Facéties anglaises ou quand Londres était en Europe.

Facéties anglaises ou quand Londres était en Europe.

Je me suis parfois demandé si quelque génie malicieux ne s’amusait pas à venir contrarier ma journée. Rien de grave, mais des suites d’événements, amusants, troublants qui viennent étayer cette hypothèse.

Cela se produit souvent en terre anglo-saxonne, territoire peuplé de fantômes et de créatures magiques, depuis les sorcières et les elfes de Shakespeare jusqu’à Harry Potter.

Avant l’ouverture des portes de la manifestation qui se tient à Sandown Park en ce mois d’août 2019, la conversation entre acheteurs « continentaux » ne traite que d’un sujet: le Brexit et surtout les difficultés qu’il risque d’y avoir dès la prochaine édition de novembre.

Pour ma part, j’avance que Brexit ou pas, je serai là lors de la prochaine édition.

C’est peut être dans cette réponse, un brin arrogante, que j’ai commis une imprudence aux oreilles des génies malicieux qui étaient présents ce jour à Sandown Park.

Tout commence très bien. Une heure après l’ouverture des portes, une personne me tape sur l’épaule.

« Vous me reconnaissez?  me demande t-elle  » je dois lui avouer que  si son visage me dit quelque chose, je suis incapable de le situer et de mettre un nom dessus. L’homme me rappelle alors que je lui ai acheté il y a fort longtemps en Suède des modèles Muovo finlandais.

Un ami commun d’Helsinki, l’avait informé que j’étais toujours présent à Sandown Park et qu’il pouvait s’y rendre et prendre avec lui deux rarissimes modèles de la marque fnlndise Muoval   afin de me les présenter. Quelle drôle de surprise.

Nous faisons affaire très vite. Ce sont des camions de style américain, dans l’esprit des productions nordiques. La cabine et surtout la calandre sont très particulières, et ne ressemblent à celles d’aucun autre modèle. Je suis aux anges !

En tant que Finlandais, membre d’un pays de l’union européenne où l’euro est la monnaie, nous traitons notre transaction en euros.

Quelques temps plus tard, je suis attiré par un curieux présentoir Dinky Toys. Il est de taille réduite, donc facile à mettre en évidence dans des vitrines déjà bien remplies.

C’est surtout la thématique retenue par Dinky Toys qui m’interpelle, la télévision. De nombreux fabricants ont choisi ce support pour donner une image moderne de leurs produits.

Le vendeur est un néerlandais. Il n’est jamais facile de traiter avec eux. Mais c’est en euros bien sûr que nous faisons affaire.

La bourse continue. La moisson est bonne. L’heure du départ approche. A ce moment je vais toujours rendre visite à un marchand qui est très long à déballer. Les deux petites vitrines plates sont là, je les ai vues il y a deux heures déjà mais elles étaient encore vides.

C’est l’heure d’aller voir s’il a eu le temps de les remplir. Cependant je suis arrêté sur le chemin par la vue d’ un objet. C’est la couleur verte qui m’attire. Le slogan aussi : « Souvenir of Ireland ».

j’ai vite fait le rapprochement avec mes deux transactions du jour faites avec deux membres de la CEE.

Me voici enfin devant les deux petites vitrines plates. Elles sont désormais remplies. Et bien remplies. J’achète quatre véhicules d’avant-guerre en superbe état. Le vendeur m’explique qu’il se sépare de quelques pièces de sa collection.

C’est toujours un moment d’émotion quand une personne de 70 ans explique que ces modèles il les a depuis….si longtemps. C’est une petite partie de sa vie.

Je n’avais pas en collection cet autorail GWR de chez Dinky Toys. Le vendeur m’indique qu’il y a voyagé enfant et que la couleur, crème et brun est la seule recevable. la boîte de six pièces l’accompagne.

Le temps s’arrête.

Il me cède également un magnifique coffret postal d’avant-guerre en état exceptionnel. Il prendra dix minutes à l’emballer précautieunesement. Nous faisons l’addition. En livres sterling bien sûr.

