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Qu’est ce qu’une « petite série »?

Qu’est ce qu’une « petite série »?

Dans l’histoire de l’art, de nombreuses œuvres ont connu des « petites séries ». Le malicieux René Magritte, qui n’appréciait guère le marché de l’art et ses spéculations, a sciemment reproduit en plusieurs exemplaires certaines de ses oeuvres, dans le but avoué de déstabiliser les spéculateurs, et donc le marché de l’art. Il voyait d’un mauvais oeil que l’on puisse parler de son oeuvre par le prisme de l’argent et de la valeur marchande.

Pour nous autres, amateurs collectionneurs de miniatures Dinky Toys la notion de « petite série » est bien différente.

Nos Dinky Toys sont des produits manufacturés qui ont été produits selon une logique industrielle. A de très rares exceptions près, la direction n’a jamais été intéressée par le fait de glisser une petite série au milieu d’une production de masse planifiée.

Dinky Toys n’avait pas pour cela la capacité d’adaptation de Tekno qui, pour diverses raisons (conception des modèles en deux ou trois parties, fabrication de toutes petites quantités de décalcomanies..), a pu se consacrer à la production de petites séries.

Mais au fait, de quoi parlons-nous ? Une « petite série » c’est combien de modèles ? J’ai récupéré un étonnant document qui éclaire un peu le sujet. Il s’agit d’une lettre adressée par la direction de Meccano à un client qui avait demandé s’il était possible d’obtenir une Renault Floride de couleur blanche. La direction lui a répondu qu’il n’y en avait eu qu’une centaine de produite et que malheureusement, plus aucun exemplaire n’était disponible. L’en tête de la lettre porte la mention « Meccano Tri-Ang », ce qui veut dire que nous sommes au minimum en 1964. Pour information, cette couleur est datée de 1960.

Comparé à la production des Renault Floride réalisée par Dinky Toys, ce chiffre est une goutte d’eau. Il faut donc se pencher sur la finalité de cette production.

On sait désormais de façon certaine que cette miniature a été distribuée lors d’un salon du jouet aux détaillants méritants. Un ancien employé du bureau d’étude m’a conté combien les détaillants étaient choyés lors de ces salons.

En effet Dinky Toys n’avait pas de grossistes, comme Solido par exemple. En conséquence, la direction de Meccano accordait une grande importance aux « abonnements ». Il s’agissait de contrats par lesquels les commerçants s’engageaient à prendre chaque nouveauté dans une quantité à définir.

On peut imaginer qu’en fonction de cette quantité, une remise était accordée. Mon interlocuteur m’a souvent parlé de ce système, en insistant sur le fait qu’à sa sortie chaque nouveauté était donc déjà en partie pré-vendue, ce qui permettait à la direction de rentrer de la trésorerie.

On comprend donc toute l’importance de ces modèles distribués durant les salons du jouet. Comme le dit Jean-Michel Roulet, il est vraisemblable qu’un surplus de ces miniatures a été distribué dans le commerce ou lors de visites de l’usine. D’ailleurs, pour revenir au courrier de 1964 décrit plus haut, le décalage de 4 ans peut s’expliquer par le fait que la distribution de ces autos spéciales s’est étalée sur plusieurs salons du jouet.

Il m’a paru intéressant de dresser une liste des modèles dont je peux affirmer qu’ils ont été distribués lors de ces salons. Outre la Renault Floride de couleur blanche, il y eu la Citroën DS présidentielle en boite bleue.

Vous remarquerez l’importance du logo Meccano Tri Ang souligné de couleur or, comme pour bien montrer la provenance.

Durant la même période a également été réalisée et distribuée au salon du jouet la Ford Thunderbird qui reprend les couleurs de la Citroën DS présidentielle, argent et anthracite.

Pour ce modèle j’ai deux témoignages concordants. J’ai comptabilisé une dizaine d’exemplaires de ce modèle.

Dernièrement, un autre modèle ayant eu également un usage « hors-commerce » au salon du jouet a été découvert. Pour être plus précis, c’est sa destination qui nous a été récemment révélée.

