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Mise à mort

Mise à mort

« L’attelage entra par le pont tournant des Tuileries. Dehors, le peuple avait choisi le silence pour marquer son mépris et sa colère. Un vaste silence. La lourde berline allemande roulait, funèbre ». Ces phrases sont extraites de l’émission de Karine Le Bail diffusée sur France Musique le dimanche 2 juillet 2017 et consacrée  au silence.

Elle décrivait ainsi le retour de Louis XVI à Paris après sa fuite avortée à Varennes, parlait d’excommunication du silence,  de mise à mort cérémonielle de la monarchie.

Le retour du roi aurait pu s’accompagner de vociférations et  de cris de colère. C’est tout le contraire qui se produisit.

 

Je n’ai pu m’empêcher de faire un parallèle avec une autre mise à mort, celle des miniatures  automobiles qui étaient apparues dans les années vingt et qui reproduisaient des véhicules réalistes.

Le silence résultant du roulement des roues en plastique montées sur des axes aiguilles a révolutionné le paysage des miniatures automobiles. Revenons en arrière. En 1967, Mattel, un des leaders mondiaux de la fabrication de jouets lance une branche dénommée « Hot Wheels ». Les autos sont reproduites à une échelle inférieure au 1/43, elles sont environ au 1/70. Mais ce n’est pas là que réside l’innovation. La première résulte du choix des véhicules. Nous sommes en pleine révolution culturelle et idéologique. Les premières miniatures reproduisent des autos sportives américaines, que l’on appelle familièrement « muscle car » : Corvette et Mustang figurent au catalogue. Au milieu des années soixante, la Californie voit l’apparition des beatniks et de leurs drôles de véhicules qui cherchent à se démarquer de l’idéologie bien pensante. Hot Wheels s’affirme alors comme une entreprise californienne décomplexée et lance une série de miniatures reproduisant des véhicules provocants.

Le paysage routier est bouleversé :  jeunes et moins jeunes transforment leurs motos en chopper, les autos d’avant-guerre en « hot rod » ou les décorent avec des fleurs et les messages pacifiques des Kombi Volkswagen. Hot Wheels va surfer sur cette transformation du parc automobile californien.

La seconde innovation c’est l’utilisation de ces fameux axes aiguilles et l’emploi de roues monobloc en plastique qui assurent aux miniatures un roulement sans friction et des vitesses de déplacement jamais vues. Le succès est immédiat. Très bien implantées aux Etats-Unis, Matchbox et Corgi Toys observent la chute de leurs ventes et comprennent  très rapidement le changement qui s’opère.  Elles réagissent plus vite que les autres firmes européennes, moins ancrées au pays de l’oncle Sam. Elles adapteront dans un premier temps leurs modèles aux axes aiguilles. Le mouvement est irréversible. Il va s’accélérer. Une petite analyse montre que les fabricants de jouets, outre l’obligation de s’adapter à la demande, ont tout intérêt à aller dans ce type de fabrication. Les miniatures sont plus économiques à fabriquer. Finie la course aux gadgets. Finis les modèles avec toutes les parties ouvrantes, finies les innovations coûteuses comme la direction au volant et l’éclairage intérieur. Les fabricants  ont  également tout intérêt à opter pour une standardisation des roues.

On peut même dire que c’est de manière inespérée  qu’ils voient le marché se transformer.  Les gamins des années soixante-dix  réclament des couleurs métallisées criardes, des roues en plastique monobloc, des chromes exubérants, des moteurs simplistes et apparents. Bref,  même  dans le domaine de la miniature automobile nous assistons  à une vraie révolution culturelle ! Pour ma part je n’ai jamais réussi à m’adapter ! Cela reste même du domaine de l’incompréhension. Comment trouver du charme à ces objets ? Encore aujourd’hui, je regarde cela avec étonnement.

Comment le mauvais goût a-t-il pu s’imposer à ce point alors que les fabricants nous régalaient de miniatures de plus en plus attrayantes. Fallait-il faire table rase du passé ?  Casser ce que l’on avait adoré ?

Certaines firmes vont résister et refuser la facilité. Encore une fois, Solido peut sortir grandi de cet épisode. Ici, la méfiance qu’avait M. De Vazeilles pour le marché américain a peut-être joué. Bref, en 1969, Solido continue son bonhomme de chemin, imperturbable. La Porsche 908 L produite cette année-là est donc équipée de jantes en zamac, fidèles à celle de l’auto, et de pneus rapportés. On note la présence de coussinets  en nylon  au niveau des moyeux des roues pour parfaire le roulement …Les portes ouvrantes (ingénieux système d’ouverture) et l’aileron stabilisateur sont les deux « plus » que Solido  offre à ses petits clients.

