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Tekno freezer D800 posthume

Mon intérêt pour Tekno réside aussi dans la faculté qu’a eu cette firme de pouvoir, parallèlement à sa production de jouets, fournir des modèles promotionnels aux entreprises qui lui en faisaient la demande. Il semble que cela n’a été possible que grâce à la taille modeste de l’unité de fabrication. Il est bien évident que des firmes comme Dinky Toys, de taille bien plus importante n’auraient pas pu se diversifier dans ce type de produits, sauf à ce que les quantités commandées soient importantes. Or je suis convaincu que des commandes modestes ont été honorées chez Tekno.

Tekno
couverture du catalogue Tekno 1968

Pour mener à bonne fin sa production de modèles promotionnels, Tekno va créer une caisse plastique dont il dotera sa version à châssis long. La simplicité de cette dernière tranche avec la sophistication du châssis cabine. On comprend que ce fourgon a vocation à pouvoir recevoir facilement des décorations différentes. Les surfaces planes permettent l’application de tout support publicitaire. Cette caisse ne fut d’ailleurs jamais proposée à la vente en magasin.

Tekno Der Spiegel
Tekno « Der Spiegel »

Le modèle le plus connu est sans doute la version commandée par le journal allemand « Der Spiegel ». La décoration est réalisée à l’aide d’un papier autocollant entourant trois faces du fourgon. Il existe également une version pour le loueur de véhicules Hertz. Une version pour la chaîne danoise de magasins de jouets « BR Legetoj » a été envisagée mais je ne pense pas qu’elle fut produite en série par Tekno. Un seul exemplaire de pré-série a été répertorié chez M. Nilson, collectionneur danois introduit auprès de l’entreprise.

Elle appartenait aussi à M. Nilsson. J’ai eu l’occasion de l’acquérir lors de la dispersion de sa collection. Cette découverte confirme que c’est bien au Danemark que fut créé l’outillage de ce beau modèle qui n’était connu qu’en version néerlandaise plus tardive et aux couleurs « Frisko Is ».

Depuis, un second modèle danois a fait surface, mais sans sa décoration. Les parties moulées en plastique de couleur bleu ainsi que les pochoirs de couleur bleu appliqués pour la décoration de la cabine ne laissent aucun doute sur l’authenticité du modèle. Il est bien évident que sur ce genre de support, Tekno aurait pu appliquer bon nombre de publicités.

Tekno Ford  D800 "Tekno freezer"
Tekno freezer D800

Le Tekno freezer ne sera jamais commercialisé. Il est trop tard. Le destin de Tekno passe par les Pays-Bas. Le repreneur poursuivra avec l’outillage danois et ne devra sa survie que grâce à la production quasi exclusive de modèles réalisés pour les transporteurs néerlandais. Le repreneur avait compris que l’âge d’or du jouet était terminé et qu’il fallait passer à l’étape suivante.

Avec le temps

J’ai emprunté à Léo Ferré le titre de l’une de ses chansons les plus célèbres afin d’introduire les modèles du jour. Il m’a semblé tout à fait approprié.

Ford D800 Tekno
Ford D800 Tekno

J’ai commencé ma vie de collectionneur au milieu des années soixante dix. Je me rappelle fort bien que les modèles de la décennie précédente se trouvaient encore en vente dans les magasins de jouets. Toutefois, mon intérêt allait plutôt vers les jouets des années cinquante. Il faut aussi se rappeler que vers la fin des années soixante (1967-1968), Mattel avait introduit les fameuses roues rapides. Le principe consistait à monter sur des axes aiguilles (très fins) des roues monobloc en plastique. Exit les jantes et les pneus en caoutchouc ! Le but du fabricant était de fournir à sa clientèle enfantine des autos rapides au roulement parfait, et qui avaient la faculté de se détériorer plus rapidement. Les parents n’avaient pas d’autre choix que de remplacer les bolides détruits !

On peut dire que pour les collectionneurs, il y a un avant et un après les roues rapides. Pour ma part, je n’ai pas beaucoup d’attirance pour ces jouets. Je ne me suis jamais habitué aux couleurs acidulées et criardes de la fin des années 60.

