Winross White 9000

White is white

Au fil des années de recherches et d’achats de collections j’ai finalement amassé une grande quantité de documents, revues et catalogues. J’ai toujours essayé de les trier et de les classer. Lorsque j’ai décidé de vous parler de Winross, j’ai repensé à un document que j’avais soigneusement rangé. Il s’agit d’un magazine anglais daté de 1972, dont la couverture est superbe et présente un bel ensemble de camions Winross.

Winross Toys White 9000 devant un "diner
Winross Toys White 9000 devant un « diner »

Tout content de ma trouvaille, j’ai entrepris, laborieusement, de traduire les quelques pages. Arrivé à la fin de l’article, je comprends que l’auteur nous donne rendez-vous au numéro suivant pour une suite de l’article. Il y a parfois des petits miracles qui ensoleillent la journée : j’ai replongé dans le porte documents où j’avais classé les revues anglaises de l’année 1972 et j’ai eu la bonne surprise de constater que la personne auprès de qui j’avais acquis l’ensemble de ces documents m’avait également cédé le numéro suivant !

La revue « Model Cars » traite de tous les aspects du modélisme : maquette, circuit routier, modèles thermiques et occasionnellement le die cast.

L’article est signé « C.B.C Lee », éminent collectionneur américain, en particulier de la marque Tootsietoys. M. Lee indique s’être rendu dans l’état de New York sur le site où sont fabriqués les Winross, mais il ne prononce jamais le lieu de fabrication qui demeurera secret. Il faut dire que tout au long des deux articles, plane l’ombre d’un étrange personnage, Roger Austin, le fondateur de la firme Winross. L’auteur raconte que son idée de faire un article sur cette firme de Rochester dans l’état de New York, remonte à 1967. Malheureusement, tous les courriers qu’il envoie à cette fin à compter de 1967 restent sans réponse de la part de Monsieur Austin. A force de persévérance, il obtient son sésame en 1971 : Roger Austin accepte de le recevoir, de mauvaise grâce, entre deux rendez- vous. Celui-ci hésite à se confier à M. Lee et exige que les articles lui soient soumis avant publication. Il craint la concurrence et l’espionnage de ses concurrents.

En 1972, après validation, les articles sont enfin publiés. Le nom « Winross » est une création. Il a pour origine la ville écossaise de Kinross près d’Edimbourg. Monsieur Austin indique qu’il n’a pas voulu pour des raisons juridiques reprendre exactement le nom de la ville, mais il n’avance aucune explication quant à la raison qui l’a conduit à choisir la lettre W en substitution du K.(j’avance l’idée du « W » de White, la firme des camions reproduits par Winross).

La suite est plus intéressante. M. Lee nous apprend que depuis 1929 Roger Austin collectionne les jouets. Son métier, architecte urbaniste le conduit à réaliser régulièrement des dioramas de simulation. Il se spécialise progressivement dans la réalisation d’aires de repos, de stations-service et d’embranchements autoroutiers. Il réalise alors qu’il a de plus en plus de mal à trouver des miniatures adaptées pour ses maquettes professionnelles.

Au milieu des années soixante il réalise un premier moule afin de reproduire un camion pour son usage professionnel. Il choisit l’échelle du 1/64 cohérente avec celle de ses maquettes. Notons au passage qu’en Europe, ce genre de maquette utilise l’échelle HO, 1/87.

Et c’est ainsi que démarre l’aventure mais nous reviendrons prochainement sur cette histoire captivante !

Afin d’illustrer cet article sur Winross, j’ai sélectionné des White 9000. La photo au troisième rang est intéressante. La version « Friderici » mérite un commentaire. Vous connaissez peut être ce transporteur si vous allez en Suisse. Ce transporteur toujours en activité utilise encore des camions d’origine américaine, j’en ai croisé un il y a peu de temps. C’est certainement un des rares transporteurs étrangers à avoir commandé un véhicule chez Winross. La version de la remorque est très peu fréquente. Il ne s’agit pas de la version classique, plus longue. Celle-ci est moulée de manière monobloc.

