L’Ami français

La Citroën Ami 6 berline apparaît dans le catalogue Solido au milieu des bolides et des autos de sport. Si l’on excepte la Rolls-Royce, qui vient de la série Junior et qui n’est pas à proprement parler une série 100, c’est bien une première que Solido dévoile en 1962 en proposant cette berline française.

Ami 6 Solido variantes
Ami 6 Solido variantes

Ce fut un échec cuisant pour Solido. L’auto est fine, fidèle et constitue sans doute la plus belle des reproductions des Ami 6. Mais la clientèle de Solido, qui est jeune, a vocation à s’enflammer pour d’autres véhicules qu’une paisible berline, même si cette dernière est d’une esthétique innovante.

Il faudra attendre longtemps avant de voir une autre berline dans la gamme Solido : ce sera la Simca 1100 ! L’Ami 6 a intéressé tous les fabricants français : Dinky Toys, C-I-J, JRD, Norev, Minialuxe, Sésame, Clé…la version de Solido a peut être été la version de trop.

Jean de Vazeilles, dirigeant de Solido, ne s’avoua pas vaincu cependant. Il demanda à son bureau technique de modifier le moule et de créer une version break. Les premiers exemplaires de la Citroën Ami 6 break seront livrés avec la boîte de la version berline, surchargée d’un tampon « break ». Solido avait sans doute surestimé la production de sa version berline et semble s’être retrouvé avec un stock important d’étuis non utilisés. Il est également possible que la décision de créer une version break ait été précipitée, prenant de court l’imprimerie chargée de réaliser les boîtes.

Techniquement la reproduction est superbe. La version break est équipée d’un hayon ouvrant qui ne déforme en aucune manière la ligne de la reproduction. Il est habilement conçu : son ouverture n’occasionne pas d’éclats de peinture. Mais, on le sait bien, les versions breaks miniatures n’emportent jamais les suffrages au moment de l’achat. Cette version allait même à l’encontre des objectifs de la maison d’Oulins. Ce sera donc un second échec. Solido essaiera d’écouler les exemplaires dans des coffrets « loisirs » où elle tractera une remorque équipée d’un hors-bord. Le châssis est modifié, un téton en zamac est installé à son extrémité, permettant au crochet en acier, maintenu par le sertissage de rester dans l’axe de l’auto. Portant alors la référence 159, le modèle est un des plus difficiles à se procurer dans la série 100. Il faut avouer que jusqu‘au bout, la direction de Solido se sera fourvoyée. Les fabricants de jouets ont souvent eu recours à cet artifice, consistant à proposer des coffrets afin de placer quelques exemplaires supplémentaires de véhicules en fin de carrière comme l’Alfa Romeo Giulietta ou difficiles à vendre comme notre Ami 6 break. Le paradoxe de l’histoire, c’est que Solido a ainsi équipé sa Citroën d’une remorque hors-bord qui aurait si bien convenu au fringant cabriolet milanais. Celui-ci est condamné à tracter une paisible roulotte qui n’aurait pas déparée la version break de la Citroën

Cet échec conforta Jean de Vazeilles dans la pertinence de ses choix initiaux : la série 100 doit se limiter aux véhicules de sport et de grand tourisme.

Des Ami(s) de toutes les couleurs !

Souhaitant faire profiter de notre passion de la série 100 Solido des Ami 6  et la faire partager au plus grand nombre, nous allons essayer de décrire au mieux les quelques variantes présentées.

Ami 6 Solido: nuances de bleu
Ami 6 Solido: nuances de bleu

Pour la version Berline, toujours équipée de jantes en acier, nous pouvons juste attirer l’attention des amateurs sur les trois nuances distinctes de bleu. La version bleu-pâle est assez courante, les deux autres versions beaucoup moins. Les versions breaks seront d’abord équipées de jantes en acier, puis de jantes moulées en zamac que Bertrand Azéma qualifie de « standard » dans son ouvrage.

Ce sont ces versions qui, équipées de châssis recevant une couche de peinture noire satinée, ont les variantes de couleur les plus difficiles à se procurer. La base est constituée de modèles finis dans des teintes bleu métallisé ou vert ou gris perle. Ces couleurs ont reçu des nuances assez prononcées en fonction de leur période de production. Les derniers modèles équipés de jantes standards ont des nuances tranchées. Ainsi le vert foncé du début a fait place à un vert cru. L’évolution est la même pour le bleu métallisé qui ira jusqu’à la nuance gris-bleu anthracite.

Comme vous pouvez également le constater, si au départ une certaine logique règne concernant la couleur des siéges moulés en plastique, la confusion semble dominer la fin de la production.

