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Des Mack au pluriel

Il y a plus de trente ans, une nouvelle génération de collectionneurs de miniatures est apparue. Mon père en faisait partie. Dans les années soixante, la collection consistait à rassembler des miniatures venant des quatre coins du monde. En aucun cas il ne serait venu à l’idée de ces pionniers de rassembler des couleurs différentes d’un même modèle ou des variantes de moule. Au milieu des années 70, des collectionneurs se sont intéressés aux modèles publicitaires et se sont fixés pour objectif de réunir le plus grand nombre de publicités sur une même base.

Semi-remorque Mack Gerard Motor Express
Semi-remorque Mack Gerard Motor Express

Cette évolution correspond à la période où la publicité a commencé à être reconnue comme un art. Je me souviens des hommages rendus dans ces années à M. Savignac. Les gens regardaient les publicités de leur enfance avec une tendre nostalgie. Pour ma part j’ai été sensible à cette reconnaissance de la publicité.

Un bon exemple de cette évolution du goût des collectionneurs nous est fourni avec les deux publications de Paolo Rampini. Dans son premier ouvrage, son but est de montrer le plus grand nombre d’objets différents et de les lister. Dans le second, il s’attache à présenter le maximum de déclinaisons de couleurs et de publicités.

C’est ainsi que notre passion pour Tekno a commencé. A travers ses variations de publicité sur base Volkswagen ou Ford, la marque répondait parfaitement à notre demande et notre curiosité. Nous reproduirons ensuite cette même démarche avec les autres fabricants de miniatures. Ainsi, lorsque nous avons commencé à nous intéresser aux Tootsietoys, nous avons recherché tout de suite les différentes publicités. Pour cela la première étape consistait à se documenter pour s’approprier l’univers du fabricant. J’ai beaucoup rêvé devant les photos des livres. L’émotion est toujours très forte lorsque dans une manifestation consacrée aux jouets ou lors d’un rendez-vous on découvre l’objet vu dans un livre et qu’on a convoité pendant des années. On peut ici refaire les mêmes commentaires au sujet des livres et de l’évolution des collectionneurs. Les premiers ouvrages consacrés à la marque Tootsietoys n’insistaient pas sur les différents « labels » des camions Mack présentés ce jour. Il faudra attendre l’ouvrage de Steve Butler uniquement consacré aux Tootsietoys d’après guerre pour voir apparaître ces rares variantes. Les collections évoluent et sont de plus en plus spécialisées sur un thème.

C’est avec plaisir que je vous fais découvrir quelques camions Mack semi-remorque. Ces miniatures sont conçues de manière simple et économique. Ce n’est pas une surprise lorsque l’on connaît Tootsietoys. La rentabilité était la priorité absolue pour la firme de Chicago. La simplicité de fabrication n’altère en rien le réalisme de reproduction. Ces camions ont un fort pouvoir de séduction. Un détail me plaît bien : certains camions arborent en dessous de leur logo publicitaire, une longue liste de villes où les entreprises possédaient des dépôts. On parlerait aujourd’hui de plates-formes. La lecture de ces listes évoque la route 66 : on peut ainsi la parcourir à travers sa vitrine.

Carmen et Lion-Car

J’ai découvert l’Espagne à travers les films de Pedro Almodovar. Avant de voir ses films, je ne m’étais jamais rendu dans ce pays. Lorsque j’évoque l’Espagne, ce sont toujours les images d’Almodovar qui me viennent à l’esprit. Le cinéaste a été l’un des moteurs de la Movida, mouvement culturel qui a émergé après la disparition de Franco en 1975. L’Espagne d’Almodovar c’est un patchwork, un assemblage de gens très différents. Tout y est exagéré, outrancier.

Lion Toys
Lion Toys

Dernièrement, à l’opéra Bastille, le metteur en scéne français Yves Beaumesne a transposé la Carmen de Georges Bizet dans l’univers de la Movida de Pedro Almodovar. Sa Carmen a troqué ses cheveux jais pour une perruque blonde. A l’acte deux, la soirée qui se déroule dans la taverne de Lillas Pastia se passe dans le milieu underground et fêtard espagnol. La garde est doté de costumes faisant penser aux soldats de Franco. Le metteur en scène nous livre ainsi sa vision de l’œuvre de Bizet.

