Archives par mot-clé : Briare

Que sommes nous ?

Que sommes-nous ?

Ils sont jeunes, ils sont beaux. Ils ont la vie devant eux. Nous sommes en 1950. Le ciel s’est éclairci, la guerre est derrière eux.

Ces deux jeunes agriculteurs si fiers qui illustrent la publicité de 1950 du tracteur Renault, semblent sortis d’une agence de mannequins plutôt que de la ferme voisine.

La Régie Renault utilisera cette image d’Epinal pour communiquer sur l’avenir qui se confond désormais avec la mécanisation des travaux agricoles.

La France est en retard dans ce domaine. Les premiers tracteurs sont apparus après la première guerre mondiale. Il fallait suppléer le manque de main d’oeuvre.

En 1950, la France se remet du second conflit, l’exode rural a continué et le manque de bras se fait sentir. Cependant, avec ses petites exploitations, le paysage agricole français ne se prête pas vraiment à la mécanisation.

Il faudra un autre facteur, l’apparition de la notion de rendement à l’hectare pour accélérer la mécanisation.

Ce tracteur Renault E3040 représente l’avenir. En 1950 Renault est le premier constructeur hexagonal de tracteurs avec 58% de parts de marché.

Le contrat d’exclusivité liant Renault, puis la Régie Renault après guerre, à C-I-J, pour la reproduction de jouets estampillés Renault va logiquement conduire la firme de Briare à s’intéresser au matériel agricole. C-I-J reproduira le E3040 à deux échelles différentes, prouvant l’importance stratégique de ce véhicule aux yeux de la Régie. C’est celui au 1/32 qui va retenir mon attention. L’autre modèle est au 1/20 et doté d’un mécanisme à remontage à clef.

Dans une logique entrevue dans le précédent blog , (lire le blog « D’où venons nous ») c’est l’échelle des figurines agricoles la plus utilisée chez les fabricants de jouets, le 1/32 qui a imposé celle des tracteurs miniatures.

La miniature est superbe. Elle est un concentré des points forts de la firme de Briare. La physionomie du tracteur est parfaitement rendue.

Tout d’abord un zamac de qualité finement injecté. La reproduction de la calandre est un petit chef-d’oeuvre. Non seulement les ouïes sont découpées de manière parfaite, mais C-I-J a réussi le tour de force de graver le fin grillage qui protège le compartiment moteur.

La gravure est exceptionnelle. Il fallait posséder des graveurs hors pair pour arriver à ce résultat et maîtriser parfaitement l’injection du zamac pour ne pas encrasser cette grille au fil de la production. Prenez le temps d’admirer le travail.

Le second élément entrant dans la composition du jouet est la tôle. C-I-J possède une très longue expérience de son utilisation. Pour ce tracteur, le choix a été pris de réaliser les garde-boue en tôle afin de rendre leur reproduction plus réaliste. Le galbe est parfait, et les détails en relief, comme sur le vrai tracteur.

On admirera le travail de pressage pour les faire ressortir. La pièce est d’une grande finesse tout en étant très robuste. Les ailes sont astucieusement insérées entre la carrosserie et le châssis du tracteur. Je ne crois pas avoir déjà vu un tracteur E3040 dépourvus de ses ailes arrières. Le système de fixation est bien conçu et efficace.

Le troisième composant entrant en liste dans la réalisation de ce jouet, c’est le plastique. Il est utilisé pour la réalisation du personnage assis au volant. Ce dernier reçoit une finition manuelle.

Comme sur la publicité Renault de 1950, sa physionomie est celle d’une jeune personne, mais plus râblée ! C’est donc bien un paysan français, qui est à la manoeuvre du jouet contrairement à l’illustrateur de la publicité qui avait dû, lui, s’inspirer des GI américains qui étaient encore bien présents dans la France d’après-guerre.

La firme de Briare commercialisera le modèle en étui individuel ou en boîte coffret, attelé à une remorque de type tombereau encore fortement inspirée de celle utilisée en traction animale. Cette dernière est aussi réalisée en tôle, et possède les mêmes qualités de fabrication que les gardes-boue décrits plus haut.