Tekno, parfaite image de la fabrication traditionnelle et de qualité, tentera de survivre à cette révolution. Son positionnement sur le marché de la miniature était diamétralement opposé à celui de Mebetoys, Politoys ou Corgi Toys qui avaient opté pour la simplification de la fabrication et pour le montage de ces fameuses roues rapides. Tekno, gardien du temple de la tradition et du bon goût produisait des modèles fidèles et détaillés qui étaient plus à considérer comme des maquettes. Il suffit pour s’en convaincre d’ouvrir le catalogue Tekno de 1968 : les photos de modèles démontés attestent bien que nous sommes plus proches de maquettes à construire que de miniatures traditionnelles. Dans son article paru dans le magazine Charge Utile d’octobre 2013, Jean Jacques Erhlacher explique que Tekno avait réalisé le tour de force de proposer une reproduction du Ford D800 fort détaillée, dotée de multiples fonctions et qui s’assemblait sans colle ni vis. J’imagine fort bien les exigences en termes de formation pour que le personnel puisse assembler ces miniatures en un temps acceptable !

J’avais tout d’abord dédaigné ce jouet en raison de son aspect sophistiqué et de sa ressemblance avec une maquette.

Au fil des ans, mon regard a évolué. Des photos des versions peu fréquentes de ce modèle ont été publiées dans le dernier livre consacré à Tekno. Elles ont éveillé mon intérêt.

Je me suis attaché à rechercher des modèles qui ne soient pas rouges. En effet, Tekno a commis une erreur en proposant ce modèle dans très peu de couleurs différentes. Il aurait été judicieux de proposer des couleurs distinctes en fonction de l’équipement du camion. Pour ma part, c’est un élément susceptible d’influencer mon choix. Ainsi, tout récemment, un beau Ford D800 benne de couleur verte a fait mon bonheur. Il en est de même pour cette version à châssis long de couleur caramel et blanc réalisée pour le lancement de la filiale de Tekno, Kirk. Il s’agit d’une version très peu fréquente et récemment découverte. Je vous laisse méditer sur le slogan qui s’étale sur les portes du camion : « garantie 5 ans ». Alors que la gamme Kirk a été lancée en 1968-1969, l’usine qui la fabrique fermera au cours de l’année 1972 .

Ford D800 Tekno
versions Dalia (Espagne)

J’ai également trouvé beaucoup d’intérêt dans la recherche des versions faites en Espagne chez Dalia. Ces modèles résultent de l’accord triangulaire entre Tekno, Solido et Dalia. S’agissant du modèle présenté, c’est la boîte qui fait tout son intérêt.
La suite la semaine prochaine, avec d’autres surprises.

Une deuxième vie

Le printemps a bien du mal à s’installer en ce mois d’avril 2013 à Copenhague. La végétation est en retard par rapport à Paris. Je suis au pays d’Andersen pour une vente aux enchères.

Volvo N88 Titan
Volvo N88 Titan prototype chassis court

La mise en vente d’une importante collection de Tekno est un événement rare. En l’occurrence, cette collection avait servi de base à l’élaboration du premier ouvrage consacré au sujet et paru en 1986. Avec le temps, au fil des acquisitions, mon père et moi avions réussi à réduire la liste des modèles manquants par rapport aux modèles présentés dans ce livre de référence. Mais il restait une petite liste de modèles rebelles : impossible de mettre la main dessus. Plus terrible encore, nous n’avions pas réussi à localiser un autre exemplaire que celui figurant en photo dans le livre. Alors, bien évidemment, la mise en vente de ces véhicules ne pouvait que m’entraîner à Copenhague.

Cette collection appartenait à un personnage singulier. Chauffeur de car de profession, le hasard l’avait amené à conduire quotidiennement les ouvriers dans la nouvelle usine Tekno, délocalisée de Copenhague vers le Jutland.

Il avait ainsi tissé des relations privilégiées avec le personnel. Lorsque l’usine a arrêté sa production, il était aux premières loges pour récupérer pièces détachées et prototypes. Il faut préciser que Tekno avait pour usage de garder dans des vitrines une partie de sa production. Ce patrimoine fut éparpillé chez quelques collectionneurs, au nombre desquels figure notre homme.

Au milieu des années 90, j’ai eu la chance de récupérer quelques belles pièces par l’intermédiaire de Yan Mortensen. J’ai procuré à ce dernier de beaux CIJ, notamment la collection complète des Renault 1000Kg. Comme il ne souhaitait pas les payer mais les échanger, j’ai pu acquérir de rares Tekno. C’est au fil de ces échanges que j’ai découvert l’origine des modèles.

Le temps a passé, et notre chauffeur de car est décédé. Ses héritiers ont mis sa superbe collection en vente. J’ai choisi de vous présenter trois projets de Volvo N88 Titan qui n’ont vu le jour qu’à l’état de prototype.

