C’est cadeau !
« Bonjour je suis possesseur d’un J7 Bourbon avec la publicité « Potain service après vente », on me propose de me le racheter mais je n’ai aucune idée de la valeur, il est comme neuf, pourriez-vous m’ aiguiller svp.merci »
C’est en ces termes qu’un lecteur du blog, M. Patrice Chabanon m’interpella via la rubrique contact du site. (voir le blog consacré aux Peugeot J7 de chez Bourbon)
On me sollicite très souvent pour connaitre la valeur d’un jouet. C’est un sujet sensible. En tant que professionnel je me sers de mon prix d’achat afin de déterminer mon prix de vente. De par mon expérience, j’ai bien sûr en tête une fourchette de prix de vente, que je module en fonction de ce prix d’achat.
Ce 18 septembre 2019, j’ai choisi de répondre ainsi à M. Chabanon :
« Vous êtes collectionneur ? Alors faites plaisir à un autre collectionneur ! Offrez lui ! Plus tard vous vous souviendrez longtemps de ce beau geste et vous ne le regretterez pas ! »
Ce dernier m’écrivit le lendemain pour me dire que c’était une bonne idée. Il précisa que la personne qui lui avait demandé ce Peugeot J7 était un bon ami et qu’elle saurait en prendre soin.
J’ai bien aimé sa réponse. J’ai rapproché cette histoire d’une autre anecdote. C’est Robert Goirand qui me l’a contée. Alors qu’il était jeune étudiant à Lyon, il passait tout son temps libre au magasin « Le Bébé lorrain ». Il y allait quasiment tous les jours et cela lui a permis de nouer des liens solides avec Roger Goulon, le propriétaire.
La section lyonnaise du club Dinky Toys a été créée en 1956. Et lorsqu’elle organisait ses animations annuelles sous l’impulsion de M. Goulon, c’est tout naturellement que M Goirand prêtait main forte. La section lyonnaise fut une des section les plus dynamiques et les plus influentes de France.
Elle est d’ailleurs régulièrement à l’honneur dans le bulletin de liaison « Actualités Meccano ». Des photos et compte-rendus apparaissent régulièrement et en grand nombre en première page du journal.
Lors de l’édition du 9 octobre 1960, M. Chanu, le directeur général de Meccano vint en personne à Lyon. On le voit lire un discours, à la manière d’un homme politique. On appréciera, derrière lui, les membres du bureau, façon bureau exécutif du parti communiste, tous à l’écoute du grand timonier.
Vous aurez surtout remarqué le grand écart de générations entre les officiants et le public dans la salle : des enfants accompagnés de leurs parents et ces adultes, déjà collectionneurs, assis autour du bureau sur l’estrade. j’imagine combien les gamins devaient avoir hâte qu’on en finisse avec les discours et qu’on commence les jeux !
Le compte-rendu paru dans « Actualités Meccano », prend des allures de Paris Match. On est ainsi heureux d’apprendre que la femme du préfet, Mme Roger Ricard et son fils Jean-François assistent à l’évènement. On compte aussi la présence d’une représentante de la mairie de Lyon et de M. Perrin Cavalier, directeur des usines de Pont-à-Mousson. On mesure l’importance de l’événement pour la ville de Lyon. Le 9 Octobre 1960, c’était l’endroit où il fallait être et se faire voir.
Cette année-là, Robert Goirand a prêté sa collection. Un petit panneau au centre de la vitrine l’indique. Quelle fierté pour ce dernier. On peut s’interroger sur le sens de la pancarte en carton : « Dinky Toys variété et valeur » .
Il faut bien repérer les deux modèles à l’extrême gauche : une Citroën 2cv camionnette unicolore (grise) et le Berliet GLR multibenne que Robert Goirand vient juste de récupérer auprès de M. Goulon, ce dernier l’ayant lui même obtenu, lors du salon du jouet qui se tenait à l’époque à Lyon.
C’est Robert Goirand qui lui avait soufflé l’idée de récupérer le modèle car cet habile organisateur et commerçant n’était pas du tout collectionneur de Dinky Toys. Il ne gardait rien. Robert Goirand a su en profiter.
Une autre année, lors d’une autre manifestation, il avait animé un jeu pour les jeunes membres du club. A cette occasion, il avait déployé ses qualités de dessinateur. Il ne rechignait pas à la tâche.
Aussi, lorsque M. Goulon le sollicita à nouveau, il lui fit comprendre qu’il attendait un geste commercial en remerciement. C’est peut être le cliché sur lequel, lors d’une réunion du club, un enfant soulève un paquet cadeau plus gros que lui, qui lui inspira cette demande.
M. Goulon se déchargea de l’affaire et écrivit à la direction de Bobigny, pour mettre en avant les bons et loyaux services de M. Goirand au sein du club, afin que ce soit directement Meccano qui se charge de la gratification.
Et c’est ainsi que M. Rio, alors secrétaire général du club Meccano à Bobigny, envoya à Robert Goirand un exemplaire d’un modèle qui n’était pas encore sorti. On imagine toute sa fierté lors de la réunion du club lorsqu’il put exhiber auprès des membres son … AML Panhard référence 814. Cela peut faire sourire en 2020, tant ce modèle est fréquent.
Histoire de marquer le coup et de faire plaisir à un membre actif, M Rio prit un des premiers exemplaires sur la chaine. Oui, mais voilà, les antennes plastique n’avaient pas encore été réalisées.
M. Goirand reçut donc un des premiers exemplaires, mais sans le sachet avec les antennes ! L’étui avec la cale est bien là, mais pas les accessoires. Qu’importe, ce dernier n’a jamais cherché à les récupérer.
Il faut dire que ce modèle est unique. La boîte d’envoi avec le tampon de la poste » Bobigny 1962″, l’adresse de Meccano France sur l’étiquette d’envoi et surtout la petite carte « Avec les compliments de Monsieur Rio » donnent à ce modèle une dimension extraordinaire. Son histoire l’est également. J’ai beaucoup apprécié de pouvoir récupérer cette pièce historique.
M. Goirand aurait sûrement préféré avoir la Simca 1000, sortie quelque temps plus tard. Mais il faut savoir que lors de son lancement l’AML se vendait plus cher que la Simca 1000. Meccano lui avait donc fait un beau cadeau.
La Simca 1000, il la trouvera bien plus tard, à la fin des années soixante-dix, rue du Maroc dans le 19ème arrondissement. Il mettra la main, avec Jean-Michel Roulet sur deux exemplaires finis de couleur argent, la sienne avec un intérieur de couleur verte, celle de Jean-Michel Roulet avec un intérieur de couleur noire.
Bien que de couleur argent, la miniature est quand même finie au pochoir, d’une nuance différente de celle de la carrosserie.