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Une bonne surprise.

Une bonne surprise.

« Ah ! Je ne me souvenais plus de celle-là ! » Voilà la réflexion qui m’est venue au moment d’examiner une des miniatures Tekno que je vous présente ce jour.

Je crois entendre mon père qui s’émerveillait d’un rien : une variante de couleur ou de décalcomanie, issue d’une série qu’il appréciait plus particulièrement. Une joie simple. Une joie d’enfant.

Ces Scania Vabis de chez Tekno, équipés de la cabine profonde et du capot moteur ouvrant, sont alignés au fond d’une vitrine. Ils ne sont pas disposés devant comme ceux de la première génération dont le capot ne s’ouvre pas, et pour lesquels j’ai une nette préférence.

Je préfère les variantes plus anciennes, moins sophistiquées. Les parties ouvrantes, les suspensions, les aménagements intérieurs, les gadgets, et les accessoires qui à partir de 1960 sont devenus incontournables pour les fabricants de jouets sous peine d’être dépassés par la concurrence me laissent un peu indifférent.

Ces aménagements correspondent pourtant aux innovations techniques inhérentes à ma génération. Je suis né en 1963. Mais c’est ainsi.

Je dois donc me plier en deux et me contorsionner pour les voir et les extraire de la vitrine afin de les photographier. C’est sûrement la raison pour laquelle j’ai tant tardé à écrire la suite du premier blog paru il y a deux ans en mars 2018. La préparation des photos qui nécessite de sortir les modèles des vitrines et des cartons est la partie la plus fastidieuse de l’élaboration d’un article. Il faut prévoir beaucoup de temps pour une séance de photos de miniatures de camions. Aujourd’hui, j’ai trouvé ce temps et je suis motivé par l’envie de finir ce que j’ai commencé.

Il y a donc deux ans, en mars 2018, j’avais présenté la première partie (voir la première partie consacré aux Scania semi-remorque citerne de premier type). Compte tenu du grand nombre de variantes que nous avions rassemblées avec mon père, il m’a paru évident, du fait de la présence de deux cabines différentes  de scinder le sujet en deux.

Si la carrière du Scania Vabis 75-76 en version tracteur semi-remorque citerne de chez Tekno fut limpide et simple, celle de son successeur, immédiatement reconnaissable à son capot moteur ouvrant, sa cabine profonde, et son aménagement intérieur sera plus tourmentée.

La nouvelle cabine apparaît en 1965. Ce qui peut troubler le collectionneur de Tekno, c’est la reprise de l’appellation 76 sur les premiers exemplaires des nouvelles cabines. Les premières variantes sont toujours équipées de bouchons de citerne en zamac, peints de couleur argent, puis en zamac brut, empruntés aux modèles de la première génération.

Le passage au marquage 110 sur les capots moteur, coïncide avec le remplacement sur les citernes des bouchons en zamac par des bouchons en plastique, de couleur blanche, que je trouve moins esthétiques.

Avant d’aborder les différentes variantes, je pense qu’il faut signaler que Tekno préférera diffuser le tracteur Volvo N88 Titan attelé à la citerne plutôt que notre Scania Vabis 110. Ce dernier, était plus sophistiqué, donc plus cher à fabriquer. La situation économique de Tekno, à cette époque, puis son rachat et son déménagement dans le Jutland ne sont pas étrangers à cela.

Les trois versions aux couleurs « Scania Vabis », semblent avoir été produites uniquement pour un usage promotionnel mais on ne peut pas exclure que des exemplaires aient été distribués dans le commerce.

Celles que je vous présente ont été récupérées dans les locaux de l’importateur Scania Vabis France dans les années 80. Ce sont des versions rares. On peut tenter un classement chronologique. La version avec deux tons de bleu est la première. Elle reprend en effet l’harmonie de couleurs de la version antérieure, la 76.

