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Bons baisers de  Bethlehem

Bons baisers de Bethlehem

 

Sur le bureau de la chambre d’hôtel, une photo en noir et blanc attire mon regard. Elle est intrigante. Elle est graphique. Sur un fond de couleur gris se détache, en haut à droite, un texte en lettres blanches : Bethlehem, PA.

Cela ne vous dit sûrement rien, mais mon hôtel est justement dans cette toute petite cité de Pennsylvanie, à quelques encablures d’Allentown. Vous n’avez toujours pas fait le rapprochement ? Cette installation de projecteurs symbolise les étoiles. Celles qui auraient guidé les bergers venus visiter le Christ nouveau-né.

C’est un plaisir que de circuler aux USA. Le pays est rempli de petites villes aux sonorités européennes. Elles rappellent aux visiteurs qu’il y a longtemps les premiers immigrants avaient voulu se souvenir d’où ils venaient.

En Pennsylvanie, beaucoup de villes ou de quartiers témoignent de la forte présence d’immigrés venus d’Allemagne. D’autres immigrés, portés par leur foi, ont parsemé le pays de noms rappellant des épisodes bibliques. Et aujourd’hui je suis donc à Bethlehem, en Pennsylvanie.

Je retourne la photo, et surprise, il s’agit d’une carte postale. En 2018, ce produit semble d’un autre âge. A l’heure où l’on envoie des messages en quelques secondes à l’autre bout de la planète, prendre le temps d’écrire sur un support papier quelques mots qui seront lus plusieurs jours plus tard par leur destinataire semble archaïque.

Vous souvenez-vous de la dernière carte postale que vous avez envoyée ?

Je vais donc vous envoyer une carte postale des USA.

Comme au bon vieux temps lorsque ce support permettait de montrer à la famille, aux collègues, à qui sais-je encore, les bons moments que l’on passait et comment, malgré un cadre enchanteur, on prenait le temps de penser à ceux qui n’avaient pas pu partir.

Ce blog ne sera publié que dans quelques semaines, voire quelques mois et comme une carte postale, il aura pris le temps de trouver ses lecteurs.

Pour l’illustrer, j’ai choisi de vous présenter quelques trouvailles faites à la bourse aux jouets d’Allentown.

Tout d’abord un Dinky Toys. Ce n’est pas le pays. Mais ce véhicule arbore le nom d’une firme américaine : Brink’s. Le véhicule très représentatif est assez fréquent. Il s’agit d’un GMC. Ce que je n’avais jamais vu c’est la boîte promotionnelle.

Elle est de belle qualité, en carton fort. L’ensemble avec le véhicule devait constituer un cadeau de choix. Brink’s, cette firme établie dans le monde entier a également fait réaliser par Dinky Toys des versions pour sa branche mexicaine. La couleur, gris soutenu, était différente de la version de base, gris clair. La décalcomanie qui le décore est également différente. Par contre le boîtage est des plus simples : un carton blanc, souple. Tout le contraire de la version américaine. C’est une belle trouvaille.

Vient ensuite un objet que j’aime beaucoup. C’est le grand écart avec celui présenté juste au-dessus. Soixante-dix ans les séparent. C’est un produit à ranger dans la catégorie « penny toys », les ancêtres de nos Dinky Toys, Solido et Corgi Toys.

Je les regarde avec respect, j’ai toujours l’impression d’avoir devant les yeux une partie de l’histoire du jouet. Il en a fallu de la dextérité à Distler, le fabricant allemand, pour concevoir cette miniature. La présence du moteur à inertie est le signe d’une finition « luxe ».

Cela n’ajoute rien au modèle, parfois même l’enlaidit. Les modèles sans moteur gardent les emplacements de fixation. Il est vrai que le jouet vit aussi grâce à ses personnages : le chauffeur, réalisé en deux parties, mais surtout les passagers.

Il s’agit le plus souvent d’ une famille : le couple avec les enfants. Observez les chapeaux ! On comprend bien qu’à cette époque l’automobile était réservée à une élite .

Voici un produit « made in USA ». C’est un rare et surprenant car ACF de chez Arcade. Vous vous souvenez sûrement du modèle aux couleurs « Trailways » (voir le blog consacré au car Arcade).

Celui-ci peut être considéré comme une version économique, sans radiateur rapporté et d’une taille inférieure.  Je n’avais jamais vu ce type de modèle auparavant.

