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Merci Monsieur Le Comte Giansanti !

L’histoire tient souvent à peu de choses. Nous allons voir aujourd’hui comment sans la volonté d’un homme, le comte Giansanti de Lausanne, l’histoire de Mercury n’aurait jamais pris cette dimension.

Mercury
Berne : au fond les fameux taxis jaune et rouge

Remontons le temps jusqu’à la création de la Mercury. Nous sommes après la guerre. La Societa Esercizio, fonderie de Ms Attilio Clemente et Antonio Cravero produit des pièces détachées d’automobile pour les firmes Solex, Lancia et Fiat. Elle souhaite diversifier sa production. En effet, à la fin de la guerre, de nombreux contrats qu’avait cette usine d’injection de pièces en zamac ont été dénoncés. La diversification est la condition de la survie de l’entreprise. Deux voies sont choisies par les associés : les accessoires de cuisine et les jouets : c’est ainsi qu’est créée la Mercury. La dénomination est habile. Tout en gardant une sonorité italienne, elle nomme en anglais le dieu Mercure qui veille notamment sur le commerce. A partir de 1950, Mercury abandonne la branche des accessoires de cuisine pour se consacrer pleinement aux jouets.

C’est à ce moment que l’histoire bascule. En 1949, le comte Giansanti de Lausanne se rapproche de la Mercury. Il pressent pour la gamme naissante un avenir en Suisse. Il devient donc l’importateur.

Mercury
Mercury pour le marché suisse

Cet homme très actif propose sa marchandise à la fameuse chaîne de magasins suisses « Franz Carl Weber ». Comme il l’expliquera plus tard, il savait que la partie ne serait pas facile. Il fallut sans doute tout le charme du comte pour dérider l’austère M. Franz Carl Weber lors de leur rencontre à Zürich. Le comte dut être convaincant, car à sa grande surprise, le dirigeant passa une importante commande. Un peu pris de court, le comte Giansanti s’engagea personnellement et de manière un peu inconsidérée à ce que les magasins Weber soient livrés rapidement. Or il n’avait pas consulté l’usine. Quand il revint à Turin le précieux contrat en poche, ce fut la douche froide. Mercury avait ralenti sa production de jouets, accaparée par la production de pièces automobiles. Tout aussi regrettable, Mercury venait de livrer une importante quantité de jouets dans la région de Cunéo et n’avait plus de stock. Qu’a cela ne tienne, soucieux d’honorer sa parole, le comte Giansanti reprit le volant de sa voiture et s’en alla racheter la livraison. L’usine turinoise réussit tant bien que mal à fournir la partie complémentaire !

Cet incident amena les dirigeants de la fonderie à prendre conscience du potentiel de leurs automobiles miniatures. A partir de ce moment, on considéra l’activité comme sérieuse et susceptible de générer des bénéfices.

Il faut dire que la direction avait caché à ses clients de l’industrie automobile cette activité de fabrication de jouets de peur qu’elle ne donne une image négative de l’entreprise.

Pour illustrer ces propos, voici deux séries de Mercury qui ont été réalisées pour le marché suisse et distribuées en majeure partie chez Franz Carl Weber. Nous sommes au milieu des années soixante.

Mercury
Mercury : deux variantes de combinaison de couleur

Pour beaucoup de collectionneurs de Mercury, la Fiat 1100 dite « taxi de Berne » est le modèle le plus désirable. Elle a été produite en très petite quantité. La fabrication est quasiment artisanale. La production a dû être livrée en plusieurs fois, ce qui, au vu du texte précédent n’a rien d’extraordinaire ! En effet, deux calandres différentes ont été utilisées. Bien que Mercury n’ait jamais dénommé ce modèle « taxi de Berne », j’ai pu valider l’exactitude de la décoration à partir de photos prises à Berne et reproduites dans un ouvrage suisse relatif au code de la route.

