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Échange au long cours

Échange au long cours

Il y a longtemps (blog numéro 213 Tekno / Scania Vabis), je vous avais présenté mes amis Gunnar et Lennart. Outre leur nationalité, ils ont comme point commun avec M. Odvik que je vous ai présenté dans le blog de la semaine dernière la passion pour les miniatures de qualité. Ils savent apprécier les belles pièces et faire partager leurs découvertes.

Tekno Auto-Transport
Tekno Auto-Transport

Lennart collectionne principalement Dinky Toys et Tekno. A l’intérieur de ces firmes, certains modèles ont sa préférence : les américaines, les allemandes, et bien sûr les autos françaises, particulièrement celles des marques Peugeot et Citroën.

Il possède une qualité peu fréquente chez les collectionneurs : il peut sacrifier un modèle qui lui tient à cœur pour un autre qui le fait encore davantage rêver. Pour cela il faut avoir une certaine ouverture d’esprit. Il faut savoir s’attacher uniquement au plaisir de l’objet acquis qui doit remplacer avantageusement celui qui part, oublier les considérations financières. Il ne faut voir que l’opportunité de faire rentrer dans ses vitrines une pièce rare. J’aime beaucoup cette façon de procéder. Elle permet, de manière intelligente, de constituer une collection de bonne tenue, sans avoir forcément des moyens financiers importants.

Il y a quelque temps, Lennart m’a envoyé les clichés d’un coffret Tekno réalisé pour Scania Vabis en Suède. Tout le monde connaît la version porte-autos ayant pour tracteur le Volvo N88 Titan. Mais lorsque cette même remorque a pour tracteur un Scania, c’est un modèle rare. De plus, jusqu’à ce jour, personne n’avait connaissance d’un coffret cadeau produit par Tekno mettant en scène un camions et des autos. Certainement pour des raisons pratiques, Tekno a conservé pour la version du Scania la combinaison de couleurs du Volvo, vert et jaune.

Lors de la parution du premier ouvrage sur la firme Tekno au milieu des années quatre-vingt, ce Scania apparaît sur la couverture du livre, sans que l’on sache s’il s’agit ou non d’un prototype. Il faut dire que j’ai attendu 25 ans avant de pouvoir en acquérir un malgré mes nombreux voyages en Scandinavie. La découverte de ce coffret m’a enfin donné la clef de l’énigme. Lennart avait des informations sur cette version. Il s’agit en fait d’un modèle réalisé pour la firme Scania Vabis en Suède. Mais me direz-vous, pourquoi avoir inclus quatre Volkswagen dans le coffret ? Certes, il est évident que Scania n’allait pas équiper son porte-autos de quatre Volvo. Pourquoi ce choix ? Revenons juste après la guerre. A la reprise des activités économiques Scania a voulu diversifier sa production. A cette fin, en 1948, après trois ans de discussions, la firme suédoise a signé un contrat d’importation avec Volkswagen. Les premières autos arrivèrent par la route puis prirent le ferry jusqu’à Helsingborg. Là, des chauffeurs de chez Scania les amenaient, par la route jusqu’au siège, à Södertälje. Le trajet prenait 48 heures, de quoi roder les autos ! Dans les années cinquante (1953-1956) Volkswagen était numéro un en Suède pour la vente des autos et devançait Volvo. Puis Scania a commencé à progresser sur le marché du poids lourd, tant au niveau national qu’à l’exportation. Au même moment, les ventes de Volkswagen ont nettement fléchi. L’arrivée de la 1500 n’a pas eu d’effet sur la baisse des ventes. Petit à petit, Scania, très occupé par la production de ses camions, a délaissé les autos particulières. En 1969, Scania a cédé l’importation à une entité nouvelle, « Svenska Volkswagen », séparation qui débouchera sur la fusion « Saab Scania Les Volkswagen présentes dans le coffret ne sont donc pas dues au hasard : elles témoignent de l’union entre les deux firmes.
C’est donc une pièce assez exceptionnelle que Lennart a choisi de m’échanger contre le coffret Dinky Toys France qui a trouvé place chez lui

(voir le blog consacré aux versions Scania Vabis citernes)

Le tub cubiste

Trouver un lien entre la collection de miniatures et un mouvement artistique n’a pas été chose aisée mais j’ai quand même décidé de vous emmener au musée. Le mouvement cubiste est parti du tableau de Pablo Picasso (oui, le même que l’on a pour des raisons commerciales accolé aux monospaces d’un célèbre constructeur automobile français…) « Les demoiselles d’Avignon » et sera conjointement mené avec Georges Braque. Nous sommes en 1907. C’est le critique Louis Vauxcelles qui donnera au mouvement le nom « cubisme » à la raison que « Monsieur Braque méprise la forme, réduit tout à des cubes »…ce qui colle bien à notre miniature !

