Archives de catégorie : avant-guerre

fabrication avant la seconde guerre mondiale

Exit 14 A : modèles en rubber

Après avoir traversé l’Illinois, l’Indiana, l’Ohio et la Pennsylvanie, me voici aux portes de New York dans le New Jersey. C’est la deuxième partie du voyage. Je continue à visiter des antiques mall, sorte de concentrations d’objets plus ou moins antiques et plus ou moins intéressants. Pour trouver un objet valable il faut arpenter des allées et regarder en détail les vitrines.

belle Plymouth promotionnelles en Rubber
Elégante Plymouth promotionnelle Rubber

Souvent, en quelques secondes, au moment où l’on entre dans le mall on jauge l’intérêt de l’endroit et l’on sait s’il sera propice ou non à des trouvailles. Je vous présente comme la semaine dernière quelques objets qui ont attiré mon attention. Ils ont comme point commun d’être réalisés en « rubber »  en caoutchouc.

Ce circuit situé dans la banlieue de New York existe depuis fort longtemps, mais à compter de 1960, il a commencé à accueillir des grands prix de Formule 1.

Accident à Watkins Glenn

Quelle ne fut pas ma surprise de voir le nom de ce célèbre circuit imprimé sur le pavillon d’une ambulance de chez Sun Rubber. C’est un modèle d’inspiration libre comme très souvent chez ce fabricant. Il est très représentatif des ambulances des années 50. Il ne s’agit pas d’un modèle rare. Il est facile à se procurer en version militaire alors que les versions ambulances privées sont moins fréquentes. Les assemblages de couleurs sont assez harmonieux. L’exemplaire que je vous présente est particulièrement réussi. Toutes les finitions sont faites au pochoir ce qui donne à ce jouet une allure comparable à un jouet de qualité supérieure. Si les jouets en Rubber étaient vendus dans des bazars, l’exemplaire que je vous présente était vendu comme souvenir sur le circuit. J’ai trouvé le choix de ce support publicitaire curieux. En général, sur un circuit, la vue d’une ambulance n’annonce rien de très bon. Cela s’explique sans doute par le fait que le modèle présente une surface lisse suffisamment grande pour appliquer un message publicitaire, ce qui n’aurait pas été le cas avec une auto de course.

Une Plymouth en cadeau

Une analyse rapide montre que vers le milieu des années trente, les constructeurs automobiles américains vont faire de gros efforts de promotion pour séduire les futurs clients. Ils vont notamment faire fabriquer des reproductions miniatures de leur gamme de véhicules à destination des enfants. Pour nous, collectionneurs, on peut parler d’un âge d’or. Curieusement, les autos en « rubber » ont longtemps été sous-estimées aux USA par les collectionneurs, à l’opposé des CIJ et JRD de la même époque qui séduisaient déjà depuis très longtemps les collectionneurs européens. Les « rubber » affichent désormais des prix excessifs, notamment pour les véhicules promotionnels.

Nous savons peu de choses des conditions de fabrication de ces autos promotionnelles, à part le fait qu’elles ont souvent pour origine la ville d’Akron, l’endroit où était importé le caoutchouc aux USA. C’est également là que s’établiront logiquement les fabricants de pneus. Je vous présente ce jour des Plymouth de deux années différentes : 1936 et 1937. En toute logique commerciale, toutes les retouches esthétiques se retrouvent sur la reproduction offerte.

Plymouth promotionnelles en Rubber
Plymouth promotionnelles en Rubber

On peut tenter un rapprochement avec les reproductions contemporaines des 402 par JRD. La philosophie de fabrication est proche. C’est après avoir découvert ces modèles français, il y a fort longtemps, que je me suis intéressé aux « rubber » américains il y a déjà trente ans. Je conseille aux amateurs le livre de Dave Leopard (rubber toy vehicules chez collector books) sur le sujet, notamment sa deuxième édition qui est excellente.

La laiterie d’Al Capone

C’est le magazine Fricotte, consacré à l’alimentation, qui m’a inspiré cette chronique. Le rédacteur en chef m’a contacté il y a plusieurs mois car il envisageait de publier un article sur la représentation du monde agroalimentaire dans l’univers des jouets. Après la publication d’un article généraliste, nous avons travaillé sur un thème en relation avec la période estivale, celui des marchands de glace.