On peut citer à titre d’exemple la version verte avec l’intérieur de couleur rouge. Enfin, la version en coffret ne semble avoir existé qu’en deux couleurs.

De l’Ontario à la Pennsylvanie …

…  la route est longue !

Les réponses fournies par les courageux participants au concours de décembre dernier, au sujet de l’identification de ce modèle m’ont fait plaisir. Une grande majorité des participants a su éviter le piège. Si l’identification du fabricant du modèle était facile, Real Toys, son pays d’origine l’était beaucoup moins.

Real Types : très peu fréquentes versions canadiennes
Real Types : très peu fréquentes versions canadiennes

Je vous propose de revenir en arrière, et de tenter de comprendre l’origine de cette série de miniatures. La gamme à laquelle appartiennent notre camionnette International Metro et les autos présentées ce jour est dénommée par Hubley : « Real Toys ».

Dans son ouvrage consacré à la firme « Hubley Toy Vehicles : 1946- 1965 », Steve Butler n’hésite pas à comparer cette gamme avec les « Corgi et autres Dinky ». Il a raison.

Si des firmes américaines comme Tootsietoys, avant guerre, avaient pu rivaliser en qualité avec leurs concurrents européens, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ce n’est plus le cas. Leur objectif est désormais la production de masse à moindre coût. Pour y parvenir, les détails sont négligés et les accessoires rapportés inexistants. Au fil des ans, l’écart ne fera que s’accentuer par rapport aux modèles européens qui bénéficient de nombreuses innovations.

A l’aube des années 60, l’apparition des Real Toys dont la gamme est équipée de vitres, de jantes chromées et de calandres rapportées, fera l’effet d’une petite bombe.

De nombreux collectionneurs européens se lanceront dans la recherche de ces miniatures en utilisant leurs correspondants d’outre-Atlantique dès leur sortie.

En fait les véhicules de la gamme « Real Toys » viennent du Canada. Ils ont été créés et produits par Burslem Industries Limited, société située 1339 Martin Grove Road, Rexdale, Ontario, Canada. Il n’y a aucun catalogue concernant cette gamme. Il semble qu’Hubley implantée à Lancaster (Pennsylvanie) se soit contentée d’assembler et de peindre des carrosseries injectées au Canada, probablement pour des raisons douanières. Cette circonstance explique la présence de châssis « Real Types » made in Canada, puis made in USA avant l’apparition de la mention « Real Toys ». Il suffit d’agir par déduction. Les premiers modèles portant le logo « Real type » n’ont pas de vitrage et possèdent des roues monobloc en zamac. Ils sont rares et bien antérieurs à ceux équipés de vitrage et de jantes chromées. Il se pourrait que Hubley séduit par ce concurrent Canadien, ait signé un contrat de sous-traitance afin de moderniser sa gamme. Cette hypothèse se trouve confortée par le fait qu’à la même époque Hubley lance une autre gamme de véhicules de qualité, à une échelle assez proche de celle des Real Toys baptisée « Tinytoys ». Celle-ci était composée d’utilitaires, plus particulièrement d’engins de travaux publics. La gamme en provenance du Canada était complémentaire.

Les modèles présentés ce jour ont un grand intérêt. Ils appartiennent à la première génération et sont bien plus difficiles à se procurer que leurs homologues américains. Il faut distinguer les modèles du début, sans vitres et équipés de jantes moulées en zamac et ceux venant ensuite, avec vitrage et jantes chromées. La première référence RT10, est celle de la Dodge Royal. C’est un modèle très rare. Il en est de même de la référence suivante, RT20 qui est celle de la Ford Fairlane. Ces deux modèles ne seront pas repris aux USA. La Ford Fairlane sera produite ensuite dans une version voiture de police (RT150) et dans une version Taxi (RT180). Ces deux versions, par contre, seront reprises à Lancaster, et à cette occasion, la version Taxi troquera sa belle robe rouge et noire pour le traditionnel jaune des cabs new-yorkais. Une dernière version verra le jour sur la base de la Ford Fairlane, toujours au Canada, sous la référence RT150 : il s’agit d’une « accident squad car », de couleur jaune qui possède un projecteur sur le pavillon emprunté à la version ambulance de la Chevrolet.

Les autres modèles photographiés sont tous des versions canadiennes, reconnaissables outre leurs caractéristiques techniques décrites précédemment par des couleurs de carrosserie différentes. A ma connaissance, seule la GMC Firebird III possède la même couleur dans les deux gammes. Enfin, le rare coffret de panneaux (RT70) portant l’appellation « canadian traffic signs » est très intéressant. Il confirme la provenance et le marché auquel est destiné ce modèle. Ce coffret, bien sûr ne sera pas repris aux USA.

