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Elémentaire mon cher Watson !

Elémentaire mon cher Watson !

Il aura eu la bienséance de laisser partir la Reine Elisabeth II avant lui.  Robert Goirand nous a quittés le 10 septembre 2022.

Logique, me direz-vous, pour cet admirateur inconditionnel des productions de Frank Hornby, sujet de sa gracieuse majesté.

J’ai fait sa connaissance en 1978. Pour être précis, c’est à travers le récit que Jean-Michel Roulet avait consacré à leur relation de collectionneurs dans son premier ouvrage , déjà très réussi, que j’ai découvert Robert Goirand. J’ai compris la place centrale qu’il tenait dans l’univers des Dinky Toys.

Dans l’étude de la série 25, Jean-Michel Roulet fait un aparté pour expliquer la signification du suffixe accolé aux références des modèles publicitaires dérivés du 25J, le Ford ridelles bâché. Ainsi la version Calberson finie en jaune a hérité du suffixe « J » pour jaune et celle aux couleurs de la SNCF de la lettre « B » pour bleu.

Il fit tenir à Robert Goirand le rôle de Sherlock Holmes, le célèbre détective imaginé par Sir Conan Doyle pour la résolution de l’énigme du 25 JV. Le suffixe « V » accolé correspondait à la couleur verte.

Pourtant le Grands Moulins de Paris est fini en gris. Elémentaire mon cher Watson ! fit répondre Jean-Michel Roulet à Robert Goirand qui possédait le prototype récupéré lors de sa présentation au salon annuel du jouet sur le stand Meccano à Lyon.

Dinky Toys le fameux Ford ridelles bâché vert métallisé ...25 JV
Dinky Toys le fameux Ford ridelles bâché vert métallisé …25 JV

Ce prototype réalisé sur la base d’un type intermédiaire, crochet moulé et jantes à pneus, est fini en vert métallisé, couleur en vogue chez Meccano France durant cette période (Ford brasseur, Studebaker Commander puis Peugeot 203) , teinte qui, au dernier moment, ne fut pas retenue par la direction. Elle jugea qu’il était préférable de le repeindre en gris, quitte à laisser une référence à la signification erronée. Il aurait dû porter la référence 25 JG et non 25JV.

Ce passage m’a profondément marqué. Il a orienté mon intérêt de collectionneur pour tous ces Dinky Toys d’exception qui ont façonné la grande histoire. En cela, je poursuis aujourd’hui le travail de ces pionniers que furent Jean-Michel Roulet et Robert Goirand.

Ma première rencontre « physique » avec ce pilier de l’univers Dinky Toys se fera à la bourse de printemps à Villeurbanne. C’est une époque où l’on pouvait encore fumer dans les espaces publics. Je revois sa silhouette élancée , la pipe au coin des lèvres, son noeud papillon. Il dégageait une élégance toute britannique. C’est une époque où il était de bon ton de s’habiller avec soin pour les événements importants. Et les bourses aux jouets faisaient partie des moments très importants pour Robert Goirand qui consacra son existence aux jouets et plus particulièrement aux productions Meccano… mais pas que !

Sa fille Sandrine m’a raconté qu’il avait d’abord été passionné par les trains, surtout les Märklin.

Il aurait ainsi appris à lire avec le catalogue Märklin d’avant guerre qu’il promenait partout, à l’école comme à table.

Toute sa vie il a cherché à avoir l’intégralité de cette production d’avant 1940. Enfant, il n’avait pu voir ces jouets qu’à travers la vitrine du magasin : ils étaient financièrement inaccessibles pour sa famille. A la fin de sa vie son rêve était quasiment exaucé. Il ne lui manquait que la fameuse « crocodile » à l’échelle « O » !

Marklin "crocodile" HO
Marklin « crocodile » HO

J’ai eu l’occasion d’aller dans son appartement au début des années 90, alors que j’accompagnais Jean-Bernard Sarthe qui venait lui acheter son Citroën U23 dépanneuse de couleur verte. Nous venions de rentrer ce même modèle auprès de la famille Chaudey qui avait travaillé au bureau d’étude.

J’avais remarqué qu’il possédait une caractéristique particulière, un pavillon lisse que ne possédaient pas les modèles de série. Je me rappellerai toujours comment Robert Goirand avait été étonné de n’avoir pas relevé ce détail. J’ai ici gagné mes premiers galons face à cette légende de la collection.