La seconde semble être celle dont la partie supérieure de la citerne reçoit une finition de la même couleur que celle appliquée sur les flancs.

Enfin, celle que je décrivais au début de cet article, celle que j’avais effacée de ma mémoire, reçoit une finition simplifiée, dans une nuance de bleu nettement plus claire.

Quelques tracteurs semi-remorque citerne 110 sont décorés aux couleurs de petites compagnies scandinaves locales. Le trait commun des D-A-K, des Scully, des Koppartrans et des Scandiflex est qu’ils ont été réalisés à la fois avec ce tracteur Scania 110 et  avec le Volvo N88. L’explication se trouve encore une fois dans le coût de fabrication réduit qui résulte de l’utilisation de la cabine Volvo.

Ces versions sont peu fréquentes, mais elles ne peuvent rivaliser en rareté avec les versions 75-76. La Koppartrans était réservée au marché suédois. Les autres sont des versions promotionnelles. Cependant il faut savoir qu’à partir de la débâcle de Tekno dans les années soixante-dix, elles ont été aussi distribuées dans le commerce, d’abord au Danemark puis aux Pays-Bas, en Allemagne et en Grande-Bretagne.

La version aux couleurs du carrossier « Titan » est très rare. Je ne l’ai jamais revue ! Elle est peu spectaculaire, mais l’amateur de Tekno saura apprécier cette version. Des surplus circulent, qui sont dépourvus de la décalcomanie à l’arrière. Ils ont peu d’intérêt.

Celle aux couleurs Chevron Calpam est fort réussie. Ce distributeur devait avoir une flotte composée uniquement de Scania. Tekno n’a jamais équipé cette citerne avec un tracteur Volvo. Notons que cette belle version existe avec le marquage 76 ou 110 et donc avec bouchons en zamac ou en plastique. J’ai préféré la première.

Il faut aussi signaler deux versions qui m’ont fait défaut pendant près de 25 ans. Et pour cause. Quand je les ai acquises, j’ai compris pourquoi. Elles ont été référencées par Hans Hedegard et Dorte Johansen, les auteurs de l’ouvrage sur les Tekno.

Elles venaient directement de chez Tekno et des vitrines du fameux hall d’exposition qu’avait cette firme, vitrine qui fut pillée à la fermeture. Un collectionneur établi dans le Jutland les avait précieusement gardées et en avait fourni la photo aux auteurs du livre. Je reste persuadé qu’elles sont uniques. Les décalcomanies sont empruntées à la série des Mini Dodge produite par Tekno au milieu des années cinquante.

Quelle importance faut-il accorder à ces variantes uniques ? Elles sont historiques, mais ne peuvent intéresser qu’un passionné de la marque.

J’ai laissé les étiquettes correspondant aux lots. Elles font pour moi partie de l’histoire de la marque.

J’ai gardé le meilleur pour la fin. Finalement, les deux versions les plus difficiles à se procurer sont les deux versions arborant les couleurs des deux grandes compagnies pétrolière, la Shell et la BP.

Vous avez sûrement en collection les versions avec un tracteur Volvo N88. Mais les avez-vous déjà vues avec un Scania 110 ?

Ces deux versions de Scania Vabis 110 sont rarissimes. Le seul élément que j’ai en ma possession est l’endroit où, il y a fort longtemps, je les ai trouvées : aux Pays-Bas, à une époque où ne circulaient pas tous ces faux.

Je les ai recroisées deux fois. Je les ai obtenues dans des conditions très favorables, au prix des versions avec tracteur Volvo. Il est clair que les vendeurs n’avaient pas connaissance de la rareté. J’ai examiné bien attentivement ces exemplaires : pas de doute, ils sont d’origine. J’ai entendu parler d’un autre collectionneur qui les possédait. Il est fort possible que se soit l’importateur aux Pays-Bas qui soit à l’origine de cette commande car les Scania Vabis sont très populaires dans ce pays. Il est vrai que l’importateur néerlandais de Tekno a toujours eu un rapport privilégié avec la direction danoise (voir l’article consacré aux Opel Record 1958).

