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La vision des Appalaches selon Copland

La vision des Appalaches selon Copland

La vie est faite de hasards et de petits riens. Un mot, perdu au milieu d’une phrase, un simple mot et vous voilà parti ailleurs. C’est le titre d’une oeuvre qui a éveillé mon imagination.

Cela s’est produit en écoutant France Musique, en l’occurence la passionnante émission d’Anne-Charlotte Rémond, « Musicopolis ». L’émission du jour prenait pour sujet l’histoire d’une commande passée à Aaron Copland, compositeur américain, un des premiers à avoir été reconnu comme tel par la critique internationale.

le compositeur Aaron Copland
le compositeur Aaron Copland

Aaron Copland a fait ses classes de compositeur en France entre 1921 et 1924, auprès de la grande Nadia Boulanger.

L’œuvre en question est devenue une de ses compositions les plus célèbres : «Appalachian Spring». j’avais déjà entendu des extraits de cette suite pour orchestre et elle m’avait marqué.

Comment ne pas voir dans ce titre et à l’écoute de cette musique, les grands espaces, la nature, mais aussi les premiers habitants, les indiens. C’était en tout cas ma vision personnelle.

Peu de temps avant cette émission, j’avais acquis une miniature des plus singulières, et je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec cette oeuvre.

C’est une des dernières pièces que j’ai acquises auprès de mon vénérable confrère Gilles Scherpereel. Il s’agit d’une torpédo (peut- être de la marque Mors) avec un indien au volant. M. Scherpereel m’a expliqué que ce modèle faisait partie d’un ensemble. Il connaissait également une version avec la figurine de Buffalo Bill. C’est une fabrication ancienne. En la voyant, vous allez sans doute penser qu’il s’agit d’une caricature.

Pourtant, Buffalo Bill a bien importé en Europe un spectacle dénommé « Wild West Show » qu’il avait rodé aux Etats-Unis. La première représentation eut lieu en 1889 année de l’exposition universelle. Il reviendra en 1905 pour une grande tournée dans toute la France. Il se mettait en scène avec des indiens et des centaines de figurants. A lire les commentaires de l’époque, le spectacle était haut en couleurs. Il était précédé d’une parade à cheval.

Il est fort possible que des automobiles aient été utilisées lors de cette cavalcade. Le fabricant de jouets, malheureusement inconnu, n’a pu avoir une imagination telle qu’il ait placé un sioux au volant. On imagine la surprise des passants dans les rues où défilait le cortège annonçant le spectacle.

Au moment de la diffusion de  l’émission d’Anne Charlotte Rémond, fruit du hasard, j’avais trouvé un article, que j’avais précieusement conservé ainsi qu’une photo faisant un lien parfait avec cette miniature. L’article portait sur une tribu d’indiens, les Osages, dont plusieurs dizaines de membres avaient été assassinés dans les années 20, provoquant une enquête fédérale et l’arrestation du commanditaire des meurtres, un important homme d’affaires local qui voulait faire main basse sur leurs biens..

A l’origine ces indiens occupaient un territoire dans l’actuel Kansas. Ils avaient été déplacés vers des terres situées  dans l’actuel Oklahoma, infertiles en surface, mais qui par la suite s’étaient révélées riches en pétrole .

Ces indiens avaient prospéré et vivaient, à en croire les colons blancs, comme « des rois du pétrole ».

Tootsietoys Ford T devant la pompe à essence
Tootsietoys Ford T devant la pompe à essence

La photo m’avait beaucoup plu. On voyait une Ford T conduite par un indien de la tribu avec une femme assise à l’arrière. Des légendes couraient pour discréditer cette tribu. On racontait que les Osages n‘hésitaient pas à changer d’auto lorsqu’un des pneus était crevé !

Fort de cette intrigante photo, je vais vous présenter quelques représentations de la Ford T, mythique automobile. Elle fut la première voiture a avoir été produite en grande série.(voir le blog consacré à l’arrivée de cette auto en Europe).