Nous nous entendons très facilement et là sa femme me dit : vous voulez payer en euros?  je relève la tête, comme abasourdi.

Non, les anglais ne capituleraient pas comme ça, Eux qui ne se sont jamais laissés envahir depuis Guillaume le Conquérant. Aussi peu de résistance ?

A ce moment, devant mon regard étonné mon interlocutrice rajoute : « English joke  » plaisanterie  anglaise !

Malicieuse jusqu’au bout, elle m’assurera qu’il n’y a que sur la promenade des Anglais à Nice, qu’elle accepte l’idée de se compromettre avec des euros.

Emblématique de Nice, bien plus internationale que les allées de la bourse de Sandown Park cette artère est ainsi nommée en souvenir de la construction d’un chemin de pierre, concédé à la communauté anglaise, réalisé par leurs soins et à leurs frais au début du 19éme.

Livre Sterling
Livre Sterling

Mais les fantômes ont la rancune tenace. Brexit aidant, ont-ils voulu me donner une leçon?

Malicieux, j’ai choisi de mettre en image également ce très beau bus à deux étages produit chez Wells. Il s’agit de la version d’avant-guerre équipée  de pneus en caoutchouc.

Vous apprécierez le slogan publicitaire.  « Merci d’acheter Britannique » ! Il faut dire qu’au même moment sur le marché londonien , Fischer, fabricant allemand  avait produit ce somptueux bus à deux étages aux couleurs de la  compagnie « General ».

 

J’ai testé la Versailles de Jean Sunny, au 1/43.

J’ai testé la Versailles de Jean Sunny, au 1/43

Norev a raté le coche avec Jean Sunny. Lorsque le fabricant de Villeurbanne a décidé de proposer le coffret de montage avec sa Simca Versailles, il aurait pu profiter des exploits du cascadeur et proposer un coffret « cascadeur » avec la Versailles de Jean Sunny.

Le coffret de montage de la Simca Versailles n’a pas eu le succès escompté. Ce coffret est rare. Je ne l’ai que rarement vu. Je ne collectionnais pas les Norev quand je l’ai trouvé au milieu des années quatre-vingt mais j’ai eu l’intuition de le garder plutôt que de le mettre en vente.

Je me rappelle que M. Gillerau en avait trouvé un autre qui différait par la couleur de l’emballage. Je ne connais ce coffret qu’avec la version classique de la Simca Versailles, dépourvue de la friction.

Pour reproduire les exploits du cascadeur la version équipée d’une friction me paraît tout indiquée.

Cependant, ces petites aides à la propulsion montraient très vite leur limites. Norev proposa sur une partie de sa gamme une finition « Mécanique ». Outre la friction visible à l’intérieur de l’habitacle, la version « Mécanique» se différenciait des modèles normaux par ses jantes de couleur noire.

Ces jantes seront ensuite écoulées sur les modèles équipés de suspensions jusqu’à épuisement des stocks qui étaient, il faut le dire, conséquents.

Minialuxe, autre firme française à concevoir ses miniatures en plastique imitera Norev en équipant aussi sa reproduction au 1/43 de Simca Versailles d’une friction.

Cette dernière est de meilleure qualité que celle du fabricant lyonnais. Elle assure la plupart du temps un roulement impeccable.

Les lignes de l’auto sont moins fidèlement reproduites que sur la Norev. L’absence de parties chromées nuit au rendu de la miniature. Elle possède cependant du charme. Nous avions déjà évoqué son histoire dans un blog ancien. (voir l’article consacré à la Simca Versailles de chez Minialuxe).

Une autre firme a proposé une Simca Versailles équipée d’une friction. Il s’agit de la marque Gégé. Cette firme est plus connue pour ses poupées et ses modèles au 1/20. Les modèles réduits au 1/43 sont nettement moins fréquents. Les modèles étaient très luxueux et vendus plus cher qu’une Dinky Toys. Ils étaient livrés en coffret, à monter avec un petit tournevis.

Certes, ce sont de très belles miniatures. J’oserai même dire trop belles en ce qui concerne la Versailles.