Nous allons voir comment Jefe, petite firme de jouets espagnole basée à Valence, a elle aussi interprété la production de miniatures qui avaient pour origine les Pays-Bas. C’est un collectionneur espagnol qui m’a raconté, il y a fort longtemps, l’éphémère aventure Jefe. Il la tenait lui même d’une personne qui y avait directement participé. L’histoire est assez intéressante.

Tout commence par une rencontre entre le patron de Jefe et celui de Lion Car. Lion Car est une firme néerlandaise qui, à ses débuts, avait reproduit une Volkswagen 1200 vitre ovale, ce qui n’était pas très original, puis une Renault 4cv et une Opel Rekord, une intéressante DKW 3/6 et enfin une Renault Dauphine. Elle a ensuite consacré sa production de miniatures au constructeur Daf, firme également implantée aux Pays-Bas. La rencontre se situe à ce moment. Les deux hommes trouvèrent un accord pour permettre à la petite firme de Valence d’utiliser l’outillage de Lion Car qui avait été mis au repos à la suite du virage pris par la production. Ils tombèrent d’accord pour une location de courte durée. On en conclut que les moyens de Jefe étaient limités ou que les prétentions néerlandaises étaient trop élevées. Selon mon ami espagnol, la durée n’excéda pas 3 mois. Ce que n’avaient pas prévu les dirigeants de Lion Car, c’est que nos amis espagnols allaient interpréter avec malice cet accord. Pendant la durée de location, ils firent tourner à un rythme effréné les machines. Ils ne se préoccupèrent pas d’assembler les autos et se contentèrent d’entasser les carrosseries brutes, pour ne pas perdre une seconde ! Les moules eurent certainement un peu de mal à se remettre de cette cadence infernale. À la fin du contrat, quand les moules furent restitués, les employés de Jefe se mirent tranquillement à assembler et peindre les carrosseries. Cette anecdote faisait bien rire mon ami espagnol, ce qui ne fut certainement pas le cas du rugueux Batave.

Tout au contraire de la firme néerlandaise, Jefe, va habiller ses miniatures de teintes franches et gaies. Le rose, le vert cru et l’orange vont remplacer le vert tilleul et le gris souris ! Et je ne parle pas des superbes versions bicolores !

Rarement pour l’époque un fabricant osa de telles couleurs pour ses miniatures. Cela dut marquer les esprits au Pays-Bas. Lion Car proposera ensuite des couleurs plus vives pour ses miniatures. Comme Vincent Van Gogh, lui aussi très sombre dans ses premières œuvres, Lion-Car osera ensuite la couleur, pour notre plus grand bonheur.

Le fils perdu

Le fils perdu

Il est toujours réjouissant pour un collectionneur de découvrir un modèle qui n’est pas encore connu. Quand il provient de plus d’une firme majeure comme Tekno, on peut parler d’un petit événement. Deux livres suivis de rééditions complétées ont été faits sur la firme Tekno mais les découvertes récentes donneraient assez de matière pour en écrire un troisième.

Prototype Volkswagen
Prototype Volkswagen T2 de chez Tekno

Empressés de faire découvrir la marque Tekno au reste du monde, deux auteurs danois ont publié un premier livre au milieu des années quatre-vingt. Bien évidemment, les collectionneurs français qui ne parlent pas le danois doivent se contenter des listes et des photos en noir et blanc. Le second livre sur Tekno révèle un travail superficiel et déçoit. Les auteurs ont choisi la solution de facilité et se sont contentés de quelques visites chez des collectionneurs danois. Ils ont profité d’un voyage en France pour faire des photos chez mon père durant une journée. Ainsi, l’ossature de ce livre est constituée de trois ou quatre collections. Pour une firme comme Tekno, cela est bien insuffisant. A titre d’exemple, il a fallu attendre le dernier opuscule pour que soit mentionnée la Chevrolet Corvette, alors que plusieurs exemplaires de cette dernière était connus y compris de personnes proches des auteurs. Nous sommes à l’opposé du travail mené par des passionnés comme Paolo Rampini qui sans cesse prend des notes afin de compléter ses listings.

Carlo Nilsson qui avait des relations au sein de l’usine Tekno avait certainement constitué à l’époque de la fermeture de cette usine la plus belle collection de modèles Tekno. Je n’ai pas eu la chance de le rencontrer car il habitait dans le Jutland et ne participait pas aux manifestations qui se concentraient dans la région de Copenhague.