La citerne « Swann Oil » mérite également votre attention. Elle aussi est moulée d’une pièce. Elle représente une citerne de conception plus ancienne que celles photographiées en haut d’article.

Enfin, je n’ai pu résister au plaisir de photographier deux semi-remorques marquant une pause devant un « diner ». Peut-être livrent-ils leurs marchandises au restaurant ? Du soda et des pâtes par exemple, de quoi se rassasier après quatre heures de highways ! C’est un clin d’œil à l’origine de ces véhicules, destinés initialement à décorer des dioramas.

Winross White autocar – 2

Le White 5000 de Winross Toys est à l’honneur.

Winross Toys White 5000
Winross Toys White 5000

Monsieur Lee indique que ce camion a été un échec commercial. C’est une des premières utilisations de la fibre de verre. Cette cabine ainsi réalisée se montrera très fragile dans le temps et White arrêtera très vite la production. La cabine est plate et bien rendue.

Monsieur Lee se permet dans son texte une amusante comparaison, que seuls les amateurs de miniatures anciennes pourront comprendre. Il compare la fiabilité de ce camion aux Dinky Toys d’avant-guerre souffrant de métal fatigue !

Winross choisira un « 5000 » pour promouvoir la sortie de sa nouvelle citerne, au dessin cylindrique. Il est bien évident que peu de transporteurs choisiront de reproduire leurs publicité sur de remorques attelées à un 5000 . Ils sont un peu moins fréquents que les autres.

Sont enfin présentés quelques exemples de variations de châssis sur les tracteurs Winross.

Winross White autocar – 1

White autocar – 1

Nous retrouvons M. Austin en compagnie de son premier modèle, un White 3000. Comme nous l’avons vu précédemment, il souhaite se lancer sur le marché du jouet.

Winross Toys, peu fréquent White 1500 pompier
Winross Toys, peu fréquent White 1500 pompier

La meilleure preuve est l’inscription figurant sur les premiers étuis des véhicules produits : « A toy from Winross » (un jouet fabriqué par Winross). Nous retrouvons cette mention pas moins de 6 fois sur l’étui initial. Plus tard ne subsistera que la mention « Winross toy ».

Sur les premiers boîtages, le fabricant invite les jeunes acheteurs à se rapprocher de leur magasin de jouets habituel afin de se procurer le catalogue ! Je ne suis pas sûr que les modèles produits se soient bien vendus en tant que jouets. Auprès des entreprises désirant promouvoir leur logo, il en a été tout autrement. Le faible coût de fabrication et la grande capacité d’adaptation de l’entreprise qui pouvait aisément réaliser des petites séries semblent avoir dynamisé la production. M. Lee constate une mutation à compter de 1969. A partir de cette date le minimum pour réaliser une série était une commande de 500 pièces. Précédemment, il était possible de commander des séries de 50 pièces!

M. Austin ne souhaitait pas que son entreprise grandisse trop vite : il n’était pas intéressé par des commandes importantes qu’il avait peur de ne pas pouvoir honorer. De plus, en présence d’une demande importante alors que sa production est limitée, il peut facilement défendre ses tarifs. Il est bien évident que le virage vers les modèles promotionnels a été particulièrement judicieux. Je m’interroge de savoir si c’est son expérience de collectionneur qui l’a conduit à prendre cette orientation. Je ne peux m’empêcher d’établir une comparaison avec des firmes européennes comme Dinky Toys ou Tekno. Au même moment, à l’aube des années soixante-dix, elles ont vu le marché se modifier et leurs ventes s‘essouffler. N’auraient-elles pu s’engager sur cette voie ? Les repreneurs néerlandais de Tekno, en 1974 s’y essaieront avec bonheur. Lion Car s’engagera également dans ce marché. Ils sont toujours présents en 2012. Comme dans beaucoup de domaines, les grands changements viennent de l’Ouest. Il faut simplement les voir arriver.