La Simca Versailles se voulait être une « petite» américaine. Gégé l’a justement chargée de chromes, notamment au niveau de l’entourage du pare-brise.

Certes la Versailles était richement chromée mais, sans être fardée comme une « vraie » américaine et Gégé en a peut être -trop fait.

Je préfère nettement le traitement plus sobre, plus réaliste de la Norev. C’est une question d’appréciation personnelle.

La friction de la Gégé fonctionne parfaitement. Plus tard, pour rentabiliser son moule Gégé créera une version pour circuit électrique.

Il faut dire qu’avec son prix de vente élevé le modèle avec friction n’a pas rencontré le succés escompté. Pour l’occasion, elle perdra ses chromes de pare- brise.

C’est dans un coffret Rallye de Monte-Carlo qu’elle trouvera place, à côté d’une Citroën DS19, cette dernière étant nettement plus appropriée pour ce type de coffret.

La Simca Versailles a peut être brillé dans des rallyes régionaux, mais contrairement à la Citroën DS19 elle n’a pas laissé de souvenirs au palmarès du Monte-Carlo.

La firme Jomat a aussi édité un coffret de circuit électrique, intitulé « « circuit casse-cou » Jean Sunny ».Le programme figurant sur le couvercle du circuit est des plus alléchants :

« Auto-rodéo, saut au tremplin, mur de la mort » et autres acrobaties sont au programme . La Simca Versailles, bardée de stickers « Jean Sunny »est ici réduite au 1/32.

Avec son autre gamme de circuit électrique, intitulée « électro route  » et qui utilise des miniatures au 1/43, Jomat aurait pu proposer un autre coffret cascade.

L’entreprise possédait dans sa gamme de miniatures deux Versailles empruntées à Norev et à Quiralu.

Mais iI faut avouer que ces miniatures, très lourdes devaient avoir du mal à avancer correctement. Alors de là à les faire décoller d’un tremplin !

Une dernière firme a proposé une Simca Versailles équipée d’un mécanisme. C’est Solido, dans sa série Junior. Le modèle est équipé du dernier type de moteur, à plat, à remontage à clef.

Ce dernier ne présente pas les contraintes du précédent qui était vertical. Il est moins encombrant, plus facile à loger. C’est une belle réalisation.

La carrosserie est monobloc, la finition assurée grâce à des pochoirs. Le pavillon est en plastique. Le mécanisme à remontage à clef est puissant.

C’est celle-ci que je choisirai  pour tenter de la mettre sur deux roues. J’attends juste que ma petite-fille grandisse un peu pour tenter l’expérience. Je ne manquerai pas de vous tenir informés de mes tentatives.

Je ne suis pas sûr que M Pigozzi, patron de Simca appréciait les cascades et l’image qu’elles véhiculaient. On y voyait pourtant une auto très équilibrée capable de parcourir de longues distances sur deux roues.

Le fabricant de pneus « Kleber-Colombes » tira profit des acrobaties de Jean Sunny en adoptant ce slogan imparable « Toutes les audaces  en toute sécurité ».

Mais l’image du cascadeur, capable de toutes les audaces au volant de sa Versailles, au risque de la détruire, ne colle pas avec la clientèle petite bourgeoise de cette paisible berline.

M. Pigozzi préféra se servir des exploits de son auto et de son record à Miramas : 200 000 kms parcourus à plus de 100km/h de moyenne. Simca se servira de l’exploit pour sa publicité dans les journaux et donnera même le nom de « Miramas » à une version de sa gamme. Mais aucune miniature ne commémora ce record.

Il nous reste comme témoin de ce record une transformation de Raymond Daffaure sur une base Norev.

Au delà de ses modèles en bois, on sait que l’artiste de Marmande était connu pour de nombreuses transformations sur base plastique (Norev, Minialuxe) ou même, ce qui est moins connu, sur zamac.

Ces transformations sont boudées par beaucoup d’amateurs qui n’en perçoivent pas encore l’intérêt. Pour ma part je les affectionne .