L’arrivée du successeur du E3040, coïncidera avec la perte du contrat d’exclusivité liant la Régie Renault à la C-I-J en 1956. Cela n’empêchera pas la firme de Briare de coller à l’actualité et de proposer une reproduction du E30.

L’échelle de reproduction, le 1/32, est logiquement conservée. Le bureau d’étude a-t-il envisagé une seule seconde de le reproduire à l’échelle de sa gamme poids lourds (1/50) ou automobile (1/43) ?

On peut en douter, tant cela semblait une évidence de coller à l’échelle des figurines agricoles.

Est-il venu à l’esprit des dirigeants de la C-I-J que des enfants auraient apprécié de faire rouler leurs tracteurs Renault avec leurs petites autos? Il semble évident que la réponse est non. Pour la direction, ces tracteurs miniatures appartenaient à un autre univers, celui de la campagne et il n’y avait aucune raison d’harmoniser avec les voitures et les petits utilitaires.

La reproduction est digne du modèle précédent. Les lignes sont bien rendues. L’utilisation de la tôle a été abandonnée pour les gardes-boue arrière qui sont désormais injectés en zamac comme le reste du tracteur.

Avec la volonté de les rigidifier on les a rendus un peu épais et ils manquent de finesse. C-I-J modifiera trois fois la face avant afin de coller à l’actualité du vrai tracteur. Les roues équipant le tracteur connaitront de nombreuses variantes : en zamac, en acier perforé puis en plastique.

La position du volant et du siège a obligé la C-I-J à créer un autre personnage : il a pris quelques années et quelques kilos.

On peut imaginer qu’une précoce calvitie a nécessité de l’affubler d’une casquette ! signe du temps qui passe.

(a suivre )

 

C-I-J Renault 5T engrais Dior

C-I-J Renault 5T engrais Dior

Dior j’adore !

Dior j'adore ! comment faire autrement !
Dior j’adore ! comment faire autrement !

A Noël, à Pâques, lors des réunions familiales, le collectionneur de miniatures automobiles est souvent sollicité par les siens pour organiser une visite commentée de son univers. Il faut dire qu’il est plus joyeux qu’une collection de tire-bouchons, plus accessible qu’une collection de missels et plus varié qu’une collection de clef à molette.

Pour peu que la belle-sœur ait lu dans le Figaro un article expliquant que ces petits bijoux pouvaient atteindre des sommes rondelettes, vous ne pourrez échapper à la visite.

CIJ Renault 5T engrais Dior
CIJ Renault 5T engrais Dior

Une réflexion revient souvent lors de ces visites. Les profanes sont émerveillés devant les phares en strass des miniatures. Ces phares sont apparus au milieu des années soixante. Comme le dit le proverbe, tout ce qui brille n’est pas or. Tout ce qui brille n’est pas non plus toujours de bon goût.

Ce n’est sûrement pas un hasard si la nouvelle marque « Minialuxe » (made in China) a équipé certains de ses modèles, en édition limitée s’il vous plaît, de phares produits par le verrier Swaroski. Effet garanti, la belle-sœur n’en revient pas, vous sortez de la catégorie « adolescent attardé » pour entrer dans le cercle des gens de bon goût.

 

J’ai pourtant trouvé mieux pour épater la famille. Le camion Dior ! Et, désormais, je peux reprendre à mon compte le slogan utilisé par la firme de luxe lors du lancement de l’un de ses parfums : « Dior, j’adore ! »
Tout cela mérite quelques explications. En effet, on s’attendrait à voir le nom Dior apposé sur une auto luxueuse, haut de gamme, et non sur un vulgaire petit camion Renault 5T. Il nous faut remonter le temps.

Christian Dior, grand couturier français (1905-1957) est un des descendants de Louis Jean Dior qui avait créé une société d’engrais chimiques « L. Dior ». Un des produits les plus fameux de cette firme est la lessive Saint-Marc.

