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C’était au temps où…

C’était au temps où…

En cette matinée du 20 juillet 1980, il faisait déjà très chaud. Il est vrai qu’il n’y a rien d’étonnant à ce qu’il fasse chaud à Marseille, en plein été.

Notre visite dans la ville de la Bonne Mère commençait toujours par un repas dans une brasserie du Cours Julien dont j’ai oublié le nom mais pas la saveur du gratin dauphinois. Cette brasserie était située à deux pas de la boutique XVM de Xavier de Vaublanc. Sa toute première boutique, située dans un petit passage, dans un quartier de brocanteurs.

Marseille
Marseille

Nous avions déjà entamé la collection depuis quelques années, et dès 1978 nous n’hésitions plus à faire des « crochets » de 300 km pour visiter une boutique. D’ailleurs, à Marseille, il y avait un autre lieu incontournable, la boutique « La Provence » de Robert Patin. Cela méritera un autre blog.

Je me souviens très bien de cette visite chez XVM. Il nous avait gardé quelques Tekno, dont un splendide Scania 76 tracteur semi-remorque citerne « Gulf » qui avait justifié à lui seul ce déplacement. Pourtant c’est bien d’un autre modèle que je vais vous parler ce jour. Un modèle bien insignifiant, à l’époque, une Alfa Romeo 2600 de chez Dalia Solido, de couleur mauve.

Outre la couleur, c’est l’emplacement où était relégué le modèle dans la boutique qui m’avait marqué : dans une cagette, à même le sol, juste après la porte d’entrée. Une petite pancarte indiquait le prix unitaire des modèles de la cagette : 100 Fr (15 euros). La miniature nous fut cédée pour 80 Fr (12 euros).

Il est intéressant de s’arrêter de temps en temps et d’analyser le marché. Xavier de Vaublanc était parfaitement au courant des prix. Simplement, en 1980, on pouvait encore trouver le modèle dans les commerces spécialisés, chez Manou, au Mans, ou à la boutique « Projet » à Paris.

Il figurait d’ailleurs au catalogue de 1976. De plus, en Espagne, il en restait encore dans les boutiques. L’important stock de Michel Claverie qui a été propsé en salle des ventes le prouve.

Il y a eu une forte envolée des prix due à une demande internationale pour ce type de produits. C’est la loi du marché, le jeu de l’offre et de  la demande. Il y a cependant de fausses raretés que seule l’expérience aide à débusquer.

Nous avons mis 40 ans à nous procurer la Ford Thunderbird diplomatique neuve en boîte. Durant ces mêmes 40 ans, nous avons accumulé 18 Alfa Romeo 2600 Dalia Solido. Cela se passe de commentaires.

La première version avec les phares moulés est peu fréquente. Dalia a donc commencé à produire ce modèle assez tôt. Il est identique au modèle français : les phares moulés et le châssis serti indiquent que nous sommes bien en présence du premier moule.

Lorsqu’il incorpore cette Alfa Romeo dans son coffret caravaning, Solido modifie logiquement son système de fixation du châssis. Il sera dès lors vissé.

Dalia héritera de cette variante en même temps que des phares en strass. Sa production, à l’instar de la version caravaning sera longue, d’où de multiples variantes de couleurs et de jantes.

Les dernières productions vendues en boîte vitrine sont peintes dans des couleurs criardes et équipées de jantes à rayons. Les finitions sont simplifiées. Les châssis reçoivent une finition chromée. Cette fameuse « mauve » de Marseille fait partie de cette ultime série.

L’énigme brésilienne

On peut juste se poser une question. On sait que le moule de l’ Alfa Romeo 2600 sera envoyé au Brésil.

Par voie de conséquence Solido remplace donc son Alfa Romeo par l’Aston Martin dans son coffret caravaning.

