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Berlines Cherryca Phenix

Berlines Cherryca Phenix

A l’abri des regards

La scène se déroule au musée du Louvre. Une jeune fille se poste devant un tableau de Nicolas Poussin, sort son téléphone et photographie l’œuvre. La guide qui était juste à côté lui fait remarquer que les photographies sont interdites au sein de l’exposition. Elle ajoute qu’avant de photographier un tableau le spectateur doit prendre le temps de le regarder. Un peu plus loin dans l’exposition j’ai compris toute la portée de la phrase.

Dans cette même exposition, un des commissaires explique qu’un tableau de Poussin n’a jamais rien d’exceptionnel au premier abord. Il faut savoir le regarder et interpréter les symboles. Une bague avec un diamant symbolise la pureté et la foi en Dieu. Une sphère dominant un élément architectural doit être interprétée comme l’œil de Dieu. Cela demande bien sûr une initiation.

Poussin disait que celui qui connaissait les écritures pouvait déchiffrer ses tableaux

A cette époque déjà on s’inquiétait de savoir apprécier les œuvres d’art. Ainsi Paul Fréart de Chantelou, amateur et collectionneur contemporain du peintre, avait imaginé une scénographie afin de mieux apprécier sa collection.

Ses tableaux étaient dissimulés derrière des tentures de velours vert. Il expliquait aux amis qui découvraient ses chefs-d’œuvre, qu’un de ses plaisirs était de redécouvrir ses tableaux. Aussi considérait-il qu’il ne fallait pas les voir en permanence.

Cela m’a bien évidement conduit à rapprocher ce point de vue de celui des collectionneurs de miniatures automobiles. Pour nombre d’entre eux, ne pas exposer sa collection est quelque chose d’impensable. Au cours de ma carrière j’ai entendu beaucoup de commentaires au sujet de tel ou tel collectionneur qui n’exposait pas sa collection. Cela m’a souvent amusé car généralement c’est un problème matériel plus qu’un choix personnel.

Mais il est vrai que pouvoir ouvrir de temps en temps un carton, une boîte, est un plaisir extraordinaire. Redécouvrir des modèles soigneusement rangés, les déballer, les aligner, les comparer fait partie du plaisir. On est bien souvent étonné de redécouvrir un objet que l’on avait complètement oublié. Les bonnes surprises se succèdent au fil des déballages.

Un des exemples les plus marquants est celui des miniatures de fabrication japonaise. Dans les années 70-80 elles n’intéressaient qu’une poignée d’amateurs. Il fallait déjà avoir un regard curieux et ouvert sur le monde. Ainsi, les amateurs français n’avaient d’yeux dans les productions japonaises que pour les voitures américaines ou européennes. C’est mon ami Kazuo Kato, marchand japonais, qui lors de ses séjours en France m’initia aux subtilités de ces fabrications japonaises. Profitant des acquisitions que je faisais pour son compte, je m’y suis intéressé. Au départ, faute de place, je les listais et les rangeais soigneusement. Longtemps après, ce fut un bonheur de les redécouvrir.

Voici donc un florilège de modèles aux accents orientaux. J’ai un faible pour les grosses berlines Cherryca Phenix. A leur seule évocation, les yeux de mon ami japonais brillaient de plaisir. Elles étaient les plus demandées au Japon. Je me souviens qu’il préférait les versions routières aux versions taxi ou police. Pourtant, désormais, ce sont ces versions les plus recherchées car elles sont plus rares. Ces autos sont superbes.

Si près si loin

L’été dernier, la région Bretagne avait organisé dans plusieurs villes des expositions relatives aux liens entre la Bretagne et le Japon, qui, contre toute attente, unissent ces deux parties du globe.

Micro Pet
Micro Pet Prince Skyline

C’est ainsi que les peintres de l’école de Pont-Aven se sont inspirés des estampes japonaises qui commençaient à circuler en Europe. Des artistes comme Emile Bernard ou Paul Sérusier ont emprunté à leurs aînés japonais l’utilisation des aplats de couleur, ou la présence de troncs d’arbre verticaux afin de structurer le tableau.