Ce fut le début d’une relation basée sur un respect mutuel. Quand il réorientera sa collection dans le domaine ferroviaire, il n’oublia pas cette rencontre et me contacta pour me céder certaines de ses pièces, sachant qu’elles seraient mise en valeur.

je garderai longtemps en mémoire les anecdotes qu’il me contait avec malice, bien calé dans son fauteuil, lors de mes visites chez lui.

Je l’écoutais religieusement, assis sur le canapé. Il était si content qu’immanquablement, à la fin de nos conversations-transactions il me proposait toujours un « petit apéro ». Il faisait partie d’une génération qui scellait les pactes autour d’un verre.

Un jour, alors que nous évoquions le magasin du BB Lorrain, il me raconta comment, lors des repas familiaux il faisait répéter ses parents afin d’élargir leurs connaissances de l’univers Meccano.

Il s’agissait de préparer sérieusement les fameuses réunions du club du BB Lorrain et de rendre ses géniteurs incollables lors de leur participation aux jeux qui permettaient de gagner des cadeaux !

Il fallait tout connaître : la date d’anniversaire de Frank Hornby, le numéro de boîte de Meccano, le nom des rames célèbres chez Hornby ect…

Il me raconta également comment il avait aidé M. Goulon, le propriétaire de ce magasin, à poser les rubans adhésifs sur la fameuse 2cv fourgonnette grise. Il avait bien compris tout l’intérêt de nouer une solide relation avec cette institution. Etudiant aux beaux- arts, il avait réalisé deux frises à la gouache pour le magasin qui ont heureusement été conservées.

Cette bonne relation lui a ainsi ouvert les portes du stand Meccano où il a pu récupérer un certain nombre de pièces historiques, comme les Ford bâchés décrits plus haut ou ce Berliet GLR Marrel multibenne. Le prototype en bois, aux couleurs du Simca Cargo prouve bien que le multibenne était prévu avec une cabine Unic.

Comme l’explique Jean-Michel Roulet dans son livre, cette dernière n’étant pas prête pour le salon, le bureau d’étude bricola ce Berliet, récupéré par l’entremise de M Goulon après le salon.

Le dessinateur l’a sûrement eu en main avant le salon, à voir la façon dont il a traité l’illustration de ce 38 A dans le catalogue 1958 : pavillon arrondi et strié façon Berliet et face avant bricolée laissant clairement deviner le Berliet.

Vous imaginez la fierté pour lui de posséder cette pièce d’histoire.

Les années ont passé. Sa passion a résisté à toutes les épreuves. Je suis admiratif devant sa combativité pour obtenir jusqu’au bout les belles pièces qui pouvaient enrichir sa collection de trains. Cette passion nous a sans doute rapprochés.

Elle lui aura permis de traverser tous les coups durs de la vie. Il m’avait confié à quel point la perte de son épouse avait été une épreuve à laquelle il n’était pas préparé et comment la collection l’avait sauvé de la dépression.

Une dernière anecdote est révélatrice du personnage. Quand il m’a cédé sa série de modèles Poch il y a quelque temps, il m’a expliqué qu’il en gardait une : la 2cv furgoneta qu’il associait à beaucoup de souvenirs.

Lors d’un voyage en Espagne  en 1970 avec sa famille, il l’avait repérée dans la vitrine d’un grand magasin de jouets à Barcelone, « la casa del jugete » . C’était la première, et aussi la dernière fois, qu’il la voyait. Mais elle était en vitrine et les employés n’étaient pas prêts à démonter une partie de la présentation pour cette petite auto…il n’avait qu’à en prendre une autre sur le comptoir !

Il fit un esclandre dans le magasin pour l’obtenir, expliquant aux employés incrédules qu’elle était pour lui et pas pour un enfant.

Son épouse dut intervenir, et finalement, comme on achète un jouet pour calmer un enfant capricieux, passa à la caisse et paya l’auto.

Cette anecdote résume bien la vie de Robert Goirand. Il resta dans le monde de l’enfance toute sa vie. Ce ne fut pas toujours facile à comprendre pour son entourage. Mais je peux dire qu’il eut une existence hors du commun. Je suis fier qu’il m’ait confié ses modèles et ses souvenirs. Il m’appartient désormais d’en faire profiter les autres collectionneurs.