 

 

L’héritier de la Shell

L’héritier de la Shell

La scène se passe sur une plage de Floride. Marilyn Monroe campe « Sugar », la chanteuse au ukulélé d’une troupe de Chicago constituée de « girls musiciennes », en tournée dans cet Etat ensoleillé. Le film, c’est « Certains l’aiment chaud ! » de Billy Wilder.

(voir la bande annonce du film)

Sugar est à la recherche d’un beau parti. Alors que Sugar a connu bien des déboires sentimentaux auprès de divers musiciens, cette tournée en Floride est pour elle une oportunité, une occasion de dénicher la perle rare. Tony Curtiss, « Joe » dans le film est un musicien sans le sou. Il tombe amoureux de la belle. Comme il connaît les ambitions de la chanteuse, c’est en habit de milliardaire, sur la plage de l’hôtel, qu’il finit par attirer son attention. Il feint l’indifférence. Sugar ne comprend pas qu’on lui résiste, elle s’imagine donc que Joe est très différent de tous les hommes qu’elle a connus auparavant. Elle tente de l’amadouer. Ce dernier se lance dans une improvisation pour lui faire miroiter sa fortune.

Voyant un seau de plage empli de coquillages abandonné par un enfant, il explique alors qu’il collectionne les coquillages, car il est l’héritier de la Shell » (coquillage en anglais) !

Tout cela dit avec le plus grand naturel et avec un accent sud américain des plus charmants. « Sugar » est convaincue d’avoir fait une belle prise.

Mais Joe doit fuir la mafia qui le poursuit. Prisonnier du personnage qu’il joue il ne peut rien révéler à Sugar et lui annonce qu’il doit partir pour le Vénézuela . En larmes, Sugar aura cette phrase

 « Il y a aura toujours une station Shell au coin de ma rue » !

En écho à la réplique de Sugar, je vous présente quelques stations et pompes à essence aux couleurs de la « Shell ». j’ai choisi celles réalisées en bois par Tekno dans les années cinquante. On sait combien Tekno maîtrisait ce matériau. Celui qui voyage en Scandinavie est coutumier des jouets à trainer, des casernes de pompiers et des camions en bois estampillés « Tekno ». Les réalisations vont de la simple pompe aux îlots doubles jusqu’aux garages. Ces produits sont très fragiles, et peu fréquents, surtout en bon état de conservation.

logo Tekno apposé sur le socle de la station
logo Tekno apposé sur le socle de la station

Comme toujours avec les jouets en bois édités par Tekno, une décalcomanie à la base de l’objet rappelle au consommateur qu’il est en présence d’un jouet de cette marque. C’est la griffe « Tekno ».

Pour enjoliver l’ensemble et garder une unité, j’ai mis ces jouets en situation avec les superbes Volvo N88 tracteurs semi-remorque citerne aux couleurs de la « Shell » produits aussi par Tekno. Je vous laisse chercher les variantes des six modèles : décalcomanies (évolution du logo à travers les âges), aménagement intérieur des cabines, trappes sur le dessus des citernes, jantes. Il faut avouer que les harmonies de couleurs sont des plus réussies.

Rien n’est dû au hasard. Les grands groupes pétroliers ont tous une identité visuelle marquée. Esso , le rouge et le blanc, BP le jaune et le vert, Mobil le rouge et Shell le rouge et le jaune.

Pourtant, je vais vous présenter un camion qui aurait troublé le raisonnement de la belle « Sugar » : une citerne « Shell », mais de couleur bleue et blanche.

De quoi chambouler toute sa logique. Maligne, elle aurait vite compris que la « Shell » c’est aussi des produits chimiques, un empire dans l’empire. Car pour toute compagnie pétrolière, le raffinage du pétrole engendre une industrie chimique en parallèle.

