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13 ème tour

13 ème tour.

30 juillet 1967. Cette date marque la fin d’une époque. Les gens ne le savent pas encore. Ils ne le comprendront que bien plus tard. Une décennie plus tard. Parfois, dans la vie on se pose et on repense au passé. On réalise alors que l’on a vécu une époque incroyable. On le constate en voyant comment les générations suivantes, celles qui n’ont pas connu cette période en parlent avec des lumières dans les yeux.

C’est ce jour là, le 30 juillet 1967 que s’est déroulée la dernière épreuve du championnat du monde des marques à Brands Hatch en Grande-Bretagne, le B.O.A.C. 500, du nom de la compagnie aérienne de transport, sponsor de l’épreuve.

On voit déjà les changements à venir avec l’apparition de cette publicité accolée au nom de l’épreuve.

Les législateurs sont pris de vitesse, c’est bien le cas de le dire, par les prototypes de grosse cylindrée engagés dans ce championnat. Ils vont purement et simplement les exclure du championnat 1968. Le changement de réglementation se fait dans la précipitation. Alain Bienvenu l’évoque  dans son livre (l’endurance tome 2).

Une semaine après les 24 heures du Mans, la commission se réunit en urgence, sans même avoir convoqué ses membres américains. Elle décide d’exclure ces autos. Il n’y aura aucune concertation avec les constructeurs.

Il faut dire que les chiffres parlent d’eux-même : au Mans, le record de la distance a été battu (plus de 5000 km !)  et le record du tour a progressé en deux ans de 24 secondes !

Le championnat sera désormais réservé aux modèles équipés de moteurs 3 litres. Une dérogation est faite pour les autos équipées de moteurs d’une cylindrée supérieure, dès lors qu’il s’agit d’une mécanique issue de la série. C’est ainsi que naît la catégorie Sport : un minimum de 50 autos doit être réalisé pour intégrer la catégorie.

Il faut bien présenter au public des plateaux conséquents et les organisateurs ont peur de se retrouver avec des grille de départs clairsemées.

Que reste -t-il en 1968 du plateau de 1967 ? Ferrari a claqué la porte, ses 330P4 ne sont pas compatibles avec la nouvelle réglementation. On gardera donc les Ford et les Lola.

Pour ces dernières, on se contentera de la promesse de leur propriétaire, Eric Broadley, de produire 50 exemplaires…ce qui ne sera jamais réalisé.

En 1969, le règlement abaissera le seuil à 25 exemplaires, en oubliant, cette fois de stipuler l’utilisation d’une mécanique de « série ». Porsche s’engouffrera dans cette catégorie suivi par Ferrari.(voir le blog consacré à la Porsche 917).

En modifiant les règles relatives à la dimension du pare-brise, le règlement de 1969 aura une autre conséquence.

Conjuguée à la suppression du coffre à bagages prévue par les règlements précédents, cette nouvelle réglementation donnera naissance à une nouvelle génération d’autos, celle des autos ouvertes : les barquettes. Ces dernières apparaissent moins spectaculaires pour le grand public.

Esthétiquement, il est sûr que les autos de 1967 sont toutes plus belles les unes que les autres. De plus, chacune est facilement identifiable, même pour un public profane. (voir le blog consacré à la Chaparral 2F).

Les fabricants de miniatures et de jouets ne s’y sont pas trompés. Ils en ont compris tout l’intérêt . Il suffit de regarder le nombre de reproductions de Chaparral 2F, de Ferrari 330 P4 ou de Ford MK IV qui ont été proposées, toutes échelles confondues.

Jamais des autos de course n’auront eu autant de succès. Mebetoys l’a bien compris qui a inscrit à son catalogue tous les modèles ayant marqué cette année exceptionnelle. Afin d’écouler ses stocks, le fabricant italien a même créé un coffret cadeau. Il est d’une grande rareté.

Il y a là les quatre marques qui ont dominé cette année si l’on excepte la Mirage qui s’est imposée à Spa. La Ferrari 330P4, championne du monde avec deux victoires dont le fameux triplé en terre américaine à Daytona. Porsche sa concurrente qui lutta jusqu’à la dernière course. Chaparral l’animatrice du championnat qui clôturera le championnat par une victoire. Enfin, Ford qui s’est imposé à Sebring et bien sûr au Mans avec sa MK IV.

Désormais, c’est avec une certaine émotion que l’on regarde ce coffret. Un détail ne vous a pas échappé. Pour compléter son coffret le fabricant de jouets a créé un panneau : le type de panneau que les mécaniciens présentaient à chaque tour au pilote de l’auto afin de le renseigner sur sa position, son avance sur son suivant et le retard sur l’auto qui le précédait.

Bref un mode d’information qui paraît bien dépassé aux pilotes d’aujourd’hui, ces derniers ayant la radio et l’informatique à bord.

Superstition ou pas, les italiens ont choisi d’immortaliser la course au 13eme tour !

C’est vrai qu’en Italie, le 13 est un nombre comme les autres, c’est le chiffre 17 qui fait peur. Une chose est certaine ce 30 juillet 1967 est une date dans l’histoire automobile. Rien ne sera plus comme avant..

Le voisin du 43.

Le voisin du 43.

C’est l’histoire banale d’une rue du 19 ème arrondissement. Une rue sans histoires. Une rue calme, quasiment sans commerces, ce qui est révélateur à Paris du peu d’intérêt de l’endroit. C’est pourtant dans cette rue, qu’il y a trente deux-ans, en 1984, j’ai choisi d’ouvrir mon magasin au 41. 