Cette gamme est passionnante. Nous continuerons dans les semaines à venir à vous la faire découvrir, et nous vous promettons d’autres surprises !…

Le plein de soleil chez Agip !

J’ai déjà évoqué, à travers quelques articles du blog, l’enthousiasme et le plaisir que j’éprouve à m’arrêter dans certaines stations-service. Je vais vous parler aujourd’hui des stations Agip. Elles ont longtemps pour moi été synonyme de vacances.

En effet, dans les années 70, la marque était plutôt implantée dans le sud de la France, particulièrement en région méditerranée. Plus on s’approchait de l’Italie et plus la fréquence des stations Agip augmentait.

Logo Agip
Logo Agip

Bref, pour nous qui venions du nord de la Loire, la vue en France d’une station arborant le logo Agip, c’était déjà les vacances et la promesse de chaudes journées, à l’image du jaune du logo évoquant le soleil méditerranéen. Vous êtes-vous déjà interrogés sur la signification du logo ?

Naïvement, j’ai longtemps voulu y reconnaître la louve romaine. Les doutes sont venus après une visite au musée Capitolin de Rome : la représentation, d’origine étrusque, de la louve qui avait allaité Romulus et Remus avait bien quatre pattes et non six, comme l’animal du logo Agip.

Après enquête, j’ai découvert qu’il s’agissait d’une créature sortie de l’imagination fertile des clients d’Agip invités par concours à proposer à la firme le logo qui lui manquait. Les explications sont étranges : il s’agirait d’un chien à six pattes, les deux membres supplémentaires symbolisant les deux bras du conducteur ! J’avoue rester dubitatif quant à la logique de l’explication. Peut-on aller plus loin ? La langue pendante de l’animal ne symboliserait-elle pas celle du pauvre conducteur devant la hausse des prix de l’essence ?

La société Agip (Azienda Generale Italiana Petroli) a été créée par l’Etat italien durant la première guerre mondiale, afin de raffiner le pétrole en provenance d’Irak et de pourvoir aux besoins de l’armée. Après la seconde guerre, l’Etat italien sous tutelle américaine ordonnera son démantèlement afin de ne pas contrarier les convoitises des multinationales d’outre-atlantique.

Un homme, Enrico Mattei, va s’opposer à cette politique. Il a compris les enjeux de l’indépendance énergétique pour le développement industriel d’un pays. Contre l’avis du Gouvernement italien, il va créer l’ENI, Ente Nazionale Idrocarburi, société qui deviendra au fil des ans un des plus puissants groupes pétroliers.

Ses méthodes sont peu orthodoxes dans le monde sans pitié de l’or noir : il opte pour une meilleure répartition des profits et augmente considérablement la part revenant aux pays producteurs lors de l’extraction. Ce fait lui ouvrira les portes de pays comme l’Egypte et le Koweit et suscitera l’ire des grands groupes pétroliers qu’on surnomme les sept sœurs. Il signera ensuite d’importants contrats avec les Soviétiques. Enfin, et ce ne sera pas le moindre fait, il réussira à écarter la mafia des gisements italiens. Faut-il vraiment s’étonner qu’il ait disparu dans un accident d’avion dont les causes n’ont jamais été complètement élucidées ?

Si vous souhaitez en savoir plus sur cet homme hors du commun, je ne peux que vous inviter à podcaster l’émission de Patrick Pesnot « Rendez vous avec X » sur France Inter du 5 mars 2011, dont je me suis inspiré pour vous conter cette histoire.

Il n’en demeure pas moins que ces miniatures aux couleurs Agip ont beaucoup d’attraits. Il est intéressant de constater que Politoys et Mercury utilisent deux nuances de jaune différentes. Le modèle Politoys, réduit à l’échelle du 1/43ème, est imposant. De toutes les versions proposées par Politoys, la citerne est certainement la plus réussie.

Je me souviens de ces beaux camions Fiat en Italie et combien, enfant, la présence du volant à droite m’avait intrigué. Il semblerait que cette particularité ait été adoptée pour faciliter la conduite sur les routes de montagne. Dès Vintimille, tout proche encore de la frontière française, le dépaysement était total.

Ces camions devaient être très robustes car il m’arrive encore d’en croiser en Italie.

J’ai récemment aperçu, sur le tarmac de l ‘aéroport Linate à Milan, une version avitailleur aux couleurs d’Elf, enseigne qui pourtant a pratiquement disparu chez nous.