Citroën SPC
Citroën SPC

Ce mouvement qui verra l’émergence de Fernand Léger et de Juan Gris, pour ne citer qu’eux, mérite que vous désertiez un moment vos collections pour aller dans les musées ressentir des émotions différentes. La miniature présentée, un Citroën 1200 Kgs, est un modèle Dinky Toys. Il est peu connu. Son histoire mérite que l’on s’y arrête. Dans son ouvrage sur les Dinky Toys, Jean-Michel Roulet laisse entendre que la version Baroclem a été en partie sous-traitée, notamment au niveau de la finition et des détails de peinture ajoutés par rapport à la version de base. Je ne peux que confirmer cette supposition.

C’est la société Désormeaux, basée à l’époque des faits à Montreuil, qui effectua cette opération. Pour la petite histoire, avant de partir pour Montreuil, la société avait ses locaux dans le 19ème arrondissement, au 24 rue de Meaux, à quelques mètres de ma boutique. Il y a quelques années, j’ai eu la chance de rencontrer une personne qui, à l’époque où elle était étudiante, avait dans le cadre d’un travail d’appoint apposé les décalques du Baroclem. L’activité de la société Desormeaux tournait autour de la réalisation de maquettes d’agence et d’objets publicitaires. Son créateur devait être un passionné de miniatures automobiles.

C’est en effet à cette petite firme que l’on doit les premiers modèles de miniature automobile de fabrication artisanale : de ses ateliers sont sortis une superbe Citroën 5cv et une Zèbre. Elles étaient disponibles sous plusieurs formes : sur plaquette en bois ou coulées dans un bloc de résine, faisant office de presse papier comme la miniature que je vous présente aujourd’hui.

La boucle est bouclée ! Desormeaux, en tant que maquettiste de talent a pu travailler en sous-traitance pour Meccano. Il avait certainement tissé des liens étroits avec Bobigny. C’est peut être aussi à lui que l’on doit la série de Berliet porte containers Bailly, celle réalisée à la main et repeinte sur des véhicules de série. A mes yeux, la version « SPC » présentée est aussi intéressante que celle du Baroclem. Desormeaux obtiendra de Meccano la livraison d’une version unicolore de son 1200 Kgs. Cela confirme les bonnes relations de ces entités.

Je vous livre telle que je l’ai vécue une anecdote au sujet de ces versions unicolores. Au début des années 80, Monsieur Scherpereel proposa plusieurs exemplaires, neufs en boîte, qui avaient la particularité de n’avoir pas reçu la couche de peinture bleue côté droit. Ils présentaient côté gauche une finition bicolore, identique à la version « Glaces Gervais » de série. Les décalques avaient été appliqués des deux côtés. Je ne peux m’empêcher de faire un lien avec les modèles destinés à Desormeaux. Il est tentant d’imaginer que l’ouvrier sur la chaîne ait fait quelques ratés, habitué qu’il était à retourner l’objet lorsqu’il produisait les « Glaces Gervais » de série. Nous possédons en Dinky Toys Liverpool un modèle présentant la même caractéristique. Il s’agit d’un Morris van « Capstan » qui n’a pas reçu sa finition bicolore et présente côté droit une peinture bleu unie. Nous en avons plus tard revu un second exemplaire avec la même caractéristique. Ainsi, il est probable que nous découvrirons d’autres réalisations de ce genre.

Le Lorrain

J’ai eu l’occasion il y a peu de temps de m’interroger sur la chronique d’une journaliste qui enquêtait sur le monde de l’art et plus précisément sur la hausse des prix constatée lors de récentes transactions. Elle expliquait le phénomène par le fait qu’à la suite du dernier krach boursier certains investisseurs s’étaient retirés de la bourse et avaient placé une partie de leurs capitaux dans le marché de l’art. Jusqu’alors, j’écoutais cela d’une oreille distraite.