Corgi Toys a réalisé un exceptionnel coffret au début des années soixante à la demande de la branche néerlandaise de la compagnie « Shell ». A voir le luxe déployé dans l’édition de ce coffret, on imagine que le produit a été réalisé pour une grande occasion. C’est selon moi le plus beau produit Corgi Toys et l’un des plus désirables. J’ai mis bien du temps à pouvoir en acquérir un. La décoration, originale en bleu et blanc, est des plus réussies. La peinture bicolore est réalisée au pochoir, et des décalcomanies spécifiques ont été réalisées. La boîte, d’une taille hors du commun pour un objet réduit à l’échelle du 1/50 contenait un calage particulier et des fiches publicitaires enroulées à l’intérieur des cales.

Le grand jeu ! « Sugar » avait bien visé, on a les moyens à la Shell.

On pardonnera donc à la « Shell » de nous avoir troublé avec ce coffret ne reprenant pas les couleurs classiques de la firme. Et pour paraphraser le film de Billy Wilder, je reprendrai la toute dernière et célèbre réplique du film: « Personne n’est parfait ! »

L’apparition

L’apparition

Un vrai miracle. En ce week-end pascal, c’est bien le mot qui me vient au sujet de l’histoire que je vais vous conter et du modèle concerné. Ce samedi de Pâques, j’ai connu la surprise, l’interrogation et finalement la joie, toute la palette des sentiments qui font le charme de la vie d’un collectionneur.

Catalogue Dinky-toys Hudson Dobson 1956-1957
Catalogue Dinky-toys Hudson Dobson 1956-1957

La veille, le vendredi, je me rendais à Rotterdam afin d’acheter des Dinky Toys chez un collectionneur néerlandais. Je rentabilisais ainsi le voyage qui me conduisait à la bourse aux jouets de Houten, dans la banlieue d’ Utrecht, prévue le lendemain. Le vendeur avait apporté les modèles dont il souhaitait se séparer dans les bureaux de sa compagnie de transport situés dans le labyrinthe de la zone portuaire. Impressionnant.

Toute la Chine débarque ici ses produits manufacturés. La zone est également occupée par la compagnie Shell qui raffine ses produits sur place. Mon GPS a peiné pour localiser l’adresse.

Une fois l’achat conclu, je me suis souvenu que dans le passé, je me rendais dans une boutique de jouets située à l’entrée de la ville qui avait un petit rayon de modèles d’occasion. Cependant, en repartant de mon rendez-vous, je n’ai pas réussi à reconnaitre le chemin qui me conduisait à cet endroit. La fatigue venant, j’ai préféré rentrer directement à mon hôtel d’Utrecht.

Coincidence, le lendemain, à la bourse aux jouets, je me suis trouvé justement en face de la table de ce marchand de Rotterdam. Il avait amené quelques Lion Car. Il n’y en avait pas beaucoup, une dizaine. Il s’agissait des premières versions. Au vu des déclinaisons, des couleurs et de l’état de conservation, ils étaient tous légèrement patinés, j’ai compris qu’ils venaient d’une même collection. Tous les Lion Car du début de production étaient là, sauf les Renault. Je questionne le marchand sur l’absence de ces derniers. A ces mots, sa fille qui était venue l’aider se penche et prend d’un carton de dessous la table un fourgon de couleur rouge. Comme elle sortait le modèle, son père prononce une phrase en néerlandais. Elle reprend le modèle et le remet sous la table. Le marchand s’adresse alors à moi en anglais et me dit « it’s sold ».

Je reste quelques secondes abasourdi. J’ai eu le bon pressentiment, il y avait bien une version postale dans cette petite collection. Mais une question me taraude.

J’ai eu le temps de voir le modèle quelques secondes, et le pavillon n’était pas noir. Or, la version Lion car est toujours bicolore. Le modèle aurait-il été repeint ? Etrange, car la dizaine de véhicules présents sur la table sont tous en peinture d’origine. Y aurait-il une autre version inconnue jusqu’ici ? Je demande à mon vendeur la permission de revoir le modèle.