N’oublions pas que les versions économiques sont souvent plus rares à trouver. Je ne résiste pas au plaisir de vous présenter cette version rare du car Clipper aux couleurs d’une compagnie privée. Mes voyages aux USA m’ont permis de constituer un bel ensemble de modèles de ce type que j’apprécie particulièrement.

Voici enfin un modèle plein de charme. Fragile. c’est presque de la dentelle. C’est au cours de mes voyages aux USA que j’ai appris à apprécier ces beaux jouets « made in Japan » injectés en plomb. Inspirés des modèles produits par SR (France), ils ont inondé les Etats-Unis au début du siècle dernier.

Il s’agit d’une moto solo. C’est très fin. Comme je le faisais remarquer au vendeur, le fabricant a passé une sorte de vernis sur les rayons des roues afin d’attirer le regard sur ces dernières et de faire apprécier le travail.

La plupart de ces jouets sont pourvus d’un sifflet (whistle). S’agissant d’une moto solo notre modèle en est bien évidemment dépourvu. Je vous présente donc également une autre moto et aussi un vélo équipés du sifflet. L’échelle de reproduction est proche du 1/43. (voir le blog consacré aux jouets japonais d’avant-guerre)

Vous allez sûrement vous interroger sur l’intérêt d’aller aux USA pour ramener des produits européens ou japonais. Il faut savoir qu’au début du siècle dernier, et ce jusque dans les années cinquante, une très importante partie de la production de jouets allemande ou japonaise a été exportée aux Etats-Unis. Ce marché était le plus important. Il est donc logique de les retrouver là-bas. Finalement, contrairement aux apparences premières ces modèles ont tous un lien très fort avec le marché américain.

L’entrée dans le royaume de sa gracieuse majesté

L’entrée dans le royaume de sa Gracieuse Majesté

« A  mesure que l’on s ‘approche de la ville même, l’obscurité – ce fléau de Londres – s’épaissit de plus en plus ; l’on pénètre sous un véritable dôme de fumée (…) et l’on s’avance, à travers une quintuple avenue de navires, faisant une réalité de la poétique image qui nous montre, dans un grand port, une forêt de mâts. C’est par la Tamise, que l’étranger doit entrer à Londres pour la première fois. » Louis Enault.

affiche du salon au Petit Palais
affiche du salon au Petit Palais

Ces phrases étaient  reproduites sur les murs de  l’exposition du Petit Palais « les impressionnistes  à Londres ». Cette exposition avait pour ambition d’évoquer les conséquences de la Commune de Paris sur la vie de quelques peintres français, contraints de s’exiler au Royaume-Uni pour des raisons politiques ou matérielles.

Par la magie  d’une vidéo, nous nous retrouvions à bord d’un navire à vapeur effectuant une traversée agitée, histoire de restituer les conditions difficiles des voyageurs de cette époque.

Je connais bien le Channel. Avant que le  tunnel ne soit construit, j’ai effectué de nombreuses traversées en Ferry. En hiver, elles peuvent être très agitées. Vues du bateau, les falaises de Douvres perdent  parfois toute horizontalité au profit d’obliques plus ou moins inclinées.

Très intelligemment conçue, l’exposition nous amène logiquement, après la vidéo de la traversée, vers les quais de Londres. Ceux par où tout arrive, voyageurs  bien  sûr, mais aussi marchandises. On est impressionné par l’agitation qui règne. On comprend que Londres était le centre du monde. Les artistes ont été nombreux à croquer ces quais et à tenter de restituer leur agitation et leur ambiance parfois malfamée. Au vu du nombre d’oeuvres réalisées,  ils semblent avoir été marqués par cette arrivée dans ce « nouveau monde ». Elle symbolisait pour eux la promesse d’une nouvelle vie.

Je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec nos chers jouets. La Grande-Bretagne a longtemps été un pays qui compensait l’absence de fabricants de  jouets par une importation massive,  avant que n’émerge Meccano, bien sûr. Les soutes des navires devaient transporter des jouets  importés majoritairement  d’Allemagne mais également de France pour qu’enfin les grues les déchargent sur les quais de la Tamise,

Ce n’est pas un hasard si les petits jouets en tôle lithographiée, distribués par des vendeurs aux coins des rues ont pris le nom de « penny toy ». Ils étaient vendus un penny ! Les Allemands se sont fait une spécialité de ces beaux petits jouets.

Un siècle plus tard, leur simplicité et leur côté désuet dégagent un charme extraordinaire.

