Camions du futur

Cette série de miniatures injectées en plomb aux États-Unis a eu du mal à convaincre les collectionneurs européens souvent déconcertés par cet univers particulier. Je fais souvent le rapprochement avec l’univers de la bande dessinée américaine des années trente. Ces camions aux formes futuristes semblent sortis des planches des albums en vogue à l’époque chez les adolescents. Il faut avouer que cet ensemble de véhicules est assez surprenant. Il ne faut en aucune manière chercher à y voir des reproductions fidèles à des véhicules précis. Il faut simplement se laisser embarquer dans le monde imaginaire des comics.

Camions du futur
Camions du futur

Celui qui a ma préférence est de taille respectable. Il mesure 14,4 cm. C’est un Barclay. Il représente un camion à capot équipé d’un fourgon tôlé portant la gravure « Moving van Long distance ». Je l’avais repéré il y a une petite vingtaine d’années à Genève. A cette époque il y avait près de l’aéroport un musée consacré à l’automobile. M. Montandon, grand collectionneur éclectique y avait exposé une partie de sa collection, dont une très impressionnante série de « slush » américains. Il travaillait à la compagnie aérienne Swissair ce qui lui permettait de ramener des trésors des quatre coins du monde. J’avais pour ma part déjà entrepris la recherche de ces véhicules, et j’avais été attiré par ce beau camion que je n’avais jamais vu auparavant. A la disparition de M. Montandon, lorsque sa famille a dispersé la collection j’ai pu récupérer le camion convoité. Je n’avais jusqu’alors qu’une photo prise avec un appareil jetable acheté à la boutique souvenirs du musée afin de garder sur papier la trace de cet étonnant camion. Je vous laisse imaginer la qualité des clichés ! Je présente ce camion accompagné d’un panneau de limitation de vitesse (35 M/PH) afin de rappeler à l’ordre son chauffeur. Au volant d’un tel engin, ce dernier pourrait en effet être tenté de pousser quelques pointes de vitesse.

L’autre camion présenté est tout droit sorti de l’imaginaire des cerveaux de chez Barclay. C’est un fourgon intégral aérodynamique portant l’inscription « Tiny Tot Express ». Comme le précédent je ne l’ai jamais rencontré une seconde fois. Le résultat est surprenant. Le vendeur américain qui me l’a cédé l’avait affiché à un prix conséquent car les américains apprécient ces jouets atypiques et futuristes.
La firme Tip Top a une place particulière chez les amateurs de « slush ». Cette firme de petite taille a produit des jouets de qualité se rapprochant plus des standards de fabrication en vigueur chez Tootsietoys ou en Europe. Ferdinand Ziegel avait eu l’occasion de m’expliquer la place à part tenue par Tip Top chez les amateurs de « slush ». Les modèles sont rares. Cette dépanneuse ne fait pas exception. Elle est intéressante à plus d’un titre, notamment par la présence du chariot permettant d’enlever l’auto. La dame en vert, élégamment assortie à son auto, n’a pas tenu compte des indications relatives à la limitation de la durée de stationnement (1 hour). Elle devra donc aller chercher sa Chrysler de chez Kansas à la fourrière du coin.

Le dernier modèle du jour a également beaucoup de charme. C’est la cabine torpédo qui rend le modèle original. L’inscription « Moving Van » indique bien que nous sommes en présence d’un camion de déménagement, thème populaire chez les fabricants de jouets. Ce qui s’explique au regard de la mobilité de la population américaine. Le fabricant est Tommy Toys. Plus tard, ce moule sera exploité par Savoye. Il sera alors équipé des fameuses jantes en bois de couleur rouge non perforées, uniquement utilisées par ce fabricant.

Des CD comme par enchantement !