Et là, le temps s’arrête. Je suis en présence non pas d’un modèle Lion Car, mais d’un C-I-J totalement inconnu. Une version d’un 1000kg qui n’a jamais été répertoriée. Comment, ce samedi 31 mars 2018, un tel modèle a -t’il- pu refaire surface ? On peut parler d’un petit miracle. D’une apparition en quelque sorte.

Je n’ai pas eu besoin de très longtemps pour confirmer l’authenticité du modèle. Il reprend tout simplement le schéma de la version française de la poste. Le filet noir qui ceinture le fourgon est réalisé au pochoir. Il est strictement identique à celui de couleur jaune qui décore la version française. C’est aussi la même décalcomanie. Les amateurs que vous êtes auront repéré qu’il est équipé des premières jantes, de type convexe. A ce niveau là, je n’ai pu m’empêcher de faire le parallèle avec l’autre version postale destinée à un marché spécifique, je veux parler de la Deutsche Bundespost. Ils sont contemporains et ils partagent un autre point commun des plus intéressants.

La version pour le marché allemand est peinte de couleur jaune. La nuance est très particulière et n’a rien à voir avec le jaune de la version Astra ou Teinturerie. Non, il s’agit d’un jaune emprunté à la version Shell. Cette version néerlandaise emprunte, elle, la couleur rouge assez foncée du fourgon « Shell ». Ceci est logique. La version Shell a commencé sa carrière très tôt et les premiers exemplaires sont aussi équipés de ces jantes convexes.

A ce moment du récit, je dois faire une mise au point. Le vendeur m’a décrit le modèle comme étant « une sorte » de poste belge. Il n’en est rien. La C-I-J a bien réalisé une version aux couleurs de la poste belge, mais un peu plus tard. J’avance même l’hypothèse selon laquelle c’est ce ballon d’essai néerlandais qui a incité la C-I-J à mettre à son catalogue la version belge. J’ai interrogé sur place quelques collectionneurs anciens. Personne n’a entendu parler de ce modèle.

Je lance donc un appel aux collectionneurs néerlandais. Avez-vous déjà rencontré ce fourgon que l’on peut qualifier de « fourgon poste pour les Pays-Bas ».  La quantité  produite a dû être minime, si réduite qu’elle n’a pas justifié la réalisation d’une décalcomanie spécifique.

Un pochoir comme celui de la version « Boucherie », plus tardive, permettant de peindre  le pavillon dans une couleur différente de celle de la carrosserie, aurait pu être conçu pour la version hollandaise. Mais là encore, la très faible quantité produite pour le marché néerlandais n’a pas justifié la création de ce pochoir spécifique. Mais là encore, la très faible quantité réalisée pour le marché néerlandais n’a pas justifié la réalisation de ce pochoir particulier. C-I-J a produit cette version en adaptant ce qu’elle avait à disposition, avec les moyens du bord.

A ce moment de l’histoire, j’ai le véhicule en main, mais il ne m’appartient pas. C’est ici qu’intervient un deuxième miracle. Le nouveau propriétaire se trouve en fait à côté du vendeur. Il semble être ami avec ce dernier. Après quelques questions sur ses motivations de collectionneur, je commence par lui confirmer l’authenticité de son acquisition et m’empresse de lui expliquer ma motivation pour acquérir son modèle. Par chance, il me connait et rajoute même qu’il est déjà venu au magasin. Il me demande de lui faire une offre. J’ai vu l’étiquette mentionnant le prix d’acquisition. Une misère. Nous nous entendons et c’est avec un sentiment de joie intense que j’enveloppe précieusement ma nouvelle acquisition, savourant à l’avance le récit que je vais pouvoir en tirer.