Fin 1968,  Solido avait déjà pensé à reproduire cette auto. La décoration prévue sur l’affichette ne fait aucun doute. Elle est aussi listée  ainsi sur le catalogue .  C’est la version vue  à Montlhéry et vainqueur de ces mêmes 1000 km de Paris 1968, numéro 12, avec Stommelen et Hermann.

Puis fut prévue la version des 24 heures du Mans 1968. Le catalogue Solido l’atteste.  Cette version sortira en fin de production sous la marque  Top 43 dans les années 1980.

Mais finalement l’arrivée spectaculaire des 24 Heures du Mans 1969 a dû précipiter le choix de cette version . L’auto y sera battue sur le fil par la Ford GT40 de Jacky Ickx. Aujourd’hui encore la course continue de marquer les esprits.(voir la video de l’arrivée des 24 heures du mans 1969) .

C’est aussi dans cette course qu’est apparue la nouvelle Porsche, la 917 qui a laissé son empreinte dans l’histoire (voir le blog consacré à la Porsche 917 Dinky Toys).

Jean de Vazeilles a dû regretter d’avoir trop attendu : la 908 est sortie un peu tard, alors que l’avenir appartenait désormais à la 917 ! Solido proposera la  version courte qui remporta l’édition  1970.  La firme d’Ivry -la-Bataille  aura été plus réactive et proposera une reproduction de toute beauté. Du très grand Solido. Deux superbes Porsche en peu de temps.

La décoration de la 908L (« L » pour Lang Heck – longue queue) est exacte. Elle doit être finalisée à l’aide d’une planche complémentaire.

La miniature finira sa carrière, assez brève, au Brésil. Elle ne semble pas avoir été produite chez Dalia en Espagne dans une décoration différente de celle vue en France.

Solido a résisté à la déferlante roues rapides tandis que Matchbox, Corgi Toys puis Politoys, Mebetoys et même Märklin   succombaient à cette mode basée sur la simplification. Et Dinky Toys ? Les Anglais sont déjà très mal en point, ils vont suivre bien sûr.

Et Dinky Toys France ? Ne manquez pas le blog de la semaine prochaine pour savoir ce qui s’est passé à Bobigny. Une surprise, de taille vous attend. Vous pouvez en attendant  revoir le blog sur la Ferrari 312 P  de chez Dinky Toys France ,miniature contemporaine à la Porsche 908 du jour.

(voir article  suivant  et la surprise de Bobigny)

le bruit des castagnettes

Le bruit des castagnettes

Si des Calaisiens vous parlent du pont castagnettes,  ne le cherchez pas sur un plan de la ville de Calais, vous ne le trouverez pas.

Faisons un peu d’histoire.

Le 27 septembre 1944, les allemands font sauter plusieurs ponts de Calais. Lorsque la ville est libérée, le génie militaire installe un pont portatif de type « Bailey » afin de remplacer le pont Gambetta. En 1966 ce pont portatif est finalement installé de manière provisoire pour enjamber le canal d’Asfeld. Il y restera en place jusqu’en 1982.

La structure était fatiguée, les planches disjointes claquaient tellement au passage des véhicules que les habitants l’ont très rapidement nommé « Pont castagnettes ».

Le pont des castagnettes à Calais
Le pont des castagnettes à Calais

Ce pont  permettait de rentrer de la plage les jours d’affluence en évitant les embouteillages. Pour les Calaisiens, le bruit des castagnettes était donc associé à la plage. Cela vous fera peut être sourire. Calais n’a pas l’image d’une station balnéaire. Pourtant avec sa grande étendue de sable fin et ses chalets en bois peint, la plage de Calais déploie un charme bien particulier. Les journées y sont rythmées par les sorties des ferries qui partent pour Douvres. Il est toujours impressionnant de voir ces navires sortir du port et longer la plage à quelques centaines de mètres du rivage. Le temps n’est pas toujours clément, mais il est  bien agréable de manger un cornet de frites, au chaud dans sa voiture en regardant ce ballet. Les jours de beau temps, on peut toujours opter pour une glace « Diego » comme l’ont fait des générations de vacanciers.

Désormais cependant, l’arrivée à la plage se fait en silence.

C’est également cette impression de silence que j’ai ressenti  lorsque ma grand-mère m’a offert un jour de 1970 une Ferrari 312P de chez Dinky Toys. Je me souviens  très bien avoir été surpris par la vitesse et le silence de l’auto lorsque je l’ai lancée. Ce premier lancement finit d’ailleurs tragiquement contre la plinthe  de la chambre, endommageant l’avant de l’auto avant même  que les décalcomanies soient apposées.

