Belgitude.
Ostende est située sur la côte flamande, en Belgique. Je n’y ai jamais mis les pieds. C’est à travers les chansons de Jacques Brel et de Léo Ferré (« L’Ostendaise », paroles de Jacques Brel et « Comme à Ostende » paroles de Jean-Roger Caussimon) que j’ai découvert cette cité dont la vocation balnéaire c’est affirmée au 19ème siècle.
Adolescent, je me suis donc construit un imaginaire à travers ces deux chansons que j’écoutais régulièrement : les casinos vides symboles d’une époque révolue, les rues chaudes de la ville, les bars, la bière qui coule à flot, la faune interlope. Mais aussi le petit peuple, les femmes de pêcheurs guettant le retour des marins.
Léo Ferré Comme à Ostende
Jacques Brel l’Ostendaise
Jacques Brel l’Ostendaise
Léo Ferré Comme à Ostende
J’ai pu tout récemment mettre des images concrètes sur cet imaginaire. Le musée d’Orsay, toujours bien inspiré, a consacré une petite exposition à un artiste ostendais un peu oublié, Léon Spilliaert.
Léon Spilliaert « Vertige »
Léon Spilliaert « Femme sur la digue »
Léon Spilliaert « Digue la nuit »
Ce dernier est moins connu que James Ensor, son contemporain et ami, également originaire de cette ville des Flandres. L’exposition qui se tenait cet automne dans le musée parisien m’a dévoilé un artiste de talent, des plus singuliers. Les commissaires de l’exposition Leïla Jarbouai et Anne Adriaens ont centré leur exposition sur la première période de l’artiste s’étendant de 1900 à 1919. C’est le début de l’aventure, il doute, il cherche sa voie.
Léon Spilliaert « Hofstraat,Ostende »
Léon Spilliaert « Femme au bord de l’eau »
Léon Spilliaert « Clair de lune et lumières »
Il faut dire que cet artiste est autodidacte. Son oeuvre des débuts est inclassable. Epris de littérature, Léon Spilliaert a d’abord côtoyé les symbolistes, mais sans vivre dans le passé comme ces derniers. Son inspiration se nourrit des rencontres de la vie quotidienne. Puis ce sera l’expressionnisme et enfin l’abstraction en passant par le futurisme.
La reconnaissance ne sera pas au rendez-vous. Issu d’une famille bourgeoise, Léon Spilliaert est tourmenté, cela se ressent à travers sa production et ses autoportraits.
Léon Spilliaert « Autoportrait 1903 »
Léon Spilliaert « Autoportrait (aux feuilles d’automne) »
Son mariage avec Rachel Vergison en 1916 et la naissance de leur fille Madeleine semblent l’apaiser. Son oeuvre s’assagit. Il connaitra à partir de 1920 un petit succès auprès des collectionneurs parisiens. En 1922 James Ensor, saura même se montrer élogieux au sujet de sa production. Mais cette partie déborde le cadre de l’exposition.
Cela m’a fait penser à une marque de miniatures belges, qui, comme le peintre, aura connu deux périodes. Une première, assez exceptionnelle, et très courte. Et une seconde, plus longue, plus tranquille, mais dépourvue de génie créatif, de folie. Je veux parler de la firme liégeoise (Herstal) Gasquy Septoy.
Gasquy Studebaker Champion (couleurs)
Gasquy Willys station wagon
Tatra Tatraplan (variantes de couleur)
Gasquy Willys Jeep break vitré
Gasquy Studebaker Champion, superbe couleur
Elle débute à l’aube des années cinquante. Les débuts sont un véritable feu d’artifice. Replaçons-nous dans le contexte. En 1947, Dinky Toys relance les machines. La nouveauté est bien sûr l’incontournable Willys Jeep. L’entreprise reprend l’outillage créé avant le début du conflit mondial : Série 38 (cabriolet) et série 39 (voitures américaines).
Jeep Willys Dinky Toys
coffret de série 39 « private automobiles » pour le marché américain
Dinky toys serie38 Jaguar SS100 export
palette de couleur
Dinky Toys catalogue USA
Mais au fin fond de la Belgique, une petite firme nommé Gasquy propose rien moins que les premières autos marquantes d’après-guerre : Studebaker Champion, Ford Tudor, Chevrolet, Willys break bois, Tatraplan, Renault 4cv. Elles sont injectées en zamac de belle qualité, sont fort détaillées, dotées d’une belle gravure et sont équipées d’un châssis en tôle.