Lorsqu’à nous autres, collectionneurs anciens, on pose la question « Alors, vous avez tout maintenant ?  » nous répondons mécaniquement qu’il nous reste heureusement encore bien des choses à découvrir.

Ce samedi confirme ce fait, et de manière éclatante. Ce fut une véritable apparition. Par quel hasard ce petit véhicule a- t-il atterri dans ce carton ? Qu’est-ce qui m’a incité à poser la question qui a fait surgir ce jouet comme une apparition ? Voilà bien des mystères auxqels je ne saurais répondre.

La station Shell de Saint Lupicin

Cette chronique s’articule autour d’un thème commun, l’entreprise pétrolière Shell, décliné autour de la production d’un fabricant français… c’est en fait l’histoire de 2 petites firmes française Vapé et Bourbon.

Les modèles présentés sont généralement identifiés dans les ouvrages sous le label Bourbon. Ce point mérite d’être éclairci

Shell
Shell

A l’origine ces véhicules sont produits sous le label Vapé. Cette firme n’a produit en réalité qu’ un Peugeot D3A et un Berliet GLR porteur équipé en citerne. Ces véhicules sont facilement identifiables. Au niveau du marche pied avant gauche, figure aussi bien sur le fourgon que sur la citerne, en lettres déliées, le logo Vapé. A priori, cette firme, spécialisée dans la plasturgie n’a réalisé que ces 2 moules de miniature automobile parmi la grande quantité d’objets divers et variés en plastique produits,notamment des ustensile de cuisine

Ces miniatures ont été conçues dans le cadre de campagnes publicitaires. Le plastique permettait de proposer des séries de véhicules promotionnels à des prix bien inférieurs à ceux des véhicules en zamac. De plus, il est facile d’imaginer la souplesse de production, tant au niveau des couleurs que de l’application des publicités (décalque mais aussi ,plus économique, gravure à chaud ).

Notre Berliet est intéressant. Cette variante de publicité, Shell, n’est pas trés connue sur ce type de véhicule. Il possède une particularité qui mérite une explication. Le logo avec le coquillage ne figure que sur le flanc gauche, et n’a jamais figuré que sur ce côté : la publicité étant gravée dans le plastique, nous sommes certains qu’elle n’a pu disparaître. La raison de cette asymétrie est assez simple. Des commerciaux de chez Vapé avaient prospecté les stations services dans le but de proposer aux gérants de ces relais de faire apparaître leur raison sociale sur le flanc droit du petit camion.

C’est pourquoi vous avez dû croiser ces petits utilitaires avec le nom de stations implantées aux quatre coins du pays. On peut penser que les commandes pouvaient porter sur de petites quantités.

Le même principe a été utilisé aux Etats- Unis, mais sur un autre support publicitaire : des pompes à essence, reprenant fidélement le design caractérisant chaque compagnie pétrolière. J’ai constitué, lors de mes voyages outre Atlantique une petite collection de ces pompes à essence. Au dos de chacune d’elles figure, comme pour nos petits Berliet le nom du relais, de l’état, ainsi que le numéro de la route sur laquelle se situe le relais… la particularité de ces pompes est qu’elles font office de salière et de poivrière !

Le cas du Peugeot est plus énigmatique. Il s’agit certainement d’un cadeau distribué par Shell… ce qui est intriguant car pour un pétrolier, une citerne aurait constitué un vecteur publicitaire plus attendu. Mais il ne s’agit pas d’un cas unique, puisque C-I-J a produit un modèle équivalent, sur la base d’un Renault 1000 kg à l’effigie de la marque Shell.

Ces fourgons étaient utilisé pour entretenir les pompes du réseau. Le fourgon présenté est estampillé Vapé. Comme le Berliet, il est équipé d’un poussif moteur à friction. Les modèles portant le logo Vapé sont plus anciens et moins fréquents que les modèles Bourbon. Il est assez logique de penser que Vapé a cédé son outillage à Bourbon… ou que Bourbon ait absorbé Vapé… je ne sais dire… j’avais entretenu une correspondance avec la firme Bourbon, dans les années 80. J’ai ressorti ces documents qui contiennent finalement peu d’informations sur l’histoire de ces 2 firmes car le personnel qui avait connu la période qui nous intéresse n’était plus là.

