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Jour de fête

Jour de fête.

Vous avez sûrement en tête les images du film « Jour de fête » de Jacques Tati, avec l’arrivée joyeuse du petit cirque dans le village de Sainte-Sévère-sur -Indre. Les enfants du village courent derrière les roulottes. C’est la fête, les forains arrivent.

On retrouvera cette même joie liée à l’arrivée des forains plus tard, dans le film de Jacques Demy, « Les demoiselles de Rochefort » . (voir l’extrait de l’arrivée des forains avec les camions Saviem et les bateaux Rocca !) 

L’arrivée des roulottes symbolise ce moment de fête, de rupture avec le quotidien, comme carnaval au Moyen Âge.

C’est en 1779 que l’on trouve la trace des premiers spectacles de cirque, en Grande-Bretagne en plein air. Puis des structures en dur ont été construites afin d’assurer le spectacle quelque soit le temps. On parle ici de spectacles d’une certaine envergure.

Plus tard, grâce à la traction hippomobile, de toutes petites structures ont sillonné les routes de Grande-Bretagne puis de France. En France, des décrets sont venus réglementer les déplacements et le stationnement des gens du voyage, des saltimbanques.

Pas de chapiteau bien sûr, mais des bancs, une estrade. parfois quelques animaux, un montreur d’ours par exemple. Quelques numéros de jonglage, de clown au son d’un ou deux instruments de musique. Cela suffit pour apporter joie et divertissements dans les petits villages.

Nous sommes bien loin du gigantisme du cirque à l’américaine. Les saltimbanques arpentent les routes toute l’année.

En parallèle, les femmes exercent parfois leurs dons de voyance. Roulottes et diseuses de bonnne aventure vont de pair. Les peintres se sont emparés de cette image d’Epinal.

Certains artistes ont su saisir sur la toile les deux facettes de la vie des gens du voyage : le divertissement et les prédictions d’avenir. Lucien Simon qui était professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris a réalisé une série de toiles mettant en scène un petit spectacle sur une estrade et une diseuse de bonne aventure.

Les scènes croquées par Lucien Simon se déroulent le 15 août dans le Finistère. Chaque année, au jour du pardon de la chapelle Notre Dame De La Joie, un petit cirque, mais aussi des manèges venaient s’installer à Penmar’ch.

Le plus intéressant est celle où le peintre représente à l’arrière plan une petite estrade où quelques clowns amusent la galerie. Au premier plan des bigoudènes se font lire l’avenir dans les cartes par une diseuse de bonne aventure. Les enfants sont apprêtés et fixent le spectateur. Les chevaux sont au repos. La scène contraste avec l’agitation et le brouhaha du fond du tableau.

On y trouve le mélange du profane et du sacré. Ces fêtes du 15 août sont bien sûr d’ordre religieux. Après les célébrations religieuses, les participants assistaient à ces petits spectacles qui permettaient sans doute le temps de quelques heures d’oublier les rudes conditions de vie en Bretagne à cette époque.

On notera la roulotte de couleur verte, le fronton de la scène, les drapeaux tricolores que l’on retrouve sur plusieurs tableaux et sous différents angles, confirmant qu’il s’agit bien du même lieu.

Les cirques de taille importante ont eux aussi développé leurs numéros de voyance et de magie et ce dés le début de la création des premiers cirques. Ces numéros ont toujours fasciné le public. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les belles affiches de la collection du Docteur Frère qui illustrent cette page. Qui n’a pas redouté, un jour, au cirque, d’être choisi par l’artiste pour servir de cobaye ?

Les fabricants de jouets anglais ont toujours montré de la bienveillance envers ce monde ambivalent, n’hésitant pas à proposer à leurs petits clients des reproductions de roulottes de gens du voyage.

La vie de bohème et le monde des saltimbanques n’a pas de connotation péjorative outre-Manche. Ils jouissent d’une certaine reconnaissance, les jouets décrits ci-dessous en sont la preuve. La frontière entre gens du voyage, petits cirques ambulants et cartomanciennes est très mince.

Charbens a crée un magnifique ensemble, au 1/32. Les éléments sont injectés en plomb. La roulotte est d’une taille respectable. l’ensemble se compose d’un gitan, debout, d’une gitane assise tenant un enfant au creux de ses bras, d’un brasero et d’une corde à linge avec des vétements suspendus, donnant vie à l’ensemble. C’est une pièce rare. Nos amis anglais vous expliqueraient que le plus rare, à, part la corde à linge, c’est la boîte, ce qui pour ce type de jouets est une réalité. Il en existe au moins deux, de couleurs différentes.