 

Un pari fou.

Episode 1. Un pari fou.

Mon trajet quotidien à bicyclette, de quelques 30 kilomètres, est ponctué d’arrêts aux feux rouges. J’en profite pour reprendre mon souffle, surtout dans la montée de la rue des Pyrénées, mais aussi pour lever le nez de mon guidon et observer la ville. Les gens, leur chien, les frontons des immeubles, les arbres, et bien sûr les affiches des kiosques et des panneaux publicitaires.

Ce matin-là, c’est la une du magazine, « Entreprendre », sur le kiosque situé place Gambetta qui attire mon attention.  » DOMINIQUE ROMANO – IL INVESTIT SUR DES PROJETS FOUS . Vente-privée, start-up , Seine St-Denis, La Pérouse…

Entreprendre Dominique Romano Il investit sur des projets fous
Entreprendre Dominique Romano Il investit sur des projets fous

Le feu passe au vert et je repars, tout ébouriffé encore par ce titre. Les héros sont désormais des capitalistes entrepreneurs. De mon temps c’était Tintin. Autre époque, autres références.

Le même jour, en fin d’après-midi, une personne avec des lunettes noires entre discrètement dans la boutique. Il reste 10 minutes à scruter minutieusement les vitrines, et pose une question. Au son de sa voix je le reconnais : Edmond Magne, un ancien confrère qui était établi à Drancy au milieu des années 80. Edmond est un passionné. C’est le genre d’amateur qui a du mal à contenir sa passion et qui, parfois, s’est laissé entrainer par ses pulsions d’achat. Certains ont ainsi gardé de lui des souvenirs mitigés.

Edmond indique avoir accumulé 70 000 modèles. Il a fondé une association: AAMAATOL .  J’admire chez Edmond la volonté qu’il a, et ce depuis que je le connais, d’ouvrir un musée. C’est son objectif, depuis près de 40 ans. A chacune de nos rencontres, je lui demande des nouvelles de son projet, le sujet revient comme un serpent de mer.

Cet aprés-midi, je renouvelle ma question. Et là, Edmond retire ses lunettes noires, me regarde dans les yeux et me répond : « Cela va se faire ! »

« J’ai acquis un terrain de 600 m2 » me dit-il. Et il continue à m’exposer son projet .Monter un complexe, dans la région de Troyes : un musée et une petite salle de spectacle…A ce niveau du récit, je me dois de préciser qu’Edmond a changé de métier et qu’il il est désormais dans le show business. Il programme des chanteurs et des groupes de musiciens.

Comme je m’inquiète de la restauration il me répond du tac au tac : « C’est prévu !  Et ce sera de la gastronomie française !  »

Aux détails et arguments qui étayent la réponse, je comprends qu’Edmond est assurément un fin gourmet voire un peu cordon bleu. Quel projet !

Certes c’est ambitieux mais je suis médusé et admiratif d’un tel enthousiasme. Le soir en vélo, je revois l’affiche et je ne peux n’empêcher de faire le lien entre le titre du magazine et l’ambitieux projet d’Edmond. J »imagine sa rencontre avec M. Romano.

Je me dois cependant ici de mettre en garde Edmond. C’est un projet que j’ai envisagé un moment, il est assez utopique. Le collectionneur prend facilement sa collection pour un musée. Or la collection est une démarche personnelle, sa constitution répond aux goûts et aux choix de ce dernier. Une collection personnelle n’est pas faite pour recevoir la visite du public. Quant au musée, il se doit d’éveiller la curiosité du spectateur, il a un rôle pédagogique.

Une récente visite au musée du Louvre, au département des arts de l’Islam m’a inspiré ces quelques idées. A l’entrée du département le musée a installé quelques vitrines avec des oeuvres phares qui permettent au grand public de mieux appréhender la visite. Ces quelques pièces maitresses sont replacées dans le temps et dans l’espace avec une carte. C’est simple et efficace.

Comme moi, Edmond est amateur de jouets français. Il aura d’ailleurs cette phrase : « Mon truc, c’est la France ! » il voulait bien sûr parler des fabrications françaises.

