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fabrication avant la seconde guerre mondiale

L’ouverture sur le monde

L’ouverture sur le monde.

1543. Cette date ne vous dit sûrement rien. Rassurez-vous, elle me laissa également de marbre. Pourtant en 1543, un événement important s’est passé à l’autre bout du monde.

Débarquement des portugais
Débarquement des portugais

Trois navires portugais ont accosté à Tanegashima au Japon. C’est, pense-t-on, la première fois que le pays s’est ouvert à des étrangers. Le choc, on l’imagine a été de taille, deux cultures totalement différentes se rencontraient.
Les Portugais étaient venus convertir les Japonais à la religion catholique. Accessoirement ils voulaient en profiter pour ouvrir un nouveau comptoir commercial.

Les Japonais furent impressionnés par la stature des marins portugais. Sur le paravent qui narre la scène ils sont représentés très grands, voire disproportionnés par rapport à la stature des autochtones.

Le noir est la couleur qui domine les habits des européens tandis que les japonais arborent des vêtements aux couleurs chatoyantes. D’après des historiens, les japonais ont trouvé que ces étrangers manquaient singulièrement de manières.
Pour immortaliser cette extraordinaire rencontre, les artistes japonais de l’école Kano ont reproduit le débarquement sur des tentures servant de paravent. L’événement sera à l’origine d’un courant artistique baptisé « Namban Bunka » ou culture des barbares du sud.
J’ai fait le rapprochement avec l’univers de la collection et les découvertes que j’ai fait récemment.

Il s’agit des premières miniatures automobiles fabriquées au Japon, elles datent manifestement des années trente. Ce fut une vraie surprise de découvrir ces miniatures du pays du soleil levant, bien éloignées des standards des productions européennes de la même époque.

Pourtant certaines d’entre elles dégagent un air de déjà vu.
Prenons cette splendide limousine bicolore. Elle est en plomb injecté. La gravure est correcte et l’injection de très belle qualité. C’est la nécessité de loger le mécanisme qui a façonné les formes de l’auto et je ne suis pas en mesure de dire si elle reproduit avec fidélité une auto japonaise d’avant guerre. Elle ne ressemble à aucun autre jouet automobile de la même époque. Les teintes utilisées par le fabricant de cette miniature sont caractéristiques de celles appliquées sur les jouets japonais en tôle d’avant-guerre : le dégradé de vert était à la mode.

La Toyota AA de 1936, qui semble être la première Toyota produite, est, elle, réalisée dans un matériau en vogue de l’autre côté du Pacifique, aux USA.

Le jouet est en caoutchouc (rubber) comme bon nombre d’autos américaines réalisées à la même époque. Il est amusant de constater que si Toyota s’est fortement inspiré de la ligne aérodynamique immortalisée par la Chrysler Airflow, le fabricant japonais, inconnu malheureusement, a fait de même en s’inspirant des productions Auburn et Sun Rubber en caoutchouc.

Signalons juste que l’échelle de reproduction est inférieure à celles des modèles américains contemporains (1/50 environ).

Le bus est également digne d’un grand intérêt en raison de son traitement. La finition fait penser aux premiers modèles de la marque SR (France) qui avaient inondé le marché américain, dès les années 1910. Ce n’est pas un hasard si cette firme japonaise s’est inspirée des fabrications françaises. Les firmes japonaises qui se sont intéressées très tôt au marché américain ont forcément rencontré ce type de jouets, elles s’en sont inspirées. Le marché américain était la cible principale des japonais à l’époque car il fallait faire rentrer des devises dans le pays.

Le modèle reproduit un car japonais, reconnaissable à sa porte latérale, située côté droit, puisqu’au Japon on roule à gauche. On remarquera également que les personnages sont figurés de dos. En effet ils sont assis sur des banquettes alignées sur les parois du véhicule et non transversales comme chez nous en Europe. L’inscription « Noriai » signifie « bus ».

J’ai trouvé ce modèle dans une bourse américaine. La protubérance à l’arrière a une fonction ludique. Le vendeur a tenu à m’en faire la démonstration, se mettant à souffler comme un forcené dans l’arrière du véhicule pour émettre un sifflement strident qui a fait se retourner tous les gens de la bourse ! En effet, ce qui fait office de cache roue de secours est en fait une petite turbine qui émet ce sifflement lorsqu’ on souffle.