Quelque temps auparavant, j’avais été surpris lors d’un reportage sur la gastronomie française. Le chef breton d’un établissement étoilé expliquait qu’il allait chercher l’inspiration dans l’archipel nippon.

Ces éléments m’ont fait réfléchir. Et je n’ai pas peur d’affirmer que l’éclectisme et la variété de notre collection ont été inspirés par la collection de Monsieur Nakajima, originaire du pays du soleil levant.

Micropet
Micropet : les deux plus désirables de la série

C’est un beau souvenir que celui du merveilleux petit ouvrage paru au milieu des années soixante-dix dans lequel Monsieur Nakajima présentait une partie de sa collection. Le premier tome était en anglais. Il offrait un panorama de la production mondiale. Dix ans après le livre de Jacques Greilsamer, il reprenait un classement par marque et par pays. L’ouvrage ne comportait pas de listing mais un choix pertinent des modèles les plus représentatifs aux yeux de l’auteur. Le livre alternait les pages en noir et blanc et les pages couleurs.

Ce livre, je l’ai usé jusqu’à la corde. Il faut dire que son petit format permettait de le transporter partout. Adolescent, je me souviens très bien que je le posais à table devant moi, et qu’il accompagnait mon repas bien mieux que les conversations familiales.

Evidemment, mes pages préférées étaient celles consacrées à Tekno, Buby, Micro Models. Les photos en couleur des modèles m’enchantaient. C’est indiscutablement à travers cet ouvrage, qui sera suivi de quatre autres tomes que nous nous sommes ouverts au monde de la collection. La vue des Hubley en cast irons américaines, des Micro Models australiennes, des Gamda israéliennes, ou des Micropet japonaises avait de quoi donner le tournis. Cette variété se trouvait au niveau des échelles, des matériaux et des jouets présentés. Nous n’avions pas vraiment l’habitude en Europe de mettre le plastique à l’honneur. Monsieur Nakajima mettait tous ses modèles sur un pied d’égalité, qu’il s’agisse de Siku en plastique, de Norev ou de Wiking.

Ma page préférée était dans le troisième tome. Elle était consacrée aux VW Kombi Tekno. J’ai bien souvent compté le nombre de modèles que nous avions encore à chercher. Alors que nous avions des difficultés à les rassembler, je me demandais comment il avait pu les trouver, lui, si loin du Danemark. Monsieur Nakajima, j’aurais aimé vous rencontrer pour vous dire combien je suis redevable de votre travail. Vous m’avez montré la voie. En votre hommage, je vais présenter la série de Micropet, qui, au Japon, est la série de miniatures la plus recherchée.

Micropet

Voici donc l’ensemble des autos japonaise de la série Micropet :

  • Subaru 360
  • Datsun Bluebird Deluxe
  • Nissan Cedric
  • Prince Skyline
  • Mazda 360
  • Toyopet Coronaline
  • Prince Skyway
  • Hillman Minx

Une Fairlady à la conquête des Amériques

Régulièrement, les habitants de la paisible bourgade d’Esher en Grande-Bretagne, assistent à un étrange ballet : dès 6 heures du matin, affluent vers le champ de courses local, Sandown Park, des autos, des breaks et camionnettes chargés d’étranges denrées, des milliers de jouets. La queue s’étend au-delà du portail de l’entrée du site, obligeant les organisateurs de l’événement à se faire épauler par un service d’ordre bon enfant.

rare boîte de Fairlady
rare boîte de Fairlady

Les gens qui n’exposent pas, comme moi, sont parqués sur une autre aire. Lorsque je franchis l’entrée, j’ai toujours les yeux rivés vers le haut du parking. Je cherche du regard un ami collectionneur belge. Il arrive toujours dans la nuit et attend patiemment l’ouverture des portes. Le rituel de cette rencontre est rassurant. Toujours garés à la même place, nous nous saluons et échangeons quelques mots.