Cher Edmond, voilà ce que tu pourrais faire à l’entrée de ton musée : un classement chronologique des 10 modèles réduits d’automobiles de fabrication française qui ont marqué l’histoire par leur  innovation technique, le matériau utilisé ou la fonction ludique . Je te fournis ma liste :

  1.   SR Unic taxi (plomb)

2.   CR double phaeton (tôle)

3.  CD Delahaye (plomb)

CD Delahaye limousine
CD Delahaye limousine

4.  jouet Citroën, Citroën C4 (plastiline/tôle)

"Les jouets Citroën" Citroën C4 berline
« Les jouets Citroën » Citroën C4 berline

5.  Solido coffret d’autos Major démontables (zamac)

Coffret Solido Major pour le marché anglais
Coffret Solido Major pour le marché anglais

6.   Norev Simca Aronde (plastique/tôle)

Norev Simca Aronde premier modèle première boîte "lapin"
Norev Simca Aronde premier modèle première boîte « lapin »

7.   Solido Lancia Flaminia (zamac)

Solido Lancia Flaminia (rare couleur)
Solido Lancia Flaminia (rare couleur)

8.   RD Marmande. Panhard Levassor 13,6 L course 1902 (bois)

RD Marmande Panhard Levassor 13,6L course 1902
RD Marmande Panhard Levassor 13,6L course 1902

9.   Champion Lola T70 (plastique/zamac)

Safir Champion maquette bois Lola T70
Safir Champion maquette bois Lola T70

10.    AMR Porsche RSR turbo Martini Le Mans 1974(white metal).

Lors des  quatre prochains épisodes, je donnerai  et développerai les explications sur mes choix. Que ceux qui s’alarment de ne pas voir leur marque favorite dans cette liste attendent donc un peu pour m’écrire.

Et les Dinky Toys?

Elles ne ne viennent qu’après …en 1970-1980. Ces années marquent l’arrivée du phénomène de la collection de miniatures.

Dinky Toys n’a jamais innové. Si ses modèles ont marqué une époque, une génération, ce n’est pas pour leur innovation technique ni pour les choix audacieux des matériaux entrant dans leur fabrication. C’est la qualité de fabrication et le réseau de distribution (magasins de jouets renommés) qui ont contribué à la légende.

D’ailleurs l’idée de départ de Meccano, celle de créer des éléments d’animation pour les trains Hornby, à l’échelle « O » , donc au 1/43, est sérieusement écornée quand on analyse un peu la gamme des berlines Dinky Toys. Les premières en plomb, matériau déjà obsolète en 1934 sont réduites à une échelle proche du 1/50.

Les deux premières miniatures que l’enfant peut identifier sans se tromper, la Simca 5 et la Peugeot 402 sont également reproduites à des échelles nettement inférieures au 1/43. Il suffit de les comparer avec les modèles JRD en plastiline   ou Rivarossi   en bakélite !

Il faudra attendre la 24 N , la Citroën Traction avant pour avoir une vraie Dinky Toys France au 1/43 !

Dès les années soixante-dix, le modèle aura quelque chose de mythique et passera aux yeux de nombreux collectionneurs pour une pièce rare, malgré le nombre d’exemplaires produits, comme le souligne Jean-Michel Roulet dans son ouvrage.

 

L’odyssée des « Scarlet Arrow »

L’odyssée des « Scarlet Arrow »

En plus de nous émerveiller, certains chefs-d’oeuvre de la peinture ont une histoire hors du commun qui nous captive. Cela les singularise.

Léonard de Vinci La Joconde
Léonard de Vinci La Joconde

Dès sa réalisation qui s’est étalée de 1503 à 1519, la Joconde de Leonard de Vinci a été considérée comme un chef-d’oeuvre. En 1550 Vasari décrit le tableau avec force conviction. Mais c’est le vol du tableau en 1911 et sa rocambolesque histoire qui lui donnera son aura supplémentaire auprès du grand public.

Au musée du Louvre, le tricheur à l’as de carreau de Georges de La Tour eu une histoire mouvementée. Lorsqu’il en fit l’acquisition en 1972 jamais le Louvre n’avait déboursé une telle somme pour une œuvre d’art. Les experts se sont déchirés pour savoir s’il s’agissait d’un vrai de La Tour ou d’une copie.

Le tableau avait été découvert par un antiquaire, Pierre Landry, qui disait l’avoir acquis en 1926 chez un particulier, non loin du musée, sur l’île de la Cité. Georges De La Tour était tombé dans l’oubli malgré la grande qualité de son œuvre. Après cette affaire qui fit grand bruit, et quelques rétrospectives de l’autre côté de l’Atlantique, ce maître du 17 ème siècle fut enfin reconnu et apprécié du public.