L’auto de course possède aussi une clef solidaire du mécanisme comme la limousine décrite plus haut. Son inspiration est sans aucun doute américaine. C’est également aux Etats-Unis que j’ai trouvé cet exemplaire. Pour l’anecdote, un autre fabricant japonais de jouets en celluloïd copiera ce bolide. J’en possède un de couleur rose du plus bel effet. Je l’ai également rencontré équipé d’un petit crochet en acier sur la tête du pilote, ce qui permet de l’accrocher dans le sapin de Noël les modèles exportés aux Etats-Unis.

Avant de devenir la grande puissance économique que l’on connaît, le Japon s’est inspiré de ce qui se produisait de mieux aux Etats-Unis mais aussi en Europe. Les fabricants ont délibérément copié bon nombre de produits, comme vous avez pu le constater avec ces quelques exemples. Ils ont appris très vite.

La paix revenue, l’industrie du jouet japonais inondera le marché américain avec des produits de très grande qualité, innovants et inventifs. Ces jouets supplanteront les jouets allemands, longtemps demeurés le modèle en Amérique.
Le déferlement des jouets japonais aux USA s’est prolongé jusqu’aux années quatre-vingt.
La roue a tourné. Ce n’est plus du Japon que viennent les jouets mais d’un autre pays asiatique, la Chine.

Des MG Gardner du monde entier

Des MG Gardner du monde entier
Après vous avoir présenté une curieuse MG Gardner germano-italienne (Blog What is it ? )  je vous présente aujourd’hui d’autres reproductions en miniature de cette auto qui aura eu un destin contrarié par le conflit de 1939-1945.

Dinky Toys a eu le temps de proposer une version avant le début du conflit. Cette version se différencie de celle proposée après guerre par sa décoration. Comme la vraie voiture, elle présente une bande de couleur blanche sur ses flancs. Après la guerre, pour des raisons d’économies mais aussi par volonté de simplification elle perdra cette élégante décoration réalisée au pochoir. Elle sera alors distribuée en boîte de six pièces alors qu’avant guerre elle était vendue dans une boîte individuelle.

Plus intrigante est la version qu’a fournie JRD. Elle a également été proposée à la vente avant le début du conflit. Et si elle intrigue, c’est parce qu’elle n’a aucun lien  avec les précédents choix du fabricant de Montreuil.

Jusqu’ici la gamme JRD était cantonnée aux autos françaises, qu’elles soient routières (Citroën, Peugeot) ou de compétition (Bugatti, Delahaye). Le choix du fabricant français peut s’expliquer par le souhait de diversifier sa gamme. Peut-être était-elle destinée à des marchés étrangers, tentative stoppée net par le conflit. Cette auto n’a jamais été exportée. La présence de pneumatiques gravés « Michelin » atteste bien que nous sommes sur une production d’avant guerre. Si l’on regarde les dates des records de la vraie voiture et la date de mise en vente de ce jouet, 1939-1940, on comprend que la production a été de très courte durée. Cela explique sa rareté.
Le logo MG n’apparait pas sur le capot.

Le modèle semble avoir été réalisé à la va-vite, la reproduction en souffre. Si les autres JRD en composition dites « plastiline » dans les catalogues d’époque sont harmonieuses et relativement fidèles, ce n’est pas du tout le cas de cette MG Gardner. Je vous en présente deux exemplaires : l’un de couleur verte et l’autre de couleur bleu métallisé. Il existe cependant d’autres couleurs.

 

La version due à Nigam en Italie constitue une autre rareté. Elle mesure 14 cm. L’échelle est proche du 1/40. Elle est injectée en zamac. On sait assez peu de choses de ce fabricant italien. Il s’agit d’une création. C’est un jouet rare, même en Italie. Elle est assez réussie.

Enfin, encore plus rare est la production argentine proposée  par Aguara. Elle porte un numéro « 1 » gravé sous le châssis que l’on peut interpréter comme un numéro de catalogue. On s’interroge donc sur l’existence d’autres numéros.
L’auto est reproduite au 1/50 environ. Elle est en plomb. Finement injectée et possédant une belle gravure pour un jouet en plomb, la miniature est de belle facture. De plus la peinture est de qualité et le fabricant Aguara n’a pas hésité à recourir à une finition au pochoir de couleur argent. Il ne s’agit pas d’une copie du modèle Dinky Toys.
Finalement, hormis la Dinky Toys, les reproductions de la MG Gardner sont difficiles à se procurer et il vous faudra de la patience pour réunir ces modèles.