Volvo N88 Titan
Volvo N88 Titan prototype

Le premier vient de l’usine, et je l’ai obtenu il y a fort longtemps par un autre Danois qui avait lui aussi participé au partage du stock de l’usine. Il s’agit d’une caisse frigo, réalisée en bois. L’idée sera reprise plus tard mais sur le Volvo Express. La forme sera alors plus carrée. Observez bien l’empattement du camion : Tekno n’a pas utilisé un châssis de porteur simple mais celui, beaucoup plus long, servant à recevoir le plateau à chaînes. Un essieu a alors été supprimé. Il est dommage que ce modèle soit resté à l’état de prototype car l’ensemble avait fière allure.

La version avec le rideau roulant aux couleurs Irma est, elle, restée totalement inconnue. Irma est une petite chaîne d’épiceries situées dans la région de Copenhague. C’est une des plus anciennes chaînes de distribution au monde ! Les magasins sont plutôt spécialisés dans les produits de qualité. C’est donc tout a fait logiquement que la direction a fait appel à Tekno pour l’étude de ce prototype ! L’expérience s’arrêtera là. De manière rétrospective, on peut avancer une hypothèse. Il est probable que Tekno a buté sur la réalisation de la toile repliable qui caractérisait ces véhicules de livraison de proximité. Bien plus tard, dans les années soixante-dix, Tekno concrétisera son étude pour Irma, en leur livrant un très beau Ford D800 avec un ingénieux système permettant de faire coulisser la toile du fourgon. Cette dernière marquera les esprits. Le matériau trouvé par Tekno, une toile plastifiée, permettait de renouveler l’opération d’ouverture et de fermeture quasiment à l’infini, sans crainte d’abimer le modèle.

Le dernier modèle présenté ce jour est aussi intéressant. Il s’agit d’un tracteur à empattement très court qui devait tracter une remorque surbaissée. L’emprunt à la version dépanneuse de la caisse est assez évident. Malheureusement, la remorque qui a dû être créée a disparu.

Une seule vie ne suffirait pas pour rassembler l’ensemble de la production Tekno. De bonnes surprises sont toujours attendues. La meilleure preuve vient de m’être fournie par l’intermédiaire de mon ami Geoff de Londres. Son père avait réuni une magnifique collection Tekno, période au cours de laquelle il était en contact avec des danois, pionniers de la collection. Ces passionnés échangeaient lettres, modèles et photos.

Ainsi Bent Danilesen avait envoyé au père de Geoff de belles photos prises chez un danois. Le père de Geoff les a récemment exhumées : quarante ans après, elles présentent toujours autant d’intérêt. Geoff me les a envoyées : quelle ne fut pas ma surprise de constater que ces photos avaient été prise chez le chauffeur de car ! J’ai facilement reconnu toutes les pièces dont le Volvo Irma et le tracteur à empattement court que je vous présente ici.

Peugeot 203 de luxe

Au contact des collectionneurs anglais je suis devenu sensible à un détail : l’existence de l’étiquette du magasin sur les boîtages des jouets. J’ai appris à apprécier ces étiquettes. Ce sont souvent des souvenirs personnels qui leur donnent de l’importance.

Franz Carl Weber et Märklin
Franz Carl Weber et Märklin

Pour ma part, je suis particulièrement sensible à celles qui viennent de magasins de jouets que j’ai connus. En règle générale, les souvenirs d’enfance liés aux magasins de jouets sont de bons souvenirs. Il n’en va pas de même des souvenirs liés à l’infirmerie ou à la cantine, enfin celles que j’ai fréquentées. Les magasins suisses Franz Carl Weber ou le magasin F.A.O. Schwarz de New York sont pour moi des références.

Mais une belle étiquette sur un étui de Dinky Toys révélant une provenance du BHV, des Galeries Lafayette, du Printemps ou de Monoprix sur une Minialuxe ne me laisse pas indifférent.

Louis Vuitton et 203 Dinky Toys
Louis Vuitton et 203 Dinky Toys

Afin de promouvoir leur établissement, certains magasins sont allés plus loin qu’une étiquette de prix sur un boîtage. Tout le monde connaît le malletier Louis Vuitton. Toujours implanté dans les quartiers chics, ce fabricant a élargi son activité aux vêtements, sacs à main, chaussures et autres accessoires. Messieurs, demandez à vos épouses ou vos filles, et vous constaterez que l’évocation de ce nom a le don de faire rêver. Je me souviens parfaitement qu’enfant, je contemplais la petite vitrine murale de la boutique Vuitton à Nice où étaient exposées à la vente des miniatures Solido. Nous étions au milieu des années soixante-dix. Cette Peugeot 203 référence 24R de chez Dinky Toys le confirme, les boutiques Vuitton ont également vendu des Dinky Toys. Je me souviens en particulier avoir vu une De Soto Diplomat avec le précieux décalcomanie au nom du malletier. Ces modèles étaient-ils vendus plus cher ? Je ne saurais le dire. Je m’interroge également sur un point : la décalcomanie a t-elle été apposée chez Dinky Toys ou par le soin d’une petite entreprise indépendante ? Elle est caractéristique des décalcomanies produites à cette époque, avec un calque fort chargé en vernis qui a jauni avec le temps. Vraisemblablement, la solution choisie par le malletier a dû être onéreuse. Au delà du coût même du décalcomanie réalisé à son nom, son application sur chaque véhicule devait revenir bien plus cher que ne l’aurait été une simple étiquette portant le nom du magasin et le prix du jouet sur l’emballage. Cette dernière solution qui n’était déjà pas courante marquait la qualité d’un magasin.

