourgon est réalisé au pochoir. Il est strictement identique à celui de couleur jaune qui décore la version française. C’est aussi la même décalcomanie. Les amateurs que vous êtes auront repéré qu’il est équipé des premières jantes, de type convexe. A ce niveau là, je n’ai pu m’empêcher de faire le parallèle avec l’autre version postale destinée à un marché spécifique, je veux parler de la Deutsche Bundespost. Ils sont contemporains et ils partagent un autre point commun des plus intéressants.

La version pour le marché allemand est peinte de couleur jaune. La nuance est très particulière et n’a rien à voir avec le jaune de la version Astra ou Teinturerie. Non, il s’agit d’un jaune emprunté à la version Shell. Cette version néerlandaise emprunte, elle, la couleur rouge assez foncée du fourgon « Shell ». Ceci est logique. La version Shell a commencé sa carrière très tôt et les premiers exemplaires sont aussi équipés de ces jantes convexes.

A ce moment du récit, je dois faire une mise au point. Le vendeur m’a décrit le modèle comme étant « une sorte » de poste belge. Il n’en est rien. La C-I-J a bien réalisé une version aux couleurs de la poste belge, mais un peu plus tard. J’avance même l’hypothèse selon laquelle c’est ce ballon d’essai néerlandais qui a incité la C-I-J à mettre à son catalogue la version belge. J’ai interrogé sur place quelques collectionneurs anciens. Personne n’a entendu parler de ce modèle.

Je lance donc un appel aux collectionneurs néerlandais. Avez-vous déjà rencontré ce fourgon que l’on peut qualifier de « fourgon poste pour les Pays-Bas ».  La quantité  produite a dû être minime, si réduite qu’elle n’a pas justifié la réalisation d’une décalcomanie spécifique.

Un pochoir comme celui de la version « Boucherie », plus tardive, permettant de peindre  le pavillon dans une couleur différente de celle de la carrosserie, aurait pu être conçu pour la version hollandaise. Mais là encore, la très faible quantité produite pour le marché néerlandais n’a pas justifié la création de ce pochoir spécifique. Mais là encore, la très faible quantité réalisée pour le marché néerlandais n’a pas justifié la réalisation de ce pochoir particulier. C-I-J a produit cette version en adaptant ce qu’elle avait à disposition, avec les moyens du bord.

A ce moment de l’histoire, j’ai le véhicule en main, mais il ne m’appartient pas. C’est ici qu’intervient un deuxième miracle. Le nouveau propriétaire se trouve en fait à côté du vendeur. Il semble être ami avec ce dernier. Après quelques questions sur ses motivations de collectionneur, je commence par lui confirmer l’authenticité de son acquisition et m’empresse de lui expliquer ma motivation pour acquérir son modèle. Par chance, il me connait et rajoute même qu’il est déjà venu au magasin. Il me demande de lui faire une offre. J’ai vu l’étiquette mentionnant le prix d’acquisition. Une misère. Nous nous entendons et c’est avec un sentiment de joie intense que j’enveloppe précieusement ma nouvelle acquisition, savourant à l’avance le récit que je vais pouvoir en tirer.

Lorsqu’à nous autres, collectionneurs anciens, on pose la question « Alors, vous avez tout maintenant ?  » nous répondons mécaniquement qu’il nous reste heureusement encore bien des choses à découvrir.

Ce samedi confirme ce fait, et de manière éclatante. Ce fut une véritable apparition. Par quel hasard ce petit véhicule a- t-il atterri dans ce carton ? Qu’est-ce qui m’a incité à poser la question qui a fait surgir ce jouet comme une apparition ? Voilà bien des mystères auxqels je ne saurais répondre.