Cette auto avait été découverte par Jean-Michel Roulet dans les années 80. Il l’avait ensuite cédée à Jean-Bernard Sarthe auprès duquel je l’ai récupérée. Il s’agit d’une banale Panhard PL17 de couleur parme.

Sa particularité tient au fait qu’elle est sans vitres et sans aménagement intérieur, ce qui n’a rien d’extraordinaire. Par contre, en la retournant nous nous sommes aperçu qu’elle était équipée d’un châssis peint de couleur noire, dépourvu d’inscription et bouterollé normalement.

Tout l’intérêt réside dans ce châssis, semblable à celui de série mais sans inscription. Quant à l’endroit d’où provient cette auto, il ne laisse aucun doute sur l’authenticité du modèle.

Près de 20 ans se sont écoulés. Dernièrement, les descendants des frères Parodi de Gênes ont mis en vente la collection constituée par leurs parents. Quel étonnement de découvrir dans le catalogue un exemplaire de ce modèle, mais surtout, quelle surprise de lire le commentaire du lot.

Un des enfants se souvenait que la miniature leur avait été offerte au salon du jouet par la direction de Meccano.

Cette Panhard est en fait une véritable « petite série » réalisée pour le salon du jouet, afin de donner aux clients un aperçu de la future gamme Junior. Au vu de cette série économique, il est bien évident qu’il fallait préparer la clientèle, mais surtout les professionnels. Ces derniers habitués à vendre les Dinky Toys comme des produits haut de gamme ont sans doute été décontenancés par cette gamme. Cette Panhard de pré-série n’a pas dû suffire à dissiper les doutes.

En tant que collectionneur, c’est une très belle découverte. Avant qu’on n’en connaisse la destination, cette auto n’avait pas d’intérêt particulier, à part son châssis, intriguant sans marquage. Elle prend aujourd’hui un intérêt significatif. La circonstance qu’on en ait trouvé une seconde, avec en plus l’explication de sa gestation, a donné un réel intérêt au produit. Je reste persuadé que d’autres exemplaires ressortiront un jour. Reste à savoir le nombre de modèles réalisés. Il est difficile de se prononcer, mais il est sûrement moindre que celui des Renault Floride dont on compte quelques dizaines d’exemplaires dans les vitrines de collectionneurs.

La trahison des images

La trahison des images

C’est le titre d’un article d’Anne Sinclair que j’ai lu au hasard d’un voyage, dans le Journal du Dimanche du 5 novembre 2017.

Elle même l’avait emprunté au peintre René Magritte. C’est en effet un de ses tableaux les plus célèbres.

L’artiste a peint, plein cadre, une pipe, et a légendé ainsi :

« Ceci n’est pas une pipe » .

Cela peut être vu comme de l’humour belge, l’artiste étant d’outre-Quiévrain. Plus sérieusement, Anne Sinclair explique que Magritte exprime l’idée que l’art n’est que la représentation du réel et non le réel lui-même.

Elle fait ensuite un parallèle avec une publicité pour la chaîne de télévision CNN. Ce média a choisi de montrer une pomme, « une reinette bien rouge » avec la mention « Ceci est une pomme ».

Cette chaîne poursuit-elle, a comme cible le nouveau président des États-Unis, Donald Trump et sa vision des faits. Elle continue le raisonnement  ainsi :

« Et cette pomme est la façon dont la chaîne américaine, désignée par le président comme son ennemi personnel, a choisi de proclamer que Trump pratique la trahison, non pas des images mais de la réalité elle-même ».

Je vais laisser aux grandes personnes le soin de philosopher sur le sujet. Mais cela m’a rappelé une anecdote.

Anne Sinclair parle d’une reinette bien rouge. Pour autant, est-elle sure qu’il s’agisse d’une vraie reinette et non une Canada grise, ou une Golden jaune transformée par photoshop ?

Si vous n’avez pas encore vu le livre de Thierry Redempt consacré à la série 500 en Dinky Toys France, je vous invite à l’ouvrir au chapitre consacré aux Dinky Toys Afrique du Sud, et plus particulièrement à la page où figure la photo de la Ford Thunderbird de couleur crème. Je dois vous avertir que j’ai réécrit la légende de la photo.

