Archives de catégorie : souvenirs

les souvenirs de collectionneur de Vincent Espinasse

De l’Ontario à la Pennsylvanie …

…  la route est longue !

Les réponses fournies par les courageux participants au concours de décembre dernier, au sujet de l’identification de ce modèle m’ont fait plaisir. Une grande majorité des participants a su éviter le piège. Si l’identification du fabricant du modèle était facile, Real Toys, son pays d’origine l’était beaucoup moins.

Real Types : très peu fréquentes versions canadiennes
Real Types : très peu fréquentes versions canadiennes

Je vous propose de revenir en arrière, et de tenter de comprendre l’origine de cette série de miniatures. La gamme à laquelle appartiennent notre camionnette International Metro et les autos présentées ce jour est dénommée par Hubley : « Real Toys ».

Dans son ouvrage consacré à la firme « Hubley Toy Vehicles : 1946- 1965 », Steve Butler n’hésite pas à comparer cette gamme avec les « Corgi et autres Dinky ». Il a raison.

Si des firmes américaines comme Tootsietoys, avant guerre, avaient pu rivaliser en qualité avec leurs concurrents européens, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ce n’est plus le cas. Leur objectif est désormais la production de masse à moindre coût. Pour y parvenir, les détails sont négligés et les accessoires rapportés inexistants. Au fil des ans, l’écart ne fera que s’accentuer par rapport aux modèles européens qui bénéficient de nombreuses innovations.

A l’aube des années 60, l’apparition des Real Toys dont la gamme est équipée de vitres, de jantes chromées et de calandres rapportées, fera l’effet d’une petite bombe.

De nombreux collectionneurs européens se lanceront dans la recherche de ces miniatures en utilisant leurs correspondants d’outre-Atlantique dès leur sortie.

En fait les véhicules de la gamme « Real Toys » viennent du Canada. Ils ont été créés et produits par Burslem Industries Limited, société située 1339 Martin Grove Road, Rexdale, Ontario, Canada. Il n’y a aucun catalogue concernant cette gamme. Il semble qu’Hubley implantée à Lancaster (Pennsylvanie) se soit contentée d’assembler et de peindre des carrosseries injectées au Canada, probablement pour des raisons douanières. Cette circonstance explique la présence de châssis « Real Types » made in Canada, puis made in USA avant l’apparition de la mention « Real Toys ». Il suffit d’agir par déduction. Les premiers modèles portant le logo « Real type » n’ont pas de vitrage et possèdent des roues monobloc en zamac. Ils sont rares et bien antérieurs à ceux équipés de vitrage et de jantes chromées. Il se pourrait que Hubley séduit par ce concurrent Canadien, ait signé un contrat de sous-traitance afin de moderniser sa gamme. Cette hypothèse se trouve confortée par le fait qu’à la même époque Hubley lance une autre gamme de véhicules de qualité, à une échelle assez proche de celle des Real Toys baptisée « Tinytoys ». Celle-ci était composée d’utilitaires, plus particulièrement d’engins de travaux publics. La gamme en provenance du Canada était complémentaire.

Les modèles présentés ce jour ont un grand intérêt. Ils appartiennent à la première génération et sont bien plus difficiles à se procurer que leurs homologues américains. Il faut distinguer les modèles du début, sans vitres et équipés de jantes moulées en zamac et ceux venant ensuite, avec vitrage et jantes chromées. La première référence RT10, est celle de la Dodge Royal. C’est un modèle très rare. Il en est de même de la référence suivante, RT20 qui est celle de la Ford Fairlane. Ces deux modèles ne seront pas repris aux USA. La Ford Fairlane sera produite ensuite dans une version voiture de police (RT150) et dans une version Taxi (RT180). Ces deux versions, par contre, seront reprises à Lancaster, et à cette occasion, la version Taxi troquera sa belle robe rouge et noire pour le traditionnel jaune des cabs new-yorkais. Une dernière version verra le jour sur la base de la Ford Fairlane, toujours au Canada, sous la référence RT150 : il s’agit d’une « accident squad car », de couleur jaune qui possède un projecteur sur le pavillon emprunté à la version ambulance de la Chevrolet.

Les autres modèles photographiés sont tous des versions canadiennes, reconnaissables outre leurs caractéristiques techniques décrites précédemment par des couleurs de carrosserie différentes. A ma connaissance, seule la GMC Firebird III possède la même couleur dans les deux gammes. Enfin, le rare coffret de panneaux (RT70) portant l’appellation « canadian traffic signs » est très intéressant. Il confirme la provenance et le marché auquel est destiné ce modèle. Ce coffret, bien sûr ne sera pas repris aux USA.

Cette gamme est passionnante. Nous continuerons dans les semaines à venir à vous la faire découvrir, et nous vous promettons d’autres surprises !…

Le plein de soleil chez Agip !