Celle de l’Ariane des records de Miramas est assez émouvante. Elle reste un beau témoignage, contemporain du record. Et cela lui donne bien plus de force qu’à toutes les productions clinquantes actuelles.

 

Versailles sur deux roues

Versailles sur deux roues.

Sur la photo, l’homme apparaît concentré. A le regarder, on comprend que la démonstration requiert de la dextérité. Il tient entre les mains une reproduction miniature d’une Simca Versailles.

Il est en train d’expliquer la technique peu orthodoxe qui lui permet de conduire une automobile sur deux roues, le plus longtemps possible : le public est conquis.

Cet homme c’est Jean Sunny. Il a connu la célébrité grâce à de nombreux records du monde automobile de distance parcourue sur deux roues à travers la France. Son nom sera associé à des spectacles de cascades automobiles, très apréciées jusque dans les années 80. Le concept est importé des Etats-Unis, à l’image des courses de stock-cars apparues en France également après-guerre (voir le blog consacré aux courses de stock car) .

C’est le programme de son spectacle, avec photos, trouvé à Reims lors du salon « Les Belles Champenoises» qui m’a inspiré cet épisode du blog. J’ai été séduit par la photo où il simule avec des reproductions miniatures de Simca Versailles, auto avec laquelle il réalisait une partie de son spectacle, sa technique pour mettre une auto en équilibre sur deux roues.

Les photos semblent tirées d’un reportage que la télévision lui aurait consacré. Cela explique la mise en scène. On remarque en premier lieu que les miniatures ont été floutées. Dinky Toys? Norev ? (voir le reportage diffusé à la télévision et disponible grâce à l’INA…12 minutes de bonheur !)

Combien d’enfants ont été tentés, après avoir vu le reportage, de reproduire les gestes du champion avec leurs miniatures, du haut de la table de la cuisine ? Après une chute de 80 cm ils pouvaient ainsi tester la solidité des modèles.

Ensuite, tout dépendait du revêtement au sol. Moquette ou parquet, et la peinture émaillée de votre Dinky Toys n’avait pas trop souffert.

Carrelage ou béton, dans ce cas, mieux valait avoir tenté l’expérience avec une Norev en Rhodialite.

« Rhodialite », qu’est ce que c’est ?

En feuilletant les pages des annuels professionnels consacrés au monde du jouet, il est instructif de voir comment les sociétés de raffinage de pétrole, principalement installées dans la vallée du Rhône ont tenté de donner une image positive et avantageuse de leurs produits dérivés.

Le plastique ayant très vite été associé à une image de qualité médiocre, peu solide, Rhône-Poulenc va contourner le problème et créer la dénomination « Rhodialite ». Elle va bien sûr déposer le nom de ce type de plastique.

Ainsi votre miniature Norev n’est pas en plastique, mais en « Rhodialite », ce qui change tout.

Il faut dire que la dénomination « plastique » est bien trop générale. Elle englobe une multitude de produits en fonction de leur degré de raffinage.

Dans un premier temps, les publicitaires à la solde de Rhône-Poulenc, vont employer leur talent à convaincre les fabricants de jouets des qualités du produit et de sa parfaite adaptation à ce type de fabrication.

Ils vont ensuite convaincre les commerçants pour leur diffusion. Il reviendra à ces derniers la charge d’expliquer à leur clientèle les avantages de ces nouveaux produits et de combattre les préjugés liés au plastique.

Il est vrai que cette matière a beaucoup de qualités. La solidité en fait partie bien évidemment.

Monsieur Véron a même osé ce slogan au dos d’un des premiers catalogues de la marque: « stop les quelconques bagnoles ». On appréciera la photo avec les modèles maquillés, empruntés à la game Norev !

La semaine prochaine:  » J’ai testé la Versailles, au 1/43, de Jean Sunny ».

 

J’ai fait un rêve.

J’ai fait un rêve.

C’est une petite photo couleur, en bas de page. Curieusement, cette photo n’a aucun lien avec le sujet de la rubrique principale intitulée « made in Argentina » et consacrée à la firme Buby.

