Archives par mot-clé : Major

Junior de Luxe

Junior de luxe

Place aux jeunes ! Voilà en quelques mots ce que j’ai dit à mon frère cadet qui cherchait à diversifier son activité professionnelle. Je l’ai convaincu d’ouvrir un site avec des produits qui auraient pour point commun un rapport qualité prix indiscutable.

J’ai fait ce constat très simple. Le marché est solide.

Contrairement à ce que laissent entendre certain collectionneurs, voire quelques professionnels du secteur de la miniature automobile, le marché est actif et a un avenir certain.

 

Les raisons invoquées par ces personnes sont multiples : Il n’y a pas de jeunes amateurs, les collectionneurs ne n’intéressent qu’aux miniatures contemporaines de leur enfance, il n’y a personne pour reprendre le flambeau.

Mon analyse est différente. Il me semble que le vrai problème est ailleurs. Il se situe au niveau du pouvoir d’achat.

C’est pourquoi le marché doit évoluer. Il doit s’adapter au porte-monnaie des clients. Il faut baisser les prix pour proposer un rapport qualité prix plus attractif : c’est pourquoi nous ouvrons Auto Jaune Junior de 7 à 77 euros.

C’est un challenge mais nous avons des atouts. Mon frère qui a de l’expérience dans la communication s’occupera des relations et du suivi des clients. Il me revient d’utiliser mes 32 ans de métier pour trouver des produits intéressants afin de fidéliser cette nouvelle clientèle.

Tous les jours, à 22H30, comme sur le site de l’Auto Jaune nous allons mettre en ligne quatre nouveaux produits. A l’ouverture, le site en proposait déjà 2500, la réserve est constituée pour alimenter la page quotidienne et fidéliser les amateurs.

Nous ferons également quelques bourses d’échange en qualité de vendeur…cela me rappellera mes débuts.
Mon frère pourra parfaire sa culture musicale durant les déplacements …5 heures de route, c’est juste le temps d’apprécier le Crépuscule des Dieux.

Mon frère n’est pas collectionneur mais il a été élevé dans l’univers de la collection. Par ailleurs, il a pu apprécier très tôt la qualité des jouets Solido. C’est en effet un AMX 30 de chez Solido que je lui ai lancé à la tête, un jour de dispute comme il en existe parfois entre frères. Cet acte impardonnable m’a valu la confiscation immédiate par mon père de tout mon parc d’autos miniatures. Afin de ne pas raviver de vieilles querelles je vais éviter de lui confier ce type de produits pour mise en vente sur son site.

Il va vite apprendre que dans le milieu de la collection, le terme « Junior » est associé à plusieurs fabrications. Celle qui me vient en premier à l’esprit est celle de la gamme des miniatures démontables de chez Solido.

Elle est apparue dès le début de la fabrication de jouets, avant-guerre. Les modèles de la plus grande taille étaient les Major, venaient ensuite les Junior puis enfin les Baby. Ferdinand de Vazeilles avait donc créé trois gammes d’autos et donc trois catégories de prix. Comme souvent dans la production de jouets, la taille définissait le prix. Les Junior sont mes préférées. L’échelle se rapproche des standards imposés par Meccano et ses trains miniatures, le 1/43. Il est assez intéressant de constater que durant l’ère de M. de Vazeilles, jusqu’au milieu des années soixante-dix,  Solido va garder jusqu’au bout ses gammes de miniatures transformables que sont les Major et les Junior. Seules les Baby ne passeront pas le cap des années 60.

Ces autos seront vendues à l’unité. Cependant, pour les périodes de fêtes, Solido produira de somptueux coffrets, des Junior de luxe. Le plus impressionnant, frisant la démesure, est celui qui s’intitule « Concours d’élégance ».

J’ai pu acquérir l’exemplaire de Bertrand Azema. C’est presque un catalogue à la Prévert : scooter, chariot de gare, camions de pompiers, avion à réaction, engin de chantier, triporteur… le plus impressionnant est que Solido ait regroupé dans ce coffret des modèles des gammes Junior, Baby et même Mosquito ! On pourrait croire à un coffret de représentant servant à montrer aux éventuels clients l’étendue des fabrications Solido. Il n’en est rien.
Au regard de la taille et du poids du coffret, on imagine que la production n’a pas été très importante.

Ce coffret n’a dû être mis en vente que dans des magasins haut de gamme. Il fallait que les parents gagnent bien leur vie pour pouvoir offrir un tel cadeau à leur progéniture.

coffret Dalia

Un Dalia dans les ronces de Guernica.

