Les « petits plaisirs » du ministre.
A peine m’avait-elle dit bonjour que ma mère ouvrit son sac à main et me lança : « Je t’ai découpé un article dans Match. Il y a un article sur un ministre qui, comme toi, collectionne les Dinky Toys ! ».
On imagine toute la fierté de la mère qui trouve un point commun entre son fils et un ministre. Ce sera le seul.
Il faut vraiment que l’attente chez le médecin soit interminable pour que je daigne ouvrir Paris- Match. Tout m’y semble superficiel. Pourtant, beaucoup de personnalités aiment venir y poser, qu’elles soient du monde politique, sportif ou économique. Il y a ceux qui ont le privilège d’être dans Match et les autres.
Cette semaine là, Stéphane Travert, ministre de l’agriculture au moment de l’article (ministre de juin 2017 à octobre 2018) pose dans Paris-Match. Il nous parle de son métier au ministère, on devine que ce n’est pas un métier facile.
Heureusement, il a « des petits plaisirs » qui lui suffisent. Parmi ses lectures préférées, Maupassant et Victor Hugo. Le journaliste précise qu’effectivement deux exemplaires trônent sur la table.
Stéphane Travert a choisi de s’établir à Lithaire (Manche) 600 habitants. On sent les liens profonds avec la terre, comme le souligne encore le journaliste. L’image est belle.
Quand ce dernier nous explique que le ministre a aussi un tracteur miniature, nous sommes tout à fait rassurés.
Cet homme est bien comme vous et moi, il a des joies simples.
Mais sa fierté, d’après le journaliste, Eric Hacquemand ce sont ses collections : « Des figurines de BD de l’école belge, des petits trains et une jolie série de voitures Dinky Toys».
On voit d’ailleurs notre homme posant assis devant un échantillonnage de modèles neufs en boîte.
Même ma mère, pourtant habituée à l’univers des collectionneurs (40 ans auprès d’un mari et d’un fils collectionneur) a été impressionnée.
Les belles pièces ne manquent pas. C’est bien une collection de ministre : j’aperçois notamment une Renault Floride blanche…vous connaissez tous la rareté de cette pièce (voir le blog consacré au modèle), et une Buick Roadmaster noir et saumon.
Mais ce qui m’attire tout de suite, et je pense qu’en voyant la photo, vous aurez le même réflexe, c’est le 25 A Ford camion ridelles ajourées de couleur jaune et rouge. Cette combinaison de couleurs n’a pas été retenue pour la série.
J’ai une histoire particulière avec ce modèle. Quand Jean-Michel Roulet sortit en 1978 son premier livre, mon père et moi avions déjà un faible pour la série 25 dont fait partie ce véhicule. (voir le blog consacré à mon père et à la série 25).
Et lorsque Jean–Michel Roulet nous convia à venir voir sa collection à la fin des années soixante-dix, je suis resté admiratif devant ce camion présumé unique. C’est le modèle qui m’avait le plus marqué au sein de cette collection mythique.
Il fut ensuite cédé à Jean-Bernard Sarthe. Plus tard ce dernier s’en sépara par le biais d’une salle des ventes. Les années passèrent, et cet acheteur le mit de nouveau sous le feu des enchères. C’est là que j’ai saisi l’occasion de l’acquérir.
Il était dans la logique de collection que mon père et moi avions planifiée, celle qui tendait à regrouper des modèles hors du commun, en particulier ceux qui font l’histoire d’une marque.
Entraient dans cette logique les plans d’usine, les prototypes en bois et les essais de couleurs. Il faut cependant savoir faire la différence entre les modèles exceptionnels dont l’histoire est traçable, comme ce camion Ford 25 A ayant appartenu à Jean-Michel Roulet et ceux dont l’histoire est trouble pour ne pas en dire plus.
Ainsi, récemment, François Clément m’avait alerté sur un modèle mis en vente sur le site d’enchères Ebay. Un camion Ford 25 A à ridelles ajourées de couleur vert foncé et rouge. En fait, il s’agissait d’un assemblage de deux couleurs existantes : la cabine vert foncé, empruntée à la version benne basculante et les ridelles rouges à un Studebaker. Le vendeur faisait pourtant un parallèle avec ce fameux exemplaire jaune et rouge, se permettant même de faire une comparaison sur l’état de conservation des deux modèles, afin de s’en servir pour établir l’estimation du sien.
Le texte était très long très précis. Le vendeur avait juste oublié de signaler un détail. Les deux équerres situées au niveau des passages de roue arrière avaient été limées.
L’empattement du Ford est différent du Studebaker auquel il emprunte cette ridelle ajourée. Une des équerres située sous le plateau entravait le roulement de l’axe arrière du Ford. Le pneu frottait sur cette dernière. Dinky Toys réduisit la taille des six équerres.
Le modèle jaune et rouge possède, logiquement cette caisse modifié, comme d’ailleurs tous les Ford et Studebaker à partir de 1952. Le modèle proposé à la vente sur Ebay ne répondait pas à cette caractéristique. De quoi nourrir des interrogations.
Et celui du ministre ? vous avez remarqué qu’il trône sur une boîte individuelle. Vous savez que ces véhicules n’étaient diffusés que par boîte de six pièces.
Oui, il s’agit donc de Dinky Toys Atlas, modèles réalisés en Chine grâce aux extraordinaires techniques modernes qui permettent de copier grâce à un laser les formes d’une miniature afin de créer un nouvel outillage servant à la reproduire en série.
C’est bluffant et très réussi n’en déplaise à certains. Les peintures sont parfois un peu clinquantes. Personnellement c’est le traitement des jantes en acier ainsi que les pneus qui me déplaisent. Très intelligemment, Atlas a été chercher la seule personne qui avait l’autorité nécessaire pour conduire cette série à bon port : Jean-Michel Roulet.
Des sentiments d’aigreur et de jalousie ont pu conduire à critiquer ce travail. Qui n’aurait pas aimé être approché pour diriger cette série ? Mais personne n’aurait su aussi bien que lui le faire.
D’ailleurs, c’est sûrement avec un brin de nostalgie qu’il a choisi de faire reproduire cette version rouge et jaune qu’il avait possédée dans le temps.
C’est ainsi que Monsieur le Ministre a sur ses étagères une reproduction de ce modèle, dans cette mythique couleur.
Les modèles sont si bien réalisés que le journaliste n’y a vu que du feu. La vraie question qui se pose après cet article est celle de savoir si l’on peut faire confiance aux journalistes.