Dès lors la firme française ne pouvait plus envoyer d’Alfa Romeo en Espagne chez Dalia où elles étaient peintes et assemblées. On ne sait pas si Dalia a arrêté sa production d’Alfa Romeo ou si des stocks avaient été constitués afin de tenir quelque temps, et attendre que le bail de location au Brésil ait cessé.

La version Brésilienne est, elle, sertie. Elle reçoit une gravure spécifique sur le châssis indiquant son pays de production.

Mais la version la moins fréquente est bien celle qui a été produite en Argentine par Buby suite à un accord commercial avec Solido.

Les modèles reçoivent des jantes spécifiques, qui n’appartiennent qu’à Buby et qui ont été créées pour sa Porsche Carrera 6. Ces modèles étaient assemblés et peints sur place à Buenos-Aires. Ce sont de vraies raretés.

Quarante ans après, seuls les anciens collectionneurs peuvent regarder la cote des Dalia Solido avec un petit sourire. A chaque fois qu’est proposée une Alfa Romeo 2600 de chez Dalia Solido je ne peux m’enpêcher de repenser à cet exemplaire qui n’intéressait pas grand monde en 1980.

L’ami portugais.

L’ami portugais.

Absorbé par mon travail, je ne l’avais pas entendu entrer. « Ah ! vous êtes là aujourd’hui » me lança le facteur, et avec un immense soulagement j’ai compris qu’il me livrait le colis que je n’osais plus espérer.

Notre père, Bernard Espinasse 2/09/1939- 29/08/2019
Notre père, Bernard Espinasse 2/09/1939- 29/08/2019

Le collectionneur a un rapport émotionnel avec les objets convoités.

Quelques jours de retard pour un colis prennent vite des proportions inquiétantes. Il faut dire que je tenais beaucoup à ce colis qui contenait bien plus que des modèles, il contenait une histoire ou plutôt des histoires.

Ce colis avait été posté la veille de la disparition de mon père, le 28 août. Il est arrivé le 12 septembre et je n’ai pas eu l’occasion d’annoncer à mon père cette acquisition.

Face à quelqu’un de malade, on attend parfois le moment opportun, le léger mieux, pour parler « d’autre chose ». Ce moment n’est jamais arrivé. Ces miniatures marquent donc un moment charnière de ma vie de collectionneur.

Le colis contenait 14 Solido Buby issues de la série 100. Connaissez-vous ces produits ? J’ai eu le temps depuis 1975 d’en apprécier la rareté..

Dans le livre consacré aux Solido étrangères, celui avec la jaquette de couleur jaune, Bertrand Azéma fournit peu d’informations concrètes sur le sujet.

On peut même dire que ses propos sont assez confus. Ils ne sont d’ailleurs illustrés que par 4 modèles photographiés. C’est un indice qui permet au collectionneur de mesurer la rareté du produit.

Ce sont les productions étrangères de Solido les plus rares, et de très loin. Grâce à ce lot, nous avons pu compléter notre collection.

Ces modèles résultent d’un accord entre Solido et Buby.

Buby est une firme argentine qui dès le milieu des années cinquante a développé sa propre gamme (voir les blogs consacrés à ce sujet). Afin d’étoffer son offre sur le marché local, elle a signé un accord avec Solido qui voyait là un bon moyen de gonfler ses ventes à l’exportation.

Les Argentins ont toujours été amateurs de sport automobile, et Solido avait dans son catalogue de quoi satisfaire largement cette demande. Pour bénéficier d’avantages fiscaux (droits d’importation réduits), l’accord portait sur une importation de carrosseries et châssis bruts.

La peinture et le montage s’effectuaient sur place, à Buenos-Aires. Outre les boîtes et les couleurs, on peut identifier les Solido Buby grâce à leurs jantes, souvent différentes de celles utilisées sur le marché français.

Ainsi, l’Alfa Romeo 2600 est équipée de jantes en zamac concaves peintes, conçues pour recevoir un enjoliveur. Les mêmes jantes sont utilisées sur d’autres modèles de compétition, comme la Porsche, mais sans l’enjoliveur. Je trouve le résultat final très réaliste.