Plus précisément, elle porte sur une nouvelle gamme de miniatures reproduisant les autos s’étant illustrées dans les rallyes argentins et les courses de la « Temporada ». Nous sommes en avril 1971. Il s’agit du mensuel « L’automobile » qui consacrait régulièrement quelques pages au modélisme automobile.

Le regretté Christian Moity, auteur de la rubrique en question, explique que le premier article qu’il a consacré à la marque Buby, dans ce même magazine lui a valu un important courrier de lecteurs mécontents de n’avoir pu se procurer les modèles photographiés.

Il justifie son nouvel article en expliquant que sa fonction de journaliste est d’informer et non pas de passer sous silence l’existence de certaines productions, quitte à frustrer les amateurs.

En effet, au moment de la publication de l’article, ces Buby ne sont pas disponibles à la vente sur notre marché national pour cause d’absence d’importateur. (voir l’article consacré à ce sujet).

Nous sommes exactement dans ce cas de figure pour les deux modèles de l’ intrigante photo couleur décrite plus haut.

« Faisons un rêve » .

Voilà comment Christian Moity introduit le second sujet relatif aux deux miniatures de sa rubrique modélisme. Le journaliste explique qu’un groupe de quatre amateurs anglais a décidé de reproduire au 1/43 les autos ayant marqué l’histoire du sport automobile. La marque portera le nom d’un des leurs : John Day.

Ce qu’il y a de nouveau, c’est que ces autos sont destinées uniquement aux collectionneurs. Christian Moity n’a d’ailleurs pas relevé dans son compte rendu ce point fondamental.

Pour résumer, disons qu’à l’aube des années soixante, le monde de la collection des miniatures automobiles est composé en grande majorité d’amateurs qui se contentent de rassembler les modèles du commerce. Ils sont une minorité à s’aventurer dans des transformations, voire mieux, des créations.

Pour les pionniers de la collection, l’objectif est de recréer chez soi un musée imaginaire retraçant l’histoire de l’automobile.

J’aime beaucoup le début de la préface signée du Comte Hadelin. de Liedekerke-Beaufort dans le Premier Répertoire  Mondial des Automobiles Miniatures , édité pour l’exposition de 1959 du C.I.A.M . Ce dernier était le président de l’ Automobile Club de France.

« Toutes les voitures du monde »

« Nous avons tous rêvé d’un musée de l’Automobile assez grand pour contenir un modèle de tous les véhicules qui ont circulé dans le monde depuis que l’ingéniosité des hommes a su mettre un moteur sur des roues. Ce Musée idéal n’existera jamais car il faudrait une ville entière pour l’abriter, si même on pouvait encore retrouver une voiture de toutes les marques et un exemple de toutes les carrosseries suscitées par tant de modes et destinées à de si multiples usages.

Mais ce rêve se réalise sous une autre forme et bientôt nous pourrons dire en effet que toutes les voitures construites depuis les inventions de Cugnot et de Beau de Rochas seront sous nos yeux.

C’est le modèle réduit qui nous offre cette possibilité, la seule, d’embrasser d’un seul regard ce gigantesque panorama, et de rassembler dans un même lieu tout le parc automobile mondial. »

Tout est dit dans ces quelques lignes sur la motivation des amateurs : recréer chez soi l’histoire de l’automobile.

A dix ans d’écart, le comte H. de Liedekerke-Beaufort et Christian Moity ont utilisé le même mot : rêve.

Or, en 1960, les productions industrielles ne suffisent pas à combler ce rêve. Alors, comment faire ? Voilà bien la question que se sont posée les amateurs d’automobile soucieux de constituer un musée de miniatures et nous verrons la semaine prochaine les solutions qu’ils ont trouvées.

En attendant, et pour illustrer cette première partie j’ai choisi de vous faire partager la solution de Raymond Daffaure à cette équation. En 1960, l’histoire de la course automobile passionne les amateurs.

Connaissez-vous beaucoup d’autos de courses d’avant 1914 ? C’est loin me direz-vous, plus d’un siècle en effet !