What is it? MG Gardner inconnue

 MG Gardner inconnue

J’ai reçu récemment une lettre émanant du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche qui me conviait à une « invitation Speed-recruting ». SI j’ai été peiné par la formule utilisée, je n’ai pas été vraiment surpris.

MG Gardner inconnue (Italie?)
MG Gardner inconnue (Italie?)

Nous sommes envahis de messages en langue anglo- saxonne. Partout, dans les magazines, dans le métro, sur les murs, à la radio, des mots, voire des phrases entières en langue anglaise s’insèrent de manière insidieuse dans notre quotidien.

Bien souvent, ils échappent à ma compréhension. La loi qui impose la traduction en français est contournée : les traductions sont en caractères de plus en plus petits, voire minuscules. Nous ne sommes pas les seuls à être touchés, nos voisins européens sont soumis au même régime.

Dans un établissement sportif de mon quartier qui venait de rouvrir après une longue fermeture pour travaux, ce sont des affiches avec des slogans en anglais qui sont apparues. Avant de s’exprimer en anglais, ne faudrait-il pas s’attacher à s’exprimer correctement dans la langue officielle ? Avant l’inauguration, le personnel a dû s’appliquer à corriger sur les murs les fautes d’orthographe qui émaillaient les textes en français : le verbe « courir » a ainsi perdu un « R » superflu, il ne reste qu’un espace entre les lettres, comme un reproche muet.

MG Gardner inconnue (Italie?)
MG Gardner inconnue (Italie?)

« What is it? » C’est la question que j’ai posée à mon ami Tom qui proposait à la vente cette auto de record sur son étal. Ce n’était pas pour faire moderne, j’étais bien obligé de m’adresser en ces termes à Tom qui est un sujet de sa Gracieuse Majesté. La question était nécessaire car de ma vie de collectionneur je n’avais jamais vu cet engin.

Mon ami Tom m’a répondu qu’il s’agissait vraisemblablement d’un prototype Dinky Toys. J’ai compris que je n’en apprendrais pas plus de lui. Ce jouet n’a rien de commun avec une production de Liverpool. Les formes ressemblent à s’y méprendre à la fameuse Mercedes carénée. Le châssis est maintenu comme celui des modèles Märklin avec des agrafes typiques du fabricant de Göpingen. Le marquage MG réalisé en creux, comme frappé, finit de semer le trouble. Enfin, le matériau n’a rien de commun avec les miniatures réalisées à cette époque, l’alliage est épais, comme travaillé, usiné. Les pneus et les jantes aussi ont une similitude avec ceux de la Märklin.

La seule chose que j’ai pu savoir de Tom et qui m’a permis d’avancer dans mes recherches c’est qu’il l’avait trouvée en Grande-Bretagne auprès de Patrick Trench. Je suis donc allé trouver ce dernier qui m’a indiqué avoir acquis le modèle en Italie ! Etrange parcours.

L’histoire a rebondi quelque temps après quand Olga Adorno m’a contacté de Rome afin de réaliser la collection de son époux Paolo, décédé quelques années auparavant. Lorsque j’ai vu sur la liste une MG de record indiquée « marque inconnue » j’ai fait tout de suite le rapprochement. Renseignements pris, il s’agissait bien de la même auto. Le traitement était un peu différent puisque cette dernière était peinte.
Il semble bien que ces autos aient pour pays d’origine l’Italie si l’on se réfère à l’endroit où ces deux exemplaires ont été trouvés. Y a t’il un lien avec Märklin ? Difficile de l’affirmer. Une chose est sûre, les jouets allemands et particulièrement les Märklin ont toujours eu du succès en Italie.
Cette MG est bien contemporaine des Mercedes de record reproduites par Märklin. La vraie MG est apparue à la toute fin des années trente. L’arrivée de la guerre arrête net les tentatives de record qui ne reprennent qu’après le conflit. Quelques années avant la guerre, Märklin avait déjà diversifié son catalogue tout germanique avec un Bluebird, auto anglaise. Il avait peut être été envisagé qu’une MG l’accompagne. Un test, un prototype aurait pu être réalisé pour l’importateur Märklin en Italie ou ailleurs. A t’elle été exposée lors d’un salon du jouet italien ?

