Il ne s’agit pas d’une fable de Jean de la Fontaine, je vous rassure. Certes le fabuliste a mis en scène quantité d’animaux. Si la chauve- souris fait bien partie de son bestiaire, à ma connaissance, le panda ne figure pas dans ses fables.
L’histoire du jour se passe encore en Finlande. Les modèles présentés relèvent d’une découverte très récente. A l’occasion d’une de nos rencontres, rythmées par les bourses d’échange semestrielles de Göteborg, mon ami Suominen, me parla de l’existence de cette petite série aux couleurs du héros de bande dessinée.
Vraisemblablement, c’est l’essoufflement de la série Panda qui a incité Muovo a proposer cette surprenante série Batman. L’entreprise, a peut-être trouvé là un moyen de diversifier et d’amortir à moindres frais son outillage en l’utilisant pour produire les autos du super-héros. Le choix des modèles aux couleurs de Batman laisse pensif.
Je conviens que le choix de la Jaguar Type E pour Batman reste crédible. Cette auto répond bien aux standings que l’on est en droit d’attendre d’un super-héros, mais le choix de la Hilman Super Minx ou de la Toyota Crown me laisse plus que perplexe !
Panda Muovo t Jaguar Type E « Batman » !
Panda Muovo Jaguar Type E
Panda Muovo Toyota Crown et Jaguar Type E
Panda Muovo Toyota Crown et Jaguar Type E
Panda Muovo Toyota Crown « Batman »
Panda Muovo Toyota Crown « Batman »
Je doute que le pingouin, ennemi juré de Batman, ait pu trembler en voyant arriver Batman en Hillman Super Minx ou en Toyota Crown ! Je ne parle même pas du succès auprès de la classe féminine. Catwoman pouvait elle se pâmer en voyant arriver Batman au volant d’une auto familiale ? Rêvait-elle vraiment son Batman en bon père de famille ?
Mon ami Suominen m’a dit qu’il ne connaissait que ces trois autos, chacune dotée d’un étui individuel particulier, mais qu’il avait l’intuition qu’il existait d’autres modèles. La couleur grise et le décalque sur le pavillon constituent le point commun de ces modèles. Trouver une Hillman Super Minx n’est pas chose aisée, mais ces modèles sont particulièrement difficiles à se procurer.
En tant qu’amateur de sport automobile, lorsque je contemple une miniature représentant un bolide, j’essaie toujours d’avoir des informations sur l’histoire du modèle reproduit. Avant d’écrire ces quelques lignes, la Jaguar type « D » sortie de chez Solido en 1957, ne n’avait jamais posé de problème d’identification.
Solido pré série Jaguar Type D ex collection Bertrand Azéma
Solido pré série Jaguar Type D ex collection Bertrand Azéma
Solido pré série Jaguar Type D ex collection Bertrand Azéma
En inscrivant sur le châssis la mention « Le Mans », Solido nous livre un indice. La dérive, prévue dans un premier temps pour le circuit du Mans sera tout de suite utilisée sur les autres circuits. Au départ, la voiture n’en possédait pas. La plus célèbre des Jaguar type « D » dépourvue de dérive est celle de l’écurie française « Los Amigos » qui se classera troisième lors de l’édition de 1956. Cette dernière était bien sûr de couleur bleue, comme il se doit pour une auto engagée sous la bannière française.
Solido Jaguar Type D « USA » avec numéro 7 sur le capot
Solido Jaguar Type D « USA » avec numéro 7 sur le capot
Le capot court du modèle Solido fait penser à une version de 1954 ou de 1955. Il ne peut s’agir un modèle plus tardif car le nouveau règlement entré en vigueur en 1956 impose un pare brise de taille supérieure en largeur et en hauteur. Cela conduira toutes les autos participant au championnat à adopter un pare brise panoramique.
Si la silhouette est agréable et le profil correct, la face avant est peu fidèle. Ainsi, l’ouverture qui y est pratiquée fait plus penser à un squale qu’à une Jaguar !
Si vous êtes amateur de la gamme Solido, je vous invite à observer les modèles de la gamme Junior des années 50. Vous trouverez de nombreuses similitudes au niveau du traitement des ouvertures sur les faces avant des autos.
La Jaguar a dû être conçue par la même personne. Il semble qu’ensuite, dès l’Alfa Romeo Giulietta spider, Solido ait engagé une personne plus talentueuse et sachant bien retranscrire les formes et les détails.
Après de nombreuse recherches je n’ai pas trouvé trace d’une Jaguar type « D » équipée des deux projecteurs supplémentaires dont Solido l’a affublée. En 1954, l’auto est équipée d’un projecteur en plus de ses phares. Sa taille est inférieure à celle des phares et il est installé de manière asymétrique sur le côté gauche. Le côté droit était réservé à la plaque d’immatriculation installée sous le phare. Ce montage ne sera pas conservé au Mans en 1955. La Jaguar « D » remportera la course inaugurale du championnat du monde 1955 ainsi que les douze heures de Sebring. Durant l’intersaison, l’usine Jaguar cède un des modèles de 1954, équipé des deux phares et du projecteur, à Briggs Cunningham qui a ouvert une importation Jaguar dans la région de New York. En continuant mes recherches sur le territoire américain, j’ai trouvé la trace de nombreuses types « D » qui ont fini leur carrière sportive outre-Atlantique, souvent parées de couleurs extravagantes et de bandes de couleur et de numéros de course enluminés. Sur certains clichés apparaît nettement la trace de deux ouies sous les phares principaux ; il s’agit sans aucun doute de perforations destinées à refroidir les disques de frein.