La laiterie d'Al Capone
La laiterie d’Al Capone

Comme le magazine me demandait d’envisager une nouvelle collaboration, j’ai proposé le thème de l’industrie laitière. En effet, au fil de mes voyages aux Etats-Unis, j’ai constitué un ensemble assez hétéroclite de modèles relatifs à ce thème. En sortant les véhicules des vitrines, j’ai pu constater combien ce sujet avait été populaire auprès des fabricants de jouets américains, surtout dans les années trente. J’imagine que si tant de fabricants se sont trouvés inspirés par les camionnettes de livraison et les citernes de lait c’est parce que la demande était là !

Comme les modèles exposés dans mes vitrines sont classés par catégorie, j’ai pu constater que les laitiers y tenaient une très grande place, à l’inverse des brasseurs ! Il faut se rappeler que durant cette période, les Etats-Unis ont connu la prohibition de l’alcool. Il aurait été mal venu de mettre à la disposition des enfants des jouets ayant un rapport avec l’alcool, susceptibles d’en banaliser voire d’en encourager la consommation. Il est certain que la représentation d’une camionnette aux couleurs d’un fabricant de whisky aurait fait mauvais effet !

La laiterie d'Al Capone
original camion bouteille de chez Barclay

Il y a bien un jouet de chez Barclay, peu fréquent, en forme de bouteille, mais il s’agit d’une laiterie…précisons toutefois qu’une marque d’alcool américaine utilisa un support similaire.

Les laitiers américains constituent un agréable ensemble, bien plus original que les traditionnels jouets anglais. J’ai donc sélectionné des miniatures correspondant à la période troublée des années trente, uniquement des « slushs » , en plomb injecté.

Barclay en a été le principal fabricant. La vignette en haut à gauche en illustre un bel exemple. Cette version est aux couleurs d’une laiterie du nom de Franklin. Il existe aussi des versions non promotionnelles. Sur la seconde ligne, la première vignette permet la comparaison entre la version au premier plan produite par Tommy Toys et celle du second plan produite par Savoye, reconnaissable à ses jantes en bois identiques sur tous les modèles produits par cette firme. Mon intérêt pour les Slush m’a souvent confronté à ce genre d’énigmes : l’existence de modèles quasi similaires mais pourtant différents.

L’histoire de ces productions est jalonnée de créateurs appartenant à des firmes majeures comme Barclay ou Kansas Toys qui ont créé leurs propres compagnies, en emmenant leurs créations et en les ressortant après avoir modifié quelques détails. Je vous laisse observer les différences. Même constat pour les deux camions Ford cabover ridelles se trouvant sur la quatrième ligne, vignette droite : au premier plan un Barclay au second un Tommy Toys. La vignette à gauche représente deux fabrications Tommy Toys. Enfin, la version hippomobile de chez Barclay possède beaucoup de charme et permet de bien visualiser les différences de conception très nettes avec ce que l’on rencontre, par exemple, en Grande-Bretagne.

Le découpage au second plan a été produit pour la compagnie Bordens, marque que l’on rencontre très souvent sur les reproductions de camions laitiers et ce jusque dans les années soixante-dix.

Deux fois quatre égale huit !

Nullement impressionnée par la sortie de la révolutionnaire Citroën Traction avant, Peugeot la firme de Sochaux avait programmé sa réplique. Inspirée par le Streamline Modern venu des USA, elle lance sa 402. La gamme de série est présentée au salon de l’auto 1935 où elle reçoit un accueil très favorable du public.

Peugeot 802 AR à gauche et Aludo à droite
Peugeot 802 AR à gauche et Aludo à droite

Elle s’inscrit dans un ambitieux programme qui est dévoilé au public en 1936. L’ingénieur Andreau présente une étude qui est la vedette de ce salon 1936. L’intitulé retenu pour la présentation à la presse est évocateur : « la voiture de type 1940 ». Cette auto, trop rapidement dénommée par les amateurs « 402 Andreau » est reconnaissable à son allure futuriste : ailes carénées, pare-brise panoramique, dérive verticale.

Bien longtemps après l’événement, René Bellu perce le mystère : contrairement aux apparences cette auto n’est pas une 402. En effet, Peugeot avait dans ses cartons un projet de moteur V8 qui devait équiper l’auto. Les documents et les plans retrouvés l’attestent. Cette auto est bien une 802. Peugeot resta très discret lors de la présentation au public qui rapidement y vit une grosse 402. Il est sûr que le moteur définitif ne devait pas être prêt. Dans ses recherches Réné Bellu a même trouvé la trace d’insignes de calandre frappés de ce numéro. Preuve de l’avancement du projet qui fut stoppé par la guerre.

