Dynamique, le comte Giansanti va aller plus loin. Cet homme habile et charmeur avait su communiquer son enthousiasme pour les produits Mercury à M. Franz Carl Weber, pourtant plus habitué aux couleurs sobres des Märklin !
Fort de son succès commercial, M. Franz Carl Weber n’hésitait pas à promouvoir son image en faisant réaliser des miniatures aux couleurs de ses magasins. Le marché suisse étant porteur, d’une manière générale, les fabricants de jouets n’hésitaient pas, sur la base des modèles existant dans leur gamme à décliner des versions réservées à ce marché. Mais de là à créer entièrement un modèle pour ce même marché, il y a là un pas que Le comte Giansanti va franchir avec Mercury.
Tout amateur de poids lourds a entendu parler de la firme Saurer. Cette firme prestigieuse finira absorbée par Mercedes dans les années 80. Elle a été un sujet de fierté pour les Suisses.
Saurer « Natural Le Coultre » Genève
Saurer fourgons
Camions de déménagement Saurer
Deux versions: décorations avec décalques ou au tampon
Saurer « Welti Fürrer » Zürich
portes ouvrantes
En raison de sa qualité d’importateur de Mercury, le Comte Giansanti va participer financièrement à la création du moule de ce camion. En contrepartie de son investissement il aura l’exclusivité de la diffusion de la version la plus spectaculaire, le fourgon de déménagement. Mercury aura le droit de vendre la version plateau et la version benne basculante.
Le modèle reproduit est un Saurer C5 à cabine avancée de 1950. Le comte Giansanti fera réaliser quatre décorations de transporteurs qui existaient réellement.
La première version est aux couleurs de Kehrli&Oeler de Berne, la capitale administrative. Ce sera la seule version qui connaîtra une variante. La décoration d’abord réalisée en décalcomanie, assez fragile est ensuite remplacée par un lettrage blanc au tampon à chaud ombré de couleur en question. Le pavillon passera de la couleur argent à gris clair au fil de la production.
La deuxième version sera Natural Le Coultre de Genève. Welti-Furrer de Zürich constituera la troisième version.
La dernière sera Gondrand, dont le siège était à Turin. Il fallait bien honorer, avec une firme de taille conséquente, la partie italienne de la Suisse.
L’histoire tient souvent à peu de choses. Nous allons voir aujourd’hui comment sans la volonté d’un homme, le comte Giansanti de Lausanne, l’histoire de Mercury n’aurait jamais pris cette dimension.
Remontons le temps jusqu’à la création de la Mercury. Nous sommes après la guerre. La Societa Esercizio, fonderie de Ms Attilio Clemente et Antonio Cravero produit des pièces détachées d’automobile pour les firmes Solex, Lancia et Fiat. Elle souhaite diversifier sa production. En effet, à la fin de la guerre, de nombreux contrats qu’avait cette usine d’injection de pièces en zamac ont été dénoncés. La diversification est la condition de la survie de l’entreprise. Deux voies sont choisies par les associés : les accessoires de cuisine et les jouets : c’est ainsi qu’est créée la Mercury. La dénomination est habile. Tout en gardant une sonorité italienne, elle nomme en anglais le dieu Mercure qui veille notamment sur le commerce. A partir de 1950, Mercury abandonne la branche des accessoires de cuisine pour se consacrer pleinement aux jouets.
C’est à ce moment que l’histoire bascule. En 1949, le comte Giansanti de Lausanne se rapproche de la Mercury. Il pressent pour la gamme naissante un avenir en Suisse. Il devient donc l’importateur.
Cet homme très actif propose sa marchandise à la fameuse chaîne de magasins suisses « Franz Carl Weber ». Comme il l’expliquera plus tard, il savait que la partie ne serait pas facile. Il fallut sans doute tout le charme du comte pour dérider l’austère M. Franz Carl Weber lors de leur rencontre à Zürich. Le comte dut être convaincant, car à sa grande surprise, le dirigeant passa une importante commande. Un peu pris de court, le comte Giansanti s’engagea personnellement et de manière un peu inconsidérée à ce que les magasins Weber soient livrés rapidement. Or il n’avait pas consulté l’usine. Quand il revint à Turin le précieux contrat en poche, ce fut la douche froide. Mercury avait ralenti sa production de jouets, accaparée par la production de pièces automobiles. Tout aussi regrettable, Mercury venait de livrer une importante quantité de jouets dans la région de Cunéo et n’avait plus de stock. Qu’a cela ne tienne, soucieux d’honorer sa parole, le comte Giansanti reprit le volant de sa voiture et s’en alla racheter la livraison. L’usine turinoise réussit tant bien que mal à fournir la partie complémentaire !
Cet incident amena les dirigeants de la fonderie à prendre conscience du potentiel de leurs automobiles miniatures. A partir de ce moment, on considéra l’activité comme sérieuse et susceptible de générer des bénéfices.
Mercury : deux variantes de combinaison de couleur
Mercury : VW PTT avec grand décalque
Mercury : trois versions de VW PTT
les mythiques taxis de Berne
Mercury : extrait de catalogue
Mercury pour le marché suisse
Il faut dire que la direction avait caché à ses clients de l’industrie automobile cette activité de fabrication de jouets de peur qu’elle ne donne une image négative de l’entreprise.
Pour illustrer ces propos, voici deux séries de Mercury qui ont été réalisées pour le marché suisse et distribuées en majeure partie chez Franz Carl Weber. Nous sommes au milieu des années soixante.
Pour beaucoup de collectionneurs de Mercury, la Fiat 1100 dite « taxi de Berne » est le modèle le plus désirable. Elle a été produite en très petite quantité. La fabrication est quasiment artisanale. La production a dû être livrée en plusieurs fois, ce qui, au vu du texte précédent n’a rien d’extraordinaire ! En effet, deux calandres différentes ont été utilisées. Bien que Mercury n’ait jamais dénommé ce modèle « taxi de Berne », j’ai pu valider l’exactitude de la décoration à partir de photos prises à Berne et reproduites dans un ouvrage suisse relatif au code de la route.
L’autre modèle est un grand classique du jouet. Tout fabricant ayant à son catalogue une Volkswagen 1200 a réalisé une version des postes suisses. Mercury n’échappe pas à la règle. Deux décalcomanies différentes existent, circonstance qui confirme que la production a été étalée sur plusieurs années. Pour les amateurs, signalons qu’il existe une nuance de jaune.
Nous verrons, que le comte Giansanti va aller encore plus loin dans sa relation avec Mercury. Je conseille vivement la lecture de l’excellent ouvrage « Mercury » de chez Edizioni Libreria Cortina Torino.
Auto Jaune Le Blog de Vincent Espinasse collectionneur