Lors de mon dernier voyage, il m’annonce que, connaissant mon intérêt pour les jouets en plastique, il a décidé de céder quelques pièces lui appartenant. Il a dans la malle de son auto un carton avec plusieurs jouets. Je suis navré de constater que je les possède déjà, lorsqu’au fond du carton, j’aperçois une dernière petite boîte. Celle-ci n’évoque rien pour moi.

Lui-même ne connaît pas ce modèle. Il me dit que ce doit être une MG ou autre petite anglaise. A l’ouverture de l’étui, j’ai moins de doutes sur son identification. Je crois reconnaître une Nissan. Le jouet est superbe, il ne ressemble à rien de connu.

Je fais tout de suite le lien avec les productions de jouets japonais du début des années 60. Les informations écrites sur la boîte sont en anglais, ce qui me fait penser à un produit destiné au marché américain. Le nom du fabricant, Grand Toys m’est inconnu. Une fois l’auto acquise, j’en parle à quelques autres amis collectionneurs présents sur place. Ils me confirment que c’est bien une Nissan mais aucun n’a entendu parler de ce jouet.

Mon ami Clive Chick, grand spécialiste des autos japonaises ouvre des yeux éberlués. Il se rend très régulièrement au pays du soleil levant, mais jamais il n’a croisé ce jouet. Un détail nous fait rire. Comme souvent chez les fabricants de Hong-Kong, la numérotation est totalement fantaisiste. Ainsi, ce petit fabricant n’a pas hésité, afin de donner un peu de crédibilité à sa série à numéroter ce modèle 671. Par expérience, on peut imaginer qu’il y a au moins une 670. En effet, une série de deux est bien le minimum. C’est souvent par paires que les petits fabricants opèrent. De plus, la logique voudrait que la numérotation commence avec une décimale.

Curieux, j’ai cherché des renseignements sur l’auto. D’après mes recherches, ce petit modèle en plastique, au 1/43, serait une S211 de 1959 dont il aurait été produit 20 exemplaires.

Elle débute la célèbre lignée des « Fairlady ». Ce nom aurait été donné en rapport avec la comédie musicale très en vogue à l’époque sur Broadway « My Fair Lady ».

C’est en effet pour le marché américain que Nissan avait programmé cette auto. D’après les amateurs de la marque japonaise, c’est bien d’une MG que se serait inspiré Nissan. Cela renvoie finalement à ce que mon ami belge avait cru identifier en me présentant sa miniature. Nissan a commencé à s’implanter aux USA à la fin des années 50. Le chemin qui mène à la reconnaissance sera long. Les débuts sont très modestes, il n’y a que 10 revendeurs dans le pays dont un, selon les dires d’un spécialiste de la marque, tenait également une entreprise de pompes-funèbres. Peut être faut il y voir une complémentarité avec le comportement sportif de l’auto !

Mais vaille que vaille Nissan, comme les autres fabricants Japonais, saura se montrer patient. La marque tissera sa toile sur tout le continent américain pour devenir un des leaders mondiaux. J’ai profité de l’occasion pour sortir de mes vitrines d’autres modèles de « Fairlady ». La première est produite par Cherryca Phenix. Elle se singularise par un troisième siège placé transversalement à l’arrière. Ce détail m’a toujours intrigué. Les modèles produits par Diapet sont des millésimes 1966-1967. Ils ressemblent furieusement à la MG « B ». Diapet reprendra quelques moules de Cherryca Phenix, les derniers, souvent en les améliorant (parties ouvrantes par exemple). Mais pour ce qui est de la Fairlady, c’est bien d’un moule nouveau qu’il s’agit.

N’hésitez pas à me contacter si vous avez d’autres informations sur la petite marque Grand Toys.

Un porte-autos Codeg au long cours

En vous présentant ce jouet, je ne peux que constater l’imagination et la créativité dont ont fait preuve les fabricants de Hong-Kong. Ne vous fiez pas aux apparences. Cet ensemble est effectivement inspiré de celui de Norev mais il comporte de très nombreuses différences.