Firme importante, spécialisée dans les engrais chimiques avant la seconde guerre, cette entreprise se rapprochera de la C-I-J afin de faire réaliser des objets publicitaires à son effigie, notamment un camion Renault 5T en tôle, reproduit à l’échelle 1/20 environ, équipé d’un chargement de sacs d’engrais et d’accessoires dont un quai de déchargement. On comprend que ce luxueux ensemble ne fut produit qu’en peu d’exemplaires.

Parallèlement, Dior demanda à la C-I-J de réaliser une version à ses couleurs sur la base de son modèle en plastiline réduit à l’échelle du 1/50 environ. Le tour de passe-passe fut des plus ingénieux. La firme de Briare avait à son catalogue une version charbonnier. Il suffit à C-I-J de repeindre les sacs de charbon en blanc afin de symboliser les sacs d’engrais et d’apposer au pochoir le nom de Dior sur le pavillon.
Ce petit modèle est finalement aussi rare que celui de grande taille. Il est fragile, très peu d’exemplaires ont survécu.

J’ai profité de l’occasion pour faire figurer un autre modèle lié aux engrais, toujours produit par la firme de Briare mais après guerre. Ce fut également un promotionnel. Il est aux couleurs des Potasses d’Alsace, concurrent des engrais Dior. Sa période de fabrication fut assez longue.

On distingue deux versions, ce qui confirme la production d’une certaine quantité et surtout un étalement dans le temps. Le dernier modèle équipé de jantes de couleur argent est simplifié au niveau des pochoirs. La boîte est plus rare que le modèle !

Les Potasses d’Alsace feront également fabriquer chez Vapé-Bourbon une série de Peugeot D3A à leurs couleurs et avec le nom des produits à promouvoir. (voir l’article sur les Peugeot D3A de chez Vapé-Bourbon)

Citroën 11cv Traction Avant de chez CIJ

« Je veux finir sur un coup de génie ! »

Ainsi s’exprime La Folie dans l’opéra Platée et c’est Jean-Philippe Rameau qui s’exprime lui-même par le truchement de la muse de la musique.
Rameau a dû attendre d’avoir cinquante ans pour accéder à la reconnaissance et avait auparavant beaucoup composé pour les théâtres de foire où se jouaient des parodies d’œuvres connues. Certains ont donc vu dans le personnage de la Folie une raillerie de l’opéra italien.

Finir sur un coup de génie voilà bien la devise qu’aurait pu s’imposer la personne responsable du bureau d’étude chez CIJ ! Il faut rappeler que la fin de CIJ est liée étroitement à celle de JRD.

Mais reprenons l’histoire à son commencement. La reprise de la firme Citroën par la famille Michelin sonnera le glas des Jouets Citroën. Il faut redresser la firme et la nouvelle direction coupe toutes les branches jugées superflues. Bien évidemment, celle des Jouets Citroën en fait partie. La CIJ qui fabriquait les jouets pour Citroën se tourne vers Renault tandis qu’un de ses cadres, M. Rabier fonde la JRD qui continuera à reproduire les modèles de la firme aux chevrons. Les deux entités poursuivent ainsi leur chemin, chacune de leur côté avec un certain succès.
En 1963, la firme JEX, qui avait absorbé JRD est à son tour absorbée par Johnson. La multinationale américaine ne semble intéressée que par les produits ménagers et se sépare des sociétés sans rapport avec cette activité. JRD, qui ne fonctionnait pas trop mal va être ainsi liquidée. La CIJ est approchée pour le rachat de JRD mais les finances ne devaient pas être florissantes à Briare.

On avance souvent que la CIJ a racheté les moules de JRD, ce dont je doute. En effet, il est avéré que dans les années 80, un certain M. Jungblut a racheté les moules JRD. Or, il ne les a pas acquis auprès de la CIJ qui existait encore.