J’ai déjà évoqué, à travers quelques articles du blog, l’enthousiasme et le plaisir que j’éprouve à m’arrêter dans certaines stations-service. Je vais vous parler aujourd’hui des stations Agip. Elles ont longtemps pour moi été synonyme de vacances.

En effet, dans les années 70, la marque était plutôt implantée dans le sud de la France, particulièrement en région méditerranée. Plus on s’approchait de l’Italie et plus la fréquence des stations Agip augmentait.

Logo Agip
Logo Agip

Bref, pour nous qui venions du nord de la Loire, la vue en France d’une station arborant le logo Agip, c’était déjà les vacances et la promesse de chaudes journées, à l’image du jaune du logo évoquant le soleil méditerranéen. Vous êtes-vous déjà interrogés sur la signification du logo ?

Naïvement, j’ai longtemps voulu y reconnaître la louve romaine. Les doutes sont venus après une visite au musée Capitolin de Rome : la représentation, d’origine étrusque, de la louve qui avait allaité Romulus et Remus avait bien quatre pattes et non six, comme l’animal du logo Agip.

Après enquête, j’ai découvert qu’il s’agissait d’une créature sortie de l’imagination fertile des clients d’Agip invités par concours à proposer à la firme le logo qui lui manquait. Les explications sont étranges : il s’agirait d’un chien à six pattes, les deux membres supplémentaires symbolisant les deux bras du conducteur ! J’avoue rester dubitatif quant à la logique de l’explication. Peut-on aller plus loin ? La langue pendante de l’animal ne symboliserait-elle pas celle du pauvre conducteur devant la hausse des prix de l’essence ?

La société Agip (Azienda Generale Italiana Petroli) a été créée par l’Etat italien durant la première guerre mondiale, afin de raffiner le pétrole en provenance d’Irak et de pourvoir aux besoins de l’armée. Après la seconde guerre, l’Etat italien sous tutelle américaine ordonnera son démantèlement afin de ne pas contrarier les convoitises des multinationales d’outre-atlantique.

Un homme, Enrico Mattei, va s’opposer à cette politique. Il a compris les enjeux de l’indépendance énergétique pour le développement industriel d’un pays. Contre l’avis du Gouvernement italien, il va créer l’ENI, Ente Nazionale Idrocarburi, société qui deviendra au fil des ans un des plus puissants groupes pétroliers.

Ses méthodes sont peu orthodoxes dans le monde sans pitié de l’or noir : il opte pour une meilleure répartition des profits et augmente considérablement la part revenant aux pays producteurs lors de l’extraction. Ce fait lui ouvrira les portes de pays comme l’Egypte et le Koweit et suscitera l’ire des grands groupes pétroliers qu’on surnomme les sept sœurs. Il signera ensuite d’importants contrats avec les Soviétiques. Enfin, et ce ne sera pas le moindre fait, il réussira à écarter la mafia des gisements italiens. Faut-il vraiment s’étonner qu’il ait disparu dans un accident d’avion dont les causes n’ont jamais été complètement élucidées ?

Si vous souhaitez en savoir plus sur cet homme hors du commun, je ne peux que vous inviter à podcaster l’émission de Patrick Pesnot « Rendez vous avec X » sur France Inter du 5 mars 2011, dont je me suis inspiré pour vous conter cette histoire.

Il n’en demeure pas moins que ces miniatures aux couleurs Agip ont beaucoup d’attraits. Il est intéressant de constater que Politoys et Mercury utilisent deux nuances de jaune différentes. Le modèle Politoys, réduit à l’échelle du 1/43ème, est imposant. De toutes les versions proposées par Politoys, la citerne est certainement la plus réussie.

Je me souviens de ces beaux camions Fiat en Italie et combien, enfant, la présence du volant à droite m’avait intrigué. Il semblerait que cette particularité ait été adoptée pour faciliter la conduite sur les routes de montagne. Dès Vintimille, tout proche encore de la frontière française, le dépaysement était total.

Ces camions devaient être très robustes car il m’arrive encore d’en croiser en Italie.

J’ai récemment aperçu, sur le tarmac de l ‘aéroport Linate à Milan, une version avitailleur aux couleurs d’Elf, enseigne qui pourtant a pratiquement disparu chez nous.

Enfin, je n’ai pu résister au plaisir de vous faire partager les deux versions du camion Viberti produit par Mercury. J’espère que désormais vous ne regarderez plus les stations Agip du même œil, d’autant que depuis quelques années cette compagnie a entrepris de se développer sur tout le territoire.

Je ne sais s’il faut s’en réjouir, mais pour moi cela donne un petit air de vacances aux routes du nord.