L’ensemble proposé par Morestone est aussi reproduit à la même échelle, le 1/32, échelle de reproduction la plus usitée en Grande-Bretagne pour ce type de jouets. L’ensemble est splendide. Les couleurs très représentatives. je ne ne connais qu’une couleur. L’ensemble est injecté en zamac, comme tous les modèles de cette firme. Ce qui manque très souvent, lorsque l’on croise ce jouet, ce sont le gitan et la pièce rapportée figurant les petites marches à l’arrière de la roulotte.

En France, il n’en a pas été de même. Si les grands cirques sont adulés, les petites structures sont bien souvent mises à l’index. Il suffit de lire les différents arrêtés pris par les maires ou les préfets.

Pour s’en convaincre regardez comment Minialuxe a traité son sujet. La boîte est certes bien décorée. L’artiste a eu cette belle idée de faire figurer le nom du coffret sur les vêtements étendus sur une corde à linge.

Cela nous renvoie à l’image que Charbens véhiculait plus haut. Le linge au vent, en pleine nature symbolise la vie nomade, la liberté mais aussi le lien avec la civilisation.

Le coffret se nomme : « LES ROMANIS ». Cela se disait autrefois, puis en 1974 c’est le terme « Rom » qui a été adopté. Il est composé de peuples nomades (bohèmiens, tsiganes, gitans).

La roulotte est assez précaire, simpliste. L’illustrateur a choisi de représenter un fer à cheval sur les languettes de la boîte symbolisant la bonne aventure, les cartomanciennes. L’allusion au cirque a disparu totalement.

Cette réalisation n’a pas rencontré un franc succès. Minialuxe réutilisera vite cette petite roulotte en accessoire servant à accueillir les cantonniers entretenant les routes. Le clou sera l’utilisation d’un boîtage accueillant les deux thèmes dans un même coffret. Inutile de préciser la rareté de ce dernier.

Au milieu des années soixante, la série de marionnettes d’animation « Kiri le clown  » créée par jean Image , fut diffusée à la télévision française. Elle synthétise  l’image du petit cirque, de la roulotte, de la vie itinérante. Le bruit des sabots du cheval et le déhanchement de la roulotte m’ont beaucoup  marqué. J’avais oublié. Au moment d’écrire ces lignes, ce souvenir bien enfoui m’est revenu. (voir la vidéo du premier épisode…uniquement pour ceux qui ont connus cette période !) 

Solido Chausson trolleybus

Tonnerre sur Brest

J’aime la ville de Brest.C’est une promenade au hasard de ses rues qui m’a inspiré l’article du jour, comme elle a sans doute inspiré nombre d’artistes peintres qui ont représenté la rue de Siam ou le pont transbordeur, ou qui ont simplement tenté de transcrire l’atmosphère de la ville.

L'univers de Jacques Demy : marin d'état et son amoureuse
L’univers de Jacques Demy : marin d’état et son amoureuse

Brest, c’est pour moi l’image du marin d’Etat, avec son pompon rouge, en escale, cherchant la distraction après un long voyage. Si de nombreux artistes ont utilisé l’image du marin, c’est justement pour la tache rouge formée par le pompon qui permet d’animer un tableau et d’attirer l’oeil. Les films de Jacques Demy témoignent d’une même sensibilité : au détour d’un plan, il n’est pas rare de croiser un marin d’Etat accompagné de sa belle. Curieusement, Lorient, autre grand arsenal, ou Toulon n’ont pas attiré les artistes de la même manière. Une autre particularité rend cette ville chère à mes yeux, son réseau de trolleybus. La cohabitation entre les lignes électriques aux figures géométriques imposées et le réseau urbain crée un décor bien particulier. Je me souviens, enfant avoir été fasciné par les trolleybus de la ville de Lyon. L’amplitude du déport des perches par rapport à la carrosserie du trolleybus m’intriguait beaucoup. La coexistence des véhicules thermiques et de ces engins électriques me paraissait bien compliquée.

La ville de Brest s’est dotée dès 1898 d’un réseau de tramways. En 1941, elle a souhaité moderniser son réseau et elle a choisi de remplacer le tramway par des trolleybus qui paraissaient mieux adaptés aux contraintes de la cité. Mais la guerre retarde la mise en oeuvre du projet : les bombardements anéantissent le réseau de tramways ainsi que les rames. Il faudra attendre 1947 pour enfin voir circuler les fameux Vetra. La topographie particulière de la ville et la présence du fameux pont levant, qui pouvait à tout moment être actionné, a conduit les urbanistes à créer une ligne de contournement. Notons enfin que ce pont levant était équipé de lignes d’alimentation électrique, ce qui lui conférait une étrange allure, lors de son ouverture.