Delahaye camionnette Spido
Delahaye camionnette Spido

C’est la suite qui m’a fait réagir. La journaliste continuait en expliquant que les acheteurs préféraient les toiles d’Andy Warhol à celles du Lorrain ! Elle justifiait ces choix en expliquant que cette clientèle avait une culture moderne et que les œuvres anciennes demandaient une culture classique que ces nouveaux acheteurs n’avaient pas. Enfin, et cela devenait consternant, elle expliquait de manière sérieuse que ces acheteurs aimaient dans le pop art le fait que leurs invités puissent facilement identifier les œuvres d’art accrochées, et accessoirement évaluer le prix qu’ils y avaient mis.

Pour ma part, je ne pensais même pas qu’il circulait encore sur le marché de l’art des tableaux du Lorrain ! J’ai découvert ce peintre grâce à Alain Jaubert et sa série « Palettes ». Cette découverte m’a donné envie d’aller voir les toiles de l’artiste au Louvre puis, plus tard à la National Gallery à Londres et enfin au Prado à Madrid. En fins connaisseurs, nos amis anglais ont su acquérir des œuvres de l’artiste de son vivant, et continuent de l’appeler affectueusement « Claude ». Claude Gelée dit « le Lorrain » (1600-1682) a inspiré des générations d’artistes et demeure à mes yeux une référence dans l’histoire de l’art.

Andy Warhol peintre de l’underground new-yorkais des années 70, n’a jamais caché son intérêt pour l’argent. On trouve ainsi l’explication des séries sans fin, des « déclinaisons à la Warhol ». Il est bien à l’image d’une société qui glorifie l’argent. Son succès tient peut être aussi au fait qu’il y a suffisamment d’œuvres sur le marché pour contenter la demande importante.

Le rapprochement avec le monde de la miniature est facile. Pour nombre de collectionneurs de Dinky Toys, la Citroën 2cv camionnette « BB Lorrain » est le graal. L’acquisition de cette pièce est difficile, longue et il faut bien le dire, coûteuse. Pourtant, cette 2cv est assez laide. De plus elle n’est qu’un « code 2 ». En effet, si la peinture a bien été réalisée à Bobigny en toute petite série pour le magasin de jouets Lyonnais « BB Lorrain » qui était l’animateur principal du club Dinky Toys dans la région, le décalque est en réalité un vulgaire ruban adhésif qui servait dans ce magasin de jouets à fermer les paquets. Je connais une personne qui en possède un rouleau ! Cela explique le fait qu’un petit surplus de camionnettes sans décoration circule. Bobigny a dû, comme toujours en pareil cas et par logique industrielle en produire un peu plus que la commande passée.
Pour ma part, je préfère jeter mon dévolu sur des camionnettes bien plus anciennes, qui ont marqué de manière significative l’histoire de la miniature. Je veux parler de la firme CD (Charles Damage), qui a créé dans les années vingt une splendide série de miniatures. Je reviendrai sur ce fabricant qui mérite tout notre intérêt. Pour illustrer mes propos, j’ai choisi une camionnette destinée à faire le pendant avec le BB Lorrain. Ce modèle a une histoire bien particulière. Mon père avait exposé dans son magasin de chaussures quelques jouets. Peu de temps après, il reçut la visite d’un client qui poussa la porte de la boutique avec, à la main, une boîte à chaussures. Divine surprise, il ne s’agissait pas d’un retour défectueux : la boîte contenait 5 modèles en plomb des années 20-30 dont cette magnifique Delahaye  camionnette aux couleurs Spido. Dans les années 80 cette miniature n’était pas répertoriée. Depuis lors, au moins un autre exemplaire a refait surface.

Cette miniature est une des pièces phares de notre collection. De part son intérêt historique, sa beauté, sa rareté, elle me tient bien plus à cœur que la camionnette 2cv du BB Lorrain. Je suis bien conscient qu’il n’est pas évident d’apprécier cette camionnette CD alors qu’il y a peu d’informations sur le sujet. C’est pourquoi, je vais essayer au cours de cette année de vous faire apprécier cette marque qui a crée de vrais chefs d’œuvre, et qui comme Claude Gelée dit « le Lorrain », a montré la voie à bien des fabricants de miniatures.