Serge Pozzoli, rédacteur en chef du fameux « Album du fanatique de l’automobile » est un des premiers à avoir consacré des articles à ce type d’autos dans sa rubrique « Les tiroirs de l’inconnu ».

Ce sont des hommes comme lui qui ont permis à Raymond Daffaure de nous laisser d’émouvants témoignages et de satisfaire ses clients qui lui en faisaient le demande. Les modèles sont approximatifs, mais quel intérêt historique !

A suivre.

 

 

C’est une fille !

C’est une fille !

Les deux mains sur le haut du volant, elle s’engage, cheveux au vent dans son cabriolet. L’action se situe sur une grande artère d’un centre ville moderne.

La jeune fille semble coquette. Ce n’est pas le petit bouquet qu’elle a accroché à l’angle supérieur gauche du pare-brise qui nous l’indique, mais son rétroviseur intérieur.

On ne voit pas son visage dans le miroir. On en déduit qu’elle s’en est servi pour vérifier sa coiffure et qu’elle a oublié de le repositionner afin de voir ce qui se passe derrière elle.

Cette ville semble neuve. Nous sommes en effet à Moscou, dans le nouveau quartier voulu par Staline et constitué d’immeubles élevés dignes de ceux que l’on trouve l’autre côté de l’ Atlantique. Le titre d’un des tableaux représentant ce quartier est évocateur : « Gratte-ciel résidentiel sur le quai Kotelnitcheskaïa »( Dimitri Tchetchouline).

Dans la logique du « réalisme socialiste » qui se doit de montrer les bienfaits du communisme, l’artiste, Youri Pimenov a représenté cette femme dans son auto, en route vers un avenir radieux. Le titre du tableau : « La nouvelle Moscou ». (1937)

Une chose m’a profondément marqué dans l’exposition « Rouge » du Petit Palais, exposition consacrée à la relation entre le pouvoir politique et les artistes dans l’Union Soviètique après la révolution de 1917.

Il s’agit de la place de la femme dans la société communiste. Elle est représentée à l’égal de l’homme.

Elle exerce les mêmes fonctions que lui. La voici conduisant un tracteur, sautant en parachute, s’entrainant au tir. Mieux, elle prend part comme l’homme aux travaux de construction. Avec un marteau piqueur elle participe à la construction du métro à Moscou.

L’image du corps sain et athlétique n’est pas réservée à l’homme. Dans son tableau « pleine liberté », Daineka représente un groupe de jeunes filles faisant de la course à pied en pleine campagne.

Les artistes appartenant au courant du « réalisme socialiste » sont donc nombreux à avoir traité dans leurs oeuvres de l’égalité des sexes, propre à l’idéologie communiste.

Le tableau représentant cette jeune femme seule au volant de son auto s’inscrit dans la même veine. Nous sommes en 1937.

Si en 2019, une femme au volant d’un cabriolet n’a rien d’extraordinaire, dans l’iconographie occidentale d’avant- guerre, c’est autre chose.

Le plus souvent la femme est à côté, comme dans ce tableau d’Emile Compard « La montée à 80 ou les automobilistes ».

Une femme au volant avec un homme à ses côtés est une image d’avant garde.

jusqu’à tout récemment, la femme est représentée assise, à droite du conducteur. Mieux, on voit parfois deux hommes aux places avant et les femmes sur la banquette arrière !

Je me suis alors penché sur les représentations en jouet. Pour des raisons pratiques, c’est bien sûr lors de la réalisation d’autos cabriolets que la question s’est posée.

Il est judicieux pour un fabricant de jouets d’équiper son modèle d’un personnage pour le rendre plus vivant.

Cependant, j’ai rencontré de nombreux collectionneurs qui n’appréciaient pas du tout cet accessoire, une miniature devant être représentée statique, à l’arrêt, donc sans personnage. Ainsi pour des raisons esthétiques, ils n’hésitaient pas à le supprimer, notamment sur les cabriolets Solido.