« Ceci ressemble à  une Ford Thunderbird Afrique du sud…mais ceci n’est pas une Ford Thunderbird Afrique du Sud ».

Comment puis-je en être sûr ? Eh bien je figure comme étant l’heureux propriétaire du modèle. Quand Thierry Redempt m’a offert le livre en remerciement pour service rendu, en ouvrant cette page, j’ai marqué un temps d’arrêt. J’ai douté même.

J’étais pourtant, à l’époque, certain de ne pas avoir cette variante de couleur crème. En regardant la page précédente, j’ai compris la supercherie. Photoshop ! le logiciel qui permet de retravailler les photos. C’est le modèle en photo à la page  précédente qui a servi de base et dont la couleur a été modifiée. Les petits défauts subsistent, il suffit de regarder.

Étonnant non ? A l’époque j’avoue avoir été déçu qu’on puisse employer un tel procédé. je pense qu’une légende appropriée aurait été la bienvenue. Je me suis donc amusé à parcourir le livre et j’ai ainsi débusqué une Fiat 1800 crème avec pavillon vert, dont l’unique exemplaire était la propriété de Jean-Michel Roulet.

Cette pratique me parait dangereuse. Ces livres spécialisés sont là pour éclairer les collectionneurs. Ils servent de référence, on parle de tel modèle vu dans tel ouvrage. Le collectionneur se projette, il rêve au travers de ces ouvrages.  J’ ai passé ma vie à rechercher les modèles que je voyais en photo dans les livres de Messieurs Nakajima ou Hedegard. Si j’avais appris que je courais après une chimère quelle n’aurait pas été ma déception ! C’est la trahison de l’image.

Dans le cas de la Ford, la couleur existe et était connue. Mais il fallait signaler le montage. Sinon, c’est la porte ouverte à tous les abus.

Dans certain cas cependant, le procédé peut se révéler intéressant. Dans les années 90, la maison de vente Christie’s faisait très régulièrement des ventes de jouets. Lors d’une édition mineure, constituée de  lots provenant de nombreux vendeurs, j’ai vu, au milieu d’un banal lot constitué d’une vingtaine d’autos, neuves et sans boîtes, une curieuse miniature. La collection devait contenir une centaine d’autos réparties en 5 lots.

Visiblement ces 5 lots venaient d’Afrique du Sud car on reconnaissait facilement quelques exemplaires de Dinky Toys anglais avec les couleurs spécifiques réalisées en Afrique du Sud.

Au  milieu d’un des lots trônait une Borgward Isabella de couleur crème. Je suis persuadé, sans pouvoir le prouver, que cette couleur a été produite en Afrique du Sud. Chronologiquement cela est tout à fait possible. La Borgward porte la référence 549. Les autres Dinky Toys France qui ont été produites à Johannesburg portent les références 553 pour la Peugeot 404, 554 pour l’Opel Rekord. De plus cette auto germanique est crédible. Je ne pouvais assister à la vente le jour suivant. J’avais laissé un ordre mais je n’ai pas eu le lot. Comme je le pressentais, c’est un marchand anglais avec qui j’avais l’habitude de batailler qui l’a eu. Lors de mon voyage suivant, je n’ai pas manqué de lui demander mais elle était déjà repartie. Il m’a donné l’identité de l’acheteur, mais ce dernier l’avait à son tour vendue. J’en ai perdu la trace.

Dans ce cas précis, le logiciel photoshop est une aide . Je ne suis pas choqué, en expliquant les faits qu’on recrée la couleur afin de faire avancer les recherches.

Depuis j’ai réussi à trouver la Ford Thunderbird dans sa variante crème. Dans la série des Afrique du Sud, la Ford Thunderbird a une place à part. C’est une belle et imposante auto. Ce modèle éphémère a connu quatre couleurs, aucune n’a été produite en grand nombre. La plus fréquente est la bleu métallisé. Les trois autres sont très rares, aussi rares que la Borgward.