En route pour Oslo

Afin de contourner les barrières d’importation qui protégeaient la Norvège, Tekno a implanté sur place de petites unités de fabrication avec la collaboration des firmes norvégiennes Mecline et Nikrom. Mecline, la plus connue, produira ainsi quelques autos dont la série des Volkswagen fourgonnettes. Ces modèles arborent bien sûr, sur leurs flancs, des publicités de firmes norvégiennes.

Bus  Volvo en pleine action
Bus Volvo en pleine action

Un jour de 1994, à la bourse de Göteborg, j’ai fait la rencontre d’un Norvégien plein d’initiative, Erik Knutsen. Pour faire partager au plus grand nombre sa passion des miniatures, il faisait publier, en norvégien bien sûr, une petite revue du nom de « Modell Leker ». Cette modeste revue servait de trait d’union à toute la petite communauté norvégienne des collectionneurs. Grâce aux adresses indiquées j’ai pu contacter bon nombre de ces personnes et glaner quelques pièces après de longues négociations.

C’est sur la couverture du numéro deux de la revue que j’ai découvert ce bus Volvo. Le cartouche de direction indiquant la ville d’Oslo, j’ai très vite compris qu’il s’agissait d’une version fabriquée pour ce marché. C’est dans la langue de Shakespeare que je me suis renseigné auprès d’Erik Knutsen au sujet de cet intriguant autobus. Il m’expliqua que son bus Volvo était d’origine Mecline.

En effet, toutes les inscriptions Tekno avaient été effacées par Mecline. Le châssis, moulé en zamac, est totalement lisse. La conception astucieuse développée par Tekno a bien sûr été conservée.

Comme les camions Tekno, le car est moulé en trois parties que deux grandes vis maintiennent en place. Il est vrai que ce choix de fabrication a empêché Tekno d’équiper son véhicule d’un aménagement intérieur : les deux vis transpercent l’habitacle et deux caches rapportés permettent de masquer les têtes de celles-ci sur le pavillon.

Comme je l’ai déjà expliqué dans la chronique relative au Volvo express, cette conception permet de réaliser facilement des finitions bicolores, voire tricolores. La ligne intemporelle de ce modèle lui ouvrira une carrière particulièrement longue. Il ne s’éteindra qu’avec la fermeture de Tekno, en 1972 : les derniers modèles sont vendus en boîte vitrine.

Avec cette miniature, Tekno semble avoir voulu reproduire le modèle B615. La reproduction demeure d’une approximation à laquelle, Tekno, fabricant rigoureux, ne nous avait pas habitués.

Il n’est pas exclu que la reproduction de notre Volvo soit une version recarrossée par un artisan local. Nous n’avons trouvé aucune trace de cette imposante calandre dans la documentation sur les cars Volvo. Il se peut également que Tekno, désireux d’exporter son modèle aux quatre coins de la planète, ait cherché, à partir d’une base simple à reproduire un modèle passe-partout. Si tel était son objectif, il sera atteint et de belle manière puisqu’une version arborera le logo « Scania Vabis », concurrent de Volvo !

Enfin, dernier détail, amusant Tekno a bien reproduit un accès par une simple porte, derrière le passage de roue, côté droit. C’est assez fidèle aux photos disponibles. Mais Volvo, constructeur Suédois, avait équipé son véhicule destiné au marché local d’une porte côté gauche puisqu’en Suède, la circulation s’est faite comme en Angleterre côté gauche jusqu’en 1967. Là aussi, les catalogues du constructeur Volvo le montrent bien, mais Tekno, dans son souci d’exportation, oubliera ce détail. La version Mecline est en tout point identique au modèle danois, sauf l’inscription sur le châssis qui a disparu, bien entendu. Elle reproduit un bus de la compagnie des transports en commun de la ville d’Oslo : Sporveien. La publicité Esso n’ajoute rien de particulier quant à l’identification du pays d’origine du bus. Il n’en est pas de même du décalque situé de l’autre côté du pavillon. Celui ci est aux couleurs d’ « Aftenposten », grand quotidien norvégien, qui existe encore aujourd’hui.

Nous verrons la semaine prochaine, à travers l’étude des différentes versions de bus (et non de cars) comment Tekno a su adapter son modèle.

Le chaînon manquant

Aveuglés par leur passion, les collectionneurs de miniatures oublient souvent que les marques collectionnées répondent à une logique industrielle. Le modèle de Saviem porte-grue que nous vous présentons est un parfait exemple de cette logique. C-I-J était lié avec Renault par un contrat d’exclusivité.

saga des camions grue chez CIJ
saga des camions grue chez CIJ

Leur coopération ne cessera qu’avec la Dauphine et la firme a reproduit en miniature la plupart des productions de Boulogne Billancourt. Dans cette logique apparaît un Renault 120cv, dit « fainéant » à cause son moteur poussif (un 6 cylindres à plat …couché ! d’où son surnom, comme nous l’a précisé Philippe Michelon, lecteur du blog). La cabine sera correctement réalisée et le modèle donnera lieu à plusieurs versions dont cette flèche treillis équipée d’un godet. Cette partie est réalisée en tôle car la firme de Briare a une grande expérience de ce matériau.