Comme il devait être bien difficile de vendre un camion militaire avec un soldat équipé d’un casque à pointe à Londres en 1920, les fabricants allemands n’ont pas hésité à produire des lithographies spécifiques, en langue anglaise bien sûr. Cela prouve l’importance du marché constitué par les rues de Londres. Les magnifiques bus à impériale ont logiquement séduit le public anglais. Fisher en a reproduit plusieurs exemplaires différents. Il adaptait ses matrices au marché britannique. C’est ainsi qu’il a réalisé une ambulance avec un marquage aux couleurs de l’hôpital de Londres.

Mon jouet préféré est ce superbe car réalisé par Kellerman (CKO) aux couleurs des « Midland Red Motor Services ». Vous avez bien sûr fait le rapprochement avec le Commer que réalisera Corgi Toys à ses débuts aux couleurs de cette même compagnie.

La camionnette postale aux couleurs de la « Royal Mail » provenant du même fabricant, est également des plus révélatrices. J’en profite pour présenter ce même véhicule, mais reproduit par une autre firme allemande, Erzgebirge.

Tootsietoys  choisira une autre voie. Après avoir exporté directement, elle trouvera un accord avec la société Jo Hill Co. Les modèles issus de cette filière  sont facilement reconnaissables au marquage « made in England » sous le châssis. Identiques à ceux produits aux  USA, les coffrets sont également estampillés « made in England ».

Solido aussi exportera ses Majors du début de sa production  en Grande-Bretagne, ainsi que le prouve ce splendide coffret  en langue anglaise.

SR a également inondé  Londres de ses petits modèles en plomb qui ont inspiré ensuite nombre de fabricants locaux avant de conquérir le monde.

On oublie facilement que SR a inspiré les premières Tootsietoys  et également les premiers jouets japonais  moulés en plomb.

Deux écoles de fabrication  se sont donc opposées pour la reproduction d’automobiles à petite échelle. Londres a été le témoin privilégié de cette compétition. Les Allemands utilisaient la tôle lithographié tandis que les français moulaient en plomb. On sait ce qu’il en adviendra. Les techniques d’injection s’améliorant, le plomb, puis le zamac prendront le dessus. Il faut avouer  que la technique permettait d’aller beaucoup plus loin dans la qualité et l’exactitude  de  la reproduction.

PS: le nouveau Pipelette (5) est disponible à la lecture sur la page d’accueil du site de l’Auto Jaune Paris. Bonne lecture.

 

Plus dure sera la chute

Plus dure sera la chute

L’homme, nu, tend vers le ciel le résultat de son labeur : une splendide reproduction d’automobile. Il chevauche une enclume recouverte du drapeau tricolore et son bras droit, replié s’appuie sur un marteau. La posture renvoie à Héraclès bandant son arc. Mais là, c’est une auto qu’il décoche. Nous sommes en 1913, l’affiche a été conçue par René Péan.

On comprend que l’industrie de l’automobile a pris son rythme de croisière.Il suffit de regarder au bas de l’affiche la profusion d’autos qui convergent vers un même point.

Il  est donc fini le temps des pionniers. Fini les carrosseries inspirées des attelages hippomobiles. Les vis-à-vis et les quadricycles ont fait place à des autos conçues comme telles. Le public se presse dans les allées du Grand Palais où se tient le salon de l’automobile. Pourtant ces autos sont encore réservées à la grande bourgeoisie.

L’automobile entrera petit à petit dans la vie de la population par le biais des véhicules professionnels et des services publics comme le souligne fort justement Mathieu Flonneau dans la revue « L’Histoire ».

Et c’est ainsi  donc qu’elle se démocratisera : il faut bien des chauffeurs pour conduire les camionnettes, les taxis, les bus, les ambulances, et les voitures postales. En 1913, date de l’affiche, les bus ont totalement remplacé les attelages hippomobiles dans les rues de Paris.(voir l’article consacré  aux modèles de chez CD)

La fabrication en masse qui abaisse les coûts de production et donc les prix de vente, fera le reste. D’ailleurs toujours en cette même année, la grande nouveauté du salon parisien sera la fameuse Ford T qui était apparue Outre-Atlantique dès 1908. Cette auto symbolisera à elle seule l’accession du grand public à l’automobile.

J’ai donc choisi de remonter le temps, et de vous présenter des miniatures reproduisant des autos qui auraient pu figurer dans ce salon.