Mercury
Mercury : VW PTT avec grand décalque

L’autre modèle est un grand classique du jouet. Tout fabricant ayant à son catalogue une Volkswagen 1200 a réalisé une version des postes suisses. Mercury n’échappe pas à la règle. Deux décalcomanies différentes existent, circonstance qui confirme que la production a été étalée sur plusieurs années. Pour les amateurs, signalons qu’il existe une nuance de jaune.

Nous verrons, que le comte Giansanti va aller encore plus loin dans sa relation avec Mercury. Je conseille vivement la lecture de l’excellent ouvrage « Mercury » de chez Edizioni Libreria Cortina Torino.

Golden Arrow – 2

La récente présentation à l’opéra d’Hyppolite et Aricie de Jean-Philippe Rameau m’a plongé dans la mythologie grecque. Celle-ci surgit régulièrement dans notre civilisation occidentale. Les Romains s’en sont librement inspirés, puis la religion chrétienne, monothéiste, a effacé les traces de celle, polythéiste, venue d’Athènes.

Golden Arrow
Golden Arrow de chez Johiico

Ainsi, il fallut attendre la Renaissance pour voir réapparaitre dans le domaine des arts graphiques, lyriques et littéraires les héros de l’antiquité. Le siècle des lumières fut propice à la diffusion des images issues de cette mythologie. Les courants artistiques y puisent régulièrement leur inspiration.

Au début du siècle dernier, beaucoup d’industriels se sont inspirés des légendes grecques pour donner une identité forte à leurs produits. Le milieu de l’automobile n’a pas échappé à cette tendance. Son vocabulaire en est la preuve : le terme « phaéton » qui décrit une carrosserie automobile sportive équipée d’une banquette, rend hommage au héros qui avait osé conduire le char du soleil. Les personnages mythologiques inspirèrent bien évidemment les publicitaires. On peut citer à titre d’exemple Mobil et son cheval ailé, Pégase, GoodYear et les sandales ailées de Mercure, le messager des Dieux. Les constructeurs automobiles ont également utilisé ces symboles forts. La firme Rolls Royce a choisi pour orner ses radiateurs la fameuse représentation de Niké, déesse symbolisant la victoire de Samothrace. Maserati s’empara du trident, attribut du Dieu Poséidon, Alfa Romeo de la vouivre, création fantastique de la mythologie. Ils ont également donné à leurs modèles les noms des dieux et héros de l’antiquité. Simca baptisa l’une de ses berlines « Ariane », Renault fit de même avec sa « Clio ». La liste serait fort longue à établir, tant la mythologie grecque inspira les constructeurs automobiles, et plus généralement l’industrie. C’est bien la preuve de son influence sur notre société occidentale.

Un autre symbole, directement lié à la mythologie a été largement utilisé durant le siècle dernier. Il s’agit de l’attribut de l’Amour nommé aussi Cupidon et c’est bien évidemment la flèche.

Golden Arrow
Golden Arrow de chez Johillco

Les attributs des Dieux symbolisent leurs pouvoirs et sont bien souvent à double lecture. Ainsi, Cupidon décoche deux types de flèches : celles qui sont en or font naître l’amour chez ceux qui les reçoivent, celles qui sont en plomb provoquent l’aversion dans le cœur de l’être aimé.

On comprend mieux pourquoi les concepteurs de la Golden Arrow (littéralement flèche d’or) ont choisi ce nom. L’auto est conçue en 1929. Elle est considérée par les historiens de l’automobile comme la première à avoir reçu une carrosserie étudiée à des fins d’aérodynamisme.

Elle reçoit un moteur W12 Napier Lion de 23,9l de cylindrée issu de l’aviation. Pour le refroidir, les ingénieurs avaient placé dans les soutes latérales de l’engin des bacs de glace ! Dès sa première tentative à bord du modèle, Henry Segrave efface le record de la White Triplex. Peu de temps après avoir été détrôné, Lee Bible sur la White Triplex perdra la vie en tentant de reconquérir son titre. En signe de deuil, Henry Segrave renoncera à améliorer son record et l’auto sera remisée.