Qu’est-ce qui fait que certains spectacles sont inoubliables ? Selon le metteur en scène italien Giorgio Strehler, l’étincelle magique peut se déclencher à tout moment, durer une seconde ou tout le spectacle, ne pas se répéter d’un jour sur l’autre : cela dépend des acteurs mais aussi du public. De nombreux facteurs entrent en compte, cela ne s’explique pas forcément. Il s’agit d’une étrange alchimie, qui fait que ce jour là, un instant se transforme en un moment de grâce.

Avez-vous déjà réfléchi à la question de savoir pourquoi un modèle vous émeut plus qu’un autre ? Qu’est-ce qui provoque l’étincelle ? C’est la question que je me suis posée devant ce coffret Dalia, le jour où je l’ai acquis, il y a fort longtemps.

Car en effet, j’ai ressenti une émotion très particulière devant cet ensemble Dalia d’autos aérodynamiques démontables.

J’ai été conquis sur le champ. La première explication est purement esthétique. L‘emballage est luxueux, il contient des miniatures très bien finies aux formes avant-gardistes.

Le chromage des châssis et du capot est de superbe qualité, de même que les peintures aux teintes acidulées qui habillent les carrosseries. La qualité du zamac est également irréprochable. Il n’y a quasiment jamais de métal fatigue sur ce type de fabrication, ce qui n’est pas le cas des Solido contemporaines de ces mêmes coffrets. Ces modèles sont de véritables créations qui ne peuvent être confondues avec les Major et les Junior produites en même temps chez Solido. Dalia avait des liens commerciaux avec Solido bien avant que la firme française ne fabrique des jouets.

Devant ce type de produits, on ne peut que s’interroger. Avant guerre, les miniatures espagnoles sont rares. Il y a de très beaux jouets produits de l’autre côté des Pyrénées, mais le matériau utilisé est le plus souvent la tôle peinte ou lithographiée (Paya, Rico…). La conjugaison de deux éléments, la provenance ibérique et la date de production du coffret (1935-1936), attisent la curiosité et questionnent.

Le contraste est saisissant entre le luxe de ce coffret et la situation du pays au même moment.

Pablo Picasso Guernica
Pablo Picasso Guernica

Ce coffret est contemporain de la guerre civile espagnole qui débute en 1936. On pense tout de suite à Guernica  de Pablo Picasso ou à la fameuse photo de Robert Capa « Mort d’un soldat républicain », où l’anarchiste républicain Federico Borell Garcia tombe en arrière, fauché en plein assaut. Avec le tableau de Picasso, cette photo symbolisera la guerre d’Espagne. Nous sommes bien loin de la futilité d’un coffret de jouets.

mort d'un milicien Robert Capa
mort d’un milicien Robert Capa

 

 

En Espagne, à cette époque, il y a une grande disparité de pouvoir d’achat entre la classe ouvrière et celle qui possède le capital. Ce type de jouet, luxueux était forcement réservé à l’élite dirigeante.

Le trouble que je ressens devant ce coffret vient de mon questionnement : comment des coffrets aussi luxueux ont-ils pu être diffusés dans une période aussi noire ? Ballotée entre les républicains et les nationalistes la population avait bien d’autres soucis que d’acheter des jouets. Pour certains, c’était plutôt de survie et d’exil dont il était question. Le coffret double, comprenant toutes les carrosseries fait figure de luxe absolu. Le prix de vente très élevé de ce genre d’article a dû limiter sa diffusion à la caste dirigeante. Il n’a pu en être autrement. Dans ce contexte, la production de ce type de jouets paraît incongrue, voire indécente.

Cependant, peut-être faut-il voir dans la volonté de produire de beaux jouets, même en période trouble, une vision optimiste de l’avenir, propre aux pays latins ?

Par opposition, je pense au catalogue du fabricant allemand Tipp co de 1939 que j’ai récupéré dans les archives de Jacques Greilsamer. Le catalogue est en noir et blanc. La majorité des pages est consacrée aux jouets de guerre. La couverture du catalogue est édifiante : l’aigle nazi figure à la une avec une croix gammée.

C’est presque un catalogue de propagande. On en oublie que Tipp Co est un fabricant de jouets. Nous sommes bien loin des chaudes couleurs du coffret Dalia.