Quelques modèles reçoivent une petite décalcomanie de forme rectangulaire sur fond jaune indiquant la provenance argentine de la fabrication car les châssis d’importation française ont conservé leur marquage « made in France », comme ceux de nombreuses Dalia d’ailleurs. Ceux en zamac reçoivent une finition noire mate très différente de celles des modèles français.

Ce colis me tenait à coeur pour une autre raison, et non des moindres. Il m’était envoyé par un très grand collectionneur portugais, José Andrade, amateur de pièces rares, et qui réorientant sa collection, souhaitait que ces autos viennent enrichir la nôtre.

C’est un choix généreux de sa part. Connaissant notre vif intérêt pour la marque, il a préféré les céder en bloc, sachant qu’elles allaient rejoindre nos vitrines, plutôt que de les voir dispersées aux quatre coins du monde. De par sa longue expérience, il sait combien il est difficile de réunir cette série complète

C’est un des plus beaux moments de la vie d’un collectionneur que de se voir confier de la part d’un ami quelques modèles. Ces miniatures resteront à tout jamais attachées à son souvenir. Merci José de me les avoir confiées.

Un cas unique

Un cas unique

Une question s’impose. Pourquoi la Porsche dénommée « GT » par Solido, celle qui a couru au Mans en 1961, a-t-elle mis autant de temps à être produite ? Pour mémoire, rappelons qu’elle ne fut commercialisée qu’en 1964. Elle semble avoir perturbé la direction de Solido.

L’auto est apparue sous l’appellation officielle RS61 en avril 1961 lors des essais préliminaires des 24 heures du Mans. Elle participa ensuite à la course qui s’est déroulée en juin 1961. Elle n’a rien d’une « GT ». Elle est équipée d’un 4 cylindres. Elle ne participa pas à l’épreuve en 1962 et revint en 1963, rebadgée 718 avec un 8 cylindres. C’est pourtant la même auto.

Il est bon de souligner un détail important. En 1962 un nouveau règlement est entré en vigueur dans le championnat mondial d’endurance. Seules les autos de la catégorie « GT »sont autorisées à marquer des points. Les « sports » (prototypes), qui font les beaux jours du Mans depuis 10 ans peuvent encore concourir en catégories dites « expérimentales ou Prototypes » et se tailler la part du lion au classement général.

Mais devant la montée en puissance des ces « monstres » les instances sportives ont cru bon de les mettre à l’écart en ne comptabilisant que les résultats des « GT ». C’était oublier que certaines épreuves comme les 12 heures de Sebring ou les 24 heures du Mans avaient besoin de ce type d’autos pour faire rêver le public et le satisfaire.

Du coup Solido voit dans ce nouveau format du championnat du monde une opportunité de diversifier son catalogue et de montrer son savoir-faire dans la réalisation d’autos de course fermées. Solido avait déjà sorti des autos de cette catégorie, comme l’Aston Martin DB4, et l’Abarth 1000, avec portes ouvrantes. La firme d’Oulins a dû voir dans ce coupé Porsche, qui n’a rien d’une GT malgré l’indication sous le châssis, une manière, un peu dérobée de coller à l’actualité sportive.(voir l’article consacré  à la version Solido)

Drôle de destin que cette auto chez Solido. Elle aura du mal à paraître et restera au catalogue jusqu’en 1971 ! Autre fait exceptionnel et unique chez Solido, elle connaitra toutes les fabrications étrangères (Dalia, Buby et Brosol) et aussi la série économique Dynam. C’est la seule miniature  de la série 100 qui peut se targuer d’un tel pedigrée.

On peut voir dans cette carrière au long cours un aveu d’échec. On sait que M. De Vazeilles programmait un amortissement très précis pour ses modèles. Le fait qu’elle soit restée aussi longtemps au catalogue, qu’elle ait fait partie de la série économique Dynam et qu’enfin les trois principales fabrications étrangères l’aient inscrite à leur catalogue tend à prouver que Solido a mieux géré l’utilisation du moule que la commercialisation du produit par ses soins.