Deux fabricants ont proposé une reproduction miniature de la 802, motivés sans doute par le côté innovant du véhicule. Les deux modèles illustrent le blog. Il existera bien, un peu plus tard une Peugeot 402 Andreau.

Peugeot fera réaliser 6 prototypes équipés du 4 cylindres. Si la 402 reprend les grandes lignes de la 802, de nombreux détails diffèrent qui permettent de distinguer les deux autos dans la réalité. Premier détail : le traitement des surfaces vitrées. Sur la 402 Andreau les montants de pare-brise sont très fins et les vitres latérales ne possèdent pas de montant. A l’opposé, la 802 du salon 1936 possède des montants de pare-brise épais que les deux fabricants de miniatures, AR et DC ont bien reproduits. Deuxième détail : le porte-à-faux. Celui de la 802 est volumineux alors que sur la 402 il correspond à celui d’une 402 classique.

Il ne faut pas oublier que cette 802 devait, dans le catalogue Peugeot être le haut de gamme, d’où le choix de cette motorisation V8.

Un dernier détail esthétique aide à la différenciation : la présence sur la 802 de fentes sur le capot avant, très spécifiques, que le fabricant AR reproduira finement. Grâce au travail de René Bellu j’ai ainsi pu découvrir l’identité réelle de ces autos miniatures.

Précisons que ces miniatures sont rares. Elles sont la fierté de tout collectionneur ayant la chance d’en posséder un exemplaire.

AR Peugeot 802 roues avant carénées
AR Peugeot 802 roues avant carénées

AR, qui avait de nombreux liens avec la firme Peugeot, ne pouvait passer à travers la reproduction de cette belle auto dont il a réalisé au moins deux variantes importantes. Comme vous pouvez le voir sur les clichés, le modèle photographié possède des ailes avant carénées. Ce détail reste mystérieux. AR proposera également une version sans ailes carénées, qui, selon moi, est antérieure. La 402 coach sera également dotée d’ailes avant carénées.

Peugeot 802 de chez DC
Peugeot 802 de chez DC

Les 802 de couleur crème et de couleur verte sont le produit du fabricant DC (Charles Domage). La reproduction est moins fine que celle d’AR. Elle sera reprise, après guerre par Aludo (couleur rouge), dans un alliage fragile constitué d’un zamac de médiocre qualité qui remplace le plomb des modèles d’avant-guerre. Les 402 Andreau, elles, ne connaîtront pas de reproductions contemporaines.

Pour conclure, et sans sombrer dans le chauvinisme, AR a réalisé avec sa série de Peugeot (601, 302 Darl’mat, 402 coach et 802 Andreau) la plus belle série de miniatures d’avant guerre. Un prix de vente que l’on imagine élevé a dû freiner leur diffusion. Il est dû en partie au mécanisme à clef qui équipait certains modèles. (voir l’article sur  la Peugeot 402 Fuseau Sochaux)

Moderne comme une 402

Henry Ford est à l’origine de la production de masse des automobiles. Il n’avait pas prévu que le consommateur, porté par son pouvoir d’achat et la forte croissance des années vingt, allait devenir exigeant. Au départ, il avait standardisé à l’extrême la production de la Ford T, ne proposant aux consommateurs aucune variante de carrosserie, de moteur ni même de couleur.

Peugeot 802 de chez AR, DC, Aludo
Peugeot 802 de chez AR, DC, Aludo

Pendant ce temps, à l’opposé, General Motor élargissait son offre via la création de marques différentes, répondant en cela à la demande des consommateurs. Chaque marque du groupe ciblait une clientèle particulière. Plus habile, il allait introduire la notion de nouveauté, en lançant sur le marché des autos de millésimes renouvelés chaque année, démodant ainsi le modèle de l’année précédente. Ce rythme effréné imposait aux ingénieurs et aux stylistes de trouver sans cesse des idées nouvelles. Parfois un courant se dégageait.

Ainsi, au début des années trente, inspiré par l’aviation qui avait progressé plus vite que l’automobile, et par la chasse aux records du monde de vitesse sur terre, un courant de création vit le jour : « le Streamline Modern ».

Ce mouvement parti des Etats-Unis consacre l’optimisation de la pénétration dans l’air. Il se caractérise par des lignes fluides et des courbes arrondies. Tout était bon pour donner aux autos une allure aérodynamique.

Il faut aussi signaler que c’était là un bon moyen de démoder rapidement la ligne d’une auto. Comme le signale fort justement René Bellu dans son livre « Toutes les Peugeot », l’aérodynamisme, est une science fut d’abord, en automobile une mode. Beaucoup d’erreurs ont été commises sous prétexte de créer des lignes esthétiques !