A son décès, sa famille a dispersé la collection en salle des ventes. La veille de cet évènement, elle apporta une dernière valise. Je ne sais si elle ignorait ou non l’intérêt de cette dernière, mais la surprise pour tous les amateurs fut de taille.

La valise contenait plus d’une vingtaine de prototypes, ébauches en laiton et autres matériels du bureau d’étude. Ces objets fraichement découverts ne faisaient pas partie de la vente mais ils furent exposés en vitrine.

Prototype Volkswagen
Prototype Volkswagen

A mes yeux, la vedette de cette vitrine était incontestablement le Volkswagen type 2 de 1968. Personne n’avait entendu parler de ce projet. Il était accompagné d’une version pick-up, dans la logique opératoire de Tekno. Depuis la première représentation du célèbre Kombi, Tekno a toujours proposé plusieurs déclinaisons de carrosseries. Pour la nouvelle mouture, Tekno avait donc suivi sa logique. L’existence d’un prototype en laiton, dernière étape avant la fabrication du moule acier démontre que Tekno était très avance dans son projet.

L’existence des pièces en bronze ayant servi à la réalisation du second Ford Taunus me conduit à m’interroger : Tekno avait-il songé à réaliser un Ford Transit destiné à lui succéder ? Peut-être en découvrirons-nous un jour l’ébauche ?

En voiture Simone

J’ai eu récemment l’occasion de voir au cinéma le film de Martin Provost « Violette ». Le réalisateur y dresse le portrait de Violette Leduc, femme de littérature, au travers notamment de sa relation avec Simone de Beauvoir. L’action se déroule donc après guerre.

En voiture Simone
Tekno Taunus et sa rare boîte

Notre héroïne tire le diable par la queue. Elle bénéficie de la générosité d’un amoureux de la littérature qui aide quelques écrivains dont Jean Genet. Ce mécène possède une collection de manuscrits originaux. Sandrine Kiberlain qui interprète le rôle de Simone de Beauvoir a cette réplique qui m’a fait sourire : « Je me méfie des collectionneurs. Le culte des objets a quelque chose de morbide ».

Récemment, l’ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, a pris la plume pour présenter sa bibliothèque qu’il mettait en vente. En préambule, il s’empresse d’expliquer que cet ensemble n’est aucunement une collection mais l’expression d’une recherche personnelle. Ces deux évènements m’ont conduit à m’interroger.

Mon premier réflexe a été de consulter le petit Robert. Collectionner : action de réunir ; la collection est une réunion d’objets ayant un intérêt esthétique, scientifique, historique, géographique. Je n’ai pas de doute, je suis bien un collectionneur et je n’ai pas l’intention de m’en défendre. Et à ce titre je peux fièrement annoncer que j’ai rassemblé au fil des années une collection de petites autos, en fonction de leur intérêt historique, géographique esthétique mais aussi en fonction de mes souvenirs, de ma culture et de mes rêves. Tout ceci fait que ma collection comme la vôtre est unique, et ne ressemble à aucune autre.

Je me suis alors demandé ce qui m’avait poussé à amasser toutes ces miniatures, et dans l’hypothèse où je ne devrais garder qu’une branche de cette collection, quelle serait cette branche ?

La réponse à cette question me ramène à la définition que je viens de donner du collectionneur de miniatures. Je peux dire sans hésiter que je garderai les miniatures publicitaires et tout principalement les camionnettes. En affinant encore, mon choix se portera sur les véhicules promotionnels. Le jouet est alors sorti de son contexte de jouet. C’est le vecteur publicitaire qui m’intéresse.

En voiture Simone
Made in France ! sans commentaires !

Le choix est encore assez vaste mais ma préférence ira aux Volkswagen et Ford de chez Tekno, également aux Citroën 2cv tôlées de chez JRD et bien sûr aux Renault 1000 Kg de chez C-I-J. Ils synthétisent des années de recherche, des milliers de kilomètres avalés, des espoirs, des déceptions, des joies. Ils résument à eux seuls ma vie de collectionneur.

Quand je les vois en vitrine, j’oublie presque toutes les difficultés que j’ai eues à les réunir. Il ne reste que les bons souvenirs. J’ai toujours une petite lueur dans le regard quand je contemple les quelques modèles que je vous présente aujourd’hui.