Tootsietoys Ford T
Tootsietoys Ford T

Pour faire mentir Henry Ford qui avait donné comme choix de couleur aux acheteurs le noir et …le noir, Tootsietoys a décliné sa miniature en de multiples couleurs. Une telle fantaisie n’est possible que dans le domaine du jouet.

 

Le petit coffret « Baby Ford and outfit » , sous-traité par Tootsietoys pour la firme H.F & Co est exceptionnel. C’est l’histoire qui est là sous vos yeux. Combien de coffrets sont parvenus jusqu’à nous et combien d’entre eux étaient complets avec tous les accessoires ? Ce sont sûrement des invendus de magasins.

En Grande-Bretagne, après avoir importé les Tootsietoys, Jo Hill Co les produira en série, sur place, à Londres. Datant d’avant la seconde guerre mondiale, elles sont tout de même très postérieures aux modèles fabriqués à Chicago. Les grandes roues monobloc peintes de couleur grise sont très reconnaissables. Ces modèles ne sont pas rares mais il est peu fréquents de les trouver en bel état de conservation.

SR, a également reproduit de manière convaincante cette auto. Est-ce l’importance historique du modèle qui a fait que cette firme française ait choisi de la livrer de couleur or ?

Bref, voilà comment j’avais établi un lien entre un morceau de musique et une miniature. Tout s’écroula lors de la diffusion de l’émission d’Anne-Charlotte Rémond. Voici donc le récit que la journaliste donna à l’antenne.

« Appalachian Spring » était une commande de la chorégraphe américaine Martha Graham. Cette dernière avait présenté l’argument suivant à Aaron Copland : une ferme, un jeune couple de fermiers américains, quelques habitants de la petite ville perdue, un pasteur.

Le compositeur se mit au travail et livra la partition. L’œuvre ne portait pas encore de nom. C’est Aaron Copland lui même qui livre l’explication aux auditeurs de la BBC. Quand Martha Graham donna à Aaron Copland le nom du ballet qu’elle avait choisi pour la partition celui-ci s’esclaffa « Oh ! Appalachian Spring, quel joli nom. Où l’avez-vous trouvé ? » Elle lui répondit qu’il s’agissait du titre d’un ouvrage de Hart Crane qu’elle venait de lire et qui l’avait marqué. Aucun lien donc avec les Appalaches.

Aaron Copland explique encore que le ballet eut un grand succès et que ses admirateurs  lui confiaient très souvent que lorsqu’ils écoutaient sa musique, ils voyaient les Appalaches ! Avec un humour au diapason il concluait que lui aussi désormais commençait à voir les Appalaches.

 

J’ai beaucoup aimé cette émission. Moi, j’y voyais des indiens, d’autres auditeurs y ont vu des montagnes.

Chacun livre sa version en fonction de son histoire, de son imagination, et de sa culture. L’important est que chacun y trouve une émotion.

Plus dure sera la chute

Plus dure sera la chute

L’homme, nu, tend vers le ciel le résultat de son labeur : une splendide reproduction d’automobile. Il chevauche une enclume recouverte du drapeau tricolore et son bras droit, replié s’appuie sur un marteau. La posture renvoie à Héraclès bandant son arc. Mais là, c’est une auto qu’il décoche. Nous sommes en 1913, l’affiche a été conçue par René Péan.

On comprend que l’industrie de l’automobile a pris son rythme de croisière.Il suffit de regarder au bas de l’affiche la profusion d’autos qui convergent vers un même point.

Il  est donc fini le temps des pionniers. Fini les carrosseries inspirées des attelages hippomobiles. Les vis-à-vis et les quadricycles ont fait place à des autos conçues comme telles. Le public se presse dans les allées du Grand Palais où se tient le salon de l’automobile. Pourtant ces autos sont encore réservées à la grande bourgeoisie.

L’automobile entrera petit à petit dans la vie de la population par le biais des véhicules professionnels et des services publics comme le souligne fort justement Mathieu Flonneau dans la revue « L’Histoire ».