Nous arrivons avec les illustrations de cet article à la fin de l’histoire. Vous avez pu constater sur les clichés des modèles aux silhouettes moins familières. Ils sont issus de la période où Winross cherchait encore sa voie. Ces objets sont rustiques. Ils ne peuvent souffrir la comparaison avec les productions européennes de la même époque.

Alors qu’ils datent de 1963, ils ont l’allure de jouets des années 1950. M. Austin indique avoir utilisé les plans de chez White pour la réalisation de ces modèles. Il ne veut pas trop se dévoiler ni révéler qu’un accord le lie vraisemblablement à la firme White. Pourtant, les modèles Winross ont été distribués dans le réseau White. Plus troublant encore, sur les photos, les camions benne, dépanneuse et semi-remorque fardier sont des Autocar. La firme Autocar était spécialisée dans les poids lourds à usage spécifique. Sa production était appréciée des professionnels du poids lourd pour sa grande qualité de fabrication et sa fiabilité. Or la firme Autocar est une filiale de White ! En fait, il semble que M. Austin, bien content d’avoir tracé son sillon ne souhaitait pas s’étendre sur les raisons de son succès de peur d’être imité.

Nous verrons plus tard que Ralstoy essaiera de le concurrencer avec un cabover sans marque distincte. Il est évident que cette firme ô combien discrète, marquera de son empreinte l’histoire de la miniature. En 2012, elle existe toujours !

Dinky Toys Ford brasseur 25H

La suite du bougnat !

nuances de couleur turquoise
nuances de couleur turquoise

Sur l’article précédent, les Dinky Toys Ford brasseur 25H sont présentés uniquement des modèles de premier type, avec roues en zamac peintes. Vous pouvez constater une nuance de couleur sur la version crème. Il existe certainement aussi une nuance sur les versions rouge et turquoise. La version bleue semble n’exister qu’en première série, d’où une présence plus rare sur les étals des marchands !

Dans cet article j’ai souhaité vous présenter les versions intermédiaires, avec jantes en zamac peintes et pneus en caoutchouc. Enfin, toutes les couleurs de cette gamme sont présentes dans le catalogue Dinky Toys. Ainsi le turquoise et le bleu se retrouvent sur la Packard référence 24 P. Le rouge, le crème et le vert métallisé sur la 24 O Studebaker Commander. Toutes ces couleurs sont également présentes sur la série des camions sans marques de la gamme 25 d’après guerre (croisillonnés).

Le Ford 25 H du bougnat

Le Ford 25 H du bougnat

Pour continuer avec mon père et sa série favorite, je me devais de vous parler également de ses origines. La famille est originaire du Cantal, plus précisément de l’arrondissement de Mauriac, entre Saignes et Sauvat.

les cinq couleurs de base
les cinq couleurs de base

C’est là qu’est né mon père. Si sa famille avait déjà émigré en région parisienne au début du siècle, elle avait gardé une maison de famille en Auvergne. Spécialisée dans le commerce de la chaussure, elle déroge sur ce point à la tradition qui veut que les auvergnats s’installent dans la capitale en qualité de marchands de charbon, de bois et de spiritueux.

Les bougnats, comme les dénommaient les parisiens dans une habile contraction de charbonnier et auvergnat, étaient en majorité originaires de l’Aveyron. Le bougnat livrait à domicile le charbon et le bois, l’épouse tenait le café. Une grande entraide existait entre les membres de la communauté.

Le camion proposé par Dinky Toys France portant la référence 25 H pouvait parfaitement convenir à cette utilisation polyvalente. Dans son catalogue de 1949, Meccano a choisi de le dénommer « plateau brasseur ».

catalogue avec la Simca 5 installée sur le plateau du 25 H
catalogue avec la Simca 5 installée sur le plateau du 25 H

Sur la frise décorant la couverture du catalogue en question, on l’aperçoit utilisé en camion plateau transportant une Simca 5, tirant une remorque plateau (référence 25 G), sur laquelle trône une autre Simca 5. Ces dessins sont repris au dos de la couverture : il y a là, de la part de Meccano, une bien étrange utilisation de son plateau brasseur. Il faut dire que Meccano n’avait prévu ni casiers ni tonneaux.