Bien plus tard, en lisant les livres de Jean-Michel Roulet consacrés aux Dinky Toys, j’ai appris que l’auto était montée sur des axes aiguilles. Finis les gros axes en acier bouterollés, les jantes en zamac ou   en acier, qui, par leur friction, freinaient le roulement de la miniature.

Je ne savais pas encore que ce type d’axes allait révolutionner le monde de la miniature automobile et marquer la fin des belles miniatures. Je reviendrai, dans le prochain blog sur ce bouleversement avec une surprise de taille pour tous les amateurs de Dinky Toys France.

En attendant, cette Ferrari 312P barquette est de toute beauté, fidèle à l’original à quelques détails prés. Elle reproduit la version engagée par la Scuderia Ferrari en 1969 à Brands Hatch pour l’équipage Pedro Rodriguez et Chris Amon qui termina à la quatrième place.

 

Il est fort intéressant de constater que le prototype en bois que j’ai récupéré reproduit la version qui effectua, une semaine après les 12 heures de Sebring,  les 29 et 30 mars 1969,  les essais préliminaires des 24 heures du Mans 1969 avec le numéro 18.

(voir la vidéo des essais préliminaires où figure cette barquette Ferrari 312P)

En  effet, la version qui avait couru dans le Kent était équipée de deux stabilisateurs supplémentaires au-dessus des passages de roue avant. Ce dispositif assez disgracieux n’a pas été retenu par Dinky Toys. Les prototypistes de chez Dinky Toys  avaient peut être déjà travaillé sur le modèle vu à Sebring,  en début de saison, dépourvu de cet appendice. Ou   alors, il s’est avéré difficile de reproduire de manière réaliste les stabilisateurs, qui dans la réalité n’étaient que deux plaques en acier rivetées à la carrosserie. Les deux explications sont acceptables mais ce ne sont que des hypothèses.

Une rencontre avec un ancien employé du bureau d’étude de chez Meccano m’a éclairé sur la façon de travailler. Il m’a raconté  qu’au cours des années concernées par  la réalisation de cette Ferrari il avait effectué un voyage en Grande-Bretagne avec la personne en charge du marketing. Il se souvenait avoir visité deux écuries de formule 1 : Lotus et Surtees.

On comprend que le bureau d’étude travaillait de manière rigoureuse avec le souci de proposer des autos conformes aux vraies, y compris dans leur décoration.

Notre Ferrari est reproduite fidèlement, le bureau d’étude a fort bien travaillé. Dinky Toys a choisi de proposer les portes ouvrantes, s’épargnant la réalisation du moteur. Ils n’ont pas oublié le rétroviseur et l’arceau de sécurité. Enfin, on peut remercier Dinky Toys France de n’avoir pas cédé aux jantes monobloc en nylon.  Les axes aiguilles qui sont apparus sur les miniatures à cette époque ont poussé les fabricants de jouets à standardiser leurs roues. Dinky Toys nous a gratifié de belles jantes fidèles en plastique chromé, chaussées de pneus en caoutchouc rainuré du plus bel effet. Lorsque le moule arrivera en Grande-Bretagne,  la miniature sera affublée de roues monobloc très laides en plastique.

Signalons enfin une version équipée d’un pilote que j’ai récupérée chez un autre dessinateur du bureau d’étude, M. Malherbe. C’était une bonne idée.

(voir l’article sur un autre prototype vu aux essais des 24 heures du Mans 1969, la Porsche 917L)

Dinky Toys Porsche 917

Le coiffeur et la Porsche 917

L’histoire se passe en région parisienne, il y a près de trente ans. Je participais en tant qu’exposant à un salon à Cergy-Pontoise afin de faire connaître la boutique que je venais d’ouvrir. De manière exceptionnelle, j’étais venu accompagné de ma famille. C’est à ma mère qu’il revint de distribuer les cartes du magasin.

cela aurait été une réussite que cette Porsche 917 Dinky Toys
cela aurait été une réussite que cette Porsche 917 Dinky Toys

Elle engagea rapidement la conversation avec un visiteur. Ils en vinrent tout naturellement à discuter du quartier dans lequel la boutique était implantée et plus précisément de la station de métro indiquée sur nos cartes. Ma mère, commerçante de talent, dirigeait encore d’une main de maître les ventes du magasin de chaussures familial. Elle faisait partie d’une génération de vendeuses capables de vendre tout ce dont vous n’aviez pas besoin ! De fil en aiguille, notre homme lui indiqua être familier de cette station de métro où il descendait chaque jour. Il avait d’ailleurs ses habitudes chez le coiffeur situé en face de la bouche de métro. Comme je me joignais à la conversation, il nous apprit qu’il se rendait chaque jour au « Belvédère », immeuble de l’avenue Jean-Jaurès qui, dans les années 80, accueillait les bureaux d’études de Meccano dont il était salarié ! Un quart d’heure plus tard, sur le parking de l’exposition, notre interlocuteur nous vendait un lot important de Renault Dauphine dites Bobigny. Il nous laissa son adresse.