Porte-autos Codeg
Porte-autos Codeg

Codeg a subtilement panaché une copie du tracteur Berliet TBO produit par Norev et une copie de la remorque du Fiat 682N produite par Politoys. Afin d’offrir aux jeunes clients un ensemble réellement imposant, le fabricant de Hong-Kong a attelé au semi-remorque une remorque porte-autos à deux essieux ! Le résultat n’est en aucun cas réaliste. Il est en tout point impressionnant. Garni avec huit autos, il devait constituer un cadeau apprécié. Ces jouets étaient destinés au marché anglo-saxon.

On connaît bien l’importance que revêt aux Etats-Unis la taille d’un objet, en particulier s’il s’agit d’un cadeau. Avec cet ensemble, Codeg a parfaitement atteint son objectif.

Une version plus modeste sans la remorque supplémentaire a été réalisée pour s’adapter au pouvoir d’achat plus modéré d’une partie de la clientèle. Le tracteur Berliet produit par Codeg compte de nombreuses différences par rapport à celui produit par Norev. Il ne comporte ni roues de secours, ni mécanisme à friction, ni immatriculation. Les amateurs auront remarqué que les étuis figurant sur les clichés portent deux noms de fabricants différents.

Il était très fréquent à Hong-Kong que des modèles de marques différentes soient fabriqués dans une même usine. Ainsi, les Berliet et les Simca présentés ont été produits au même endroit malgré des dénominations différentes. Outre le volume peu ordinaire de cet ensemble, un autre fait m’a motivé dans la volonté de vous présenter ce jouet.

Je veux parler de la manière dont j’ai acquis cet exemplaire. Il y a plus de 25 ans, Monsieur Yves Gillereau, un des pionniers de la collection Norev, était arrivé au bout de sa collection. Il ne cherchait plus que quelques pièces rares, dont cette copie du transporteur de Villeurbanne. Sachant que je voyageais beaucoup en Europe, il m’avait chargé de lui en trouver un. Un week-end d’été, lors de la manifestation de Donington en Grande-Bretagne j’ai repéré l’objet convoité. Mais ce week-end là, accompagné de mon épouse, j’avais fait un crochet par Londres à la seule fin de ramener du papier peint Laura Ashley. Le coffre de notre petite Peugeot 205 était déjà bien plein. Ajouté aux autres trouvailles du jour et au fait que nous devions aussi récupérer notre jeune fils j’ai renoncé à ramener l’encombrant objet, au grand dam de notre collectionneur de Norev. Je me suis engagé à lui en retrouver un autre au plus vite. Heureuse époque où le matériel était facile à trouver sur les étals des manifestations.

Ce fut fait moins d’un an après. Au retour, je me suis précipité pour lui annoncer par téléphone la bonne nouvelle. Il m’a alors indiqué qu’il arrêtait et qu’il se séparait de sa collection.

Dépité, j’ai revendu très rapidement l’objet. J’avoue avec le recul que l’idée ne m’a même pas effleuré de le conserver. J’en ai rencontré un autre un peu plus tard et puis ce type de produit a disparu totalement. Avec le temps, j’ai entrepris de réunir des reproductions de Hong-Kong, et plus précisément celles qui sont inspirées par des modèles anglais. Il est bien évident que ces Berliet avaient leur place dans nos vitrines. Les prix s’étaient alors totalement envolés pour la version double. L’année dernière, alors que j’étais aux Etats-unis, mon ami Rex Barret de Chicago, m’a annoncé qu’il avait eu trois exemplaires de la version double. Il en avait revendu deux et gardé un pour lui. Je lui racontais la saga de ce camion et mon désir d’en acquérir un. Sans s’engager, il m’a promis de réfléchir.

Cette année lors de la manifestation de Chicago, je lui ai à nouveau indiqué mon souhait. Le troisième jour, après que je l’aie un peu harcelé, il a cédé. Il restait un dernier obstacle : rapatrier l’imposant objet. Par bonheur, il rentrait dans ma malle. La sécurité de l’aéroport qui contrôle systématiquement le contenu des valises et qui, par politesse, laisse une petite carte à l’intérieur du bagage visité a dû être bien étonnée en vérifiant le contenu de la mienne.

En fait, mon dernier problème a été d’exposer le modèle. Après tant d’efforts, ce n’était plus qu’un détail.