Encore inaccessibles au grand public, elles vont pourtant entrer dans de nombreuses familles par le biais de jouets. Je parle de ces petits jouets, dits penny toys ou jouets de quat’sous qui étaient distribués sur les grands boulevards par des marchands ambulants.

Ce sont les ancêtres de nos miniatures. Aujourd’hui, peu de gens savent les apprécier, peut-être parce qu’ils n’évoquent rien pour eux. ll faut juste les regarder comme de petits objets, témoins des balbutiements de l’automobile. La révolution est en marche. Ce sont les fabricants allemands qui vont se montrer les plus actifs dans ce type de produits.

Pour produire des jouets à un prix réduit le passage à la tôle lithographiée s’impose : il suffit de découper et d’assembler les morceaux de tôle à l’aide d’agrafes. C’est simple et le résultat est des plus satisfaisants.

Il n’en demeure pas moins que ces autos en tôle lithographiée sont fragiles Elles craignent l’humidité.

Les firmes allemandes Ernst Plank, Krause et Heyde vont ensuite proposer des miniatures injectées en plomb. Ces entreprises avaient l’ expérience de ce matériau grâce à la production de figurines.

C’est une réelle avancée. La qualité de reproduction s’en trouve grandement  améliorée. Ces jouets demeurent fragiles, mais quel charme. Les Plank sont incontestablement les plus belles. A une échelle proche du 1/60, elles sont la parfaite reproduction des automobiles circulant dans les rues.

La Krause, (sans certitude absolue sur l’identification) est également somptueuse. On se rapproche du travail que le fabricant avait l’habitude de faire sur les attelages hippomobiles.

En France c’est SR qui s’aventurera dans le créneau de l’injection en plomb. On ne peut comparer la production de cette entreprise avec celle des firmes allemandes. Les modèles sont succincts. La grande majorité d’entre eux était proposée brute, non peinte. La gravure est très fine, preuve que SR maîtrisait parfaitement cette technique.

Les SR se situent dans le créneau « jouets de quat’sous ». Ils connaitront le succès à l’étranger, en Grande-Bretagne mais aussi aux USA. Ils inspireront des fabricants comme Tootsietoys puis plus tard les premiers fabricants de jouets japonais.(voir l’article consacré aux premiers jouets japonais).

SR proposera une très belle Ford T, bien supérieure à la première Tootsietoys, celle-là même qui fut présentée à ce salon de 1913.

 

SR Ford T
SR Ford T

(voir l’autre article consacré aux modèles en plomb produits au Japon entre les deux guerres)

 

 

. Enfin il faut  signaler un dernier matériau : Le bois. Quand on évoque ce matériau, c’est bien sûr à Erzgebirge que l’on pense. Je vous présente quelques torpédos de ce fabricant. On appréciera l’auto des mariés : preuve que ces petites autos étaient aussi faites pour les petites filles !

Au fait, avez-vous bien observé l’affiche de René Péan ? Il y a une autre lecture possible. Comme souvent dans l’histoire de l’art, certains artistes malicieux ont su brouiller les pistes.

Observez les couleurs qui montent verticalement. Le rouge et le jaune. Cela fait penser au feu, le feu de la forge bien sûr. Cet homme, représenté dans un cadre mythologique ne serait il pas Pluton le Dieu des enfers. L’auto qu’il brandit est un phaéton, nom donné à ce type de carrosseries.

Dans l’histoire de l’art, Phaéton personnage mythologique est le plus souvent représenté dans son char … chutant du ciel ! Fils du soleil, il avait perdu le contrôle de son char et avait manqué d’enflammer la terre. Ces autos qui convergent en bas de l’affiche à toute vitesse de chaque côté du personnage central ne semblent-elles pas vouées à un terrible carambolage?

L’artiste n’a t’il pas voulu nous annoncer la promesse d’une catastrophe avec l’arrivée de l’automobile ? Un siècle plus tard on peut légitiment se poser la question. Quel avenir pour l’automobile? La cité semble lui fermer ses portes. Sur les routes, les autos sont désormais limitées à 80 Km/h. Paradoxalement la plupart d’entre elles atteignaient déjà cette vitesse un siècle auparavant.

 

Il est certain que l’automobile a fait du surplace par rapport  à l’aviation et à la conquête du ciel et de l’espace. Les conflits armés qui ont jalonné le siècle dernier ont développé ce moyen de locomotion bien plus efficacement. On a marché sur la lune, mais on peut de plus en difficilement circuler en auto.

En attendant , meilleurs voeux pour cette nouvelle année qui commence  !