L’étude de cette miniature m’a permis de mieux comprendre le fonctionnement de Solido.

Il apparaît clairement que le moule de cette miniature n’a pu autant voyager. Comment expliquer que l’on ait trouvé cette auto en même temps dans les catalogues Solido, Dalia et Buby ? En parlant avec des gens de chez Solido au moment des premières Verem, au milieu des années quatre-vingt, j’ai compris qu’un moule n’est pas comme un appareil électroménager ou une automobile. Il ne redémarre pas d’une simple pression ou d’un tour de clef !

Un arrêt prolongé nécessite un travail minutieux pour le remettre en route, le réajuster. C’est coûteux en temps et en argent. Je parle bien sûr pour des moules conçus dans les années soixante car les pressions d’injection et même les outils servant à injecter ont évolué avec le temps. Il apparaît alors comme une évidence que les Dalia et les Buby ont été injectées en France. Elles partaient ensuite en pièces détachées pour être peintes, assemblées et distribuées en Espagne ou en Argentine.

Ce mode d’importation était beaucoup moins taxé que ne l’aurait été un produit fini. En effet, la main d’œuvre du pays où était effectué l’assemblage final profitait de ce mode opératoire.

La version Dalia possède un châssis gravé « Dalia Solido ». Elle connaitra une très longue carrière, interrompue par la version Dynam et la modification du moule au niveau des passages de roues arrière. Je n’ai jamais vu une version Dalia avec les ailes découpées.

La version Buby est des plus intéressantes. J’ai pu récupérer une lettre de chez Solido où l’on quantifie le nombre de pièces envoyées à Buenos Aires.

Buby l’a équipée de belles jantes, simples, en zamac, très reconnaissables et assez crédibles pour ce type d’auto. La boîte est bien sûr identifiable facilement. Les monogrammes Solido apparaissent sur les flancs.

J’ai pu récupérer auprès de Bertrand Azéma le prototype de la boîte, peint à la gouache.

Pour les modèles brésiliens, c’est une autre méthode. Et là aussi, la Porsche «GT» est un parfait exemple pour mieux appréhender l’histoire de Solido.

Les Brosol sont des fabrications tardives de 1968. Le choix des modèles inscrits par Brosol à son catalogue est révélateur On y trouve des Maserati 250F, des Ferrari Testa Rosa et des Porsche 550 du début de la série 100 ! Ce sont des autos qui n’étaient plus produites en France. Cela ne posait donc pas de problèmes à Solido de louer ses moules pour une durée déterminée. Ils reviendront en France ensuite.

Notre Porsche «GT» était, elle, encore fabriquée dans la gamme économique Dynam en France. Un document des plus interessants montre bien que Solido a souhaité la remplacer dans la gamme Dynam par une autre Porsche, et cela tout en gardant la référence 15. C’est la Porsche Formule 2 qui devait remplir ce rôle.  La série sera arrêtée prématurément et la Porsche F2 ne sera jamais produite dans la série Dynam. Le moule de la « GT » sera envoyé au Brésil, avec l’importante modification réalisée lors de son passage dans la série Dynam (élargissement conséquent des passages de roue arrières).

Une fois la fabrication Brosol interrompue, nul doute, le moule, est revenu en France. Il avait mérité un repos légitime.

Curieux destin tout de même que cette miniature représentant une Porsche qui n’a pas vraiment brillé. Celle qui viendra ensuite, la Porsche 904, connaitra une carrière bien plus glorieuse, avec aussi une victoire à la Targa Florio. Avec cette auto, on peut dater, à mes yeux la vraie montée en puissance de Porsche. Suivront  la fameuse 906 (Carrera 6) puis les  907, 908, et 917. Solido aurait sûrement préféré sortir la 904 à la place de la RS 61. C’est Politoys qui s’en chargera et ce de manière très convaincante.