Si l’on reprend le slogan de ce même catalogue « Donnez de la vie à vos modèles Mecano et à vos réseaux Hornby en utilisant les miniatures Dinky Toys », on comprend que notre petit camion Ford faisait triste figure sans chargement. C’est pourquoi l’idée de l’utiliser en version bougnat me séduit bien et j’y vois plus de cohérence que de l’utiliser en transporteur de voitures !

Ce camion, tout comme la version 25J (bâché) que nous avons étudiée précédemment (article sur le Ford bâché) n’a existé qu’en première série, avec un crochet moulé en zamac. Il possède les caractéristiques de moulage des premiers Ford de la série 25. Comme le 25J, il connaîtra des roues en zamac peintes de couleur noire puis des jantes zamac peintes et des pneus en caoutchouc. Le hayon est amovible. Parfois, avec le temps, il est devenu impossible à désolidariser du plateau.

Nous présentons ici un échantillon des couleurs disponibles à l’époque.

Ford 25 H de couleur bleu
Ford 25 H de couleur bleu

Certaines couleurs sont moins fréquentes que d’autres. Ainsi, nous avons mis du temps à acquérir la version bleue. Cette version semble avoir eu une courte existence car elle n’existe qu’avec la première combinaison, c’est à dire avec des roues moulées en zamac peintes de couleur noire. Il s’agit du même bleu que l’on rencontre sur la Packard 24 P. S’agissant de la nuance turquoise, il me semble à l’expérience que Meccano a utilisé durant la période de cette couleur une peinture d’une qualité différente. Elle donne l’impression d’être chargée en vernis. Avec le temps ce dernier vire légèrement, de manière plus ou moins prononcée, certainement en fonction de l’endroit où l’objet a été exposé. Ainsi la couleur turquoise peut avoir des nuances importantes, le bleu et le rouge aussi. Vous rencontrerez ces variantes sur toute la gamme de la série 25, mais uniquement sur les premières séries, que l’on peut dater de 1949 à 1952 environ.

Cette carrosserie brasseur n’a pas eu son pendant à Liverpool. Une série 30 a certes été créée à Liverpool, mais la maison mère s‘est arrogé le droit de créer une cabine différente pour chaque référence. L’échelle de reproduction étant quasi similaire, on peut facilement faire un lien entre les deux séries, française et anglaise. On peut se poser la question de l’intérêt de cette gamme à une époque où les premiers camions Foden et Guy sortaient des chaînes de Binns Road à l’échelle du 1/50. Je ne vois dans cette série qu’une raison économique. Ces véhicules au prix plus raisonnable devaient contenter les acheteurs moins fortunés, ceux qui rêvaient devant les Foden et les Guy mais ne pouvaient financièrement se les offrir. Cette série 30 a pris la suite de celle d’avant-guerre.

Parallèlement, à partir de 1949 sont apparus un camion Austin ridelles (30J), un Dodge camion benne basculante (30M), un Dodge maraîcher (30 N), un Studebaker citerne (30P), un Fordson plateau (30R), un Austin camion bâché (30S) un chariot électromobile (30V) et enfin un Hindle Smart camion electromobile (30W). Ces véhicules auront une longue carrière mais ils n’auront jamais le charme de la production de la rue Rebeval, dans le 19eme arrondissement.

Les boîtes de six de 1949 à 1952 environ portent encore la mention « Meccano Paris ». Après 1952, on lit sur le flanc des boîtes de 6 la mention « Meccano Bobigny »). On peut donc facilement les dater.

A suivre (voir la suite de l’article  sur les Ford brasseur