Justement, Solido a créé deux personnages, un homme à casquette et une jeune femme. Sur les cabriolets de la série 100, on peut dégager une tendance. Ainsi la Mercedes 190SL et la Peugeot 403 sont très généralement équipées d’un conducteur, alors que la Renault Floride et l’Alfa Romeo semblent avoir le plus souvent une conductrice. Pour la Simca Océane on ne dégage pas de tendance très nette.

Cependant, il n’y a pas de règle établie. Ainsi sur nos 13 Peugeot 403 cabriolet, une est conduite par une jeune femme.

Malgré sa frêle allure, elle ne semble pas intimidée par la direction, disons virile, de la Peugeot. Ses épaules nues indiquent que nous sommes en plein été.

Pour illustrer ces propos, je me suis amusé à installer dans deux Alfa Romeo cabriolet de la série Junior de chez Solido, des personnages Starlux. Ils étaient destinés à cet usage.

J’aime beaucoup celle avec le couple dont la femme est au volant. Cheveux au vent, elle n’a peur de rien. Par contre, à voir la posture de son compagnon, chapeau vissé sur la tête et bras croisés, il semble redouter le pire.

En fait, très peu de fabricants de jouets ont installé des femmes au volant. Siku l’a fait, avec sa Renault Floride, ce qui semble être un cliché facile. Le caniche à ses côtés renforce cette idée.

Siku, dont les produits semblent avoir été destinés aussi bien aux petits garçons qu’aux petites filles n’a pas hésité à reproduire de nombreux personnages féminins.

On y retrouve des clichés dignes des années cinquante : mère de famille avec landeau, donnant la main à un enfant, ou allongée sur un matelas pneumatique.

Par ailleurs, Siku n’hésitera pas à proposer un très grand nombre de miniatures de couleur rose afin de séduire ses petites clientes, du Messerschmitt à la Porsche 356 en passant par les Opel et autres Mercedes. Cependant, une BMW 501 limousine ou Goliath de couleur rose à de quoi déstabiliser plus d’un collectionneur !

A titre personnel, j’aime beaucoup ce décalage.  M Raschke, auteur des livres sur la marque me l’a souvent répété,  ces couleurs sont rares, prouvant ainsi que l’objectif de Siku ne fut pas pleinement atteint.

En France, avant la guerre, les Jouets Citroën ont reproduit de charmantes Citroën C4 cabriolet avec personnages : un monsieur au volant et une dame tenant un chien sur ses genoux. Quarante après, je ne me lasse pas de ces jouets et du charme qu’ils dégagent.

On peut reconnaitre la »dame » au coup de pinceau figurant son étole flottant au vent.

Par contre il est bien plus difficile d’identifier les personnages des Peugeot 402 et de la rarissime Citroën Traction avant cabriolet de chez JRD. Ils arborent un serre-tête, et rien ne permet de reconnaître qui est au volant.

J’aime à penser qu’il s’agit d’une jeune femme, se prenant pour Anne- Cécile Itier, pilote éclectique d’avant guerre. Coiffée à la garçonne, elle fonce au volant de son cabriolet. Le passager semble médusé par les risques pris.

Tout au long de ma carrière, j’ai recueilli des témoignages de femmes qui m’expliquaient que petites filles, elles jouaient avec leurs petites autos, avec leurs frères ou même toutes seules.

Pourtant, comment expliquer que peu de femmes soient intéressées par la collection de miniatures automobiles ? il y a là un mystère. D’une manière générale, il y a pourtant autant de femmes collectionneuses que d’ hommes.

Il est possible que les femmes coupent plus facilement le lien avec l’enfance. Est-ce dû à la maternité ? peut-être. Les mères sont sans doute davantage tournées vers le futur que vers le passé.

En 2019, l’image de la femme et de l’automobile a bien changé. Désormais, et c’est tant mieux, les femmes partagent le volant et les points du permis !

Ce blog nous l’avons écrit mon épouse et moi pour notre petite fille, Perla qui vient de naître ce mardi 24 Septembre 2019. La roue tourne. Je ne doute pas un instant qu’à l’instar de l’héroïne du tableau russe de Youri Pimenov, elle saura s’émanciper au volant de sa voiture et parcourir les routes d’Italie puisque c’est son pays

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