La conscience du travail bien fait.
« Non, non, ils sont en polyéthylène . Le nylon, c’était bien trop cher. Ca coûtait environ six fois plus. Nous nous en servions pour les engrenages des locomotives. De plus cette matière avait une propriété intéressante, elle était auto-lubrifiante.» Voilà de quelle manière m’a repris un ancien employé du bureau d’étude de chez Meccano. Nous parlions des pneus apparus au milieu des années soixante avec les jantes en aluminium et qui portent la gravure « Dunlop ». Comme tous les collectionneurs je les pensais injectés en nylon.
Mon interlocuteur a travaillé au bureau d’étude de l’entreprise Meccano depuis les années soixante jusqu’à la dissolution au milieu des années quatre-vingt.
Pour un collectionneur de miniatures, rien n’est aussi passionnant qu’une rencontre avec un ancien membre du bureau d’étude d’une entreprise de jouets.
Bien évidemment, le regard que porte le collectionneur sur sa marque préférée est différent de celui porté par un ancien salarié. Mais ce dernier finit toujours par comprendre l’intérêt que vous lui portez et apprécie que son histoire professionnelle soit une source d’émerveillement.
Les souvenirs remontent à la surface ; les souvenirs et les noms des collègues perdus de vue depuis longtemps. Comme j’ai eu la chance d’en croiser un certain nombre, il m’arrive de suggérer un nom. Parfois, cela fait mouche, le regard du narrateur s’anime et l’histoire repart.
Nous sommes devant des plans originaux. Mon interlocuteur me raconte comment les modèles sont réalisés. C’est le travail en amont du plan qui retient toute mon attention. Lorsque la direction avait opté pour un projet, un long travail de recherche et de documentation commençait.
Mieux, des membres du personnel allaient étudier le véhicule in situ. Ainsi mon homme me conte comment, un matin d’hiver bien froid, la direction l’avait envoyé avec un collègue dans une casse automobile au Bourget, afin de photographier un GMC bâché militaire et d’en relever les cotes. Plus tard, il sera également envoyé à Tours, chez Pinder, également en plein hiver, pour cause d’hivernage du cirque. Ce jour là, l’épouse du directeur marketing, que l’expédition tentait car une partie des animaux était également là, l’avait accompagné.
On comprend alors que la qualité d’exécution, de gravure, de détail des Dinky Toys France n’est pas due au hasard. Il y a en amont un travail fantastique pour réaliser des plans riches en détails. Je me souviens très bien que M. Malherbe s’était fait retoquer le plan de son moteur Matra de formule 1 jugé trop complexe. Quand on voit la version retenue, on n’ose imaginer jusqu’où était allé ce dernier.
L’autre point qui a retenu mon attention c’est la préoccupation d’exactitude. Ainsi, on peut dire que quasiment tous les modèles réalisés par Dinky Toys trouvent leur source dans la réalité. Rien n’est dû à l’imagination d’un prototypiste, ce qui est rare chez les fabricants de jouets.
Ainsi, le Berliet GBO benne carrière a bel et bien existé avec cet équipement. J’ai pu dernièrement voir une photo du vrai véhicule. Destiné au désert, il était fort peu répandu sur le territoire. Tout est fidèlement reproduit.
La firme Quiralu n’a visiblement pas été animée du même souci d’exactitude. Ayant comme Dinky Toys un Berliet GBO à son catalogue, elle cherchait elle aussi à amortir son outillage. Le choix se porta sur une tribenne Marrel.
Je doute que ce modèle ait existé. On peut d’ailleurs relever que ce type d’équipement sur un châssis GBO est impossible. Il faut donc prendre ce modèle pour ce qu’il est, un jouet. Il est connu en trois déclinaisons de couleurs.
S’agissant du modèle Dinky Toys, une seule variante de jantes est répertoriée. La benne réalisée en plastique a pu décontenancer. Certes, en zamac elle aurait eu plus de cachet mais c’est l’époque qui voulait cela, ainsi que la nécessité de réduire les coûts de production. Pourtant, j’avoue que j’aime bien ce camion.
Mon interlocuteur m’a également expliqué comment Liverpool cherchait encore à récupérer des modèles français au milieu des années soixante. Le bureau d’étude parisien freinait les ardeurs de Liverpool et mettait une certaine mauvaise volonté à s’exécuter. Notre homme n’hésita à me confier que ses collègues anglais ne lui semblaient pas être au même niveau. Il est vrai que la gamme de Liverpool, surtout après 1960, est assez chaotique. Effectivement, les graveurs semblent moins performants que leurs homologues français.
Terminons en soulignant que mon interlocuteur avait une grande admiration pour Solido. Lui sont revenus les mots que le graveur, amateur de voitures de sport, lançait fréquemment : « Arrêtez avec vos berlines familiales, place aux coupés sportifs ! » Meccano France aurait sans doute été avisé de corriger le tir dès le début des années soixante soixante. (voir l’article sur le Berliet GBO saharien)