On peut également envisager un bricolage des années soixante, œuvre d’un passionné d’autos de record qui aurait surmoulé une Mercedes et bricolé une MG. Mais je doute de cette hypothèse. Le châssis et les modifications de gravure semblent avoir été réalisées par un atelier. Le sertissage n’est pas de nature artisanale.

Tom a peut-être raison sur un point. Il s’agit probablement d’un prototype, d’une étude sans lendemain qui, demeuré cachée pendant soixante-dix ans a refait surface. (lire la suite des MG en miniatures )

Berlin années 20 : Erzgebirge

Camionnettes publicitaires allemandes 7 cm ; ces autos sont en bois peint. Le fabricant Erzgebirge fut très populaire en Allemagne mais aussi aux USA en raison notamment de l’importante immigration Allemande en Amérique.

Erzgebirge
Erzgebirge

Ces jouets étaient confectionnés dans les régions montagneuses entre l’Autriche et l’Allemagne. Les pièces des modèles étaient distribuées dans des fermes, puis assemblées à la veillée ; les modèles étaient ensuite collectés de ferme en ferme. La production s’est étendue à plusieurs régions… les modèles portent généralement des marquages distincts au niveau des châssis, permettant d’identifier leur la provenance.

Il est inévitable que des variantes de fabrication apparaissent en raison de la diversité des provenances. Si l’ensemble la qualité reste constant, avec un peu d’expérience, il est possible de distinguer des unités de fabrication plus exigeantes que d’autres.

Les modèles présentés sont particuliers. Il s’agit de modèles promotionnels pour des firmes Allemandes : l’une vante une marque de peinture, l’autre arbore le logo d’une firme spécialisée dans le café. Elles représentent certainement des véhicules réels circulant à l’époque dans Berlin.

Les véhicules sont taillée dans du bois. La décoration est appliquée avec un tampon pour le van, alors que sur la camionnette, la cafetière est décorée à l’aide d’un décalque en papier. Le résultat est convaincant, et possède beaucoup de charme. Ces véhicules publicitaires étaient déjà très prisés auprès des entreprises qui ont rapidement compris l’impact de ces véhicules circulant dans les rues auprès des passants. Il est vrai que l’automobile a de tout temps était une excellent vecteur publicitaire. Il était donc logique que les premiers fabricants de miniatures agissent par mimétisme : nul ne doute que l’effet auprès des enfants à qui étaient destinés ces jouets devait être grand. Pour ceux que le sujet intéresse, je signale l’existence d’un bel ouvrage sur le sujet… dans la langue de Goethe.

La production est dument répertoriée à l’aide de catalogues destinés aux revendeurs. Signalons enfin l’existence de coffrets créés spécifiquement pour Noël, composés de plusieurs véhicules avec mobiliers urbains et maisons, le tout présenté dans de grandes boîtes rondes en bois où les modèles sont disposés en vrac, callés à l’aide de paille (comme les conserves présentées en emballage cadeau dans les épiceries fines)!…

Il s’agit certainement des premiers coffrets cadeaux. Nous reviendrons prochainement sur cette firme, afin de vous faire découvrir d’autres objets.

coffret Dalia

Un Dalia dans les ronces de Guernica.

Qu’est-ce qui fait que certains spectacles sont inoubliables ? Selon le metteur en scène italien Giorgio Strehler, l’étincelle magique peut se déclencher à tout moment, durer une seconde ou tout le spectacle, ne pas se répéter d’un jour sur l’autre : cela dépend des acteurs mais aussi du public. De nombreux facteurs entrent en compte, cela ne s’explique pas forcément. Il s’agit d’une étrange alchimie, qui fait que ce jour là, un instant se transforme en un moment de grâce.

Avez-vous déjà réfléchi à la question de savoir pourquoi un modèle vous émeut plus qu’un autre ? Qu’est-ce qui provoque l’étincelle ? C’est la question que je me suis posée devant ce coffret Dalia, le jour où je l’ai acquis, il y a fort longtemps.

Car en effet, j’ai ressenti une émotion très particulière devant cet ensemble Dalia d’autos aérodynamiques démontables.