M. Jungblut aura le temps de produire des Citroën (DS, DS cabriolet, 11cv traction avant, 2cv, 2cv camionnette et 1200Kgs). Il semble qu’il possédait aussi les moules des camions.
Ce qui est troublant c’est qu’après la fermeture de l’usine JRD, la CIJ a produit quelques-uns de ces modèles : Citroën 2cv camionnette postes, Citroën 1200kgs et Citroën Traction avant. Comment cela peut-il s’expliquer alors que j’avance que la CIJ n’avait pas les outils de production? Je pense qu’en fait CIJ a racheté le fond de l’atelier de production JRD, coques, châssis, décalcomanies et autres accessoires, tandis que les moules étaient vendus à une autre entité qui les exhumera dans les années 80. Ainsi s’expliquent les toutes petites séries de ces fameuses JRD fabriquées par CIJ. Cela nous éclaire aussi sur les très nombreuses variantes de ces objets pourtant produits en petite quantité. Prenons l’exemple du Berliet TLR Kronenbourg. Au début de sa production CIJ il est équipé des roulettes en zamac d’origine JRD. Les pièces venant à manquer il reçoit ensuite des jantes équipées des pneus de la 4CV police, ces dernières faisant office de roulettes. Suivant la même logique, en manque de tracteurs Berliet d’origine JRD, CIJ adaptera le Saviem maison. Puis, faute de décalcomanie, la fabrication cessera et le modèle finira sa carrière en version « Transcontinental ».

On observe le même phénomène avec notre modèle du jour, la Citroën 11cv traction avant. Au départ, le modèle produit par CIJ est encore équipé de jantes en zamac.

Puis on verra apparaître des modèles hybrides équipés de jantes JRD sur un essieu et de jantes en acier d’origine CIJ sur l’autre. Enfin, lorsque le stock de pièces détachées sera épuisé elles ne recevront plus que des jantes acier CIJ.

La Citroën Traction 11cv de CIJ est intéressante à plus d’un titre. A l’époque de sa sortie, vers 1966, la Traction Citroën est une auto qui fait se retourner les gens dans la rue, par nostalgie sans doute. Mais elle n’est pas assez ancienne pour être considérée comme une ancêtre. Ce qualificatif est réservé aux modèles du début du siècle.
En parallèle les fabricants de miniatures ont bien compris que le créneau des ancêtres dans lequel ils se sont plongés au début des années soixante commence à se tarir. CIJ comprend que la demande porte désormais sur les autos de l’immédiat avant-guerre. L’idée germe et prend forme à peu de frais : le coût d’un papier collant sur la boîte! Elle va être la première à remettre au goût du jour et à rééditer une miniature qui est sortie depuis bien longtemps du catalogue. Cette étiquette que fait imprimer CIJ est révélatrice de la volonté de faire revivre cet objet comme une reproduction. On parlerait aujourd’hui d’un « collector ». CIJ indiquera la date de sortie de la vraie voiture accolée à celle de la réédition du jouet « 1934-1966 ».
Hélas, il ne semble pas que l’idée ait été un coup de génie. Il était trop tôt. Mais peu de temps après l’idée, de reproduire ce type d’auto sera reprise par Norev et sa belle série « Moyen Age » : Simca 5 et 1200, Renault Juvaquatre et bien sûr Citroën Traction avant. Preuve que l’idée n’était pas mauvaise. Solido attendra encore un peu, au milieu de années soixante-dix pour proposer une Traction dans sa gamme Âge d’or.

CIJ était fort mal en point et ce coup de génie fera long feu. La Citroën sera proposée dans une autre couleur, beaucoup plus rare, gris clair.

CIJ jettera ses toutes dernières forces dans la bataille en l’équipant d’un boîtage moderne : un socle en plastique de couleur verte et une bulle transparente. Vu la rareté de cette dernière on peut penser que le nombre de pièces produit ainsi fut des plus limité.

L’histoire est assez singulière. CIJ et JRD sont nées de la scission des jouets Citroën comme nous avons vu plus haut. C’est la Citroën Traction qui a sonné le glas des jouets Citroën et c’est aussi cette auto, cette fois réduite au 1/43, créée par JRD puis cédée à CIJ qui verra Briare fermer ses portes.