Certains pionniers de la collection veulent trouver une explication au désintérêt des nouveaux collectionneurs pour les modèles fabriqués dans les années trente à quarante. Ils avancent généralement l’explication selon laquelle ces derniers sont trop jeunes pour les avoir connus. Il est normal que l’on ait une préférence pour les autos que l’on a vues rouler lors de son enfance. Mais ceci doit être nuancé. Je suis de la génération des années soixante et pourtant je suis très attiré par les jouets d’avant-guerre. Cela doit venir de mon éducation. L’histoire m’a toujours intéressé. Comprendre notre passé nous permet de mieux appréhender le présent et le futur.

Renault CD
Renault CD bleu

Au début des années soixante, les premiers collectionneurs étaient fiers de faire partager leurs trouvailles dans la revue Modélisme. Les Märklin, les CD, les AR et les Gasquy faisaient alors déjà figure de référence. Parfois repeintes, transformées, enjolivées, peu importe, elles étaient si rares que l’on se contentait de ce que l’on trouvait. Il y avait alors une mode qui consistait à changer les roues des miniatures. Bien évidemment les collectionneurs ne commettaient pas ce sacrilège sur des modèles en parfait état. Mais on acceptait difficilement les autos avec des éclats de peinture. Alors, au-delà du changement de roues, on n’hésitait pas à appliquer une laque brillante et à ajouter des jantes chromées d’origine Dinky Toys du plus bel effet. Pour cela, rien de plus simple, il suffisait d’aller acheter au marchand de jouets du coin une Dinky Toys et d’opérer avec une pince coupante !

J’ai bien souvent admiré les autos de M. Lemelle. Ce dernier possédait de belles CD. Il les mettait en valeur au moyen de petites mises en scène. Les légendes des photos, signées Jacques Greilsamer, prévenaient les collectionneurs qu’ils étaient en présence de pièces rares, ce qui demeure exact. Ce dernier serait sans doute surpris de voir combien le qualificatif de rare est aujourd’hui galvaudé.

Au fil des années nous avons eu la chance d’acquérir de belles miniatures CD. Il faut dire qu’au début des années 80, un lot important dont tous les modèles étaient en état neuf fit surface. Précédemment, nous avions péniblement réussi à en acquérir quelques unes. En une seule fois nous en avons acquis une vingtaine !

Nous n’avons jamais su précisément la provenance de ce lot et s’il s’agissait d’un stock d’invendus d’un magasin ou s’il venait directement de la firme CD. A partir de ce moment, les collectionneurs de jouets d’avant-guerre se sont divisés en deux clans : ceux qui avaient eu la chance d’acquérir directement des modèles lors du partage de ce lot et ceux qui n’avaient été pas au courant. Preuve de la rareté de ces objets, nous avons eu du mal à compléter la série. Ces modèles possèdent une magie et un charme que je ne retrouve dans aucune fabrication d’avant-guerre.
Pour illustrer ces propos, je vous présente quelques déclinaisons de carrosserie sur châssis de Renault 40cv. Les photos parlent d’elles mêmes !

Carmen et Lion-Car … suite

Pour la petite l’histoire, afin d’étoffer son catalogue, Tekno aussi loua à Lion-Car l’outillage de la DKW et de l’Opel Rekord. On retrouve ces miniatures dans les catalogues Tekno destinés aux professionnels. Elles seront baptisées Lion-Toys « made in Denmark ». Elles furent peintes en quatre couleurs chacune, dans des teintes propres à Tekno.

Lion-Car Renault 4 CV
Lion-Car Renault 4 CV et sa boîte

Pour illustrer nos propos, voici un échantillon de Renault 4cv produites par la firme néerlandaise.

Vous pouvez constater quelques détails qui diffèrent par D’autres modèles Lion-Car : montants de vitres latérales, finition en peinture, argent des détails…

Deux poupées dans la pampa !