Solido Jaguar Type D variantes de couleur rouge
Solido Jaguar Type D : variantes
Solido Jaguar Type D variantes de couleur rouge
JSolido Jaguar Type D : variantes de jantes
La Jaguar Type D était équipé de pneus Dunlop !
Il est fort probable que Solido ait choisi pour sa reproduction la version 1954. Son capot très court semble bien être celui reproduit. Néanmoins, la direction de Solido a pris une liberté, préférant offrir un avant équilibré plutôt qu’un avant asymétrique. De plus, on peut aussi imaginer qu’entre la conception et la commercialisation du modèle réduit, la voiture remporta l’édition de 1955, avec un capot plus classique. Il y a fort à parier qu’un prototype existe avec trois phares. Enfin, il est amusant de constater que si le modèle a bien deux projecteurs supplémentaires, il lui manque les feux arrières !
Solido Jaguar Type D variantes de pilotes
Pendant sa longue carrière, la carrosserie ne subira pas de modification. Ce ne sera pas le cas des accessoires : volant à deux branches puis à trois, pilote sans bras ni jambes puis avec, jantes en acier chromé puis en zamac moulé. Le châssis, d’abord de couleur argent, puis gris, passera au noir à partir du moment où les jantes seront moulées en zamac. Les premiers modèles seront équipés d’une cocarde anglaise, issue de la série des avions. Ces premiers modèles sont en général équipés de pneus blancs sculptés. Le moule sera utilisé en Espagne chez Dalia. Cette auto fera également partie des accords commerciaux entre Solido et Tekno. Chez Tekno, elle recevra, comme nous avons déjà vu sur la Porsche 550, les mêmes finitions de couleur et de châssis (fiches 62 et 63). La version de couleur argent emporte mon adhésion. Signalons enfin que le moule ne semble être allé ni au Brésil ni en Argentine
Dans un entretien qu’il avait accordé à un journaliste, Monsieur de Vazeilles qui dirigeait l’entreprise Solido expliquait qu’il avait eu de la chance de prendre comme premier modèle la Jaguar type D.
Les exploits manceaux de la voiture contribuèrent au bon démarrage de sa nouvelle gamme, la série 100. Le choix fut judicieux. Le modèle restera au catalogue jusqu’en 1971 et dépassera le million d’exemplaires produits. Seule la Bugatti Royale dans la série « Age d’or » fera aussi bien.
Jean de Vazeilles dira qu’en reprenant l’usine que lui avait laissée son père fin 1953, il avait compris que l’avenir était aux modèles réduits à l’échelle du 1/43, échelle imposée par Meccano et ses trains Hornby. Solido avait à son catalogue les gammes Junior de taille supérieure au 1/43, et les gammes Baby ou Mosquito, elles, de taille inférieure. Arrivant sur ce marché après les autres fabricants, il réalisa qu’il lui fallait se démarquer. Il lui a semblé qu’il y avait un créneau libre au niveau de l’auto de course et de sport. Son esprit d’entreprise l’a conduit à essayer de faire mieux que la concurrence.
Dalia Jaguar Type D
Dalia Jaguar Type D
Dalia Jaguar Type D
Grâce à un homme, M. Brière, et à son intelligence pratique, la gamme Solido va bénéficier d’innovations techniques. Cet homme qui est entré sans diplôme chez Solido à 14 ans va en faire une entreprise à la pointe de son secteur. Solido employait beaucoup de main- d’œuvre locale. M. Brière habitait près de l’usine à Ivry-la-Bataille. Il sera à l’origine de l’invention d’une suspension constituée de deux ressorts à boudin, pour miniatures automobiles. Le système sera breveté le 16 février 1957.
La première miniature à recevoir une suspension, assurant à cette dernière un roulage de qualité sera donc la Jaguar type D portant la référence 100. Les collectionneurs qui ont connu cette révolution alors qu’ils étaient encore enfants s’en souviennent encore ! Dans la cour d’école, il fallait avoir « la » Jaguar type D.
Dalia et Solido Tekno Jaguar Type D
Solido Tekno Jaguar Type D
Dalia Jaguar Type D
Dinky Toys et Nicky Toys Jaguar Type D
Solido Tekno Jaguar Type D
Dalia Jaguar Type D
De plus cette innovation était de qualité et fiable. Je ne me souviens pas avoir vu une suspension de Jaguar Type D affaissée ! Plus tard, Monsieur Brière sera à l’origine des premières portes ouvrantes (Lancia Flaminia). Précédemment, il avait réalisé la première partie mobile sur une miniature, le cockpit de l’Abarth de record.
Lorsque vous contemplerez dans vos vitrines ces merveilleux modèles, vous vous direz que vous êtes en présence de modèles pourvus d’innovations techniques qui ont ensuite été reprises par les autres fabricants. Vous les regarderez certainement avec davantage de considération !