Enfin, je n’ai pu résister au plaisir de vous faire partager les deux versions du camion Viberti produit par Mercury. J’espère que désormais vous ne regarderez plus les stations Agip du même œil, d’autant que depuis quelques années cette compagnie a entrepris de se développer sur tout le territoire.

Je ne sais s’il faut s’en réjouir, mais pour moi cela donne un petit air de vacances aux routes du nord.

De Bobigny à l’Elysée en taxi

Voici, cette semaine, la présentation d’une mystérieuse miniature, une Simca Aronde taxi en provenance de Bobigny. En règle générale, lorsqu’un fabricant transforme en version taxi une miniature présente à son catalogue c’est le signe d’un modèle qui a connu un succès limité.

Simca Taxi Aronde 24 UT et cendrier
Simca Taxi Aronde 24 UT et cendrier

On peut citer à titre d’exemple la Ford Vedette 1954 de Dinky Toys France. Mais ce n’est pas toujours le cas. La Simca Aronde, un des premiers modèles de Bobigny à recevoir un étui individuel, semble avoir rencontré le succès auprès des jeunes clients. C’est certainement le nombre important d’exemplaires circulant dans la capitale qui a conduit la direction à s’intéresser à sa reproduction.

Dans l’album « l’affaire Tournesol » sorti en 1956, Hergé lui même introduira une Simca Aronde dans les rues de Genève, qui finira d’ailleurs dans les eaux du lac à la suite d’une queue de poisson du terrible Stephan  ! Cette Simca Aronde immatriculée dans le canton de Genève arbore une calandre de second type.

Pour la création de sa version taxi, Meccano est curieusement revenu en arrière, proposant cette miniature en conditionnement par six, alors qu’elle venait d’introduire les emballages individuels. La logique industrielle est parfois mystérieuse.Le modèle que nous vous proposons de découvrir est équipé de la première calandre, ainsi que du châssis en tôle épaisse. L’histoire est assez trouble. On peut juste penser que lorsque la direction a entrepris la réalisation d’une version taxi, la seconde calandre de l’Aronde (la version Elysée) était en cours de réalisation. Les essais ont dû être effectués sur des carrosseries équipées de la première calandre.

J’ai eu la chance d’en posséder deux. Les deux exemplaires étaient similaires et avaient, en tout point, les caractéristiques d’un premier modèle, avec, bien sûr, le pavillon quadrillé et les jantes moulées en zamac et peintes de couleur rouge. Le modèle que nous avons conservé provient d’un grand collectionneur, Monsieur Dufour. Ce dernier l’avait lui même acquis d’une manière assez simple. Un collectionneur de la région de Tours ayant décidé de se séparer de sa collection, il avait établi une liste, sur des feuilles de papier, comme cela se faisait il y a 30 ans, quand il n’y avait pas Internet et qu’il fallait attendre le facteur ! Sur cette liste, Monsieur Dufour a été attiré par la présence de deux modèles référencés 24UT. La description mentionnait deux calandres différentes et les modèles présentaient un écart de 10 Francs ! Il a eu l’intelligence de se laisser tenter, et il a eu raison. Il a ainsi été le premier à répertorier de manière définitive cette rare variante… Il s’en est ensuite séparé en échange d’une très belle pièce qu’il convoitait depuis longtemps et qui lui a procuré, amateur éclairé qu’il est, plus de plaisir qu’une variante de calandre sur un modèle Dinky Toys.

Plus de 20 ans se sont écoulés et nous avons récupéré cet exemplaire. Lorsqu’on a opéré un échange de modèles, il est toujours intéressant de s interroger quelques années plus tard sur l’intérêt de l’opération.

Non pour en concevoir des regrets mais pour analyser son choix et savoir prendre à l’avenir les bonnes décisions. Nous avons une fois opéré un échange sur plusieurs pièces. Les pièces dont nous nous sommes séparés avaient un point commun. L’opération avait une logique, la logique propre à chaque collectionneur. Nous avons pu, par le fruit du hasard, récupérer ces pièces, 25 ans après. Ou plutôt deux d’entre-elles car, à nos yeux, la troisième ne présentait plus d’intérêt. C’est bien la preuve, qu’une collection n’est pas figée, mais vivante. Le regard sur certaines pièces évolue. L’expérience aide à se forger une opinion.

De grands collectionneurs comme M. Dufour ne me démentiront pas si j’affirme que les goûts du collectionneur évoluent. L’important est bien le présent : au moment de l’échange, il doit y avoir deux heureux.