Des documents récemment exhumés et venant de chez M. Greilsamer mettent en évidence tout l’intérêt que ce négociant parisien a porté aux modèles Buby. Il est intéressant d’analyser les bons de commande qu’on a eu la chance de préserver. En regardant la lettre manuscrite écrite par M. Greilsamer le 5 Mai 1971, on s’aperçoit que pour une même auto ce dernier a commandé les versions compétition en bien plus grande quantité que les versions routière. Ainsi la Ford Falcon référence 1020 a été commandée en 75 exemplaires et sa déclinaison « carrera » sous la référence 1021 en 125 exemplaires. On constate le même écart pour la Torino. Les modèles bardés de décorations semblaient avoir sa préférence. Pour le prototype Cheetah compétition, il avait même d’emblée commandé 200 exemplaires, mais ce modèle ne verra malheureusement jamais le jour.

Ford El Corsario
Ford Fairlane El Corsario

La lecture de ces chiffres révèle combien la clientèle de collectionneurs a été friande de bolides exotiques. Elle permet de mesurer l’évolution des goûts : désormais il y a plus d’amateurs pour les versions tourisme que pour les versions compétition !

Les autos que je vous présente ce jour n’avaient pas été sélectionnées en 1971 par M. Greilsamer. En effet, elles avaient déjà pour la plupart dix ans d’existence et ce dernier souhaitait des nouveautés ou des autos inédites. La plus intéressante à mes yeux, au niveau de l’histoire du sport automobile est la Mercedes 220SE. Il faut parler du fameux exploit qu’accomplirent deux femmes, deux Suédoises, en s’adjugeant au nez et à la barbe de tous les concurrents masculins le VI Gran Premio Internacional Standard Supermovil YPF, épreuve phare en Argentine. Dans ce pays machiste, la victoire d’Ewy Rosqvist et d’Ursula Wirth eut un retentissement phénoménal. En Argentine, elles volèrent la une des journaux à la crise des missiles de Cuba. Le grand Juan-Manuel Fangio vint même féliciter les deux femmes au terme de l’épreuve de 4 626 km. Pourtant, au départ de l’épreuve, les deux femmes avaient été victimes des quolibets de la presse. Elles faisaient partie de l’équipe Mercedes officielle, dirigée par Karl Kling, qui avait engagé quatre autos. Elles ont battu le record de l’épreuve, et se sont adjugées toutes les étapes ! Les autres autos de l’équipe Mercedes ont dû abandonner à mi-parcours, et, bien que débutantes dans l’équipe Mercedes, elles se sont montrées dignes de la confiance que Karl Kling avait placée en elles.

La Ford Fairlane est un bon exemple des autos qui participaient à cette épreuve. Buby a réalisé plusieurs décorations différentes. J’apprécie en particulier un détail représentatif des décorations d’une époque où les pilotes baptisaient leurs autos. Elles portaient ainsi des diminutifs inscrits sur les ailes arrière : « El Corsario » ou « Relampago » que l’on traduit par le corsaire et l’éclair ! Des surnoms qui inspirent le respect !

La Pontiac GTO s’est vu équipée, dans cette version « carrera » de jantes en zamac peintes de couleur rouge. Buby a réussi à transformer son beau coupé en une bête de course. Ce choix n’avait pas été retenu quelques années avant sur la Mercedes 300SL. Seule la décoration, timide, évoque la compétition. Elle n’en reste pas moins une miniature intéressante.

Je vous conseille de visionner la superbe vidéo de chez Mercedes, ci-jointe. vertige assuré !

Le Lorrain

J’ai eu l’occasion il y a peu de temps de m’interroger sur la chronique d’une journaliste qui enquêtait sur le monde de l’art et plus précisément sur la hausse des prix constatée lors de récentes transactions. Elle expliquait le phénomène par le fait qu’à la suite du dernier krach boursier certains investisseurs s’étaient retirés de la bourse et avaient placé une partie de leurs capitaux dans le marché de l’art. Jusqu’alors, j’écoutais cela d’une oreille distraite.