Nos Dinky Toys les plus rares ont aussi leurs petites histoires. Les deux modèles du jour ont eu un destin des plus singuliers. Ils sont aujourd’hui de nouveau réunis après 50 ans de séparation.

J’ai acquis le camion 22 C, ridelles peint en jaune et noir et affublé d’une petite flèche de couleur rouge sur le pavillon en salle des ventes. Je l’ai acheté pour une raison simple : je disposais d’ éléments que peut-être, une partie des autres amateurs présents ce jour là, n’avaient pas.

Dans un article qu’avait signé Jean-Michel Roulet, qui, par bonheur dans les années 80-90 collaborait à diverses publications et partageait ainsi sa passion et ses connaissances, j’avais repéré une étrange camionnette 280, jaune dont le pavillon était décoré d’une petite flèche rouge.

Le montage d’un tel accessoire ne passait pas inaperçu. Il présentait ce modèle comme un prototype. C’est ainsi que le jour de la vente aux enchères j’ai compris que le camion 22 avait un lien avec la camionnette 280. Même couleur et même type de petite flèche.

J’ai saisi l’opportunité qui s’offrait à moi d’acquérir ce modèle. Je ne me souviens pas avoir eu une très grande opposition.

Plus de 30 ans après cette acquisition, Jean-Michel Roulet voyant la photo du camion dans ma vitrine me conta toute l’odyssée de ces véhicules. Ce petit camion 22 lui avait été promis par Geoff Moorhouse du bureau d’étude de Binns Road.

Le véhicule est aux couleurs d’une compagnie de transport, « Scarlet Arrow » établie à Liverpool, siège de Meccano faut-il le rappeler. Ce transporteur avait décoré sa flotte de véhicules de cette flèche rouge qui permettait de les identifier dans le flot de la circulation, et accessoirement de se faire une belle publicité.

Le bureau d’étude de Binns Road avait fabriqué deux modèles à soumettre au directeur de Scarlet Arrow : ce camion sur la base du 22C et une camionnette de livraison 280.

On peut imaginer que d’autres véhicules ont été réalisés et soumis à la direction de « Scarlet Arrow » . Un camion 25 peut-être ? C’est juste une hypothèse car on constate que les deux modèles précités ont été des fabrications « économiques », monobloc. Le camion 25 A ridelles est en 3 parties, bien plus onéreux à fabriquer.

Comme il était de coutume chez Meccano, et ce dès le début de la fabrication de wagons citernes ou des camionnettes publicitaires de la série 28, la compagnie qui voyait son nom apposé en publicité reversait une contribution financière à Meccano.

Mais à la direction de Scarlet Arrow on tenta d’expliquer que c’était à Meccano de payer pour voir figurer dans le catalogue Dinky Toys des véhicules aux couleurs de l’entreprise ! On comprend bien que les dirigeants de Scarlet Arrow étaient très fiers de leur décoration. Mais chez Meccano il était hors de question de se plier à une telle volonté. Résultat, ces deux véhicules allèrent aux oubliettes.

Les deux modèles sont ressortis en 1978 lors de la dispersion de documents et autres prototypes du bureau d’étude. Voyant qu’une partie des prototypes et autres documents était purement et simplement jetés, quelques membres du bureau d’étude se partagèrent ces trésors.

La camionnette « Scarlet Arrow » eut un curieux destin. On ne sait qui la sortit du bureau d’étude. Par contre, on sait qu’elle resta dans un petit carton au fond du coffre d’une Ford Cortina, avec une Standard Vanguard verte de premier type, une Triumph 1800 noire avec jantes argent et deux série 39 bicolores.

En voyant les Dinky Toys dans le coffre de la Ford, le garagiste à qui on la proposait comprit tout de suite l’intérêt d’acheter la voiture. Jean-Michel Roulet m’expliqua que la simple revente des Dinky Toys couvrait le prix de l’auto !

Tom Spinks, collectionneur de Matchbox Yesteryear les acquit auprès du garagiste et les céda en aout 1978 à Jean-Michel Roulet.