Et c’est ainsi  donc qu’elle se démocratisera : il faut bien des chauffeurs pour conduire les camionnettes, les taxis, les bus, les ambulances, et les voitures postales. En 1913, date de l’affiche, les bus ont totalement remplacé les attelages hippomobiles dans les rues de Paris.(voir l’article consacré  aux modèles de chez CD)

La fabrication en masse qui abaisse les coûts de production et donc les prix de vente, fera le reste. D’ailleurs toujours en cette même année, la grande nouveauté du salon parisien sera la fameuse Ford T qui était apparue Outre-Atlantique dès 1908. Cette auto symbolisera à elle seule l’accession du grand public à l’automobile.

J’ai donc choisi de remonter le temps, et de vous présenter des miniatures reproduisant des autos qui auraient pu figurer dans ce salon.

Encore inaccessibles au grand public, elles vont pourtant entrer dans de nombreuses familles par le biais de jouets. Je parle de ces petits jouets, dits penny toys ou jouets de quat’sous qui étaient distribués sur les grands boulevards par des marchands ambulants.

Ce sont les ancêtres de nos miniatures. Aujourd’hui, peu de gens savent les apprécier, peut-être parce qu’ils n’évoquent rien pour eux. ll faut juste les regarder comme de petits objets, témoins des balbutiements de l’automobile. La révolution est en marche. Ce sont les fabricants allemands qui vont se montrer les plus actifs dans ce type de produits.

Pour produire des jouets à un prix réduit le passage à la tôle lithographiée s’impose : il suffit de découper et d’assembler les morceaux de tôle à l’aide d’agrafes. C’est simple et le résultat est des plus satisfaisants.

Il n’en demeure pas moins que ces autos en tôle lithographiée sont fragiles Elles craignent l’humidité.

Les firmes allemandes Ernst Plank, Krause et Heyde vont ensuite proposer des miniatures injectées en plomb. Ces entreprises avaient l’ expérience de ce matériau grâce à la production de figurines.

C’est une réelle avancée. La qualité de reproduction s’en trouve grandement  améliorée. Ces jouets demeurent fragiles, mais quel charme. Les Plank sont incontestablement les plus belles. A une échelle proche du 1/60, elles sont la parfaite reproduction des automobiles circulant dans les rues.

La Krause, (sans certitude absolue sur l’identification) est également somptueuse. On se rapproche du travail que le fabricant avait l’habitude de faire sur les attelages hippomobiles.

En France c’est SR qui s’aventurera dans le créneau de l’injection en plomb. On ne peut comparer la production de cette entreprise avec celle des firmes allemandes. Les modèles sont succincts. La grande majorité d’entre eux était proposée brute, non peinte. La gravure est très fine, preuve que SR maîtrisait parfaitement cette technique.

Les SR se situent dans le créneau « jouets de quat’sous ». Ils connaitront le succès à l’étranger, en Grande-Bretagne mais aussi aux USA. Ils inspireront des fabricants comme Tootsietoys puis plus tard les premiers fabricants de jouets japonais.(voir l’article consacré aux premiers jouets japonais).

SR proposera une très belle Ford T, bien supérieure à la première Tootsietoys, celle-là même qui fut présentée à ce salon de 1913.

 

SR Ford T
SR Ford T

(voir l’autre article consacré aux modèles en plomb produits au Japon entre les deux guerres)

 

 

. Enfin il faut  signaler un dernier matériau : Le bois. Quand on évoque ce matériau, c’est bien sûr à Erzgebirge que l’on pense. Je vous présente quelques torpédos de ce fabricant. On appréciera l’auto des mariés : preuve que ces petites autos étaient aussi faites pour les petites filles !

Au fait, avez-vous bien observé l’affiche de René Péan ? Il y a une autre lecture possible. Comme souvent dans l’histoire de l’art, certains artistes malicieux ont su brouiller les pistes.

Observez les couleurs qui montent verticalement. Le rouge et le jaune. Cela fait penser au feu, le feu de la forge bien sûr. Cet homme, représenté dans un cadre mythologique ne serait il pas Pluton le Dieu des enfers. L’auto qu’il brandit est un phaéton, nom donné à ce type de carrosseries.