Gasquy Tatra Tatraplan
Gasquy Ford Tudor (jantes)
Cerise sur le gâteau, les pneus sont estampillés Englebert, le fabricant de pneus d’Outre-Quievrain !
Les modèles sont au « standard » Dinky Toys.
Gasquy Studebaker Champion (détails)
Gasquy Chevrolet ’50 …finitions !
Tatra Tatraplan (variantes de couleur); la rouge est la plus classique
Gasquy Ford Tudor …finitions !
Gasquy Willys Jeep break vitré
On se doute de la difficulté qu’à eue cette petite firme pour diffuser ces produits. Ils sont chers. La qualité a un prix.
Dans la Belgique d’après-guerre, pas facile de se faire une place face à l’ogre Dinky Toys. On l’oublie souvent, mais si Dinky Toys s’est si bien développée c’est qu’elle a bénéficié du réseau des points de vente Meccano, consolidé ensuite par celui d’Hornby.
En Belgique, même si le marché était conséquent, il était difficile de se faire une place. Les meilleures enseignes ont déjà Dinky Toys. Par voie de conséquence, les autres n’ont pas la clientèle pour écouler des produits réclamant le budget d’une Dinky Toys. M. Dufour et M. Sherpereel m’ont raconté comment, sur la côte flamande, ces produits étaient demeurés invendus.
Alors la firme liégeoise va revoir sa copie. Elle va abandonner cette gamme « luxe » et proposer des modèles plus simples, destinés au créneau de la clientèle de bazar.
Gasquy Studebaker Champion (couleurs)
Gasquy Septoy Mercury autocar
Gasquy Willys station wagon (détails)
Finis les pare-chocs rapportés comme sur la Studebaker Commander ou la Willys break vitrée. Les nouvelles Mercury seront conçues de manière monobloc. Finis également les châssis en tôle, seules les versions « luxe », mécaniques, en seront équipées. Finies les jantes personnalisées, place aux roues monobloc en zamac puis aux jantes en zamac concaves peintes.
Gasquy Septoy Mercury camionnettes tôlée (avec et sans mécanisme)
Gasquy Septoy Willys Jeep US army
Gasquy Septoy Willys Jeep civile
Si elle dégage un certain charme, la série des Mercury est loin d’égaler la série décrite plus haut au niveau esthétique. Les modèles sont plus grossiers, plus rustiques.
Gasquy Ford Tudor …finitions !
Gasquy Chevrolet ’50 …finitions ! avec jantes de Ford !
Gasquy Studebaker
Gasquy Chevrolet ’50 …finitions !
Gasquy Ford Tudor …finitions !
Les argentures « main » que l’on voyait sur les Tatra, les Studebaker et les Ford Tudor et qui pouvaient varier au gré de la production ont totalement disparu. Cependant, la gamme des Mercury reçoit de belles peintures bicolores, appliquées avec soin.
Gasquy Septoy Mercury autocar
Gasquy Septoy Mercury camionnette tôlée mécanique
Gasquy Septoy Mercury camionnette ambulance
Gasquy Septoy Mercury camionnette tôlée
Gasquy Septoy Mercury camionnette « B » chemin de fers Belge
Gasquy Septoy Mercury autocar
Le car est fort réussi. On appréciera la version des chemins de fer belges, décorée d’une lettre « B » majuscule dans un ovale, et l’ambulance, et ses croix rouges réalisées au pochoir.
Gasquy Septoy Mercury coupé mécanique
Gasquy Septoy Mercury camionnette tôlée mécanique
Gasquy Septoy Mercury camionnette ambulance mécanique
Gasquy Septoy Mercury camionnettes tôlée (avec et sans mécanisme)
Gasquy Septoy Mercury camionnettes tôlée (avec et sans mécanisme)
Gasquy Septoy Mercury camionnette ambulance mécanique
Gasquy Septoy Mercury coupé mécanique
Pour les rares versions mécaniques, la firme belge a été obligée de créer une ouverture à l’arrière de la carrosserie afin de loger le levier de commande du mécanisme. Certes, cela est efficace, mais l’installation nuit à l’équilibre esthétique du jouet.