Pour l’histoire l’entreprise était bassé à Saint Lupicin dans le Jura. Mes correspondants avaient cependant eu la gentillesse de me faire parvenir un petit colis avec une dizaine de modèles, qui trainaient dans un coin !

Le Berliet Tak est un un produit Bourbon. Il est équipé d’un moteur à friction. Bourbon fut le seul, avec JRD à proposer une reproduction de ce véhicule pourtant assez répandu. L’ensemble est fort réussi à mes yeux. C’est certainement la variante la plus difficile à se procurer parmi les autres modèles faisant la promotion des compagnies pétrolières (Elf, Esso, Total…).

Bourbon a également réalisé un porteur Gak en citerne, mais je n’ai jamais vu une version arborant le logo Shell.

La station Shell de Rumilly et son Berliet

Voici l’histoire peu commune d’un camion Berliet que l’on peut attribuer à deux fabricants Mont-Blanc et Miniature  Je ne connais pas d’autre situation de cette nature. Ce  jouet est le fruit d’une association de 2 firmes ayant comme point commun la localisation dans les Alpes.

Mont-Blanc basé à Rumilly (74) produisit un superbe Berliet GLR à une échelle supérieure à celle du modèle présenté. Berliet fut séduit par cette superbe reproduction

Citerne Shell
Citerne Shell

Il est fort possible que la firme Lyonnaise s’adressa à Mont-Blanc pour étudier la réalisation d’un modèle similaire, mais de taille inférieure, pour d’évidentes raisons de coûts de fabrication.

Le choix se porta sur une association de 2 matériaux le plastique et la tôle. le plastique utilisé pour la cabine et le châssis facile d’utilisation permet de reproduire fidèlement les lignes particulières (courbures délicates) de ce superbe camion. La tôle lithographiée, technique fort utilisée avant la guerre montre ici ses limites : s’il est possible de réaliser une benne avec un résultat satisfaisant, la citerne qui nécessite des pliages plus complexes est moins convaincante.

Pour des raisons que j’ignore, Mont-Blanc s’adressa à Minialuxe pour fournir les parties injectés en plastique ce qui est paradoxal puisque Mont-Blanc deviendra, quelques années plus tard un spécialiste de l’injection en plastique, reconnus par les professionnels de l’automobile (Citroën notamment).

Minialuxe, localisé à Oyonnax, produisit l’ensemble cabine et châssis. Le plastique utilisé n’est pas d’une très grande qualité. Il est cassant. La gravure est bonne mais pas exceptionnelle comparé avec ce que Wiking proposait en Allemagne à la même époque pour le même type d’objets. Il est possible, comme très souvent à cette époque que ces véhicules aient été assemblés à domicile, par des personnes payés à la pièce.

La finition laisse à désirer : souvent, des traces de colle apparaissent sur la cabine. La reproduction est agréable de prime abord. Un regard critique conduit cependant à relever le manque d’homogénéité entre les matériaux entrant dans la composition de ce jouet.

On voit clairement que le véhicule provient de deux unités de fabrication différentes, voire de deux conceptions différentes. Au final, demeure un superbe camion en harmonie avec sa livrée Shell.

Ces firmes proposèrent aussi une version ridelles et une autre en benne (il s’agit en fait la même pièce articulée à l’extrémité du châssis). Une version pour Berliet, arbore la célèbre locomotive sur les flancs et à l’intérieur de la benne.

Signalons pour finir la dernière particularité de ces modèles : sur les boîtes figure d’un côté au niveau de la languette le nom Minialuxe, et sur la languette opposée le nom de Mont-Blanc