Des Siku à la sauce persane

Il ne fait aucun doute que Siku a vu dans cet accord commercial un moyen habile de rentabiliser ses moules. Mais le choix du pays partenaire est loin d’être le fruit du hasard. Les pays du proche orient du Moyen-Orient et du Maghreb ont toujours tissé des liens avec les différentes puissances occidentales.

Minicar
Minicar

Ainsi, l’Allemagne a profité des erreurs des Russes et des Anglais qui tenaient ce pays au début du siècle dernier. Les deux puissances se mirent à dos les populations iraniennes. Les Allemands ont pu dès les années 1920 envisager une coopération économique. Usines, chemin de fer, ports, les allemands ont participé activement au développement du pays. Ce n’est donc pas une surprise qu’une firme allemande de jouets ait eu des liens économiques dans les années soixante-dix avec ce grand pays qu’est l’Iran.

Revenons-en à nos modèles. Après toutes ces négociations, je touchais enfin au but. Bien qu’ayant vu les photos quelques mois auparavant, l’ouverture du carton contenant les précieux coffrets a été un vrai plaisir et m’a réservé quelques heureuses surprises.

En tant qu’amateur de jouets j’ai été frappé par la similitude de présentation avec les coffrets Matchbox de la période du milieu des années 60. Pour Minicar, fabricant iranien, le but était de s’inspirer de ce qui se faisait en Occident.

Les coffrets de l’ambassadeur
coffret dans le style Matchbox

Les intitulés des coffrets en langue anglaise (holidays series, Volkswagen series) confirment bien la volonté du fabricant d’établir une certaine confusion avec Matchbox. L’échelle de reproduction des miniatures conforte cette analyse. L’intention du fabricant était bien de donner à ces jouets une touche occidentale. Un autre détail m’a beaucoup intrigué : la présence, en bas des coffrets de la mention « A Mecano Product », avec un seul c à Meccano tout de même. Deux références à deux grands groupes anglo-saxons : les Iraniens n’étaient pas rancuniers !

Le style naïf des dessins qui mettent en scène les véhicules au milieu de paysages iraniens est plein de charme.

Le dessinateur s’est inspiré du style de ceux décorant les coffrets Matchbox, mais il les a revisités à la sauce iranienne y faisant figurer notamment les hautes montagnes qui sont partie prenante du paysage iranien. Nous sommes bien loin des paysages européens ou américanisés des illustrations des coffrets Matchbox.

Minicar
« Faites plaisir à vos enfants, achetez des Minicars ! »

L’autre face des coffrets, est tout aussi intéressante. Sur cette face, la nationalité du fabricant est clairement visible. Outre le drapeau iranien, le texte en farsi ne laisse aucun doute sur la nationalité du fabricant. Une illustration attire le regard. Dans le style vestimentaire de la fin des années soixante, une jeune femme, en pantalon et pull à manches courtes, fait mine de tendre à un bambin un coffret. Ce dernier doit se mettre sur la pointe des pieds pour essayer de l’attraper. On verrait plus ce genre de dessin pour une friandise. Le slogan, en farsi indique que les jouets Minicar rendent les enfants heureux. Plus loin le texte explique que les enfants qui jouent sont plus intelligents et en meilleure santé ! Voilà bien un argument qui a dû décupler les ventes des coffrets Minicar !

Un autre texte a attiré mon attention : « Achetez et offrez aux enfants que vous aimez ce coffret. Vous serez sûr de conquérir leur cœur et d’assurer leur divertissement » ou cet autre « demandez à votre revendeur les autres produits Minicar qui sont conçus pour divertir et promouvoir la pensée des enfants ». Je vous laisse méditer sur ces deux textes inhabituels sur des emballages de jouets occidentaux.

L’acquisition de ces coffrets a été une longue épopée. Vint alors la dernière étape, celle d’une demande de traduction des textes auprès de l’ambassade de la République islamique d’Iran.

Il a fallu être patient. Mais la réponse de l’ambassade marque la fin de l’aventure. Avec beaucoup d’émotion, j’ai découvert la traduction de tous ces textes. Je tiens à remercier chaleureusement la personne à l’ambassade qui a pris le temps de traduire ces quelques lignes.