Une des plus célèbres automobiles de ce courant fut la Chrysler Airflow aux Etats-Unis. Les constructeurs européens reprirent l’idée mais de manière plus scientifique et rigoureuse. Cela aboutira à l’une des plus belles Peugeot de tous les temps.

En effet, c’est en France, au milieu des années trente que la firme de Sochaux relève un défi technique. En poussant ses recherches sur une meilleure pénétration dans l’air, les ingénieurs vont faire baisser la consommation de carburant de leurs moteurs. Il est intéressant de constater que les 402 de l’ingénieur Andreau consommaient 35% de moins que la 402 berline de base. Dans ses campagnes de publicité, Peugeot s’appuiera sur cet argument. Toute la gamme Peugeot va être concernée par ce courant. Un ambitieux programme est lancé, il est malheureusement interrompu par la guerre de 1939. Nous verrons la semaine prochaine jusqu’où Peugeot est allé. (voir la suite de l’article)

Golden Arrow – 2

La récente présentation à l’opéra d’Hyppolite et Aricie de Jean-Philippe Rameau m’a plongé dans la mythologie grecque. Celle-ci surgit régulièrement dans notre civilisation occidentale. Les Romains s’en sont librement inspirés, puis la religion chrétienne, monothéiste, a effacé les traces de celle, polythéiste, venue d’Athènes.

Golden Arrow
Golden Arrow de chez Johiico

Ainsi, il fallut attendre la Renaissance pour voir réapparaitre dans le domaine des arts graphiques, lyriques et littéraires les héros de l’antiquité. Le siècle des lumières fut propice à la diffusion des images issues de cette mythologie. Les courants artistiques y puisent régulièrement leur inspiration.

Au début du siècle dernier, beaucoup d’industriels se sont inspirés des légendes grecques pour donner une identité forte à leurs produits. Le milieu de l’automobile n’a pas échappé à cette tendance. Son vocabulaire en est la preuve : le terme « phaéton » qui décrit une carrosserie automobile sportive équipée d’une banquette, rend hommage au héros qui avait osé conduire le char du soleil. Les personnages mythologiques inspirèrent bien évidemment les publicitaires. On peut citer à titre d’exemple Mobil et son cheval ailé, Pégase, GoodYear et les sandales ailées de Mercure, le messager des Dieux. Les constructeurs automobiles ont également utilisé ces symboles forts. La firme Rolls Royce a choisi pour orner ses radiateurs la fameuse représentation de Niké, déesse symbolisant la victoire de Samothrace. Maserati s’empara du trident, attribut du Dieu Poséidon, Alfa Romeo de la vouivre, création fantastique de la mythologie. Ils ont également donné à leurs modèles les noms des dieux et héros de l’antiquité. Simca baptisa l’une de ses berlines « Ariane », Renault fit de même avec sa « Clio ». La liste serait fort longue à établir, tant la mythologie grecque inspira les constructeurs automobiles, et plus généralement l’industrie. C’est bien la preuve de son influence sur notre société occidentale.

Un autre symbole, directement lié à la mythologie a été largement utilisé durant le siècle dernier. Il s’agit de l’attribut de l’Amour nommé aussi Cupidon et c’est bien évidemment la flèche.

Golden Arrow
Golden Arrow de chez Johillco

Les attributs des Dieux symbolisent leurs pouvoirs et sont bien souvent à double lecture. Ainsi, Cupidon décoche deux types de flèches : celles qui sont en or font naître l’amour chez ceux qui les reçoivent, celles qui sont en plomb provoquent l’aversion dans le cœur de l’être aimé.

On comprend mieux pourquoi les concepteurs de la Golden Arrow (littéralement flèche d’or) ont choisi ce nom. L’auto est conçue en 1929. Elle est considérée par les historiens de l’automobile comme la première à avoir reçu une carrosserie étudiée à des fins d’aérodynamisme.

Elle reçoit un moteur W12 Napier Lion de 23,9l de cylindrée issu de l’aviation. Pour le refroidir, les ingénieurs avaient placé dans les soutes latérales de l’engin des bacs de glace ! Dès sa première tentative à bord du modèle, Henry Segrave efface le record de la White Triplex. Peu de temps après avoir été détrôné, Lee Bible sur la White Triplex perdra la vie en tentant de reconquérir son titre. En signe de deuil, Henry Segrave renoncera à améliorer son record et l’auto sera remisée.