C’est la modicité du prix de la boutique qui m’a motivé. Il faut dire que le commerce qu’elle abritait était fermé depuis plus de 20 ans. Le plancher était en piteux état, à travers ses découpes on voyait la cave. A cette époque, la seule boutique de la rue se situait tout en amont, à l’angle du parc. Il s’agissait d’une boutique de jouets qui faisait aussi papeterie et librairie.

A la droite de la boutique, on trouvait un plombier qui était le descendant du peintre Mucha.

J’étais à peine ouvert, quand un couple qui habitait la rue est venu me voir pour me confier que la vue des Dinky Toys éveillait en eux des souvenirs car les deux époux avaient travaillé à l’usine de Bobigny au début de leur vie professionnelle. Il faut dire que Bobigny n’est pas très loin de ma boutique.

Un an après, j’ai rencontré l’homme qui allait me fournir plus de quatre-vingt Dauphine Dinky Toys aux couleurs « bleu Bobigny ». Encore une fois c’est bien le quartier où j’avais élu domicile qui fût à l’origine de cette rencontre. Elle eut d’ailleurs des conséquences tardives. Bien après l’acquisition des Dauphine Bobigny j’ai acquis auprès de la même personne des prototypes en bois et des essais de couleur.

C’est elle également  qui m’a appris que la direction de Meccano s’était installée au début des années soixante-dix, après le départ de Bobigny, avenue Jean Jaurès au lieu dit « Le Belvédère », à 400 mètres de ma boutique.

Puis vint la collection de M. Chaudey. Comme le couple qui était venu me voir à l’ouverture de la boutique, il avait habité le quartier à l’époque où avec son épouse il travaillait à Bobigny. Ce fut la plus belle collection de Dinky Toys qu’il m’a été donné d’acquérir. Elle comprenait plus de trente prototypes ! Finalement, ce petit quartier qui semblait de prime abord sans attrait m’avait comblé de surprises toutes plus agréables les unes que les autres. 

Puis un jour, mes voisins du 43 décidèrent de partir. J’avoue que jusqu’à ce qu’un des deux frères pousse la porte de ma boutique j’avais j’ignoré l’activité du 43. Je ne suis pas curieux de nature. Nous n’avions jamais poussé la conversation au-delà des politesses d’usage. Il m’indiqua qu’il partait parce que les locaux étaient devenus trop exigus pour poursuivre leur activité de mouliste.

Il m’apprit que c’était leur officine qui avait notamment réalisé le moule de la DS présidentielle de Dinky Toys. Selon lui, quelques coques brutes, issues des premiers tests d’injection devaient encore traîner quelque part.

On imagine aisément qu’avant d’être livré à son commanditaire, le moule devait être testé. Il ne retrouva jamais ces coques. Mais bien plus tard, au moment de la rédaction du dernier opus du livre de Jean-Michel Roulet, comme je lui racontais cette anecdote, il se souvint qu’il avait acquis au marché aux puces quelques coques brutes dont certaines avaient encore leurs carottes d’injection. Elles n’avaient pas été perdues pour tout le monde. On peut imaginer que le compagnon qui avait trouvé ces carrosseries les avait cédées à un brocanteur de Saint-Ouen.

Quelques années plus tard, j’allais rendre visite à M. Juge. Ce dernier était le responsable technique de la firme Champion. Il me parla longuement du voisin du 43. Il y était venu très souvent et se rappelait très bien du nom du mouliste qui lui avait réalisé quelques miniatures : André Fétu.

J’appris à cette occasion que ce mouliste réalisait les moules mais également le modèle en amont, c’est à dire le prototype en bois, à une échelle trois fois plus importante que celle du modèle envisagé. Les défauts, les déformations, les asymétries sont bien plus visibles sur un modèle trois fois plus grand.

Je me souviens lui avoir montré les prototypes et les empreintes servant à l’enfonçage chez Tekno. M. Juge admira la finesse et la grande dextérité des Danois, au niveau des micros soudures, technique qu’il n’utilisait visiblement pas. C’est à cette occasion qu’il me céda un ensemble de maquettes en bois ayant été réalisées au 43 rue Cavendish.

Certaines ont connu la série en série, comme la Lola T70, la Ligier JS5 ou la Ferrari 312T. Par contre, la Lancia Stratos, la Mirage Ford de 1967 ou l’Alpine Renault A442 de 1977 n’ont jamais vu le jour. J’avais aussi vu dans son bureau du boulevard Sébastopol, dans les années 90, une Porsche 935 Mugello 1976 qui a disparu. La mise en route d’un modèle nécessite de lourds investissements. Parfois la raison l’a emporté. Par exemple, la Mirage n’a connu qu’une saison et elle a toujours été aux couleurs Gulf. Dans ces conditions, il n’était pas facile de créer des versions différentes. Il en est de même pour la Porsche 935 qui dans sa carrosserie Mugello, phares dans le spoiler et ailes arrières rondes, n’a couru qu’une fois.

A l’opposé, la Lancia Stratos aurait pu être un vrai filon pour les amateurs de variantes. Mais la sortie du modèle Solido a dû tempérer les ardeurs des décideurs chez Champion.

la carte postale appartenant à Mr Raymond
la carte postale appartenant à Mr Raymond

M. Raymond, connu pour sa collection unique au monde de Peugeot 404 habite le quartier, comme son papa, qui lui habite la rue Cavendish. Intéressé par l’histoire du quartier, ce dernier m’a confié une carte postale des plus intéressantes. La vue est prise en bas de la rue Cavendish. En fait c’est l’immeuble du 43 qui est le sujet de la photo et plus précisément, le fameux local décrit ci dessus. Le fronton de l’entrée porte l’inscription « Monnier Modeleur ». Une quinzaine d’ouvriers et d’apprentis posent devant l’entrée. Notre modeleur des années 80 était donc le descendant d’une lignée établie au moins depuis le début du siècle dernier.