La photo que m’a confiée ce dernier est assez extraordinaire. On voit Jean-Michel Roulet posant fièrement avec ses acquisitions lors de l’autojumble de Crich.

Cette photo transpire la passion et la fierté, justifiée, de posséder de telles miniatures. On comprend que 30 ans après le souvenir soit toujours aussi vivace. On a peut-être du mal en 2020 à mesurer la fierté que l’on pouvait avoir devant de pareilles trouvailles.

A cette époque il fallait de solides relations pour pouvoir sortir de tels modèles. Cela ne se faisait pas en un voyage Outre-Manche. Il fallait tisser patiemment les liens entre collectionneurs et marchands. Ce n’était pas qu’une question de moyens financiers. Aujourd’hui, certains acheteurs posent sur leurs pages Facebook, avec un modèle à peine acquis pour plusieurs milliers d’euros. Ils ne savent pas toujours ce qu’ils ont acheté.

Jean-Michel Roulet espérait réunir la paire de « Scarlet Arrow ». Geoff Moorhouse lui avait promis le camion 22. Oui, mais voilà, ce dernier fut cédé à une autre personne dont nous ne connaissons pas l’identité.

Pour « compenser » cette promesse non tenue, le membre du bureau d’étude lui céda la Buick Skylark en bois, puis plus tard la Ferrari 312 F1 avec le châssis « made in England ». Ces modèles furent ensuite cédés à Jean Vital-Remy. Je les ai récupérés lors de la vente de cette collection, ainsi que l’exceptionnelle Standard Vanguard de type 1 de couleur verte.

Grâce au récit de Jean-Michel Roulet, ces modèles ont acquis un supplément d’âme. Ils ont une véritable histoire, hors du commun, à l’image de leur rareté. Ce sont des pièces uniques. Désormais les collectionneurs les rattacheront à ce récit.

Quel courage !

Quel courage !

« C’est beau quand même d’envoyer un télégramme comme ça… il faut avoir du culot, hein ? C’est vrai, non, c’est extraordinaire qu’une femme belle vous envoie un télégramme comme ça : c’est merveilleux ! Moi, jamais j’aurais fait un truc comme ça. C’est formidable, de la part d’une femme, c’est formidable ! Quel courage !

Bon, si je tiens cette moyenne, j’arrive à Paris vers… six heures, six heures et demie, ….Six heures, six heures et demie, elle va être couchée, bien sûr. Qu’est-ce que je fais, je vais dans un bistrot, je l’appelle d’un bistrot. Ou je vais chez elle… Une femme qui vous écrit sur un télégramme « Je vous aime », on peut aller chez elle… Oh oui ! je vais aller chez elle, pourquoi pas ? « 

 

Vous avez peut-être reconnu ce monologue. Il est extrait du film de Claude Lelouch, » Un homme et une femme » Palme d’Or au festival de Cannes 1966. Au volant de sa Ford Mustang, Jean-Louis Trintignant part dans la nuit rejoindre à l’autre bout de la France la femme qui lui a écrit qu’elle l’aimait.

Ces mots synthétisent la passion. La passion amoureuse. La passion qui permet de rouler toute la nuit, de rester éveillé, de calculer sans cesse le nombre de kilomètres qu’il reste à faire et l’heure approximative d’arrivée.

On peut lui trouver des points communs avec notre passion pour les miniatures automobiles. J’en ai parlé récemment avec Jean-Michel Roulet. Nous nous remémorions les années soixante-dix /quatre- vingt et évoquions le souvenir de mon père.

« Les collectionneurs étaient des vrais passionnés » disait-il. « Ils vivaient à cent à l’heure » et il ajouta « C’est une forme de passion un peu folle qui s’éteint et c’est aussi un âge d’or qui prend fin. » J’ai trouvé ces mots très justes.

J’ai aussi repensé à cela en recevant le dernier ouvrage de Claude Wagner. Quel courage de sortir en 2019 un tel ouvrage (481 pages) !

C’est un livre de passionné. Loin de tout calcul commercial, très loin de toutes les publications racoleuses offrant en pâture aux collectionneurs les résultats des salles des ventes, avec les chiffres pour toute analyse.

Avec mon père nous avons parfois fait l’amer constat de la perte de connaissance des produits de la part des collectionneurs, malgré les dizainesd’ ouvrages à leurs disposition .