Il y a sans doute là un thème de collection. Cela devrait nous inciter par précaution à garder les emballages de la poste frappés du sigle Atlas. Dans 60 ans les gens qui écriront l’histoire des miniatures des années 2000 attacheront peut être de l’importance à cet emballage témoin de l’origine du modèle.

Pour illustrer cette chronique, je vous présente quelques exemples de belles étiquettes.

Rode Korse – Tekno et la Croix Rouge

L’acquisition de cet ensemble de modèles a réveillé des souvenirs vieux de trente ans. A cette époque je commençais mes voyages en Scandinavie.

Tekno Rode Korse
Volvo Amazon « rode korse » (Croix Rouge)

A peine débarqué de l’avion, je mettais le cap sur le centre ville de Copenhague. Je garais mon auto derrière l’Hôtel de Ville. A deux pas, parallèle à la grande rue commerçante et piétonne, commençait la rue des petits brocanteurs. Une centaine de mètres seulement séparait les deux artères aux ambiances si différentes. Loin de la fureur de Vestergade, Frederikberggade offrait un paisible réconfort. Il y régnait le calme et la sérénité qui émanent parfois des objets du passé. Les boutiques agencées à l’ancienne étaient toutes en sous-sol, en marchant sur le trottoir on surplombait les vitrines. Nous ne connaissons pas, en France ce type d’agencement très commun en Scandinavie. Désormais, tout cela a disparu. La hausse vertigineuse des loyers a fait fuir ces petites échoppes de caractère. Désormais, je ne vais plus au centre ville de Copenhague, tout comme je ne vais plus au centre ville de Londres. C’est une autre époque.

Tekno Rode Korse
Tekno Volvo car Rode Korse

Je me souviens avoir été attiré par un car Volvo de la Croix Rouge. Je connaissais son existence pour l’avoir vu dans le premier livre Tekno. Le véhicule portait quelques traces d’usure attestant qu’il avait un véritable passé de jouet. Jeune collectionneur, j’avais la vie devant moi et je décidai de faire l’impasse sur le modèle en me disant que je le trouverais plus tard. Trente ans se sont écoulés. C’est l’expérience qui permet d’apprécier la rareté des objets. Si j’en avais été doté je n’aurais pas laissé passer cette première chance. Ceci fait aussi partie du charme de la collection.

J’ai eu la chance de retrouver ce Volvo Rode Korse en excellent état. Il était de plus accompagné de trois autres modèles Croix Rouge, tous contemporains chez Tekno.

Il y avait en plus un camion Volvo N88 Titan bâché, une camionnette Ford Taunus 1000 et une Volvo Amazon.

Cette série de 4 modèles provient de la collection d’un monsieur domicilié dans le Jutland. Chauffeur de car, il transportait quotidiennement les ouvriers vers la nouvelle usine Tekno. Il avait su tisser des liens avec certains membres du personnel, et, lors de la fermeture de l’usine, il avait eu le privilège d’être aux premières loges.

Tekno avait aménagé une salle pour exposer une partie de sa production, prototypes modèles commercialisés. Il avait ainsi pu compléter sa collection directement ! Ces quatre modèles ont reçu une finition identique aux autres modèles produits à la chaine. J’avance une hypothèse. La Croix Rouge recourait fréquemment à la vente de miniatures à ses couleurs pour financer son activité. On connaît de très nombreux exemples. Je pense que ces modèles ont été produits à cette fin. J’ai rencontré dans différentes collections danoises le car Volvo et le Ford Taunus. Il ne faut pas confondre le modèle du jour, réalisé sur la base du minibus avec le modèle très fréquent que Tekno fabriquera en série sur la base de son deuxième moule. Mais jamais nous n’avions entendu parler du camion bâché ou de la Volvo Amazon !

Il est intéressant de constater que des décalques spécifiques ont été créés. Au passage on remarquera la taille importante de ceux figurant sur les pavillons.