Les trolleybus Chausson vont faire leur apparition à Brest en 1963. La municipalité va en acquérir six, dépourvus de toute mécanique. Ce sont les ateliers de la ville qui se chargeront de transplanter les moteurs des Vetra ! Ils donneront toute satisfaction.

Mais l’apparition dans le parc des bus Saviem SC10 va, pour des raisons d’économie, accélérer la refonte du réseau : il faut deux agents pour exploiter un trolleybus, alors qu’avec le nouveau Saviem un seul suffit. 1970 marque la disparition du dernier trolleybus Chausson Brestois.

Cette chronique a été rédigée à l’aide des informations issues de l’article très documenté de M. Christian Buisson, consultable sur le site de l’Amtuir  et les photos des trolleybus de Brest viennent de cette galerie.

Les faïences présentées sont des oeuvres de Georges Brisson. Elles datent du milieu des années 30. Elles ont été éditées par HB Quimper.

Les parapluies de Cherbourg – 2

Les parapluies de Cherbourg – 2

Voici la suite de l’article sur  Les Parapluies de Cherbourg,  avec cette fois des objets Made in France, un garage Depreux.

Divers objets distribués dans les stations Esso… dont celle de  l’escale Cherbourgeoise du film…(voir  l’autre article https://autojauneblog.fr/2010/05/04/parapluies-de-cherbourg-1/ )

Les parapluies de Cherbourg – 1

La scène se déroule à la fin du film. Guy (Nino Catelnuovo) a refait sa vie. Il a une famille. Il tient désormais une station service Esso L’escale Cherbourgeoise. C’est le mois de décembre et il neige à gros flocons. Il fait déjà nuit et l’épouse de Guy décide d’aller montrer les vitrines de Noël à leur fils.

Ils sont à peine partis lorsqu’arrive une Mercedes de couleur noire, avec, au volant Geneviève (Catherine Deneuve) son amour d’antan et une petite fille à ses côtés.

Station service Esso Tekno
Station service Esso Tekno

Alors qu’elle était enceinte de Guy, retenu en Algérie, Geneviève a fait le choix de quitter Cherbourg pour épouser Roland Cassar (Marc Michel), follement épris d’elle. Au moment de la rencontre fortuite, elle ignore tout de la nouvelle vie de son ancien amour. Inutile de rappeler que ce film est entièrement chanté et que nous devons la musique à Michel Legrand.

C’est pour rendre un modeste hommage à Jacques Demy, dont j’admire beaucoup l’œuvre, que j’ai reconstitué cette petite scènette des Parapluies de Cherbourg dans la station service Esso. Tous les composants ont été produits par Tekno. Les accessoires sont en bois peint : la firme danoise qui a commencé son activité par la production de jouets en bois a un grand savoir faire en la matière.

Tout au long de son existence elle produira des objets en bois. Il est intéressant de noter qu’Esso était très lié avec Tekno. Ce pétrolier collaborera également avec d’autres fabricants de miniatures durant les années 50, notamment Dinky-Toys France. Les autres pétroliers comprendront, mais plus tard, l’utilité de faire figurer leurs couleurs sur les miniatures, garages en bois et autres supports (films…). Tekno proposera des accessoires de différentes tailles, allant du garage au simple îlot en passant par la station service.

Curieusement, si la station Esso est bien au 1/43, les pompes sont d’un format assez généreux. Peintes avec de belles laques et décorés avec des papiers collés, ses accessoires ont fière allure. Remarquons au passage que le dessin représentant la goutte d’huile Esso est , dans les pays scandinaves, très différentq de chez nous. Jacques Demy grandit dans le garage que tenaient ses parents à Nantes. Dans le film de sa compagne, Agnès Varda : « Jacquot de Nantes » qui retrace l’enfance du cinéaste et la naissance de sa vocation, la place du garage familial est prépondérante.

Jacques Demy dira : « Les Parapluies de Cherbourg, c’est un film contre la guerre, contre l’absence, contre tout ce qu’on déteste et qui brise le bonheur » Le film obtiendra la palme d’or au festival de Canne en 1964.

(voir l’autre article https://autojauneblog.fr/2010/05/09/parapluies-de-cherbourg-2/ )