Voici quatre coffrets que j’ai pu acquérir au fil des ans. Je me souviens fort bien de l’acquisition du premier. Un exposant de pièces automobiles de Rétromobile l’avait lui-même acquis dans les années 70 en Espagne à l’occasion d’une manifestation automobile où il exposait. L’objet l’avait séduit et il l’avait conservé jusqu’à ce moment où, voulant faire une autre acquisition, il avait été obligé de le remettre en vente. Vingt ans après, lors du salon champenois, il m’avait demandé si je l’avais toujours conservé. Il avait semblé content que je réponde par l’affirmative. Je pense qu’il était très attaché à l’objet.

Plus tard, j’ai acquis les coffrets de petite taille. L’un est consacré aux voitures particulières et l’autre aux utilitaires. Enfin, dernièrement j’ai mis la main sur le dernier coffret, plus modeste certes, mais non dénué d’intérêt.

 

Passion Solido

Le dernier contact que j’ai eu avec Bertrand Azema remonte à 2007. Février 2007 pour être précis car je le rencontrais au moins une fois par an au salon Rétromobile. Il m’avait alors parlé de son projet de refaire un ouvrage sur la série 100. Il faut effectivement constater que les collectionneurs ont évolué depuis la parution du premier livre sur le sujet. Par ailleurs, la série 100 est si vaste que de nombreuses variantes de couleurs ont émergé depuis le premier opus sur le sujet. C’est d’ailleurs lors de la préparation de son premier livre que nous avions fait réellement connaissance, lorsqu’il était venu chez mon père afin de compléter ses listes et de faire des photos.

Moule Solido pour le modèle Bertone d'Alfa Romeo
Moule Solido pour le modèle Bertone d’Alfa Romeo

Il était également venu pour la réalisation de son second ouvrage consacré aux Solido des séries Major, Junior, Baby et aux Solido d’exportation.

Bien conscient de l’évolution du marché, Bertrand Azema avait repris son bâton de pèlerin et, plein d’enthousiasme, projetait d’écrire un nouvel opus. Il avait commencé par établir une liste remise à jour de toutes les variantes de boîtes de la série 100. Il m’avait parlé de ses dernières découvertes sur ce sujet et m’avait téléphoné quelque temps plus tard afin de convenir d’un rendez-vous. Ce fut mon dernier contact avec lui. La maladie aura raison de son enthousiasme. Il s’est éteint le 4 juin 2013 à l’âge de 70 ans.

Au mois de novembre 2014 son épouse Isabelle Azéma mettra aux enchères à la Galerie de Chartres une partie de sa très belle collection, au profit de la recherche sur la maladie d’Alzheimer.
Mme Azema m’a fait un grand honneur. Sachant qu’avec mon père nous avions rassemblé un certain nombre de prototypes et connaissant notre intérêt pour ces produits, elle m’a cédé quelques pièces, en marge de la collection de miniatures. J’ai été ému et touché de ce geste. Au-delà de l’intérêt historique des objets, je suis sensible à leur provenance, c’est un peu de Bertrand Azema qui rentre chez moi.

Voici donc l’ébauche en bois, ainsi que son empreinte en élastomère de l’Alfa Romeo Carabo de chez Bertone. L’auto a été présentée au salon de Paris en 1968. On la doit à Giorgetto Giugiaro qui travaillait alors au studio Bertone. Le nom « Carabo » rappelle que la voiture ressemble à un scarabée (carabidae) : les portes, en forme d’élytres, et la couleur, vert métallisé rappellent le monde des insectes. Cette auto fut un tournant dans le monde du design automobile. On mesure l’impact que cette auto eut auprès du public au nombre de reproductions en modèles réduits qui ont vu le jour.

L’échelle retenue est trois fois supérieure à celle qui avait été initialement envisagée. M. Jean-Paul Juge m’en avait dans le passé expliqué la raison. Une fois l’ébauche en bois réalisée, une empreinte est réalisée permettant ensuite un moulage en résine. A l’aide de ce moulage réalisé à une échelle supérieure, les éventuels défauts, ainsi que la ligne générale sont mis en évidence. Lorsque la ligne générale est approuvée et les éventuels défauts corrigés, une réduction au tiers est effectuée. Le travail est encore long avant la mise en production de la miniature. Enfin, c’est à partir de la réduction que sera gravée la matrice en acier.

Solido a tenu à se différencier de ses concurrents, en offrant une reproduction équipée de portes ouvrantes. Ces portes sont « la » singularité de cette auto à l’échelle 1. Solido fut le seul au 1/43 à proposer cet élément mobile. On imagine la prouesse technologique de la part du personnel du bureau d’étude. Pour les amateurs de variantes signalons deux nuances distinctes de vert métallisé et la version de couleur rouge, plus rare.