Hasard du calendrier, j’ai reçu l’ouvrage de M. Wagner, la semaine où étaient programmées plusieurs ventes aux enchères en France. Les Dinky Toys France ont le vent en poupe. Les résultats sur les variantes inhabituelles ou les essais de couleurs le démontrent. Les enchères à 4 chiffres et plus ont été nombreuses.

Dans ce tourbillon de prix, l’ouvrage vient à point nommé. Ni prix, ni référence à l’argent.

Il s’agit simplement de la description méticuleuse, par chapitres, de l’univers Dinky Toys : les présentoirs, les affichettes, les catalogues, les publications d’encarts publicitaires dans les journaux comme Le Journal de Mickey et Le Journal de Tintin, les modèles hors-commerce.

C’est un travail de bénédictin qu’a fait là M. Wagner afin d’être le plus complet possible. On ouvre le livre  et on ne le referme plus, tant il y a à découvrir. J’ai moi-même appris beaucoup de choses que j’ignorais.

Ce travail a été guidé par la passion pour la marque. Cette passion, M. Wagner l’a depuis sa plus tendre enfance, comme beaucoup d’entre nous me direz-vous. Mais lequel d’entre-nous peut se targuer, comme M. Wagner d’avoir été lauréat du concours Dinky Toys de 1962 et de voir son nom figurer dans la liste des vainqueurs ?. (document page 400).

Et combien de ceux qui figurent dans la liste des vainqueurs ont su garder leur passion pour la marque et préserver leur âme d’enfant ?

Devant un tel travail, aussi complet, on ne peut qu’être admiratif. M. Wagner l’a fait pour que les prochaines générations de collectionneurs puissent raccrocher leurs modèles réduits à l’histoire de la marque. C’est ainsi que les modèles prendront leur juste valeur, et c’est grâce à ce genre de travail que les gens continueront à s’intéresser à la marque et à la valoriser.

Je vous encourage donc vivement à acheter cet ouvrage, qui constitue un vrai bol d’air dans ce monde où l’argent domine tout. Je joins l’adresse électronique de monsieur Wagner pour commander son ouvrage:

contact@manoirdelacroix.com.

 

Claude Wagner

MANOIR  DE  LA  CROIX

50530  MONTVIRON   SARTILLY  BAIE  BOCAGE

Le livre est disponible au prix de 64,90€  et de 8 € d’envoi.

Qu’est ce qu’une « petite série »?

Qu’est ce qu’une « petite série »?

Dans l’histoire de l’art, de nombreuses œuvres ont connu des « petites séries ». Le malicieux René Magritte, qui n’appréciait guère le marché de l’art et ses spéculations, a sciemment reproduit en plusieurs exemplaires certaines de ses oeuvres, dans le but avoué de déstabiliser les spéculateurs, et donc le marché de l’art. Il voyait d’un mauvais oeil que l’on puisse parler de son oeuvre par le prisme de l’argent et de la valeur marchande.

Pour nous autres, amateurs collectionneurs de miniatures Dinky Toys la notion de « petite série » est bien différente.

Nos Dinky Toys sont des produits manufacturés qui ont été produits selon une logique industrielle. A de très rares exceptions près, la direction n’a jamais été intéressée par le fait de glisser une petite série au milieu d’une production de masse planifiée.

Dinky Toys n’avait pas pour cela la capacité d’adaptation de Tekno qui, pour diverses raisons (conception des modèles en deux ou trois parties, fabrication de toutes petites quantités de décalcomanies..), a pu se consacrer à la production de petites séries.

Mais au fait, de quoi parlons-nous ? Une « petite série » c’est combien de modèles ? J’ai récupéré un étonnant document qui éclaire un peu le sujet. Il s’agit d’une lettre adressée par la direction de Meccano à un client qui avait demandé s’il était possible d’obtenir une Renault Floride de couleur blanche. La direction lui a répondu qu’il n’y en avait eu qu’une centaine de produite et que malheureusement, plus aucun exemplaire n’était disponible. L’en tête de la lettre porte la mention « Meccano Tri-Ang », ce qui veut dire que nous sommes au minimum en 1964. Pour information, cette couleur est datée de 1960.

Comparé à la production des Renault Floride réalisée par Dinky Toys, ce chiffre est une goutte d’eau. Il faut donc se pencher sur la finalité de cette production.