Quelques jours s’écoulèrent avant que je ne lui rende visite. C’est un des plus beaux souvenirs de ma vie de collectionneur : dans une petite vitrine murale trônait un ensemble de modèles inédits en provenance du bureau d’étude. Des projets abandonnés, des pré-séries et des essais de couleur. Un vrai choc.

Dinky Toys France devait la sortir...
Dinky Toys France devait la sortir…

Si j’avais pu acquérir un seul de ces modèles de Meccano, mon choix se serait porté sur la Porsche 917. Nous avions en effet commencé notre approche de la collection de miniatures par l’acquisition des reproductions des autos de course de la firme de Stuttgart. Cette miniature avait une saveur très particulière pour nous. Mais notre amateur éclairé d’automobiles me confia qu’il ne souhaitait pas se séparer de ses trésors, pour l’instant du moins.

Prés de 25 ans s’étaient écoulés lorsque Jean-Michel Roulet me contacta en vu de l’édition de son dernier ouvrage. Je lui parlai de ces modèles inédits, et devant son intérêt je décidais de demander à « GJN » dans quelle mesure il accepterait de laisser photographier ses modèles dans le cadre de la rédaction de cet ouvrage. J’avoue avoir composé sans grandes illusions le numéro de téléphone que j’avais précieusement conservé. Tant de temps s’était écoulé…Par bonheur, j’ai immédiatement identifié la voix qui m’a répondu. Il était enchanté à l’idée de faire partager aux autres ses trésors. De plus, constatant que son fils n’était pas passionné par les miniatures automobiles, il accepta, plus de 25 ans après ma première visite de me céder ses modèles. Le jour de la transaction, j’eus une dernière surprise. Nous avions une passion commune, le sport automobile, et plus précisément les compétitions des années soixante-dix. Au cours d’une discussion passionnée il m’indiqua qu’à cette époque il se rendait fréquemment sur les circuits automobiles. Avec son frère, son plaisir consistait à approcher au plus près des autos. Il m’expliqua les ruses qu’il déployait pour se faufiler dans les stands. Il faut dire qu’à cette époque, le contrôle au niveau du paddock était plutôt bon enfant. Et pour preuve de ses exploits, il ouvrit un petit classeur soigneusement organisé contenant des photos de magazines sur lesquelles il apparaissait en arrière-plan des champions. Il fit ainsi la couverture du magazine Moteurs, relatant la victoire de Jacky Ickx au Mans en 1969 où il apparaît dans le coin droit derrière le vainqueur. Je restai sans voix. Il me montra alors un dernier document qui provenait des archives de Meccano. Alors qu’il était chargé avec un collègue de trier les archives photos, il trouva un dossier de presse sur la Porsche 917. Sur un cliché, il s’identifia avec son frère, aux côtés de l’auto dans les stands lors des essais préliminaires des 24 heures du Mans 1969 ! Il porte un blouson rouge et son frère figure à l’extrême gauche du cliché. L’homme en blouson jaune est Robert Buchet, célèbre Porschiste français. C’est la photo que je vous présente. Voilà la raison pour laquelle « GJN » tenait à cette miniature.

PS : Nous collectionnons toujours les Porsche miniatures de compétition. J’ai souhaité faire figurer sur les photos du blog la reproduction par Spark du modèle qu’avait envisagé Meccano quarante ans auparavant. La comparaison est assez intéressante. Il est dommage qu’elle n’ait pas été reproduite par Meccano car le prototype était très prometteur. Corgi Toys et Norev offriront des reproductions quelconques de cette belle auto. Pour l’histoire, les versions présentées reproduisent la toute première 917, portant le châssis 001. Elle n’a jamais couru et n’a été utilisée qu’à des fins d’exposition dans les salons automobile. La version de Meccano est celle du salon de Genève, reconnaissable à ses ailerons stabilisateurs à l’avant de l’auto. La version de Spark est celle qui figure en tête de la célèbre photo prise lors de l’homologation, après Genève, dans la cour de l’usine Porsche, sans les stabilisateurs. Je recommande l’excellent ouvrage sur le sujet de Reynald Hézard « 917 Porsche Esquisses d’un succès », véritable travail de bénédictin où l’auteur détaille tous les châssis et toutes les livrées des Porsche 917 !