Dans l’histoire de l’art, Phaéton personnage mythologique est le plus souvent représenté dans son char … chutant du ciel ! Fils du soleil, il avait perdu le contrôle de son char et avait manqué d’enflammer la terre. Ces autos qui convergent en bas de l’affiche à toute vitesse de chaque côté du personnage central ne semblent-elles pas vouées à un terrible carambolage?

L’artiste n’a t’il pas voulu nous annoncer la promesse d’une catastrophe avec l’arrivée de l’automobile ? Un siècle plus tard on peut légitiment se poser la question. Quel avenir pour l’automobile? La cité semble lui fermer ses portes. Sur les routes, les autos sont désormais limitées à 80 Km/h. Paradoxalement la plupart d’entre elles atteignaient déjà cette vitesse un siècle auparavant.

 

Il est certain que l’automobile a fait du surplace par rapport  à l’aviation et à la conquête du ciel et de l’espace. Les conflits armés qui ont jalonné le siècle dernier ont développé ce moyen de locomotion bien plus efficacement. On a marché sur la lune, mais on peut de plus en difficilement circuler en auto.

En attendant , meilleurs voeux pour cette nouvelle année qui commence  !

Moderne comme une 402

Henry Ford est à l’origine de la production de masse des automobiles. Il n’avait pas prévu que le consommateur, porté par son pouvoir d’achat et la forte croissance des années vingt, allait devenir exigeant. Au départ, il avait standardisé à l’extrême la production de la Ford T, ne proposant aux consommateurs aucune variante de carrosserie, de moteur ni même de couleur.

Peugeot 802 de chez AR, DC, Aludo
Peugeot 802 de chez AR, DC, Aludo

Pendant ce temps, à l’opposé, General Motor élargissait son offre via la création de marques différentes, répondant en cela à la demande des consommateurs. Chaque marque du groupe ciblait une clientèle particulière. Plus habile, il allait introduire la notion de nouveauté, en lançant sur le marché des autos de millésimes renouvelés chaque année, démodant ainsi le modèle de l’année précédente. Ce rythme effréné imposait aux ingénieurs et aux stylistes de trouver sans cesse des idées nouvelles. Parfois un courant se dégageait.

Ainsi, au début des années trente, inspiré par l’aviation qui avait progressé plus vite que l’automobile, et par la chasse aux records du monde de vitesse sur terre, un courant de création vit le jour : « le Streamline Modern ».

Ce mouvement parti des Etats-Unis consacre l’optimisation de la pénétration dans l’air. Il se caractérise par des lignes fluides et des courbes arrondies. Tout était bon pour donner aux autos une allure aérodynamique.

Il faut aussi signaler que c’était là un bon moyen de démoder rapidement la ligne d’une auto. Comme le signale fort justement René Bellu dans son livre « Toutes les Peugeot », l’aérodynamisme, est une science fut d’abord, en automobile une mode. Beaucoup d’erreurs ont été commises sous prétexte de créer des lignes esthétiques !

Une des plus célèbres automobiles de ce courant fut la Chrysler Airflow aux Etats-Unis. Les constructeurs européens reprirent l’idée mais de manière plus scientifique et rigoureuse. Cela aboutira à l’une des plus belles Peugeot de tous les temps.

En effet, c’est en France, au milieu des années trente que la firme de Sochaux relève un défi technique. En poussant ses recherches sur une meilleure pénétration dans l’air, les ingénieurs vont faire baisser la consommation de carburant de leurs moteurs. Il est intéressant de constater que les 402 de l’ingénieur Andreau consommaient 35% de moins que la 402 berline de base. Dans ses campagnes de publicité, Peugeot s’appuiera sur cet argument. Toute la gamme Peugeot va être concernée par ce courant. Un ambitieux programme est lancé, il est malheureusement interrompu par la guerre de 1939. Nous verrons la semaine prochaine jusqu’où Peugeot est allé. (voir la suite de l’article)