J’ai été conquis sur le champ. La première explication est purement esthétique. L‘emballage est luxueux, il contient des miniatures très bien finies aux formes avant-gardistes.

Le chromage des châssis et du capot est de superbe qualité, de même que les peintures aux teintes acidulées qui habillent les carrosseries. La qualité du zamac est également irréprochable. Il n’y a quasiment jamais de métal fatigue sur ce type de fabrication, ce qui n’est pas le cas des Solido contemporaines de ces mêmes coffrets. Ces modèles sont de véritables créations qui ne peuvent être confondues avec les Major et les Junior produites en même temps chez Solido. Dalia avait des liens commerciaux avec Solido bien avant que la firme française ne fabrique des jouets.

Devant ce type de produits, on ne peut que s’interroger. Avant guerre, les miniatures espagnoles sont rares. Il y a de très beaux jouets produits de l’autre côté des Pyrénées, mais le matériau utilisé est le plus souvent la tôle peinte ou lithographiée (Paya, Rico…). La conjugaison de deux éléments, la provenance ibérique et la date de production du coffret (1935-1936), attisent la curiosité et questionnent.

Le contraste est saisissant entre le luxe de ce coffret et la situation du pays au même moment.

Pablo Picasso Guernica
Pablo Picasso Guernica

Ce coffret est contemporain de la guerre civile espagnole qui débute en 1936. On pense tout de suite à Guernica  de Pablo Picasso ou à la fameuse photo de Robert Capa « Mort d’un soldat républicain », où l’anarchiste républicain Federico Borell Garcia tombe en arrière, fauché en plein assaut. Avec le tableau de Picasso, cette photo symbolisera la guerre d’Espagne. Nous sommes bien loin de la futilité d’un coffret de jouets.

mort d'un milicien Robert Capa
mort d’un milicien Robert Capa

 

 

En Espagne, à cette époque, il y a une grande disparité de pouvoir d’achat entre la classe ouvrière et celle qui possède le capital. Ce type de jouet, luxueux était forcement réservé à l’élite dirigeante.

Le trouble que je ressens devant ce coffret vient de mon questionnement : comment des coffrets aussi luxueux ont-ils pu être diffusés dans une période aussi noire ? Ballotée entre les républicains et les nationalistes la population avait bien d’autres soucis que d’acheter des jouets. Pour certains, c’était plutôt de survie et d’exil dont il était question. Le coffret double, comprenant toutes les carrosseries fait figure de luxe absolu. Le prix de vente très élevé de ce genre d’article a dû limiter sa diffusion à la caste dirigeante. Il n’a pu en être autrement. Dans ce contexte, la production de ce type de jouets paraît incongrue, voire indécente.

Cependant, peut-être faut-il voir dans la volonté de produire de beaux jouets, même en période trouble, une vision optimiste de l’avenir, propre aux pays latins ?

Par opposition, je pense au catalogue du fabricant allemand Tipp co de 1939 que j’ai récupéré dans les archives de Jacques Greilsamer. Le catalogue est en noir et blanc. La majorité des pages est consacrée aux jouets de guerre. La couverture du catalogue est édifiante : l’aigle nazi figure à la une avec une croix gammée.

C’est presque un catalogue de propagande. On en oublie que Tipp Co est un fabricant de jouets. Nous sommes bien loin des chaudes couleurs du coffret Dalia.

Voici quatre coffrets que j’ai pu acquérir au fil des ans. Je me souviens fort bien de l’acquisition du premier. Un exposant de pièces automobiles de Rétromobile l’avait lui-même acquis dans les années 70 en Espagne à l’occasion d’une manifestation automobile où il exposait. L’objet l’avait séduit et il l’avait conservé jusqu’à ce moment où, voulant faire une autre acquisition, il avait été obligé de le remettre en vente. Vingt ans après, lors du salon champenois, il m’avait demandé si je l’avais toujours conservé. Il avait semblé content que je réponde par l’affirmative. Je pense qu’il était très attaché à l’objet.

Plus tard, j’ai acquis les coffrets de petite taille. L’un est consacré aux voitures particulières et l’autre aux utilitaires. Enfin, dernièrement j’ai mis la main sur le dernier coffret, plus modeste certes, mais non dénué d’intérêt.