On sait désormais de façon certaine que cette miniature a été distribuée lors d’un salon du jouet aux détaillants méritants. Un ancien employé du bureau d’étude m’a conté combien les détaillants étaient choyés lors de ces salons.

En effet Dinky Toys n’avait pas de grossistes, comme Solido par exemple. En conséquence, la direction de Meccano accordait une grande importance aux « abonnements ». Il s’agissait de contrats par lesquels les commerçants s’engageaient à prendre chaque nouveauté dans une quantité à définir.

On peut imaginer qu’en fonction de cette quantité, une remise était accordée. Mon interlocuteur m’a souvent parlé de ce système, en insistant sur le fait qu’à sa sortie chaque nouveauté était donc déjà en partie pré-vendue, ce qui permettait à la direction de rentrer de la trésorerie.

On comprend donc toute l’importance de ces modèles distribués durant les salons du jouet. Comme le dit Jean-Michel Roulet, il est vraisemblable qu’un surplus de ces miniatures a été distribué dans le commerce ou lors de visites de l’usine. D’ailleurs, pour revenir au courrier de 1964 décrit plus haut, le décalage de 4 ans peut s’expliquer par le fait que la distribution de ces autos spéciales s’est étalée sur plusieurs salons du jouet.

Il m’a paru intéressant de dresser une liste des modèles dont je peux affirmer qu’ils ont été distribués lors de ces salons. Outre la Renault Floride de couleur blanche, il y eu la Citroën DS présidentielle en boite bleue.

Vous remarquerez l’importance du logo Meccano Tri Ang souligné de couleur or, comme pour bien montrer la provenance.

Durant la même période a également été réalisée et distribuée au salon du jouet la Ford Thunderbird qui reprend les couleurs de la Citroën DS présidentielle, argent et anthracite.

Pour ce modèle j’ai deux témoignages concordants. J’ai comptabilisé une dizaine d’exemplaires de ce modèle.

Dernièrement, un autre modèle ayant eu également un usage « hors-commerce » au salon du jouet a été découvert. Pour être plus précis, c’est sa destination qui nous a été récemment révélée.

Cette auto avait été découverte par Jean-Michel Roulet dans les années 80. Il l’avait ensuite cédée à Jean-Bernard Sarthe auprès duquel je l’ai récupérée. Il s’agit d’une banale Panhard PL17 de couleur parme.

Sa particularité tient au fait qu’elle est sans vitres et sans aménagement intérieur, ce qui n’a rien d’extraordinaire. Par contre, en la retournant nous nous sommes aperçu qu’elle était équipée d’un châssis peint de couleur noire, dépourvu d’inscription et bouterollé normalement.

Tout l’intérêt réside dans ce châssis, semblable à celui de série mais sans inscription. Quant à l’endroit d’où provient cette auto, il ne laisse aucun doute sur l’authenticité du modèle.

Près de 20 ans se sont écoulés. Dernièrement, les descendants des frères Parodi de Gênes ont mis en vente la collection constituée par leurs parents. Quel étonnement de découvrir dans le catalogue un exemplaire de ce modèle, mais surtout, quelle surprise de lire le commentaire du lot.

Un des enfants se souvenait que la miniature leur avait été offerte au salon du jouet par la direction de Meccano.

Cette Panhard est en fait une véritable « petite série » réalisée pour le salon du jouet, afin de donner aux clients un aperçu de la future gamme Junior. Au vu de cette série économique, il est bien évident qu’il fallait préparer la clientèle, mais surtout les professionnels. Ces derniers habitués à vendre les Dinky Toys comme des produits haut de gamme ont sans doute été décontenancés par cette gamme. Cette Panhard de pré-série n’a pas dû suffire à dissiper les doutes.

En tant que collectionneur, c’est une très belle découverte. Avant qu’on n’en connaisse la destination, cette auto n’avait pas d’intérêt particulier, à part son châssis, intriguant sans marquage. Elle prend aujourd’hui un intérêt significatif. La circonstance qu’on en ait trouvé une seconde, avec en plus l’explication de sa gestation, a donné un réel intérêt au produit. Je reste persuadé que d’autres exemplaires ressortiront un jour. Reste à savoir le nombre de modèles réalisés. Il est difficile de se prononcer, mais il est sûrement moindre que celui des Renault Floride dont on compte quelques dizaines d’exemplaires dans les vitrines de collectionneurs.