Dans un premier temps, la cabine est équipée d’un pare-chocs ajouré. Dans cette version, le modèle est équipé de jantes en plastique rouge et le modèle est alors fini dans une teinte orange mat. Le moule évolue ensuite en raison d’une probable usure qui devait rendre l’opération d’ébarbage délicate : le pare-chocs devient alors non-ajouré, le tout formant un bloc compact au bas de la cabine. Le modèle est alors équipé de belles jantes en plastique argent, de bien meilleure qualité que les précédentes. Cette version plus tardive reçoit une belle peinture, d’une nuance orange plus vive et plus brillante.

Le modèle de Saviem Saviem porte-grue que nous vous présentons aujourd’hui se situe juste après. Il hérite des belles jantes et de cette pimpante couleur. C’est le chaînon manquant.

En effet, nulle part référencé, il est bien la suite logique du dernier 120cv et précède la nouvelle calandre JM240. J’ignore la raison de sa grande rareté. La seule explication logique que je trouve, est que ce type de carrosserie équipée de la flèche treillis n’ayant pas eu un grand succès commercial, la C-I-J se serait trouvée avec un stock important de 120cv, celui qui le précédait, à écouler. Le temps passant, ce modèle aurait assuré la transition entre les derniers 120cv et la nouvelle cabine JM240. Il est vrai que cette cabine avec calandre d’origine Somua ne fut pas réalisée longtemps. Celle présentée arbore déjà en son centre le logo Saviem. Il se peut que C-I-J ait procédé de la même manière avec sa version du 120cv, celui équipé d’une pelle en butte. Peut-être un jour découvrirez-vous cette version équipée de la première calandre Saviem ?

Pour finir, la façon singulière dont je me le suis procuré mérite d’être racontée. Il y 3 ans, alors que j’étais en visite chez un ami d’enfance, mon regard a été attiré par une petite vitrine qui trônait derrière son bureau et dans laquelle je voyais quelques miniatures que son père lui avait léguées. Je crus d’abord qu’il s’agissait d’un bricolage, ce modèle étant à l’époque totalement inconnu.

Ma surprise fut de taille lorsque je l’examinai : il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait d’un modèle authentique, sa couleur étant même un élément qui confortait la logique de cette production.

Mon ami n’était pas passionné par les camions, il me le céda bien volontiers.

De l’usine aux champs

Les fabricants usent parfois de certains artifices afin d’écouler des modèles un peu boudés. C’est ainsi que Matchbox utilisa comme support le Ford D800 pour y placer trois tracteurs, bien évidemment de la marque Ford. Pour cette occasion le fabricant créa une remorque plateau sur laquelle prirent place les trois tracteurs.

L’idée de répétition est assez judicieuse. Une jolie boîte fut spécialement créée. J’étais encore enfant quand on m’a offert ce modèle. Le graphisme de la boîte m’a enthousiasmé.

Matcbox Ford semi remorque porte tracteurs
Matcbox Ford semi remorque porte tracteurs

Aujourd’hui, j’ai encore beaucoup de plaisir à la regarder. Le modèle est fréquent et rien ne semble justifier qu’il fasse l’objet d’une rubrique. Sa présence ici s’explique par la récente découverte que j’ai faite.

La découverte en question est un véhicule de la marque Merehall de Hong Kong. Les productions de cette firme sont peu courantes ; elle est de plus d’avantage connue pour des reproductions de jouets à une échelle supérieure au 1/43. Cependant, notre camion Ford est bien au 1/43. La filiation avec le modèle produit par Matchbox est évidente : les tracteurs bien que de taille supérieure, sont identiques. Il en est de même du système de fixation. Mais la cabine tracteur elle-même? Ne vous dit-elle rien ? Bien sûr, il s’agit d’une copie du Ford produit par Corgi Toys, concurrent de Matchbox !

Elle a été légèrement simplifiée. Merehall l’a débarrassée de ses fragiles rétroviseurs mais a gardé la cabine basculante qui s’ouvre sur un moteur à friction. L’ensemble est de qualité. Quant à la remorque plateau, elle est également empruntée à Corgi Toys. C’est la plate-forme de la caisse fourgon du Corgi Toys. Cette remorque sera utilisée dans la version du cirque Chipperfield, avec trois cages et des fauves. La Merehall était destinée au marché anglais : la décoration de la boîte fait vraiment penser à une autoroute anglaise.

Ce jouet est très peu fréquent. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais dans l’article suivant, vous allez voir que non.