Gasquy Septoy Willys Jeep US army
Gasquy Septoy Willys Jeep civile
Gasquy Septoy Willys Jeep civile
Gasquy Septoy Willys Jeep civile
Gasquy Septoy Willys Jeep US army
Gasquy Septoy Willys Jeep civile
Gasquy Septoy Willys Jeep civile
Gasquy Septoy Willys Jeep civile
Les premiers exemplaire des Willys jeep furent équipés de roues en zamac peintes. Elles sont bien sûr aux couleurs de l’US army. Il faut dire que les forêts liègeoises, proches de la petite fabrique, ont été le théatre des derniers combats acharnés, entre les belligérants de la dernière guerre mondiale. Très rapidement la « jeep » retrouva des couleurs civiles dans une logique que nous avons déjà analysée. (voir le blog consacré à la Willys jeep de Dinky Toys France).
Gasquy Septoy Plymouth berline
Gasquy Septoy Plymouth berline d’état major US army
Gasquy Septoy Plymouth berline
Gasquy Septoy Plymouth berline d’état major US army
Gasquy Septoy Plymouth berline
Gasquy Septoy la gamme US army avec Willys, Plymouth et FN
Comme le peintre Spilliaert, la firme liégeoise a ses mystères. Prenons la Plymouth berline. Modèle économique, comme la jeep, elle fut équipée de roues en zamac et reçut aussi une finition militaire.
Jolly Roger et Gasquy Septoy Plymouth berline
Jolly Roger et Gasquy Septoy Plymouth berline
Gasquy Septoy Plymouth berline
Jolly Roger Plymouth berline
Jolly Roger Plymouth berline
Jolly Roger et Gasquy Septoy Plymouth berline
Jolly Roger Plymouth berline
Il est troublant de retrouver de l’autre côté de la Manche, au Pays de Galles plus précisément, un clône de cette miniature. Le modèle est fort ressemblant. On note cependant des différences de traitement au niveau des phares, des baies vitrés. Le mystère reste total. Comment ce modèle est–il arrivé là ? Il reçoit même un étui individuel, ce qui lui confère un petit côté précieux. Qui saura m’expliquer l’histoire de cette miniature ?
Enfin, un second mystère existait qui a en partie été levé. Au milieu des années quatre-vingt-dix, une maison de vente anglaise a acquis une très large collection au Portugal. Cette dernière avait semble t-il été exposée au public.
Gasquy Septoy Willys Jeep militaire de première et de seconde génération
Gasquy Septoy Willys Jeep civile première et seconde génération
Gasquy Septoy Willys Jeep militaire de première et de seconde génération
Gasquy Septoy Willys Jeep civile première et seconde génération
Gasquy Septoy Willys Jeep militaire de seconde génération
Gasquy Septoy Willys Jeep civile seconde génération
Gasquy Septoy Willys Jeep civile
Dans cette collection disparate se trouvait une très grande quantité de Gasquy Mercury : autocars, coupés et Willys qui avaient reçu une finition très différente des habituels modèles croisés auparavant. Les peintures étaient brillantes, les finitions fort différentes.
Dans le milieu des années soixante-dix un large stock de carrosseries brutes fut retrouvé en Belgique et acquis par ce collectionneur portuguais. Il les fit peindre chez Metosul, firme avec laquelle il entretenait d’étroites relations. Il fit d’ailleurs également repeindre des Dinky Toys et les décora notamment en version taxi portugais, taxis d’Amsterdam et autres policia.
Gasquy Tatra Tatraplan et Mercury car
Comme cela se faisait beaucoup à l’époque, il se servait de ce stock pour faire des échanges avec d’autres collectionneurs. Heureuse époque où les amateurs ne voulaient pas d’argent mais échangeaient leurs doubles contre les modèles manquants à leur collection.
Jolly Roger et Gasquy Septoy Plymouth berline
Gasquy Septoy ensemble de Mercury
Ainsi, il faut désormais distinguer les premières séries, les « vraies » Gasquy Septoys avec leur peinture satinée et les modèles aux peintures brillantes réalisées au milieu des années soixante-dix.
Gasquy Septoy Willys : une belle gamme !
Gasquy Septoy Mercury autocar
Ce ne sont pas des faux, appelons cela une « production tardive ». Pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir les premières, elles permettent à peu de frais de placer en vitrine des modèles intéressants. L’important est de le savoir.
Rendez vous le 7 Mars 2021.