No Rêves !

Récemment, une journaliste préparant un sujet sur les Dinky Toys est venue me trouver afin de finaliser son reportage. Au cours de l’entretien, nous en sommes arrivés au fait que les Dinky Toys étaient des jouets onéreux qui étaient offerts aux enfants lors d’occasions très particulières : un anniversaire, Noël, la Saint-Nicolas ou un bon bulletin scolaire.

Norev
Harmonieuses couleurs de Simca Versailles

Au cours de mes trente années passées à la boutique, j’ai pu constater que pour certains clients, issus de milieu peu favorisés ou d’une famille nombreuse, l’accès aux Dinky Toys n’était pas possible. Pour ces derniers, il fallait se contenter des Norev. Certains en gardent une petite frustration et se rattrapent en tant que collectionneurs. D’autres, qui n’ont connu les Dinky Toys qu’à travers les vitrines de magasins de jouets, devenus adultes et collectionneurs, retournent naturellement vers les Norev, comme si les Dinky Toys leur étaient définitivement refusées.

Il faut avouer que depuis un certain temps, les productions de Villeurbanne rencontrent un succès populaire et ont vu leur cote s’envoler. Les différents ouvrages consacrés à la marque participent au phénomène. On est admiratif devant le succès du livre de Ms. Botté, Beaujardin et Darotchetche. Possédant quelques Norev, j’avoue que je me suis également pris au jeu.

Il me semble également important de relever que les Norev ont acquis leurs lettres de noblesse en entrant au musée.

Mon épouse et moi-même aimons les œuvres de la plasticienne Niki de Saint Phalle. De passage à Nice, nous en avons profité pour découvrir le Mamac (Musée d’Art moderne et d’Art contemporain de Nice), qui consacre une large place à cette artiste qui appartient au courant dénommé « nouveau réalisme ». Vous pouvez facilement admirer deux de ses œuvres à Paris : la fontaine Stravinsky près du centre Beaubourg ou la « nana » de l’opéra Bastille, au premier étage visible de l’extérieur.

En ce jour d’avril, nous sommes devant les premiers travaux de l’artiste : des montages, des collages, des tirs à la carabine. L’artiste intitulera cette série d’œuvres « peinture assemblage ». Ces travaux consistent à assembler dans un plâtre coulé des objets hétéroclites dont l’un donne au tableau son titre. L’ensemble est ensuite recouvert d’une couche de peinture, monochrome ou non. Enfin, des ballons gonflables emplis de peinture sont placés au dessus de l’œuvre. Celle-ci se trouve finalisée après que l’artiste, armée d’une carabine à plomb a crevé les ballons qui déversent son contenu au hasard, sur l’œuvre. On appellerait ceci aujourd’hui un geste ou une performance artistique.

Me voici donc, surpris et un brin hilare devant une œuvre dénommée « Tir à la raquette » (séance galerie 30 Juin 12 Juillet 1962). L’œuvre est composée d’une compression d’objets d’où émergent un petit marteau et un petit cavalier en plastique. La partie inférieure est occupée par une raquette de tennis d’enfant et une pelote de laine qui se dévide et dont un fil relie la compression. L’ensemble a été recouvert d’une couche de peinture or, avant que deux balles de carabine libèrent de la peinture bleue et rouge au niveau de la compression. Mais ce qui a attiré mon attention c’est la miniature en bas du tableau. L’artiste a introduit dans son œuvre une rare version mécanique de la Citroën 15cv de chez Norev.

Norev
Norev

Une autre construction présente à côté et dénommée « Plastics Circles and Rectangle » de 1961, met en scène une Peugeot 403 toujours de chez Norev. C’est une version simple, équipée d’une grande antenne. Sacrilège pour les uns, œuvre d’art pour les autres je vous laisse méditer sur ces collages. Le visiteur sera au choix surpris, enchanté, chagriné devant ces tableaux. Il ne peut demeurer indifférent à cet univers où l’enfance semble avoir gardé une grande place.

Les œuvres de Niki de Saint Phalle côtoient celles des représentants de l’école de Nice qui nous livrent une belle leçon de poésie, d’autodérision et de légèreté.