Delahaye camionnette Spido
Delahaye camionnette Spido

C’est la suite qui m’a fait réagir. La journaliste continuait en expliquant que les acheteurs préféraient les toiles d’Andy Warhol à celles du Lorrain ! Elle justifiait ces choix en expliquant que cette clientèle avait une culture moderne et que les œuvres anciennes demandaient une culture classique que ces nouveaux acheteurs n’avaient pas. Enfin, et cela devenait consternant, elle expliquait de manière sérieuse que ces acheteurs aimaient dans le pop art le fait que leurs invités puissent facilement identifier les œuvres d’art accrochées, et accessoirement évaluer le prix qu’ils y avaient mis.

Pour ma part, je ne pensais même pas qu’il circulait encore sur le marché de l’art des tableaux du Lorrain ! J’ai découvert ce peintre grâce à Alain Jaubert et sa série « Palettes ». Cette découverte m’a donné envie d’aller voir les toiles de l’artiste au Louvre puis, plus tard à la National Gallery à Londres et enfin au Prado à Madrid. En fins connaisseurs, nos amis anglais ont su acquérir des œuvres de l’artiste de son vivant, et continuent de l’appeler affectueusement « Claude ». Claude Gelée dit « le Lorrain » (1600-1682) a inspiré des générations d’artistes et demeure à mes yeux une référence dans l’histoire de l’art.

Andy Warhol peintre de l’underground new-yorkais des années 70, n’a jamais caché son intérêt pour l’argent. On trouve ainsi l’explication des séries sans fin, des « déclinaisons à la Warhol ». Il est bien à l’image d’une société qui glorifie l’argent. Son succès tient peut être aussi au fait qu’il y a suffisamment d’œuvres sur le marché pour contenter la demande importante.

Le rapprochement avec le monde de la miniature est facile. Pour nombre de collectionneurs de Dinky Toys, la Citroën 2cv camionnette « BB Lorrain » est le graal. L’acquisition de cette pièce est difficile, longue et il faut bien le dire, coûteuse. Pourtant, cette 2cv est assez laide. De plus elle n’est qu’un « code 2 ». En effet, si la peinture a bien été réalisée à Bobigny en toute petite série pour le magasin de jouets Lyonnais « BB Lorrain » qui était l’animateur principal du club Dinky Toys dans la région, le décalque est en réalité un vulgaire ruban adhésif qui servait dans ce magasin de jouets à fermer les paquets. Je connais une personne qui en possède un rouleau ! Cela explique le fait qu’un petit surplus de camionnettes sans décoration circule. Bobigny a dû, comme toujours en pareil cas et par logique industrielle en produire un peu plus que la commande passée.
Pour ma part, je préfère jeter mon dévolu sur des camionnettes bien plus anciennes, qui ont marqué de manière significative l’histoire de la miniature. Je veux parler de la firme CD (Charles Damage), qui a créé dans les années vingt une splendide série de miniatures. Je reviendrai sur ce fabricant qui mérite tout notre intérêt. Pour illustrer mes propos, j’ai choisi une camionnette destinée à faire le pendant avec le BB Lorrain. Ce modèle a une histoire bien particulière. Mon père avait exposé dans son magasin de chaussures quelques jouets. Peu de temps après, il reçut la visite d’un client qui poussa la porte de la boutique avec, à la main, une boîte à chaussures. Divine surprise, il ne s’agissait pas d’un retour défectueux : la boîte contenait 5 modèles en plomb des années 20-30 dont cette magnifique Delahaye  camionnette aux couleurs Spido. Dans les années 80 cette miniature n’était pas répertoriée. Depuis lors, au moins un autre exemplaire a refait surface.

Cette miniature est une des pièces phares de notre collection. De part son intérêt historique, sa beauté, sa rareté, elle me tient bien plus à cœur que la camionnette 2cv du BB Lorrain. Je suis bien conscient qu’il n’est pas évident d’apprécier cette camionnette CD alors qu’il y a peu d’informations sur le sujet. C’est pourquoi, je vais essayer au cours de cette année de vous faire apprécier cette marque qui a crée de vrais chefs d’œuvre, et qui comme Claude Gelée dit « le Lorrain », a montré la voie à bien des fabricants de miniatures.